La séance est ouverte à 10 h 10.

Le Président, M. Oh Joon (République de Corée) (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite les représentants de l’Albanie, de l’Andorre, de l’Autriche, de la Belgique, du Botswana, de la Bulgarie, du Canada, de la République centrafricaine, de la Côte d’Ivoire, de la Croatie, de Chypre, de la République tchèque, de la République démocratique du Congo, du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande, de la Géorgie, de la Grèce, de la Hongrie, de l’Islande, de l’Irlande, de l’Italie, du Japon, de la Lettonie, de la Libye, du Liechtenstein, de Malte, des Îles Marshall, du Mexique, de Monaco, du Monténégro, des Pays-Bas, de la Nouvelle- Zélande, de la Norvège, du Panama, de la Pologne, du Portugal, du Qatar, de la République de Moldova, de la Roumanie, du Samoa, de Saint-Marin, de l’Arabie saoudite, du Sénégal, de la Serbie, des Seychelles, de la Slovaquie, de la Slovénie, de l’Espagne, de la Suède, de la Suisse, de la République arabe syrienne, de l’ex- République yougoslave de Macédoine, de la Turquie, de l’Ukraine et des Émirats arabes unis à participer à la présente séance .

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Les membres du Conseil sont saisis du document S/2014/348 [voir au bas de cette page], qui contient le texte d’un projet de résolution présenté par l’Albanie, l’Allemagne, l’Andorre, l’Arabie saoudite, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Botswana, la Bulgarie, le Canada, le Chili, Chypre, la Côte d’Ivoire, la Croatie, le Danemark, les Émirats arabes unis, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis d’Amérique, l’ex-République yougoslave de Macédoine, la Finlande, la France, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, les Îles Marshall, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Japon, la Jordanie, la Lettonie, la Libye, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, le Mexique, Monaco, le Monténégro, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Panama, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Qatar, la République centrafricaine, la République de Corée, la République démocratique du Congo, la République de Moldova, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Saint-Marin, le Samoa, le Sénégal, la Serbie,les Seychelles, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse, la Turquie et l’Ukraine.

Je souhaite la bienvenue au Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, et je lui donne la parole.

Le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson (parle en anglais) : Je vais prononcer la déclaration suivante au nom du Secrétaire général.

« Depuis le début de la guerre en Syrie, je n’ai eu de cesse de demander que les auteurs de graves violations des droits de l’homme, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre soient amenés à rendre des comptes. Les récentes attaques contre des convois et du personnel humanitaires, qui pourraient constituer des crimes de guerre, ne font qu’ajouter à la nécessité de prendre des mesures d’urgence pour appliquer le principe de responsabilité en Syrie.

Le Conseil de sécurité a une responsabilité inéluctable à cet égard. Les États qui sont membres du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme ont le devoir particulier de mettre un terme à l’effusion de sang et de rendre justice aux victimes de crimes innommables.

En février 2013, la Commission d’enquête a conclu que la Cour pénale internationale était l’enceinte appropriée pour mener la lutte contre l’impunité en Syrie. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme n’a cessé d’appeler le Conseil de sécurité à renvoyer la situation en Syrie à la Cour, son dernier appel datant d’avril. Le peuple syrien a un droit fondamental à la justice. L’ONU et ses États Membres ont le devoir fondamental de défendre ce droit . Je suis favorable aux mécanismes qui sont réellement susceptibles d’amener les coupables à rendre des comptes. Il est clair, en l’occurrence, qu’aucun des acteurs de cette tragédie n’est innocent. Rappelons-nous que l’application du principe de responsabilité contribuera à prévenir de nouvelles atrocités.

Depuis plus de trois ans, le Conseil de sécurité ne parvient pas à se mettre d’accord sur des mesures qui pourraient mettre fin à cette guerre d’une brutalité inouïe, qui a de profondes répercussions non seulement sur des millions de civils syriens, mais également sur l’ensemble de la région. Si les membres du Conseil ne parviennent pas à se mettre d’accord ne serait-ce que sur une mesure qui pourrait permettre d’engager des poursuites contre les auteurs de ces crimes qui ne cessent d’être commis, la crédibilité de cet organe et de l’Organisation tout entière continuera d’en pâtir .

Lorsque nous parlons de responsabilisation, nous devons penser non seulement aux parties au conflit, mais également aux acteurs qui alimentent le conflit et exacerbent les souffrances en continuant de fournir des armes à ceux qui commettent ces atrocités.

Je lance un nouvel appel au Conseil et prie les membres de mettre de côté leurs divergences et de déployer enfin des efforts conjoints en vue de mettre un terme au long cauchemar du peuple syrien. Celui-ci a désespérément besoin que la violence prenne fin et que l’on trouve une solution politique. Nous avons tous la responsabilité d’aider le peuple syrien à entrevoir enfin un avenir de paix . »

Le Président (parle en anglais) : Je remercie M. Eliasson de sa déclaration.

Je donne maintenant la parole au membre du Conseil de sécurité qui souhaite faire une déclaration avant le vote .

M. Araud (France) : J’ai demandé à prendre la parole avant que ne commence le vote du projet de résolution S/2014/348, qu’a eu l’honneur de présenter la France, pour expliquer le sens de notre démarche. En effet, la proposition de la France n’est pas un nouvel épisode des divisons qui affectent notre Conseil dans la crise syrienne, mais, au contraire, elle vise à retrouver l’unité de celui-ci autour des valeurs communes de ses membres.

Tous, autour de cette table, nous sommes horrifiés par la tragédie que traverse le peuple syrien. Plus de 160000 morts, plus de 9 millions de déplacés et de réfugiés, un pays détruit, la faim, les épidémies, ce serait déjà un bilan accablant, mais s’y ajoute la certitude d’atrocités commises par les deux parties aux dépens des populations civiles . La présentation au Conseil et à la presse du rapport « César », à l’initiative de la France, en a souligné, il y a quelques semaines, la barbarie. Des milliers de photos, authentifiées par des experts indépendants, ont montré les cadavres de personnes torturées et mortes de faim dans les prisons du régime.

On tue, on torture, on viole aujourd’hui en Syrie, non pas seulement comme la conséquence atroce d’une guerre civile, mais dans le cadre d’une politique délibérée pour terroriser et pour punir. Des chefs donnent toute licence à leurs troupes d’oublier le droit, ou plus simplement l’humanité ; le Gouvernement bombarde des quartiers civils avec des barils d’explosifs, avec des missiles et avec des armes chimiques ; des groupes terroristes commettent des attentats aveugles ; on fait disparaître des dizaines de milliers de personnes, on torture sur une grande échelle, on affame. Nous assistons, dans un pays de vieille civilisation, à un déchaînement de brutalité et de cruauté dont les victimes ne sont pas des statistiques, derrière lesquelles nous nous abritons trop souvent, mais des hommes, des femmes, des enfants, avec des noms et des visages, et des êtres aimés.

En face de toutes ces vies piétinées, en face de cette négation des valeurs que représente l’Organisation, rien n’est pire que le silence ; car le silence, c’est l’acquiescement, la compromission, la complicité. Je n’ignore pas les divisions de ce Conseil ; je connais les analyses divergentes des uns et des autres. Je les respecte, même si je ne les partage pas. Mais certains faits sont clairs pour nous. Comme nous l’a dit M. Brahimi, devant ce Conseil, il y a quelques jours, n’existe aujourd’hui, en Syrie, aucune perspective de négociation. Le lieu et le moment ne sont pas d’en imputer la responsabilité à une partie mais de le constater. Arguer que l’intervention de la justice internationale porterait atteinte à un processus de paix n’a donc pas de sens, parce qu’il n’y a pas de processus de paix, parce qu’il n’y a, à court et moyen terme, aucune perspective de processus de paix.

On ne négocie pas, parce qu’on veut vaincre et parce qu’on croit qu’on peut vaincre ; on ne négociera pas, parce qu’on pense qu’il s’agit de tuer ou d’être tué ; on ne négociera pas avec ceux dont on a tué et torturé les frères et les femmes ; on a trop peur de leur vengeance, il faut les tuer à leur tour.

Dans ce contexte, la proposition de la France part de la conviction que cette impasse ne doit pas nous conduire à fermer les yeux sur les atrocités commises tous les jours en Syrie. Elle veut transcender nos désaccords pour s’adresser à la part d’humanité que nous avons tous en commun. Le projet de résolution a été rédigé pour être acceptable par tous. Il met en œuvre un principe déjà agréé à propos de la Syrie dans les résolutions 2118 (2013) et 2139 (2013), celui du refus de l’impunité. Il couvre l’intégralité du territoire syrien. En ce qui concerne les responsabilités des parties, il reprend du langage maintes fois agréé, et il se contente d’appeler à la reconnaissance de la compétence de la Cour pénale internationale dans la guerre civile syrienne, selon des termes proches des résolutions 1593 (2005), pour le Darfour, et 1970 (2011), pour la Libye, contre lesquelles aucun État Membre n’avait voté.

Le Conseil, uni, dira ainsi qu’il n’oubliera pas 
les crimes qui sont massivement commis aujourd’hui
en Syrie, qu’il n’oubliera pas que des chefs les ont
tolérés, voire encouragés ou même ordonnés. Il dira ainsi qu’en 2014 on ne peut plus se comporter comme en 1942 ou comme en 1994, qu’il ne permettra pas le retour à l’état de barbarie. Peut-être arrêterons-nous ainsi un bourreau au bord du crime. Mais en tout cas, nous rendrons au Conseil son honneur, en lui permettant de dire le droit, de rétablir la morale, au-dessus de ses divisions, parce que, j’en suis convaincu, au-delà de celles-ci, nous partageons les mêmes valeurs, les mêmes indignations et la même détermination. C’est le moment de le dire, c’est le moment de le prouver.

Le projet de résolution que j’ai l’honneur de présenter au suffrage de mes collègues est donc un appel à la conscience humaine. Ce n’est pas un geste politique, c’est un geste simplement moral. Si le Conseil ne l’adoptait pas, ce serait une insulte aux millions de Syriens qui souffrent. Ce serait la preuve que certains n’ont tiré aucune leçon de l’histoire. Ce serait le rappel que certains ont choisi, quoi qu’ils prétendent, le soutien inconditionnel au régime de Damas, quels que soient les crimes qu’il commet, au point de choisir d’en exonérer par la même occasion Al-Qaida. Couvrir de la même impunité tous les criminels, ce n’est pas un paradoxe ; il y a une fraternité dans le crime.

Un veto, aujourd’hui, le rappellerait. Un veto couvrirait tous les crimes. Un veto, ce serait opposer un veto à la justice. Ce serait aussi fournir une nouvelle justification à la proposition française de limiter l’usage du droit de veto dans le cas d’atrocités de masse.

Le Président (parle en anglais) : Je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.

Il est procédé au vote à main levée.

Votent pour :
Argentine, Australie, Tchad, Chili, France, Jordanie, Lituanie, Luxembourg, Nigéria, République de Corée, Rwanda, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États- Unis d’Amérique

Votent contre :
Chine, Fédération de Russie

Le Président (parle en anglais) : Le résultat du vote est le suivant : 13 voix pour, 2 voix contre et zéro abstention . Le projet de résolution n’est pas adopté en raison du vote négatif de deux membres permanents du Conseil .

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote .

Mme Power (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : La question qui se pose aujourd’hui est celle de la responsabilité, pour des crimes si nombreux, si meurtriers qu’il existe peu d’équivalents dans l’histoire moderne. Il s’agit aujourd’hui d’appliquer le principe de responsabilité pour la Syrie, mais aussi pour le Conseil de sécurité . Le Conseil a la responsabilité de mettre un terme aux atrocités, si nous pouvons le faire, et, au minimum, de veiller à ce que les auteurs d’atrocités rendent compte de leurs actes. C’est vers ce minimum que nous voulions avancer aujourd’hui. Mon gouvernement félicite la grande majorité des membres du Conseil qui ont voté pour apporter leur appui et les 64 pays qui se sont joints à nous pour parrainer cet effort visant à porter ces atrocités devant la Cour pénale internationale (CPI).

Hélas, à cause de la décision de la Fédération de Russie d’appuyer le régime syrien, quoi qu’il fasse, les Syriens ne verront pas la justice rendue aujourd’hui. Ils verront les crimes mais pas les sanctions. Le 15 avril, un rapport a été présenté aux membres du Conseil. Ce rapport contient 55000 horribles photos de cadavres émaciés et torturés de Syriens dont les avocats de renommée internationale ont conclu qu’ils avaient été méthodiquement éliminés par une machine à tuer gouvernementale.

Ces photos auraient été fournies par une personne, alias César, qui a travaillé pendant 13 ans au sein de la police militaire syrienne. Quand les combats ont commencé, il dit avoir reçu l’ordre de conserver les images de personnes affamées, battues, torturées et exécutées par les forces de sécurité syriennes. Ces photos ont choqué et scandalisé, même après que certains d’entre nous se sont demandés si un quelconque acte du régime pouvait encore choquer. Des soldats syriens avaient déjà obligé des médecins à ne pas soigner les blessés, arraché des patients à leur lit d’hôpital, assiégé des quartiers entiers, coupé l’accès à des articles absolument essentiels et mené des attaques en utilisant des armes chimiques et des barils d’explosifs, pleinement assurés qu’il serait fait obstacle à une véritable action du Conseil.

Une procédure judiciaire ne se contente pas de demander des comptes aux auteurs de crimes. Elle permet également aux victimes de s’exprimer. Le veto opposé aujourd’hui empêche pour le moment les victimes d’atrocités de témoigner à La Haye. Néanmoins, il est important qu’aujourd’hui, au Conseil, nous entendions le type de témoignages que nous aurions entendus si la Russie et la Chine n’avaient pas levé la main pour s’opposer à ce que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité rendent compte de leurs actes. À cause du veto qui vient d’être opposé, une des victimes d’Al-Assad, Koussaï Zakaria, n’est pas près d’être appelé à témoigner devant la Cour pénale internationale. Toutefois, le récit fait par Koussaï de la vie à Mouadamiya durant le siège, aussi difficile soit- il à entendre, doit être entendu. Koussaï Zakaria est présent aujourd’hui parmi nous, et je lui demanderais de bien vouloir se lever .

Aujourd’hui, je vais raconter l’histoire de Koussaï, telle qu’il nous l’a racontée. Sa maison, située à Mouadamiya, juste en dehors de Damas, a été une des premières cibles du régime d’Al-Assad. Lors des attaques à l’arme chimique d’août 2013, Koussaï est sorti en courant dans la rue et a essayé d’aider ses voisins. Rapidement, il ne pouvait plus respirer. Koussaï avait les yeux en feu, son cœur a cessé de battre et il a été laissé pour mort, avant qu’un ami ne le trouve par hasard et réalise qu’il respirait de nouveau. Koussaï raconte sa confusion en voyant des voisins suffoquer, des amis paniquer et des familles périr. Il se souvient du visage d’un garçon de 13 ans, à quelques pas de chez lui. Il décrit ce garçon comme un être si innocent. Il se rappelle qu’il n’a rien fait, pourtant, l’expression sur le visage de ce garçon de 13 ans est la chose la plus terrifiante que Koussaï ait jamais vue, alors que de l’écume s’écoulait de la bouche de ce garçon et que la mort faisait petit à petit son chemin.

Si Koussaï pouvait témoigner, il pourrait raconter l’histoire de son voisin, Abou Mohammed, qui travaillait comme serveur à Damas tandis que sa femme et sa fille vivaient à Mouadamiya. La fille d’Abou Mohammed avait sept ans. Elle souffrait d’une maladie cardiaque et devait prendre des médicaments non disponibles à Mouadamiya assiégée. Abou Mohammed a donc fait ce que n’importe quel père aurait fait et a essayé de lui apporter ses médicaments de Damas. Il a été capturé par les mercenaires d’Al-Assad, torturé à l’acide, puis tué. Son corps a été jeté sur l’autoroute 40. Sans médicament pour soigner sa maladie cardiaque, la fille d’Abou Mohammed, âgée de sept ans, est morte. Koussaï pourrait également raconter ce qui est arrivé à Rana, un bébé de 18 mois. Le père de Rana tenait une épicerie avant le siège. Après le siège, il a regardé sa fille Rana mourir de malnutrition, car elle ne pouvait pas avoir de lait, un aliment que l’on pouvait auparavant obtenir dans son épicerie .

Koussaï nous a dit que, quand il se promène aux États-Unis, il observe des gens dans les restaurants mener leur vie de tous les jours. Il remarque les quelques restes que nous laissons dans nos assiettes. Il se souvient alors avoir vu ses voisins prêts à tout pour avoir un petit morceau de pain moisi à Mouadamiya. Le récit de l’expérience vécue par Koussaï à Mouadamiya mérite d’être entendu. Il mérite d’être examiné par un tribunal indépendant et, si des crimes sont avérés, les responsables méritent de rendre compte de leurs actes.

À cause des vetos opposés aujourd’hui, cela ne se produira pas. Paradoxalement, ces vetos protègent également les ignobles organisations terroristes actives en Syrie. Ce n’est pas bientôt que ceux qui décapitent des civils et s’attaquent aux minorités religieuses répondront de leurs actes devant la CPI, étant donné que les vetos opposés par la Russie et la Chine aujourd’hui ne protègent pas non seulement Al-Assad et sa clique, mais aussi les terroristes islamiques extrémistes qui poursuivent leur agression fondamentaliste contre le peuple syrien, qui n’ont aucun sens de la décence ou de l’humanité. Ces vetos ne favorisent pas seulement l’impunité pour Al-Assad, mais également pour les groupes terroristes.

Par le passé, lorsque des crimes d’une extrême gravité ont été commis, la Cour pénale internationale a pu agir. Pourquoi les peuples de l’Ouganda, du Darfour, de la Libye, de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Mali et du Kenya méritent-ils une justice internationale et impartiale, et pas le peuple syrien ? Pourquoi la Cour pénale internationale devrait-elle établir les responsabilités pour les atrocités commises en Afrique mais pas en Syrie, où les pires horreurs de notre époque sont en train d’être perpétrées ? Ceux qui ont posé au Conseil de sécurité cette question on ne peut plus raisonnable ont aujourd’hui leur réponse : les vetos russe et chinois.

Dans plusieurs années, nos petits-enfants nous demanderont pourquoi nous n’avons pas rendu justice à des personnes qui vivaient l’enfer sur terre. Il se pourrait bien qu’à l’avenir, l’on retrouve dans les livres d’histoire les photographies prises par César de cadavres émaciés portant des marques d’acide juxtaposés à côté d’une photo des deux membres du Conseil qui se sont opposés à ce que justice soit rendue à des victimes comme Koussaï, qui voulaient que de telles horreurs prennent fin .

Par conséquent, aujourd’hui, il s’agit de rendre des comptes non seulement dans l’intérêt des victimes du régime d’Al-Assad ou de Koussaï et de ses voisins à Mouadamiya, mais aussi en ce qui concerne les membres du Conseil de sécurité. Mois après mois, année après année, nous avons chacun parlé de l’importance de la justice et de la nécessité d’établir les responsabilités en Syrie. Les victimes et les survivants nous ont supplié d’agir et ont réclamé justice. La communauté internationale a appuyé les efforts ad hoc visant à recueillir des éléments de preuve et des témoignages. Nous avons créé des commissions d’enquête pour établir les faits et nous avons tenu réunion après réunion, mais jusqu’à présent, nous n’avions pas présenté de projet de résolution pour renvoyer la situation devant la Cour pénale internationale. Nous ne l’avons pas fait parce que nous craignions qu’un tel projet de résolution ne fasse l’objet d’un veto .

Cependant, les victimes de la machine industrielle à tuer d’Al-Assad et des attaques terroristes méritent davantage que le décompte d’autres morts. Elles méritent que chaque membre du Conseil de sécurité soit compté et rende des comptes. Elles méritent que l’histoire se souvienne de ceux qui ont été solidaires avec elles et de ceux qui n’ont pas hésité à lever la main pour leur refuser toute possibilité de justice. Même si aujourd’hui personne ne va rendre compte devant la CPI pour les crimes horribles commis à l’encontre du peuple syrien, il faudrait que les membres du Conseil qui ont fait obstacle à cette possibilité rendent des comptes.

Le représentant de la Syrie et peut-être celui de la Russie diront peut-être que le projet de résolution présenté aujourd’hui était partial, et j’en conviens. Il était partial en faveur de l’établissement des faits et d’une paix reposant sur l’établissement des responsabilités des individus, pas de groupes entiers, tels que les Alaouites, les Sunnites ou les Kurdes. Le résultat du vote d’aujourd’hui, aussi décevant qu’il soit, ne sera pas la fin de notre quête de justice.

Mon gouvernement continuera de travailler avec beaucoup d’autres gouvernements et organisations pour encourager et faciliter la poursuite des travaux de collecte de preuves. Nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que les victimes des atrocités commises en Syrie et leurs proches reçoivent les réponses qu’ils attendent en conformité avec la majesté de la loi. Dans cette quête, nous serons guidés par le principe fondamental de la civilisation, qui a résisté à l’épreuve du temps. Comme l’a dit le sage athénien, Solon, il y a plus de 2 500 ans, « Ceux qui n’ont pas été lésés, autant que ceux qui ont été lésés, mettent tout en œuvre pour punir les malfaiteurs ». Cela a été confirmé aujourd’hui par l’écrasante majorité des membres du Conseil .

M. Gasana (Rwanda) (parle en anglais) : Le Rwanda prend la parole pour expliquer son vote concernant le projet de résolution S/2014/348, qui demande le renvoi de la situation en République arabe syrienne devant la Cour pénale internationale (CPI). Je voudrais remercier le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, de sa déclaration, et saluer la présence parmi nous de l’Ambassadeur Bachar Ja’afari, Représentant permanent de la République arabe syrienne auprès de l’Organisation des Nations Unies.

La position du Rwanda sur la CPI, que nous avons exprimée à plusieurs reprises au sein du Conseil, est bien connue. En outre, le débat sur la Cour pénale internationale est un débat légitime qui doit se poursuivre à l’ONU, en vue de mettre en place collectivement un système de justice pénale plus juste et plus efficace, mieux à même de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves.

Cependant, nous ne sommes pas ici aujourd’hui pour mener un autre débat de fond sur la CPI, comme l’a indiqué l’Ambassadrice Samantha Power. Je suis entièrement d’accord avec elle. Un jour, nos petits- enfants nous demanderont ce que nous avons fait pour mettre un terme à la tragédie syrienne. Nous sommes ici en tant que pères, mères, êtres humains et représentants de la communauté des nations. Nous devrions écouter les voix de plus de 160 000 personnes tuées au cours des trois dernières années en Syrie. Cela nous rappelle que le Conseil ne peut pas rester insensible face aux atrocités de masse. Nous sommes ici en tant qu’organe collectif, investi de la responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales . Cela inclut la responsabilité de protéger et l’obligation de veiller à ce que les auteurs des crimes les plus graves rendent des comptes. Des enfants sont en train d’être gazés, des femmes sont victimes de violences sexuelles et des hommes sont torturés. Des barils explosifs ont été utilisés contre des hôpitaux et des écoles. Les communautés dévastées par les attaques terroristes en Syrie vivent une horreur sans fin.

À plusieurs reprises, le Rwanda a appelé à une solution politique à la crise syrienne dans le cadre du processus de paix de Genève. Nous avons également appuyé l’appel que le Secrétaire général a lancé à tous les États Membres de l’ONU concernés leur demandant de s’abstenir de fournir des armes à quelque partie que ce soit au conflit syrien. Nous convenons tous qu’aucun des États concernés n’a écouté cet appel. Néanmoins, l’ampleur des violations des droits de l’homme commises en Syrie requiert une action immédiate de la part de la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité. Nous savons tous que les juridictions syriennes ne sont pas actuellement en mesure de traduire en justice les auteurs d’atrocités de masse commises en Syrie.

Par conséquent, nous remercions la France d’avoir présenté ce projet de résolution, qui est un signal fort envoyé aux parties au conflit en Syrie, à savoir que le Conseil de sécurité est déterminé à faire en sorte que les auteurs des crimes commis en Syrie rendent des comptes. C’est pour cette raison que le Rwanda a voté pour ce projet de résolution. Malgré que celui-ci n’ait pas été adopté, ce que nous regrettons, le Rwanda n’a pas perdu espoir que justice sera faite et que le principe de responsabilité sera appliqué en Syrie. Toutefois, pour atteindre cet objectif, il faut que les membres permanents du Conseil de sécurité ouvrent leurs esprits et leurs cœurs, afin de trouver une solution à cette catastrophe humanitaire et de droits de l’homme. Malgré les progrès tangibles réalisés en vue de la destruction du programme chimique syrien, il est clair que la crédibilité du Conseil pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales est toujours mise à mal suite à son incapacité à mettre fin aux horreurs qui sont en train d’être commises en Syrie.

En tant que Coprésident du Groupe d’amis sur la responsabilité de protéger, et compte tenu de notre propre histoire en matière de génocide, le Rwanda saisit la présente occasion pour appeler encore une fois l’ensemble des membres permanents du Conseil de sécurité à examiner sérieusement et attentivement la proposition faite par la France d’un code de conduite en vertu duquel ils s’abstiendraient volontairement d’user du droit de veto dans des situations de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité. Dans ce contexte, en attendant une véritable réforme du Conseil de sécurité, nous croyons qu’un tel code de conduite constituerait un bon outil qui permettrait au Conseil de se réapproprier les valeurs morales consacrées par la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En fin de compte, nous devons tous nous engager à placer les actions en faveur de l’humanité au-dessus de l’inaction en faveur des divers intérêts . C’est la seule façon d’honorer les victimes syriennes et de prouver à un monde sceptique que nous, les membres du Conseil de sécurité, avons tiré les leçons du passé et décidé d’être à la hauteur de la noble mission que la communauté des nations nous a confiée .

Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni) (parle en anglais) : C’est à maintes et maintes reprises, ici dans cette salle, que nous avons été informés de l’ampleur horrible des violations et des sévices infligés aux civils par le régime syrien depuis plus de trois ans que dure le conflit : les bombardements aveugles de zones résidentielles ; les violations monstrueuses, y compris le meurtre et la torture systématiques pratiqués dans les centres de détention du régime ; le refus arbitraire de l’accès humanitaire aux personnes dans le besoin ; et le recours au siège et à la famine comme armes de guerre.

Le présent projet de résolution (S/2014/348) offrait aux Syriens la possibilité de mettre fin à l’impunité dont jouissent les individus qui ont commis ces atrocités. Il est indispensable, pour parvenir à une paix durable, que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes. En l’absence de justice, il n’y aura pas en Syrie de règlement véritable ou durable. Le projet de résolution aurait donné pour mandat à la Procureure de la Cour pénale internationale d’enquêter sur l’ensemble des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés pendant le conflit, quelles qu’aient été l’identité ou l’affiliation de leurs auteurs .

Ce projet de résolution avait l’appui de 13 membres du Conseil de sécurité, de 65 coauteurs, de plus de 100 organisations non gouvernementales du monde entier, et de la Coalition nationale syrienne, preuve de la force du sentiment international à l’égard de cette question. La Russie et la Chine devraient avoir honte d’avoir choisi de faire obstacle aux efforts déployés pour que justice soit rendue au peuple syrien. Il est scandaleux qu’encore une fois ces deux pays aient opposé leur veto aux efforts menés par le Conseil pour réagir face aux violations choquantes des droits de l’homme commises chaque jour en Syrie. La Russie et la Chine auront à expliquer leur comportement, non seulement à ces États et à ces organisations, mais aussi à tous les Syriens qui continuent de souffrir sous les coups brutaux du régime d’Assad .

Le Royaume-Uni est résolu à faire assumer les responsabilités. Malgré le vote d’aujourd’hui, nous continuerons de chercher des moyens de veiller à ce que les responsables des actes commis en Syrie en répondent. Nous continuerons d’appuyer les efforts visant à documenter les atrocités et nous nous tiendrons prêts pour le moment où les responsables auront à rendre des comptes. Les auteurs des horribles crimes commis en Syrie peuvent, aujourd’hui, se cacher derrière les vetos russe et chinois, mais ils ne pourront pas toujours se soustraire à la justice.

M. Omaish (Jordanie) (parle en arabe) : Aujourd’hui, la Jordanie a voté pour le projet de résolution S/2014/348, car nous sommes profondément convaincus du bien-fondé des principes de justice et de responsabilité pénales pour tenter de mettre fin à la politique d’impunité mise en place depuis le début de la crise syrienne, et parce que nous croyons aux principes énoncés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Nous tenons à dire que nous regrettons profondément que le Conseil n’ait pas été en mesure d’adopter ce projet de résolution aujourd’hui.

En même temps, nous tenons à rappeler notre appui à l’initiative de la France, dont l’objectif est de limiter l’utilisation du droit de veto lorsque le Conseil de sécurité vote sur des projets de résolution relatifs à des situations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, afin d’éviter qu’une situation comme celle que nous avons aujourd’hui ne se reproduise.

Mme Lucas (Luxembourg) : Depuis plus de trois ans, la Syrie s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’horreur d’une violence aveugle qui tue dans un climat d’impunité absolue. Cette impunité absolue est une des raisons pour lesquelles les parties au conflit en Syrie continuent de s’adonner à un bain de sang dont les populations civiles sont les premières victimes.

Les preuves des atrocités commises en Syrie s’accumulent au fil des rapports, que ce soient les rapports de la Commission d’enquête internationale indépendante mise en place par le Conseil des droits de l’homme, les rapports de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le rapport « César » (S/2014/244, annexe) sur la torture systématique commise à l’échelle industrielle dans les prisons syriennes, ou encore les rapports d’organisations non gouvernementales, notamment sur l’emploi de barils d’explosifs contre la population civile. La Syrie est en guerre, certes, mais la guerre ne justifie pas tout. Même la guerre a ses règles en vertu du droit international, et ces règles sont violées au quotidien en Syrie.

Plus de 160000 personnes ont déjà perdu la vie dans le conflit syrien. La liste des atrocités commises en Syrie est bien trop longue pour qu’on puisse les énumérer toutes, mais je voudrais relever ici les souffrances indicibles infligées aux enfants dans le conflit. Plus de 10000 enfants ont été tués. D’innombrables enfants ont été blessés ou mutilés par les bombardements aériens dans des zones peuplées, avec l’emploi sans discrimination d’armes à sous-munitions et de barils d’explosifs par les forces gouvernementales syriennes. Des enfants sont arrêtés, recrutés comme combattants, détenus arbitrairement, maltraités et torturés. Nombre d’enfants ont été victimes de violences sexuelles ou ont disparu . Toutes les parties au conflit ont pris pour cibles des écoles et des hôpitaux ou les ont utilisés à des fins militaires.

Pour mettre fin au conflit et aux atrocités en Syrie, il est indispensable d’œuvrer à une solution politique. Tout le monde le reconnaît. Mais les efforts en vue d’arriver à une solution politique sont dans une impasse, principalement du fait des autorités syriennes qui refusent de discuter d’une véritable transition politique. Pour notre part, nous ne pouvons accepter que cette impasse politique soit utilisée par certains de nos partenaires comme un prétexte pour nous empêcher de prendre des mesures pour lutter contre l’impunité en Syrie. Lutter contre l’impunité n’est pas incompatible avec la recherche d’une solution politique, bien au contraire. Lutter contre l’impunité, c’est lutter précisément contre ce qui attise la guerre et la violence. Lutter contre l’impunité, c’est dissuader les auteurs de crimes de commettre davantage de crimes. Nous sommes profondément convaincus que la justice est un ingrédient essentiel, un ingrédient indispensable pour ramener la paix en Syrie.

C’est pourquoi, depuis janvier 2013, avec 57 autres États, le Luxembourg a plaidé sans relâche pour que le Conseil de sécurité saisisse le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de la situation en Syrie depuis mars 2011, sans exception et sans distinction des auteurs présumés des crimes. Les victimes syriennes nous exhortent à leur donner au moins cela : une lueur d’espoir qu’en fin de compte, justice leur sera rendue, que les auteurs des crimes abominables commis en Syrie seront tenus responsables de leurs actes. La CPI a été créée précisément pour mettre un terme à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, et pour assurer effectivement la répression de ces crimes quand un État n’en a pas la volonté ou en est incapable . Tel est bien le cas en Syrie.

Pour cette raison, le Luxembourg s’est porté coauteur et a voté en faveur du projet de résolution (S/2014/348) proposé par la France afin que le Conseil de sécurité saisisse le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation en Syrie depuis mars 2011. Au-delà de ce qui nous sépare, il y a un socle de valeurs communes, une humanité commune et une foi commune dans la dignité et la valeur de la personne humaine qui devraient nous réunir et faire l’unanimité au sein du Conseil de sécurité . Le projet de résolution proposé par la France reflétait ces valeurs communes. Sans polémiquer, il visait à saisir la CPI des violations commises par toutes les parties au conflit en Syrie : les violations généralisées des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par les autorités syriennes et les milices progouvernementales, d’une part, et les atteintes aux droits de l’homme et les violations du droit international humanitaire commises par les groupes armés non étatiques, d’autre part.

C’est avec un profond regret que nous devons constater que notre humanité commune, nos valeurs communes n’ont pas prévalu aujourd’hui, et que le projet de résolution n’a pas pu être adopté, en raison du vote négatif de deux membres permanents, la Russie et la Chine. Ce double veto est dommageable à double titre. Il affecte gravement l’avenir du peuple syrien, qui vit au quotidien les horreurs d’une spirale de violence sans fin. Il affecte également la crédibilité et l’efficacité du Conseil de sécurité en le condamnant à l’inaction face à l’impunité. Le vote d’aujourd’hui a mis en lumière l’impasse dans laquelle se trouve le Conseil de sécurité face à l’usage abusif du droit de veto. À cet égard, le Luxembourg soutient la proposition de la France visant à ce que les cinq membres permanents du Conseil s’abstiennent de recourir au droit de veto dans des situations d’atrocités de masse, de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Un tel code de conduite volontaire permettrait de renforcer la crédibilité du Conseil, et surtout son efficacité en termes de protection des populations civiles.

Malgré le vote d’aujourd’hui, nous ne baisserons pas les bras. Face aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis en Syrie, nous ne cesserons d’appeler à la justice pour les Syriens. Et nous ne perdons pas espoir que notre humanité commune finira par prévaloir .

M. Barros Melet (Chili) (parle en espagnol) : Nous regrettons profondément que le projet de résolution sur lequel nous venons de nous prononcer (S/2014/348), qui visait à renvoyer la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale pour que celle-ci puisse enquêter sur les crimes et engager des poursuites contre les responsables, quels qu’ils soient, n’ait pu être adopté. À maintes occasions, le Chili s’est associé aux appels demandant aux pays qui dispose du droit de veto de s’abstenir de l’utiliser en cas de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de génocide ou de nettoyage ethnique. Selon nous, le Conseil de sécurité doit avoir la capacité d’agir pour défendre les valeurs et principes fondamentaux de l’humanité. Le Chili s’est porté coauteur du projet de résolution dans un esprit d’ouverture et fort de sa conviction qu’il représentait une étape nécessaire pour que justice soit rendue à toutes les victimes du conflit en Syrie, sans faire de distinction entre les camps.

Notre pays est partie au Statut de Rome et, de ce fait, nous estimons qu’il faut défendre l’intégrité du Statut pour permettre sa pleine application et garantir l’efficacité de la lutte contre l’impunité. La Cour pénale internationale a montré qu’elle était le meilleur instrument disponible pour enquêter sur les faits qui sont à l’origine du projet de résolution qui n’a pu être adopté aujourd’hui.

M. Quinlan (Australie) (parle en anglais) : Aujourd’hui, le Conseil de sécurité a une nouvelle fois trahi le peuple syrien. La guerre dans ce pays est entrée dans sa quatrième année. Le pays est déchiré, peut- être de façon irrémédiable. Près de la moitié des plus de 20 millions d’habitants du pays ont fui ou sont déplacés. Une famille quitte la Syrie toutes les 60 secondes. Nous sommes face à un régime dont la stratégie militaire consiste essentiellement à s’en prendre délibérément aux civils, en recourant à l’imposition de sièges, à la famine comme arme de guerre, aux bombardements aériens aveugles, au largage de barils explosifs sur des quartiers résidentiels, au refus arbitraire de l’accès humanitaire et de l’acheminement de fournitures médicales, aux attaques délibérées contre les hôpitaux et le personnel médical, à la torture systématique et généralisée, à la violence sexuelle et aux exécutions, au dépeuplement des villes et des villages par la force, et en refusant aux populations qui ne vivent pas dans les zones contrôlées par le Gouvernement tout accès aux articles humanitaires.

La crise humanitaire, la pire de notre siècle, ne cesse de s’aggraver. Il n’y a pas de solution en vue. Toutes les parties au conflit, y compris les extrémistes et les terroristes qui cherchent à prendre l’opposition en otage, sont coupables de terribles crimes. La culture de l’impunité est généralisée. Personne n’a à rendre de comptes. La commission d’enquête internationale indépendante pour la Syrie a fourni de nombreuses preuves, au fil des trois dernières années, qui incriminent les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a conclu que de tels crimes ont effectivement été commis ces trois dernières années, et elle n’a cessé d’appeler au renvoi de la situation devant la Cour pénale internationale (CPI). En avril, le Conseil a lui-même pu examiner des éléments de preuve photographiques glaçants, qui figurent dans le rapport César (S/2014/244, annexe) et montrent que la torture et les exécutions sont systématiques et généralisées et sont pratiquées à une échelle industrielle sur les prisonniers détenus par le régime syrien. Le Secrétaire général ne cesse de demander que des poursuites soient engagées à l’encontre des auteurs des crimes commis en Syrie. La Cour pénale internationale a été créée spécifiquement pour veiller à ce que les personnes qui portent la plus grande responsabilité dans les pires atrocités de masse soient amenées à rendre des comptes, en particulier lorsque leurs autorités nationales ne veulent ou ne peuvent pas s’en charger directement.

Les autorités syriennes, non contentes de n’avoir pas honoré cette responsabilité, font elles-mêmes partie des auteurs de ces crimes. La communauté internationale doit donc agir. L’Australie a fait partie des 58 États Membres de l’ONU qui ont écrit au Conseil il y a 18 mois pour demander le renvoi de la situation en Syrie devant la CPI, or la situation s’est considérablement détériorée depuis. Le nombre de coauteurs du projet de résolution présenté aujourd’hui (S/2014/348), à savoir 65, et les 13 voix pour, doivent envoyer un message sans équivoque aux responsables de ces crimes. Le projet de résolution a peut-être fait l’objet d’un veto, mais il n’y a pas de délai de prescription pour les crimes commis en Syrie, et nous continuerons de demander la justice pour les victimes.

Le Conseil de sécurité a la responsabilité de protéger, responsabilité qui lui a été confiée par tous nos dirigeants au Sommet mondial de 2005, et de prévenir les atrocités de masse lorsqu’il le peut. Le rôle du Conseil a été spécifiquement reconnu dans le Statut de Rome, parce que l’application du principe de responsabilité est capitale pour la protection et pour permettre au Conseil de s’acquitter de ses responsabilités fondamentales en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. L’usage du droit de veto pour bloquer un projet de résolution équilibré, qui visait à demander des comptes aux auteurs d’atrocités de masse, a un coût humain très élevé. Le Conseil sera, à juste titre, sévèrement jugé pour cet échec. Au minimum, l’échec d’aujourd’hui souligne l’importance de faire délibérément preuve de retenue dans l’exercice du droit de veto dans des situations où des atrocités de masse sont aussi flagrantes.

C’est la quatrième fois, en l’espace de trois ans, que le veto est opposé au Conseil pour empêcher d’agir en Syrie. Dans le cadre de l’exécution de son mandat en matière de paix et de sécurité, le Conseil autorise actuellement le déploiement du plus grand nombre jamais enregistré de soldats de la paix et, de plus en plus, d’opérations solides pour protéger des civils dans des situations de crise, si nombreuses. Nous le faisons d’un commun accord, entre tous les membres, comme nous devons le faire. Cependant, quand nous échouons, comme c’est de nouveau le cas pour la Syrie aujourd’hui, les conséquences peuvent être désastreuses. Les victimes de conflits ont le droit de bénéficier de l’appui du Conseil de sécurité et des mesures que nous prenons. Le Conseil a la responsabilité d’apporter cet appui et d’agir.

Mme Murmokaitė (Lituanie) (parle en anglais) : Je pense que nous savions tous quel serait le résultat du vote d’aujourd’hui et, pourtant, il est extrêmement décevant et inquiétant de voir qu’un veto est opposé pour la quatrième fois concernant la situation en Syrie, cette fois-ci au sujet du renvoi du conflit syrien à la Cour pénale internationale (CPI). Nous remercions la France d’avoir élaboré le projet de résolution S/2014/348, appuyé par 65 États, dont le mien.

Avec plus de 160000 morts, 2,7 millions de réfugiés et près de 6,5 millions de personnes déplacées, ce veto est ce qu’il est : un aval donné à l’impunité. C’est une autorisation donnée à tous les auteurs de violations des droits de l’homme, d’atrocités de masse, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, en Syrie et ailleurs : ils peuvent continuer, à leur gré, de commettre ces actes épouvantables. Des violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme continuent d’être commises quotidiennement en Syrie. Des crimes barbares sont commis à très grande échelle – des crimes qui ne devraient pas avoir leur place au XXIe siècle. Le terrorisme se développe. La famine est employée comme arme de guerre. L’accès humanitaire est refusé, l’aide humanitaire manipulée pour contraindre à la capitulation. Le niveau de destruction physique et de dévastation est au-delà de toute description. Une génération d’enfants syriens – 5,7 millions d’après l’UNICEF – grandit en étant privée d’enfance, d’éducation, de foyer et, par conséquent, d’avenir. Ils représentent une énorme génération perdue.

Le mois dernier, dans le cadre d’une séance organisée selon la formule Arria, nombre d’entre nous sont restés cois devant les images figurant dans le rapport César, montrant des milliers de corps émaciés portant de multiples marques de terribles actes de torture. Pour nous, aussi choquantes soient-elles, il ne s’agit que d’images. Pour d’innombrables victimes en Syrie, ce sont des faits terribles survenant dans leur vie quotidienne. Plus récemment, nous avons été nombreux à observer un autre témoignage concernant les atrocités commises par le régime syrien, résultant de l’emploi aveugle de barils d’explosifs – à nouveau, les images étaient insupportables, mais il s’agit pourtant de faits terribles survenant dans la vie quotidienne des Syriens.

Cependant, rien de cela ne semble avoir ému ceux qui choisissent une nouvelle fois d’opposer leur veto à un projet de résolution sur la Syrie et qui, ainsi, choisissent de protéger les persécuteurs, non les victimes, et ouvrent encore plus grand les portes de l’effusion de sang et de l’impunité. Le régime syrien a eu de multiples occasions de prévenir, d’abord, puis de faire cesser le bain de sang. Il n’a jamais cherché à le faire. La saisine de la CPI n’aurait pas et ne pouvait entraver un quelconque processus de paix et de réconciliation, car un tel processus n’est pas mené. Toutes les parties pensent qu’elles peuvent gagner la bataille par la force, ce qui signifie encore plus de pertes civiles et encore plus de destructions . Le peuple syrien, qui souffre depuis longtemps, mérite mieux.

En tant que cour internationale permanente autorisée à engager des poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité quand les autorités nationales ne peuvent ou ne veulent pas le faire, la CPI a été créée précisément pour se saisir du type de situation existant aujourd’hui en Syrie. Bien que les travaux de la Cour ne puissent constituer qu’un des éléments d’un effort plus large visant à rendre la justice et à appliquer le principe de responsabilité, nécessaire dans un pays dévasté par la guerre, le renvoi de la situation en Syrie aurait pu être une première étape décisive dans la bonne direction. Le veto d’aujourd’hui empêche de franchir cette première étape décisive vers la justice et la responsabilité .

Le veto d’aujourd’hui revient à se placer du mauvais côté de la justice et de la responsabilité – à se placer du mauvais côté de l’humanité. Pourtant, je suis encouragée de voir qu’aujourd’hui ceux qui ont choisi de se placer du bon côté de l’histoire sont bien plus nombreux.

Mme Perceval (Argentine) (parle en espagnol) : Depuis que sommes devenus membres du Conseil, en janvier 2013, à de nombreuses occasions, l’Argentine a appuyé le renvoi de la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI) pour que la Cour puisse exercer sa juridiction avec impartialité à l’égard de toutes les parties concernées par une des réalités les plus cruelles, atroces et accablantes de notre époque.

Laisser l’impunité se poursuivre être la réponse donnée aux crimes commis par toutes les parties en Syrie érode non seulement les fondements éthiques, politiques et juridiques de l’ONU mais également la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales confiée au Conseil. Il est en effet aujourd’hui indéfendable et insultant de prétendre ressortir une dichotomie erronée entre paix et justice. Nous avons tous appris que, sans paix, il n’y a pas de justice et que, sans justice, la paix est menacée.

C’est ainsi que, par conviction politique, responsabilité éthique et respect pour le droit international, l’Argentine a voté pour que la situation en Syrie soit déférée à la Cour pénale internationale avec pour seul objectif, ferme et clair, que la Cour mène des enquêtes et juge les auteurs des crimes graves définis dans le Statut de Rome et que soit reconnu le droit inaliénable des victimes à la vérité, à la mémoire, à la justice et à réparation. Cependant, dans le même temps, l’Argentine a décidé de ne pas se porter coauteur de cette initiative car notre objectif est également de préserver l’intégrité du Statut. Cela exige que la saisine de la Cour par le Conseil soit formulée en des termes appropriés afin que le fondement juridique du Statut de Rome ne soit pas remis en question et que la pertinence et l’efficacité de la Cour ne soient pas amoindries.

D’un côté, il semble qu’une nouvelle fois nous acceptons comme normal l’exercice d’une justice sélective. Il semble que nous ne soyons pas surpris par le fait que, dans des situations comparables dans lesquels des crimes graves sont commis, certaines peuvent être renvoyées à la Cour mais d’autres non. De l’autre, il semble que l’on essaie de nous faire croire que le fait de porter atteinte à l’intégrité des instruments juridiques n’entrave en rien la réalisation de l’objectif de justice rendue. Dans certains cas sont mentionnés des valeurs transcendantales, dans d’autres sont avancés des arguments complexes, bien qu’ils s’appuient en fait sur le principe pragmatique affirmant que la fin justifie les moyens. Nous savons toutefois par expérience que tous les moyens ne conduisent pas à la fin recherchée.

L’Argentine et de nombreux États Membres considèrent que ni la normalisation d’un comportement arbitraire, ni la régression juridique, ni le pragmatisme dénué de valeurs ne sont des choix valides. Nous pensons que tout crime atroce doit faire l’objet de poursuites judiciaires, quel que soit le lieu où il a été commis et quels qu’en soient les auteurs. Tout comme pour les droits de l’homme, nous ne pouvons dire que nous en respectons certains mais que nous n’en reconnaissons pas d’autres. Nous ne pouvons pas non plus affirmer que nous défendons l’applicabilité de certaines dispositions d’une norme mais pas cette norme dans son intégralité.

En 2005, quand le Conseil a adopté la résolution 1593 (2005) par laquelle il a déféré la situation au Darfour à la Cour pénale internationale, l’Argentine, en qualité de membre du Conseil, a affirmé que certains éléments de cette résolution ne devaient pas devenir permanents. Mais aujourd’hui, le même scénario se répète, puisque le texte dont nous sommes saisis reflète l’intention que le renvoi de cette situation à la Cour concerne certaines personnes et pas d’autres, en autorisant des exemptions à la portée matérielle de la compétence de la Cour et à l’obligation de coopérer avec elle. Ce texte contient une disposition stipulant que le Conseil convient qu’aucun des coûts afférents à la saisine de la Cour ne sera pris en charge par l’Organisation des Nations Unies mais que ces coûts seront supportés par les Parties au Statut de Rome ou par des contributions volontaires, contredisant ainsi les dispositions du Statut. Faut-il rappeler que le Conseil de sécurité est pleinement habilité à obliger tous les Membres de l’ONU, qu’ils soient parties ou non au Statut de Rome, à coopérer avec la Cour ? Il est décevant que le Conseil n’ait pas traduit dans les faits cette obligation éthique.

En ce qui concerne les exemptions à la compétence de la Cour pour les ressortissants des États non parties au Statut et le fait que l’ONU ne prend pas en charge les coûts afférents à la saisine de la Cour, je tiens à exprimer non seulement la forte opposition de l’Argentine à ces dispositions, mais aussi à expliquer ce qui à notre avis devrait être fait, y compris s’agissant de deux renvois antérieurs. Selon le Statut de Rome, la Cour, en cas de renvoi, exerce sa juridiction sur les ressortissants des États parties et non parties à ce Statut. Aucune déclaration du Conseil de sécurité ne peut modifier le Statut pour accorder l’immunité aux ressortissants des États non parties au Statut qui ont commis des crimes dans le contexte d’une situation renvoyée devant la Cour. En d’autres mots, rien dans le texte du paragraphe 7 ou de toute autre paragraphe du projet de résolution qui vient d’être mis aux voix n’aurait pu modifier les dispositions du Statut, s’agissant de la compétence de la Cour dans cette situation ou s’agissant du fait qu’en fin de compte, même s’il faut rendre une décision à ce sujet, c’est à la Cour elle-même qu’il revient de juger si elle peut exercer sa compétence ou non.

En ce qui concerne les coûts afférents aux renvois, la disposition figurant au paragraphe 8 n’est pas conforme au Statut de Rome ni à l’Accord régissant les relations entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale. L’Argentine n’est pas d’accord avec le Conseil lorsque celui-ci affirme que les coûts afférents à la saisine de la Cour ne doivent pas être pris en charge par l’Organisation des Nations Unies. Le Conseil ne peut pas s’arroger des pouvoirs qu’il n’a pas, en décidant par exemple de qui prendra en charge les coûts afférents à un renvoi. C’est une responsabilité qui revient à l’Assemblée générale en vertu de la Charte.

Pour terminer, je voudrais dire que la présente séance est extrêmement délicate et triste. Nous n’avons pas fait ce que nous aurions dû faire si nous avions agi de bonne foi, à savoir nous exprimer d’une seule voix, et finalement, l’impuissance l’a fait à notre place. L’impuissance a parlé. D’innombrables victimes ont compris que le Conseil n’a pas pu se mettre d’accord pour faire cesser la violence destructrice ou éliminer l’impunité humiliante, ou encore pour contribuer à rétablir la paix qui n’existe plus en Syrie.

Cependant, la noble mission et le rôle de la Cour pénale internationale dans un système multilatéral qui vise à mettre fin à l’impunité, instaurer l’état de droit, promouvoir et encourager le respect des droits de l’homme et parvenir à une paix durable, conformément au droit international et aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, tel que l’indique la Déclaration de Kampala, ne nous autorise pas à croire que nous ne réaliserons jamais ce que nous n’avons pas pu réaliser jusqu’à présent. Il y a tellement d’injustices que l’on ne peut qu’espérer que le Conseil de sécurité, très bientôt, changera sa conception du pouvoir et ses méthodes de travail.

M. Cherif (Tchad)  : Depuis plus de trois ans, la situation en Syrie se dégrade au jour le jour, et aucun signe d’amélioration ou d’accalmie ne se profile à l’horizon. Pratiquement chaque jour apporte son lot de victimes. Les populations civiles syriennes, notamment les femmes, les enfants et les personnes âgées, sont prises entre deux feux et continuent d’être la cible d’attaques délibérées, subissant quotidiennement les bombardements aériens, les tirs d’artillerie, les tirs de barils d’explosifs, les déplacements forcés, les attentats à la voiture piégée, les viols et des actes de torture, d’enlèvement et de séquestration. Ces actes constituent de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et leurs auteurs, quelle que soit leur affiliation, doivent en répondre devant la justice .

Le Tchad a toujours condamné et condamne fermement les violences et atrocités de tout genre exercées contre les civils, quelle qu’en soit l’origine. Malheureusement, nous constatons avec regret que toutes ces atrocités sont restées non seulement impunies, mais se multiplient, au rythme de l’intensification du conflit. L’ampleur des violences en cours et l’absence d’une perspective d’une sortie pacifique de crise, nous semblent hypothéquer les conditions appropriées pour l’organisation de procès crédibles et équitables pour les crimes les plus graves devant les juridictions nationales. Dans cette optique, ne pas soutenir une initiative tendant à lutter contre l’impunité et le déni de justice serait un manquement grave de la part du Tchad, en tant qu’État partie au Statut de Rome. Fort de cette conviction, et désireux d’apporter sa modeste contribution dans l’effort collectif visant à mettre un terme aux souffrances des victimes, le Tchad s’est prononcé en faveur du projet de résolution qui vient d’être mis aux voix et qui, malheureusement, n’a pas été adopté.

Tout en émettant un vote positif de principe, le Tchad regrette que pour les mêmes crimes, le projet de résolution, à l’instar de ceux sur le Darfour et la Libye, réserve un traitement discriminatoire aux ressortissants d’une catégorie d’États. Ces dérogations, qui se justifient à certains égards, sont difficilement acceptables pour les victimes et portent atteinte au principe de reddition de comptes et à l’idéal d’une justice pénale internationale indépendante et crédible, pour tous sans exception, pour tous les crimes les plus graves.

Pour terminer, le Tchad réitère son appel à toutes les parties au conflit syrien à respecter immédiatement leur obligation de protéger les civils, le personnel humanitaire et les véhicules de transport sanitaire et à permettre aux agences humanitaires d’atteindre l’ensemble de la population civile sans aucune entrave.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous comprenons les raisons qui ont poussé de nombreuses délégations à voter pour le projet de résolution S/2014/348 ou en s’en porter coauteurs, projet renvoyant la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale (CPI). Nous partageons leur émotion causée par la crise en Syrie, qui dure depuis trop longtemps. Il est en effet difficile d’assister à la destruction, aux pertes de vies humaines et aux souffrances des populations .

Il est encore plus difficile de comprendre les raisons qui ont poussé la France à présenter ce projet de résolution et à le soumettre à un vote, sachant très bien à l’avance le sort qui lui serait réservé. Nombreux sont ceux qui se plaignent du manque d’unité parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité au sujet de la Syrie. En effet, quand l’unité prévaut, nous arrivons à enregistrer des résultats positifs concrets. Entre autres résultats de ce genre, il y a, indéniablement, la résolution 2118 (2013) sur la destruction du programme d’armes chimiques de la République arabe syrienne, qui est en voie d’être menée à bien. L’autre jalon important aura été la résolution 2139 (2014) sur la situation humanitaire.

L’unité des cinq pays membres permanents du Conseil est importante. Après tout, c’est la raison pour laquelle la France n’a cessé de prôner leur engagement dans le règlement politique de la crise sans arriver, néanmoins, à formuler de quelconques idées positives sur le fond. Pourquoi donc ce coup porté à l’unité des cinq pays membres permanents à ce stade ? Est-ce pour essayer une fois de plus de trouver un prétexte à une intervention armée dans le conflit syrien ? Nous ne manquerons pas de faire remarquer que le chef de la diplomatie française a cru bon de mettre à profit la visite qu’il a effectuée dernièrement à Washington pour critiquer ouvertement les États-Unis d’avoir refusé d’arroser la Syrie de missiles et de bombes l’automne dernier .

Il convient de souligner que ce coup porté à l’unité des cinq pays membres permanents du Conseil intervient à un moment critique de l’action menée pour trouver un règlement politique à la crise en Syrie. Le hiatus involontaire créé par la démission de M. Lakhdar Brahimi doit être l’occasion de procéder à une analyse approfondie, juste et collective de la situation et de chercher par tous les moyens à briser le cercle vicieux de la violence. À cet égard, il y a matière à réflexion dans le testament politique légué par M. Brahimi au Conseil de sécurité le 13 mai. C’est précisément ce à quoi vise le projet de résolution présenté par la Russie : promouvoir le processus de trêves locales. Mais ce projet n’a pas l’heur de plaire à nos collègues occidentaux, qui affirment que les règlements auxquels ont est déjà parvenu ne peuvent servir de modèles. Cela nous rappelle un proverbe russe : vaut mieux une mauvaise paix qu’une bonne querelle. Et que proposent nos collègues occidentaux en lieu et place ? Ils parlent, et il faut être naïf pour y croire, de livrer de nouveaux types d’armements aux bons groupes de l’opposition. Or, leur liste des bons élèves en Syrie inclut à présent le Front el-Nosra, qui a admis publiquement avoir commis une série d’attaques terroristes violentes, notamment celle perpétrée dernièrement à Alep qui a coûté la vie à des dizaines de civils. Je tiens à signaler que les collègues occidentaux exigent que les fournitures humanitaires à la Syrie qui sont acheminées depuis les frontières passent désormais par les points de passage frontaliers contrôlés par le Front. Dans le même temps, ils bloquent toute condamnation au niveau du Conseil de sécurité des multiples attaques terroristes commises en Syrie.

Chercher à imposer à tout prix un changement de régime en Syrie ne fera que prolonger la crise et saper les négociations de Genève. Il est surprenant qu’Ahmed Jarba, le chef de la Coalition nationale, n’ait fait aucun effort pour se rendre aux négociations de Genève et qu’il ait parcouru le monde à la recherche d’armes, et que Moaz al-Khatib, son prédécesseur, ait été démis de ses fonctions tout bonnement pour avoir essayé d’entrer en pourparlers avec Damas pour mettre fin à l’effusion de sang. Il est frappant à cet égard qu’il n’y ait pas eu un seul mot sur le règlement politique et le processus de négociations entre Syriens dans le communiqué publié le 15 mai à l’issue de la réunion à Londres du « London 11 » (Groupe des 11 pays amis de la Syrie). La troïka occidentale s’est donné beaucoup de mal pour dissuader le Secrétaire général et son Représentant spécial de convoquer une autre série de négociations à Genève.

De quelle justice parle-t-on lorsqu’on a pour principale politique de favoriser l’escalade du conflit ? Le projet de résolution rejeté aujourd’hui n’est qu’une tentative de plus d’utiliser la CPI pour enflammer davantage les passions et préparer le terrain, au final, à une éventuelle intervention militaire extérieure. Il convient de noter que le rapport César (S/2014/244, annexe) qui a été utilisé pour exacerber les tensions au cours de la période qui a précédé la présentation du projet de résolution, est basé sur des informations non confirmées obtenues de sources non vérifiées, et on ne saurait donc s’y appuyer pour prendre une aussi grave décision .

L’on ne saurait feindre d’ignorer le fait que la dernière fois que le Conseil de sécurité a déféré une affaire à la Cour pénale internationale (CPI) – le dossier libyen en l’occurrence –, par la résolution 1970 (2011), il n’a pas aidé à régler la crise ; il n’a fait bien au contraire qu’attiser les flammes du conflit. Après la cessation des hostilités, la CPI n’a pas été exactement, c’est le moins qu’on puisse dire, à la hauteur de la situation. Elle n’a pas contribué au retour à la normale et au rétablissement de la justice en Libye, mais a occulté les questions les plus pressantes : la mort de civils due aux bombardements de l’OTAN, qui a quelque peu échappé à sa compétence. Nos collègues des pays de l’OTAN ont refusé avec arrogance de traiter cette question. Ils ont même refusé de présenter des excuses, accusant avec éloquence d’autres de comportement honteux. Ils prônent la lutte contre l’impunité, mais pratiquent eux- mêmes une politique du tout est permis.

Les États-Unis proposent souvent l’option de la CPI quand il s’agit des autres, mais sont réticents quand il s’agit d’adhérer au Statut de Rome. Dans le projet de résolution d’aujourd’hui, les États-Unis insistent pour s’exempter et exempter ses citoyens. La Grande-Bretagne est partie à la CPI, mais, pour certaines raisons, n’est pas enthousiaste au sujet de l’examen par la CPI des crimes commis par les ressortissants britanniques au cours de la guerre en Iraq. Si les États-Unis et le Royaume-Uni acceptaient de renvoyer le dossier iraquien à la CPI, alors le monde verra qu’ils sont vraiment contre l’impunité.

Nous partons du principe que le Communiqué de Genève du 30 juin 2012 (S/2012/522, annexe) reste au cœur de l’action menée pour régler la crise syrienne. Selon le Communiqué, les principes de responsabilité et de réconciliation nationale sont interdépendants, et le rôle de chef de file de ce processus est laissé aux Syriens eux-mêmes.

Nous sommes convaincus que la justice finira par triompher en Syrie. Ceux coupables des crimes graves seront punis, mais pour que cela soit possible, il faut qu’il y ait d’abord la paix. La Russie continuera de tout mettre en œuvre pour faire cesser l’effusion de sang dès que possible. Nous demandons à nos collègues occidentaux d’abandonner leur futile politique qui mène à l’impasse et qui ne fait qu’exacerber indéfiniment la crise syrienne. Nous invitons tous ceux qui se soucient véritablement des intérêts du peuple syrien à se joindre aux efforts visant à trouver un règlement politique en Syrie. Estimer, comme le fait la France aujourd’hui, que le processus politique est mort est tout simplement irresponsable. Cela revient en fait à trahir le peuple syrien.

M. Wang Min (Chine) (parle en chinois) : Depuis plus de trois ans, l’escalade du conflit en Syrie inflige d’indicibles souffrances au peuple syrien et pose un grave défi aux pays de la région et à la communauté internationale. La Chine a toujours maintenu que les parties en Syrie devaient respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire, et empêcher que les personnes innocentes soient les victimes du conflit. La Chine est fermement opposée à toutes les violations du droit international humanitaire et aux graves violations des droits de l’homme commises par toutes les parties au conflit en Syrie. Toutefois, s’agissant du projet de résolution S/2014/348, qui vient d’être mis aux voix aujourd’hui au Conseil, la Chine a quelques sérieuses réserves à exprimer.

Premièrement, la Chine estime que toute action visant à recourir à la Cour pénale internationale (CPI) pour juger les auteurs de graves violations doit être menée dans le respect de la souveraineté judiciaire de l’État et du principe de complémentarité. La Chine n’est pas un État partie au Statut de Rome. La Chine a toujours émis des réserves s’agissant du renvoi, par le Conseil de sécurité, de la situation d’un pays à la CPI. C’est pour nous une position de principe .

Deuxièmement, à l’heure actuelle, les efforts visant à trouver un règlement politique à la question syrienne se heurtent à des obstacles. La communauté internationale doit renforcer sa confiance, faire preuve de patience et rester fermement engagée dans la voie d’un règlement politique. Ce qu’il y a lieu de faire de toute urgence maintenant c’est d’exhorter le Gouvernement et l’opposition en Syrie à mettre immédiatement en œuvre un cessez-le-feu et à mettre fin à la violence aux fins du lancement d’une troisième série de négociations à Genève pour mener de l’avant le processus politique et entamer une transition politique. Dans les circonstances actuelles, le renvoi forcé de la situation en Syrie à la CPI ne favorisera ni l’instauration de la confiance entre toutes les parties ni une reprise rapide des négociations à Genève. Il ne fera que compromettre les efforts qui sont faits par la communauté internationale aux fins d’un règlement politique.

Troisièmement, depuis quelque temps maintenant, l’unité et la coordination ont été maintenues au Conseil de sécurité s’agissant de la question de la Syrie, grâce aux efforts faits par différents membres, dont la Chine, pour répondre aux préoccupations fondamentales de toutes les parties. Puisque les parties ont des points de vues très divergents concernant ce projet de résolution, nous pensions qu’il fallait poursuivre les consultations plutôt que d’imposer un vote sur le projet de résolution, afin d’éviter de miner l’unité du Conseil ou d’entraver la coordination et la coopération sur des questions comme la Syrie et d’autres situations graves. Hélas, il n’a pas été tenu compte de l’approche préconisée par la Chine, et c’est pourquoi la Chine a voté contre le projet de résolution .

J’ai déjà clairement expliqué la position de mon pays et souligné précisément les éléments et les raisons qui la sous-tendent. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres pays occidentaux viennent à l’instant de formuler des accusations totalement infondées contre la Chine. Cela est irresponsable et hypocrite. La Chine rejette fermement la diffamation dont usent ces pays occidentaux à son égard.

La Chine n’a cessé de défendre un objectif et d’avoir une position impartiale sur la question de la Syrie. La Chine n’a aucun intérêt à défendre en Syrie, ni encore moins de partie, de faction ou de personnes à protéger. En tant que membre permanent du Conseil et membre responsable de la communauté internationale, la Chine reste déterminée à parvenir à un règlement politique de la question syrienne.

La Chine s’est efforcée de façon approfondie et équilibrée de dialoguer avec le Gouvernement syrien et les parties de l’opposition pour les exhorter à chercher, sur la base des revendications de toutes les parties, une voie médiane adaptée à la situation du pays et tenant compte des intérêts de tous.

La Chine est vivement préoccupée par la situation humanitaire en Syrie et compatit aux souffrances du peuple syrien. Elle a fourni une aide humanitaire au peuple syrien et aux réfugiés syriens dans les pays voisins par divers canaux et à maintes occasions. La Chine attache une grande importance aux préoccupations légitimes de toutes les parties et des pays arabes s’agissant de la question syrienne. Nous restons prêts à maintenir des contacts étroits avec toutes les parties et à promouvoir activement les actions menées pour trouver un règlement politique à la question syrienne et préserver la paix et la stabilité dans la région du Moyen-Orient.

Le Président, M. Oh Joon (République de Corée) (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration à titre national.

La République de Corée a voté pour le projet de résolution S/2014/348. La situation en Syrie requiert une action résolue et rapide de la part du Conseil de sécurité. Faire en sorte que des comptes soient rendus doit faire partie de cette action car une paix durable n’est pas possible sans justice. Voilà pourquoi nous avons voté pour le projet de résolution qui proposait de saisir la Cour pénale internationale des crimes contre l’humanité commis en Syrie.

Il est extrêmement regrettable que le Conseil n’ait pas été en mesure de convenir d’une action parce que plusieurs pays ont opposé leur veto. Nous trahissons ainsi les aspirations de la communauté internationale et du peuple syrien. Nous sommes aussi déçus de voir que certains pensent à tort que les efforts pour que justice soit rendue sont incompatibles avec ceux menés pour trouver un règlement politique.

Cela dit, je reste convaincu que le Conseil ne peut se permettre de considérer le vote d’aujourd’hui comme un échec durable de nos efforts. La situation actuelle sur le terrain est tout simplement trop grave et continue d’exiger une action efficace du Conseil. La République de Corée demeure déterminée à œuvrer de concert avec d’autres membres pour répondre à l’appel.

Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil .

Le représentant de la France a demandé la parole pour faire une autre déclaration .

M. Araud (France) : J’espérais que le ton de mon discours prouverait à chacun autour de cette table et dans cette salle notre volonté d’éviter que le Conseil étale de nouveau ces divisions. Je voulais que mon discours
montre ma volonté de respecter la dignité de ce débat, puisque c’est un débat qui porte sur les souffrances infinies du peuple syrien et, simplement, sur la volonté que ceux qui ont commis des crimes un jour payent pour ces crimes, et je ne voyais pas d’autre voie que l’appel à la Cour pénale internationale. C’était donc une déclaration très simple, et je regrette que le représentant de la Fédération de Russie y ait répondu par l’invective et par des attaques personnelles et directes. Je relèverai dans les propos de mon collègue russe quatre points : tout d’abord l’absurdité ; deuxièmement, la confusion ; troisièmement, l’erreur et enfin, il faut bien dire, le culot .

L’absurdité. Dire que nous présentons ce projet de résolution (S/2014/348) pour préparer une intervention militaire, je crois qu’il n’y a même pas là matière à argumenter. Comme disait Talleyrand, l’excessif est insignifiant.

La confusion. Nous l’avons entendu, nous avons vu notre collègue russe planer depuis Tripoli jusqu’à Bagdad, comme si les crimes et les erreurs qui ont pu être commis à Tripoli et Bagdad excusaient aujourd’hui les crimes et les erreurs qui sont commis à Damas.

L’erreur. Lorsque mon collègue russe affirme que c’est la Coalition nationale syrienne qui est responsable de l’impasse actuelle dans les négociations à Genève alors qu’en réalité, et M. Brahimi lui-même l’a dit devant le Conseil, c’est le régime qui refusait la double approche qu’il avait proposée, c’est-à-dire la négociation en parallèle du sujet du terrorisme et du sujet du gouvernement de transition.

Le représentant de la Fédération de Russie a appelé à plusieurs reprises M. Brahimi à convoquer de nouveau des négociations à Genève, mais M. Brahimi a répondu que c’était impossible tout simplement parce que le régime ne voulait pas négocier la transition, qu’il voulait d’abord qu’il y ait un accord général sur le terrorisme avant même de négocier sur la transition. J’appelle la description que fait mon collègue russe des raisons de l’échec de la négociation de Genève « une erreur », parce que je suis extrêmement poli.

Et, enfin, le culot. Alors le culot vraiment – je crois qu’à New York on appelle ça « chutzpa » –, c’est quand même accuser les Occidentaux de livrer des armes à l’opposition alors que la Russie n’a cessé et ne cesse de vendre des armes au régime. Là, vraiment, je dois avouer que je suis absolument stupéfait que la Fédération de Russie ose soulever cette question des armes. Mais si l’Ambassadeur de Russie le veut, nous pouvons imposer un embargo sur les armes en Syrie. Je suis prêt à le voter. Votera-t-il un embargo sur les armes ? Non ! Il ne le votera évidemment pas.

Enfin, le rapport César. Dire que le rapport César n’est pas vérifiable, là je suis désolé, ce n’est pas vrai. Parce que le rapport César a été soumis à des experts indépendants dans plusieurs pays, et tous ces experts indépendants ont dit que les photos ne pouvaient pas techniquement être truquées. Voilà, je suis désolé de devoir répondre sur ce ton aux attaques qui ont été portées directement contre le Ministre français des affaires étrangères nommément, contre la France. Je voulais que ce débat porte uniquement sur un fait : les crimes et les atrocités qui sont commis par les deux parties, nous le disons, en Syrie. Notre volonté est très simple : il faut qu’en 2014, je l’ai dit, nous envoyions un message, à savoir qu’on ne peut pas faire ce que l’on a fait en 1942 aux dépens de la Russie notamment ; on ne peut pas faire ce que l’on a fait en 1994. Il y a des juges et un jour les criminels paieront, mais certains ont préféré protéger ces criminels.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole au représentant de la République arabe syrienne.

M. Ja’afari (République arabe syrienne) ( parle en arabe) : Je tiens d’emblée, au nom du Gouvernement de la République arabe syrienne, à présenter nos condoléances au Gouvernement et au peuple nigérians à la suite des actes de terrorisme qui ont secoué Kano et deux autres villes et fait des centaines de victimes civiles, ainsi qu’aux familles des victimes. Je souhaitais commencer ma déclaration par ces condoléances car, si nous tous autour de cette table ressentons la monstruosité du terrorisme, aucun d’entre vous ne la ressent comme nous, les Syriens.

Certains des États qui se sont portés coauteurs du projet de résolution S/2014/348 sur la situation syrienne me rappellent L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde , le roman de l’écrivain écossais Robert Stevenson. Ils essaient de jouer le rôle du bon docteur Jekyll en se faisant les parangons de nobles principes, alors qu’en réalité ils représentent M.Hyde, l’incarnation du mal. Cela se voit à l’appui qu’ils fournissent au terrorisme en Syrie et à la contribution qu’ils apportent à ce bain de sang continu, tout en versant des larmes de crocodile. Les mains de M. Hyde sont souillées du sang syrien, même s’il affiche une amitié de façade pour le peuple syrien, à tel point qu’il y a quelques jours – comme l’a dit mon collègue, le Représentant permanent de la Fédération de Russie – l’ancien chef de la prétendue Coalition syrienne, une coalition montée de toutes pièces et contrôlée par ceux qui prétendent être les amis du peuple syrien, a lui-même déclaré que ces « amis » étaient, pour la moitié d’entre eux, des menteurs, des imposteurs et des hypocrites, responsables des conditions que nous voyons aujourd’hui en Syrie. Il a ajouté que l’Occident cherche à diviser la Syrie.

C’est ce qu’a dit l’ancien dirigeant de la coalition de Doha, coalition fabriquée de toutes pièces dans des capitales que nous connaissons bien et, comme par hasard, l’histoire a confirmé cette version des faits. En ce jour en 1945, la délégation syrienne participait à la Conférence de San Francisco, convoquée pour rédiger la Charte des Nations Unies dont l’Article 78 garantissait que la Syrie ne deviendrait pas un territoire sous mandat français. Le 29 mai 1945, les forces françaises bombardaient le Parlement syrien et tuaient les membres de la garnison qui le gardaient. Et, comme nous l’avons entendu, les crimes de guerre étant imprescriptibles, nous exigeons que le Conseil de sécurité tienne le Gouvernement français pour responsable des crimes commis contre les Syriens et les peuples de nombreux pays que la France occupait et dont elle a pillé les ressources. Nous appelons le Gouvernement français à présenter des excuses publiques et à verser des réparations à notre peuple. Nous garantissons au Conseil que le peuple syrien n’oubliera pas l’Accord Sykes-Picot ni le fait que la France a ensuite remis la région syrienne d’Iskenderun à la Turquie. En outre, les populations de notre région n’oublieront jamais que c’est la France qui a introduit le terrorisme nucléaire israélien dans la région.

Le système juridique international repose sur des piliers fondamentaux, dont le plus important est que les États ont la responsabilité première et exclusive d’établir les responsabilités et de rendre la justice sur leurs territoires. Du fait des événements regrettables que connaît mon pays, le Gouvernement syrien a pris une série de mesures visant à ce que les personnes impliquées dans ces événements rendent compte de leurs actes, et à lancer des procédures juridiques contre elles, selon que de besoin. Notre comité national d’enquête continue de travailler de concert avec notre système judiciaire qui, depuis le début de la crise, a enquêté sur 30 000 cas.

Des avis et des décrets ont été rendus, ce qui confirme la volonté et la capacité du Gouvernement syrien de rendre justice et de s’opposer à tout prétexte invoqué pour justifier l’ingérence d’un quelconque organe judiciaire international dans notre système judiciaire .

La crise syrienne a révélé à quel point la politique de deux poids deux mesures prévaut au sein du système des Nations Unies et sert à cibler certains États Membres de certaines régions au nom du droit et de la justice. Dans la droite ligne de cette approche, un groupe d’États Membres a soumis le présent projet de résolution, un projet politique, discriminatoire et interventionniste par excellence. Il vise à perturber l’élection présidentielle en Syrie et à changer la donne, à jeter de l’huile sur le feu de la crise et atteindre des objectifs de propagande. Il cherche à entraîner le Conseil de sécurité dans l’attitude d’hostilité hystérique adoptée par certaines États Membres vis-à-vis de la Syrie et de son peuple. Avec ce projet de résolution, certains États Membres tentent de se présenter en gardiens du peuple syrien et de ses choix nationaux, au mépris de sa volonté et en opposition flagrante à l’affirmation répétée du Conseil de sécurité selon laquelle il est fermement attaché à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne, et à son appel à une solution syrienne à la crise syrienne.

En outre, les motifs avancés par les coauteurs pour justifier cette demande de saisine de la Cour pénale internationale ne sont que des allégations mensongères fondées sur des rapports partiaux et politisés qui se jouent de la raison . Ces rapports sont établis par des comités qui font fi des plaintes, des documents et des preuves fournis par le Gouvernement syrien, et servent en fait les intérêts d’États engagés dans une campagne d’hostilité contre la Syrie.

La République arabe syrienne croit dans le bien- fondé de la justice pénale internationale . Nous avons été parmi les États les plus actifs à la Conférence diplomatique des Nations Unies à Rome qui a adopté le Statut de la Cour pénale internationale et avons été parmi ses premiers signataires. Nous croyons que la justice doit être globale et transparente, et non pas politisée, sélective et sujette à une politique de deux poids deux mesures. Dans ce contexte, la Syrie a demandé que le crime d’agression soit inclus dans la juridiction de la Cour, car il est la source de tous les crimes. Mais cela a été refusé. C’est pourquoi mon pays n’a pas ratifié le Statut de Rome. Aujourd’hui, le Gouvernement de la République arabe syrienne souligne que la réalisation de la justice exige ce qui suit.

Premièrement, il faut que les Gouvernements turc, saoudien, qatarien, français, israélien et autres soient tenus pour responsables de leurs actes, car ils incitent ouvertement à la violence et au terrorisme, notamment en finançant, armant, soutenant, entraînant et recrutant des milliers de mercenaires et de terroristes du monde entier dont ils facilitent l’entrée en Syrie. Et outre qu’ils font mine de fermer les yeux sur les crimes de ces terroristes, ils les qualifient d’opposition modérée.

Je souhaite communiquer au Conseil une information mentionnée par le chef d’état-major de l’armée de l’air libyenne. Il a déclaré que l’organisation terroriste Al-Qaida en Libye et les Frères musulmans en Libye avaient envoyé conjointement 224 vols à partir de la Libye vers la Syrie, avec transit en Turquie, pour transférer des terroristes mercenaires en Syrie.

L’équilibre entre justice internationale et état de droit ne sera donc pas rétabli sans qu’il soit mis un terme aux pratiques de ces États et à leurs violations répétées du droit international et des résolutions du Conseil relatives à la lutte contre le terrorisme international. Le terrorisme est un crime, quels qu’en soient les auteurs et leurs motifs et indépendamment du lieu où il est commis. De la même manière que le terrorisme pratiqué par Boko Haram au Nigéria est unanimement condamné, et doit être combattu, il faut condamner les actes de terrorisme commis par les homologues de Boko Haram avec le soutien d’Israël dans la zone de séparation dans le Golan syrien occupé, avec l’appui de la Turquie dans le nord et grâce aux armes fournies par les gouvernements occidentaux et arabes sous les yeux de l’ONU. Ces terroristes commettent des crimes innommables qui couvrent de honte la conscience humaine, le plus récent ayant consisté à couper l’approvisionnement en eau de la ville d’Alep et à priver 3 millions de Syriens d’eau potable et de services d’assainissement. Nous aurions aimé que les pays qui ont aujourd’hui présenté le projet de résolution présentent plutôt un projet de résolution pour lutter contre le terrorisme dont sont victimes les Syriens.

Deuxièmement, il y a une absence d’application du principe de responsabilité pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes d’agression avérés commis par les autorités israéliennes dans les territoires arabes occupés, y compris le Golan syrien occupé, depuis plus de sept décennies. Ces crimes ont été commis avec l’appui de certains membres permanents du Conseil qui ont jusqu’à ce jour permis aux criminels de guerre israéliens d’échapper aux sanctions et fait obstruction à toutes les initiatives visant à leur demander des comptes.

Troisièmement, nous sommes préoccupés par les tentatives de compromettre la justice, qui sont le résultat de l’immunité que se sont attribuée certaines grandes puissances à titre exclusif. Cette immunité leur permet de ne pas répondre de leurs violations des droits de l’homme et des crimes qu’elles commettent sur le territoire d’autres États Membres, et ce en vue de mettre en œuvre leurs programmes coloniaux et leurs projets de domination et d’oppression. Abu Ghraib, Guantanamo, le bombardement de l’Ambassade de Chine à Belgrade, le bain de sang en Libye, les prisons secrètes, l’utilisation de drones pour tuer des civils innocents, les pratiques de sociétés mercenaires, notamment Blackwater en Iraq, et autres – sont autant d’exemples frappants de la politique du deux poids, deux mesures qui leur permet d’échapper aux poursuites et aux sanctions. L’ironie est que ces pays s’obstinent à tenter d’imposer leur législation nationale au-delà de leurs frontières et ont récemment imposé des sanctions contre le chef du Comité national des secours humanitaires en Syrie. La Secrétaire générale adjointe, Valerie Amos, connaît le chef du Comité national des secours humanitaires en Syrie, et je la saisirai donc de la question de ces sanctions. J’espère qu’elle fera quelque chose.

Ces preuves, entre autres preuves, soulignent que la justice est taillée sur mesure pour répondre aux exigences de certains États. Un crime peut être fabriqué de toutes pièces pour qu’un État donné soit déféré devant la Cour, alors que d’autres n’ont de cesse de dissimuler derrière un rideau les violations et crimes avérés qu’ils ont commis. Le projet de résolution a été formulé d’une manière qui protège les criminels de guerre israéliens, qui ne seraient donc pas responsables de crimes commis contre le peuple syrien. Des mercenaires et des terroristes arrivés en Syrie en provenance de pays étrangers seraient également à l’abri de la juridiction de la Cour. Cela sape non seulement la crédibilité des auteurs de ce projet de résolution, mais expose aussi leurs desseins malveillants et leurs intentions agressives.

Toujours à propos des sanctions imposées contre le chef du Comité national des secours, j’aimerais rappeler à la mémoire du Conseil un autre scandale qui a éclaté lorsque des sanctions ont été imposées contre le Ministre de l’électricité en Syrie. Nous avons renvoyé la question des sanctions contre le chef du Comité national des secours en Syrie à Valerie Amos, et nous renverrons la question des sanctions contre le Ministre de l’électricité au Tribunal de Thomas Edison.

Une fois de plus, ma délégation garantit à tous les États Membres qui affirment s’inquiéter du sort du peuple syrien que la seule façon d’aider les Syriens est bien connue. Il faut déployer des efforts véritables pour combattre le terrorisme, qui prend pour cible la Syrie et son peuple. Il faut également déployer des efforts en vue de trouver une solution nationale à la crise en Syrie. Cette solution doit prendre en compte le processus de Genève, qui est basé sur le dialogue entre Syriens en vue de parvenir à un consensus pour rejeter la violence, lutter contre le terrorisme et former un gouvernement d’unité nationale, et ce à l’abri de toute tentative d’ingérence et des projets interventionnistes qui ne bénéficient en rien à la Syrie ou à son peuple. Les Syriens qui se rendront aux urnes pour élire le Président de la République le feront pour protéger leur pays contre le « terrorisme créatif », le chaos et les tentatives de saper les concepts même d’État et de souveraineté.

Pour conclure, il semble que le Gouvernement français en place ait mal compris cette célèbre citation de la littérature française, « L’enfer, c’est les autres », puisqu’il semble considérer que les autres sont toujours l’incarnation de l’enfer, alors que ce qu’a voulu dire le philosophe français Jean-Paul Sartre est que l’on peut soi-même être l’enfer en fonction de la manière dont on voit les autres et dont on interagit avec eux. C’est pourquoi le Gouvernement français devrait tout d’abord se livrer à un exercice d’introspection afin qu’il puisse voir l’enfer dans ses actes, et non pas dans ceux d’autrui.

Le Président (parle en anglais) : Le représentant de la France a demandé la parole pour faire une nouvelle déclaration .

M. Araud (France) : Monsieur le Président, je vous prie de m’excuser. Je ne vais pas prolonger le débat et je ne rentrerai pas dans la polémique. Je voulais simplement faire une correction de fait sur le texte du projet de résolution (S/2014/348) sur lequel nous avons voté. Contrairement à ce que vient de dire mon collègue syrien, ce projet de résolution n’exempte pas les terroristes étrangers et mercenaires venant d’autres pays de la juridiction de la Cour pénale internationale. Il est très clair, et il est dit au paragraphe 1, que les groupes armés, naturellement, sont concernés. En ce qui concerne l’exemption mentionnée au paragraphe 7, elle ne porte que sur des nationaux d’un pays non partie au Statut de Rome qui sont engagés dans des opérations autorisées ou établies par le Conseil de sécurité. En d’autres termes, si, par exemple, un citoyen d’un pays non membre du Conseil de sécurité participait aux opérations sur le territoire syrien, la Cour pénale internationale pourrait naturellement le poursuivre. L’exemption mentionnée au paragraphe 7 ne protège en rien les terroristes, quelle que soit leur nationalité.

Le Président (parle en anglais) : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé à prendre de nouveau la parole .

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Force est de constater que notre collègue français n’est pas très convaincant .

Le Président (parle en anglais) : Le représentant de la France a demandé à prendre une nouvelle fois la parole .

M. Araud (France) : N’est convaincu que celui qui veut être convaincu.

Le Président (parle en anglais) : Le représentant de la Fédération de Russie souhaite faire une nouvelle déclaration .

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Cela ne nous convainc pas.

Le Président (parle en anglais) : Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

La séance est levée à midi.

Projet de résolution rejeté

Albanie, Allemagne, Andorre, Arabie saoudite, Australie, Autriche, Belgique, Botswana, Bulgarie, Canada, Chili, Chypre, Côte d’Ivoire, Croatie, Danemark, Émirats arabes unis, Espagne, Estonie, États-Unis d’Amérique, ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Îles Marshall, Irlande, Islande, Italie, Japon, Jordanie, Lettonie, Libye, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Mexique, Monaco, Monténégro, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Panama, Pologne, Portugal, Qatar, République centrafricaine, République
de Corée, République démocratique du Congo, République de Moldova, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Saint-Marin, Samoa, Sénégal, Serbie, Seychelles, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie et Ukraine : projet de résolution

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 2042 (2012), 2043 (2012), 2118 (2013) et 2139 (2014) et les déclarations de son président du 3 août 2011, du 21 mars 2012, du 5 avril 2012 et du 2 octobre 2013,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité de la République arabe syrienne et aux buts et principes de la Charte des Nations Unies,

Rappelant qu’il a pleinement approuvé le Communiqué de Genève du 30 juin 2012, d’après lequel la question de la responsabilité des actes commis pendant l’actuel conflit en République arabe syrienne doit être réglée,

Prenant note des rapports de la commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, chargée par le Conseil des droits de l’homme d’enquêter sur toutes les violations alléguées du droit international des droits de l’homme commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, d’établir les faits et circonstances qui pourraient constituer de telles violations et des crimes perpétrés et, si possible, d’en identifier les responsables, et de faire en sorte que les auteurs des violations, y compris celles susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité, répondent de leurs actes,

Rappelant les déclarations faites par le Secrétaire général et la Haut- Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme selon lesquelles des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont probablement été commis en République arabe syrienne,

Notant que la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme l’a encouragé plus d’une fois à saisir la Cour pénale internationale de la situation,

Considérant que la situation en République arabe syrienne constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Réaffirme qu’il condamne fermement les violations généralisées des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par les autorités syriennes et les milices pro-gouvernementales, ainsi que les atteintes aux droits de l’homme et les violations du droit international humanitaire commises par les groupes armés non étatiques au cours du conflit qui se poursuit en République arabe syrienne depuis mars 2011 ;

2. Décide de saisir le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation en République arabe syrienne décrite au paragraphe 1 ci-dessus depuis mars 2011 ;

3. Décide également que le Gouvernement syrien doit coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l’assistance voulue, notamment en mettant pleinement en œuvre l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, en application de la présente résolution et, tout en reconnaissant que le Statut de Rome n’impose aucune obligation aux États qui n’y sont pas parties, exhorte instamment tous les États et toutes les organisations régionales et internationales concernées à coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur ;

4. Exige des groupes armés non étatiques en Syrie qu’ils coopèrent aussi pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apportent toute l’assistance voulue dans le cadre des enquêtes et poursuites menées en application de la présente résolution ;

5. Affirme sa volonté de voir donner efficacement suite à la présente résolution ;

6. Rappelle les directives formulées par le Secrétaire général au sujet des contacts avec les personnes qui font l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître délivrés par la Cour pénale internationale ;

7. Décide que les ressortissants, responsables ou personnels en activité ou anciens responsables ou personnels, d’un État autre que la République arabe syrienne qui n’est pas partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale sont soumis à la compétence exclusive dudit État pour toute allégation d’actes ou d’omissions découlant des opérations en République arabe syrienne établies ou autorisées par le Conseil ou s’y rattachant, à moins d’une dérogation formelle de l’État ;

8. Convient qu’aucun des coûts afférents à la saisine de la Cour, y compris ceux occasionnés par les enquêtes et poursuites menées comme suite à cette saisine, ne sera pris en charge par l’Organisation des Nations Unies et que ces coûts seront supportés par les Parties au Statut de Rome et les États qui voudraient contribuer à leur financement à titre facultatif et encourage les États à faire ces contributions, sachant qu’il importe de financer les dépenses liées aux enquêtes et poursuites menées par la Cour, notamment lorsque c’est le Conseil qui lui a renvoyé une situation, comme indiqué dans la résolution 67/295 de l’Assemblée générale ;

9. Invite le Procureur à informer le Conseil, dans les deux mois suivant la date de l’adoption de la présente résolution, puis tous les six mois, de la suite donnée à celle-ci et prie le Secrétaire général de bien vouloir faire distribuer le rapport du Procureur comme document du Conseil avant ces exposés ;

10. Décide de rester saisi de la question.