Accusations de la Russie - Mise au point

L’agression de la Russie contre l’Ukraine a entraîné l’isolement international de la Russie, y compris la suspension par l’OTAN de toute coopération pratique avec la Russie. Pour détourner l’attention de ses actions, la Russie a porté contre l’OTAN une série d’accusations qui reposent sur une déformation de la réalité et qui ne tiennent aucun compte de l’effort soutenu que l’OTAN a consacré à l’établissement d’un partenariat avec la Russie. La Russie a en outre contesté, sans fondement, la légitimité des autorités ukrainiennes, et elle a employé la force pour s’emparer d’une partie du territoire de l’Ukraine. Le présent document constitue une mise au point après ces accusations.

Relations OTAN-Russie

La Russie affirme que, pendant des années, l’OTAN s’est efforcée de la marginaliser sur la scène internationale.

Depuis le début des années 1990, l’Alliance s’est constamment employée à établir une relation de coopération avec la Russie dans des domaines d’intérêt commun, cherchant à nouer avec elle un partenariat stratégique.

Avant l’effondrement de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie, l’OTAN avait déjà tendu la main, proposant un dialogue plutôt qu’une confrontation, comme indiqué clairement au sommet de l’OTAN tenu à Londres en juillet 1990 (texte de la déclaration ici). Dans les années qui ont suivi, l’Alliance a encouragé le dialogue et la coopération en créant de nouveaux cadres, à savoir le Partenariat pour la Paix (PPP) et le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), ouverts à tous les pays d’Europe, y compris la Russie (documents de base ici et ici).

Soulignant ainsi le rôle unique de la Russie dans la sécurité euro-atlantique, l’OTAN et la Russie ont signé, en 1997, l’Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles, texte portant création du Conseil conjoint permanent OTAN-Russie. En 2002, leurs relations ont été renforcées, avec la création du Conseil OTAN-Russie (COR). (Le texte de l’Acte fondateur se trouve ici et celui de la déclaration de Rome portant création du COR ici.)

Depuis que le COR existe, l’OTAN et la Russie collaborent dans des domaines tels que la lutte antidrogue, la lutte contre le terrorisme, le sauvetage des équipages de sous-marins ou les plans civils d’urgence. Aucun autre partenaire ne s’est vu offrir des relations comparables.

Loin de marginaliser la Russie, l’OTAN l’a traitée comme un partenaire privilégié.

Maintien et élargissement de l’OTAN

Les autorités russes prétendent que l’OTAN aurait dû être dissoute à la fin de la Guerre froide et que l’adhésion à l’Alliance de pays d’Europe centrale et orientale nuit à la sécurité de la Russie.

L’OTAN n’a pas été dissoute après la Guerre froide parce que ses pays membres voulaient conserver le lien qui avait permis de garantir la sécurité et la stabilité de la région transatlantique, ainsi que l’indiquait clairement la déclaration de Londres : « Nous devons rester solidaires, pour que se maintienne cette paix dont nous jouissons depuis quarante ans. » En défendant les valeurs qui l’ont toujours guidée, l’OTAN est devenue plus qu’une puissante alliance militaire, elle est à présent aussi un forum politique de dialogue et de coopération.

La politique de la porte ouverte de l’OTAN a été et sera toujours basée sur le libre choix des démocraties européennes. Lorsque l’Ukraine a décidé de poursuivre une politique de statut « hors-bloc », l’OTAN a pleinement respecté ce choix. La Russie affirme depuis longtemps que l’OTAN essaie de forcer l’Ukraine à rejoindre ses rangs. Une telle affirmation est tout à fait fausse.

L’OTAN a respecté les termes de l’article 10 du Traité de l’Atlantique Nord (disponible ici), qui dispose que les Alliés « peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre État européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord ».

À six reprises, entre 1952 et 2009, des pays européens ont fait le choix de se porter candidats à l’adhésion sur la base d’un processus démocratique et du respect de l’état de droit. Les pays membres de l’OTAN ont fait le choix unanime de les accepter.

L’élargissement de l’OTAN et de l’UE a aidé les pays d’Europe centrale et orientale à entreprendre les réformes difficiles qui étaient requises avant leur adhésion. Ce processus a également contribué à ce que les citoyens de ces pays jouissent des avantages découlant du choix démocratique, de l’état de droit et d’une forte croissance économique. De tels efforts ont amené l’Europe à être plus proche qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire de l’objectif d’être entière, libre et en paix.

La Russie avait également souscrit à cette vision dans l’Acte fondateur. Elle s’était engagée à « créer en Europe un espace de sécurité et de stabilité commun, sans lignes de division ni sphères d’influence » et à assurer le « respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de tous les États et de leur droit inhérent de choisir les moyens d’assurer leur sécurité ».

Contrairement à ces engagements, la Russie paraît à présent chercher à recréer une sphère d’influence en s’emparant d’une partie de l’Ukraine, en massant des troupes à sa frontière et en exigeant, comme l’a fait récemment M. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, que « l’Ukraine ne puisse faire partie d’aucun bloc ».

Affirmations russes selon lesquelles l’OTAN aurait promis de ne pas s’élargir

Les autorités russes affirment que des responsables américains et allemands ont promis, en 1990, que l’OTAN ne s’élargirait pas en Europe centrale et orientale, ne construirait pas d’infrastructures militaires à proximité des frontières de la Russie et n’y déploierait pas de troupes de façon permanente.

Aucun engagement en ce sens n’a été pris, et aucune preuve étayant les affirmations russes n’a jamais été produite. Si une telle promesse avait été faite par l’OTAN en tant qu’organisation, elle aurait fait l’objet d’une décision formelle et écrite approuvée par tous les Alliés. En outre, le projet d’élargissement de l’OTAN a été lancé des années après la réunification de l’Allemagne. Cette question n’était pas encore à l’ordre du jour au moment où la Russie affirme que ces promesses ont été faites.

Les affirmations selon lesquelles l’OTAN se serait engagée à ne pas construire d’infrastructures à proximité de la Russie sont également inexactes. Dans l’Acte fondateur, l’OTAN a réaffirmé « que dans l’environnement de sécurité actuel et prévisible, l’Alliance remplira sa mission de défense collective et ses autres missions en veillant à assurer l’interopérabilité, l’intégration et la capacité de renforcement nécessaires plutôt qu’en recourant à un stationnement permanent supplémentaire d’importantes forces de combat. En conséquence, elle devra compter sur une infrastructure adéquate à la mesure des tâches précitées. Dans ce contexte, le renforcement peut s’opérer, en cas de besoin, pour assurer la défense contre une menace d’agression et pour des missions de soutien de la paix en conformité avec la Charte des Nations Unies et les principes directeurs de l’OSCE, ainsi que pour des exercices compatibles avec le Traité FCE adapté, les dispositions du Document de Vienne de 1994 et les mesures de transparence agréées d’un commun accord. »

L’OTAN a en effet soutenu la modernisation d’infrastructures militaires, notamment de bases aériennes, dans les pays qui ont rejoint l’Alliance, en fonction des besoins liés au renforcement et aux exercices. Cependant, les seules forces de combat stationnées en permanence sur le territoire des nouveaux pays membres sont leurs propres forces armées.

Avant même la crise ukrainienne, le seul signe habituellement visible de la présence de forces de l’Alliance dans les nouveaux pays membres étaient les avions de l’OTAN employés dans les États baltes pour la mission de police du ciel. Ces moyens défensifs minimaux ne peuvent pas être décrits comme d’importantes forces de combat au sens de l’Acte fondateur.

Depuis la crise, l’OTAN a pris des mesures afin d’améliorer la connaissance de la situation et de renforcer les défenses de nos pays membres orientaux. Ces mesures aussi, qui résultent directement des actions militaires de déstabilisation de la Russie, sont totalement en accord avec l’Acte Fondateur.

Enfin, l’Acte fondateur stipule également que « La Russie fera preuve d’une retenue comparable dans ses déploiements de forces conventionnelles en Europe. » L’agression de la Russie contre l’Ukraine constitue une violation flagrante de cet engagement, de même que sa décision unilatérale de suspendre son respect des dispositions du traité FCE.

La Russie affirme que ses inquiétudes concernant la défense antimissile n’ont pas été prises en compte par l’OTAN

L’OTAN a bel et bien pris en compte les inquiétudes de la Russie. Elle a d’ailleurs toujours cherché à coopérer avec ce pays au sujet de la défense antimissile. Au sommet de Lisbonne en 2010, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN « ont décidé de développer une capacité de défense antimissile pour protéger les populations, le territoire et les forces de tous les pays européens de l’OTAN et ont invité la Russie à coopérer avec [l’Alliance] » (voir la déclaration ici).

Cela a été réaffirmé en mai 2012 au sommet de Chicago (voir ici), où les dirigeants de l’Alliance ont souligné que l’OTAN « reste attachée à une coopération dans le domaine de la défense antimissile, dans un esprit de confiance mutuelle et de réciprocité », et ont explicitement déclaré que la défense antimissile de l’OTAN « ne portera pas atteinte aux capacités de dissuasion stratégique russes ». L’OTAN a également proposé d’instaurer un régime de transparence incluant la mise en place de centres conjoints OTAN-Russie pour la défense antimissile. La Russie a rejeté ces propositions.

Ces déclarations au sommet ne sont pas que des promesses politiques : elles définissent la ligne de conduite de l’OTAN. Au lieu d’accepter la coopération avec l’OTAN, la Russie a avancé des arguments qui ne prennent en compte ni les lois de la physique ni les grandes orientations énoncées par l’OTAN. Des experts militaires russes indépendants ont indiqué clairement que le programme de défense antimissile de l’OTAN ne pouvait constituer aucune menace pour la Russie ni affaiblir l’efficacité de ses forces dissuasives stratégiques. Le gouvernement russe a utilisé la défense antimissile comme prétexte pour lancer ces accusations, au lieu de la considérer comme une occasion de partenariat.

Remise en cause, par la Russie, de la légitimité des actions militaires de l’OTAN - Libye

Pour essayer de justifier ses actions illégales en Crimée, la Russie a contesté la légitimité de certaines des opérations de l’OTAN.

Elle a notamment critiqué l’opération qui visait à protéger les populations civiles libyennes, que l’OTAN a dirigée en 2011. Cette opération a été lancée en vertu de deux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU (résolutions 1970 et 1973), qui se référaient au chapitre VII de la Charte des Nations Unies et qui n’ont suscité ni l’une ni l’autre l’opposition de la Russie. Le président Poutine a récemment accusé l’OTAN de violer les résolutions en bombardant la Libye. Cela est complètement faux.

La résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU autorisait l’OTAN à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour « protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaques », et c’est précisément ce que l’OTAN a fait, avec le soutien politique et militaire de pays de la région et de membres de la Ligue des États arabes.

Après le conflit, l’OTAN a coopéré avec la Commission d’enquête internationale sur la Libye, qui n’a constaté aucune violation de la résolution 1973 ou du droit international, et qui a conclu au contraire que « l’OTAN a mené une campagne d’une grande précision et qu’elle s’est montrée résolument déterminée à éviter les pertes civiles ».

Remise en cause, par la Russie, de la légitimité des actions militaires de l’OTAN - Kosovo

L’opération de l’OTAN au Kosovo a été déclenchée alors que l’ONU et le Groupe de contact, dont la Russie faisait partie, s’employaient activement, depuis plus d’un an, à trouver une solution pacifique. À plusieurs reprises, le Conseil de sécurité de l’ONU a jugé que le nettoyage ethnique au Kosovo et l’accroissement du nombre de réfugiés chassés de leurs foyers constituaient une menace pour la paix et la sécurité internationales. L’opération« Allied Force » de l’OTAN a été lancée malgré l’absence d’autorisation du Conseil de sécurité, pour éviter les violations constantes et à grande échelle des droits de l’homme, ainsi que le massacre de civils.

Après la campagne aérienne, l’OTAN a lancé l’opération de la KFOR, qui incluait initialement la Russie, en vertu d’un mandat de l’ONU (résolution 1244 du Conseil de sécurité), dans le but de garantir un environnement sûr et sécurisé au Kosovo. La diplomatie a ensuite pris le relais pendant près de dix ans, sous l’autorité de l’ONU, dans le but de trouver une solution politique et de régler le statut final du Kosovo, comme stipulé dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU.

L’opération au Kosovo a eu lieu dans le prolongement de discussions approfondies impliquant toute la communauté internationale confrontée à une crise de longue durée. En Crimée, sans qu’il y ait une crise avérée et sans la moindre tentative de négocier une solution, la Russie a court-circuité la communauté internationale dans son ensemble, y compris l’ONU, et a purement et simplement occupé une partie du territoire d’un pays tiers.

La Russie affirme que les autorités ukrainiennes sont illégitimes

Le président et le gouvernement ukrainiens actuels ont été confirmés, le 27 février 2014, à une écrasante majorité au parlement ukrainien (371 votes favorables sur 417 votes inscrits), y compris au sein du Parti des régions.

Ce parlement avait été élu le 28 octobre 2012. À l’époque, le ministre russe des Affaires étrangères avait déclaré que les élections s’étaient déroulées « de manière pacifique, sans excès et conformément aux normes généralement admises », et qu’elles « confirmaient l’engagement de l’Ukraine en faveur de la démocratie et de l’état de droit ». La déclaration est disponible en russe ici.

Le parlement que la Russie qualifiait alors de légitime peut difficilement être qualifié d’illégitime aujourd’hui.

La Russie affirme que le pseudo-référendum tenu en Crimée était légal

Selon les responsables russes, le pseudo-référendum tenu en Crimée le 16 mars était légal.

Le référendum était illégal au titre de la constitution ukrainienne (texte disponible en ukrainien ici, en russe ici, en anglais ici), qui stipule que les questions liées à « une modification du territoire de l’Ukraine ne peuvent être réglées que par un référendum mené dans l’ensemble du pays ». La Crimée, qui fait partie de l’Ukraine, a le statut de république autonome, mais toute question liée à sa compétence doit être réglée par le parlement ukrainien (article 134), et sa constitution doit être approuvée par ce même parlement (article 135).

De plus, le pseudo-référendum a été organisé dans un délai de quelques semaines par des dirigeants criméens autoproclamés, installés par des militaires russes après la prise de contrôle de certains bâtiments officiels.

La Russie affirme que l’annexion de la Crimée est légitimée par l’avis de la Cour internationale de Justice sur l’indépendance du Kosovo

Selon les autorités russes, la prétendue déclaration d’indépendance de la Crimée a un précédent, qui serait l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur l’indépendance du Kosovo (en ligne ici).

Cependant, la Cour a indiqué clairement que son avis ne constituait pas un précédent. Elle a souligné qu’elle avait été saisie d’une question « bien précise et très spécifique » sur l’indépendance du Kosovo, qui n’engloberait pas les conséquences juridiques plus larges de cette décision.

La Cour a mis en lumière les circonstances dans lesquelles des revendications indépendantistes seraient illégales. Cela serait le cas, notamment, si ces revendications découlaient du fait « qu’elles allaient ou [iraient] de pair avec un recours illicite à la force ». Un exemple de « recours illicite à la force » serait l’invasion et l’occupation par un pays voisin - ce que la Russie a précisément fait.

Par ailleurs, il a fallu attendre plusieurs années et l’aboutissement d’un long processus dans le cadre des Nations Unies pour en arriver à la déclaration d’indépendance du Kosovo. Les affirmations de la Russie font abstraction de tous ces faits.