Ceci n’est ni un vœu pieux, ni une incantation, mais bien la conclusion d’une analyse qui, en revenant sur l’origine de cet État, devenu symbole de terreur et système de crimes organisés usant de tous les moyens pour prétendument assurer sa sécurité, met en évidence la fuite en avant d’un régime qui dure depuis plus d’un demi siècle.

Pour poursuivre leur mission divine, les États-Unis ont besoin d’un Israël

En 1912, envahissant le Mexique, le président états-unien William H. Taft déclarait : « Je dois protéger notre peuple et ses propriétés au Mexique jusqu’à ce que le gouvernement mexicain comprenne qu’il y a un Dieu en Israël et que c’est un devoir de lui obéir ».

À cette époque l’État d’Israël n’existait pas encore, le président états-unien voulait rappeler le caractère providentiel du rôle de son pays, mais cette phrase annonçait déjà la nécessité d’un lieu saint ayant une portée symbolique pour les activités de son pays à travers le monde.

Le successeur de Georges Washington à la présidence des États-Unis, John Adams, déclara « L’Amérique a été créée par la Providence, pour être le théâtre où l’homme doit atteindre sa propre stature » [1].

Les premiers théoriciens de la confédération ne cessent, comme le révérend Dana, de souligner cette filiation divine du nouvel État : « La seule forme de gouvernement, expressément instituée par la Providence, fut celle des Hébreux. C’était une république confédérale avec Jehovah à sa tête » [2].

Le troisième président des États-Unis, Thomas Jefferson, proclamera, lui aussi, que son peuple est « Le peuple élu de Dieu » [3]. Tout comme le président Richard Nixon, deux siècles après, dira : « Dieu est avec l’Amérique. Dieu veut que l’Amérique dirige le monde ». Enfin, ce sont les présidents Reagan et Georges W. Bush qui vont diviser le monde en deux parties : le « Bien » représenté par les États-Unis et leurs alliés, le « Mal » représenté par tous ceux qui s’opposeraient in fine aux projets de Washington.

Tous ces termes représentent une sorte de prêche pour légitimer l’ambition des États-Unis de dominer le monde, ce dans la mesure où son peuple est élu. Personne d’autre ne mériterait ce rôle, et de confier des missions à un autre peuple élu, celui d’Israël…

La stratégie états-unienne vise depuis 60 ans à renforcer l’État hébreu, en le soutenant économiquement, politiquement et militairement. Le nombre de véto utilisés par les États-Unis pour s’opposer à des résolutions contre Israël est impressionnant. En même temps, les États-Unis n’ont jamais rien fait pour qu’Israël applique les résolutions des Nations unies, concernant les territoires occupés et le retour des réfugiés, notamment la résolution 194 de l’Assemblée générale qui prévoit expressément le retour des réfugiés palestiniens dans leurs territoires [4].

Israël, gendarme états-unien au Proche-Orient

Les rapports dénonçant les exactions commises par l’armée israélienne finissent par être enterrés ou classés dans l’un des nombreux cartons des Nations Unies. Le dernier est celui dénommé Goldstone du nom du président Sud-Africain de cette commission onusienne. Il a fini certainement sur une étagère poussiéreuse, ruinant en même temps la réputation de ce juge particulièrement mise à mal depuis son fameux rapport imputant à Israël des crimes de guerre pendant la recrudescence de la guerre contre Gaza en 2009.

Cette présence israélienne n’est pas qu’un territoire réservé aux juifs du monde entier, comme certains le croient. En réalité l’État hébreu remplit également et surtout un rôle stratégique au Proche-Orient, celui de gendarme maintenant l’ordre états-unien. La peur du gendarme doit primer, raison pour laquelle l’armada US en armes et experts est à la disposition d’Israël.

Cet État doit représenter par sa présence la « terreur » [5], afin d’éviter que les peuples de la région ne se rebiffent, et ne se mettent à modifier leur destin, qui deviendrait une sorte de fatalité. Ils doivent abandonner toute combativité, estimant qu’en étant dociles, ils auraient tout à gagner, et tout à perdre en tentant de résister à l’ordre mondial que l’on veut leur imposer.

Cet ordre mondial cherche à atteindre les objectifs détaillés par l’administration US, qu’elle soit républicaine ou démocrate.

C’est ainsi que la « terreur » générée par la présence d’Israël doit interdire toute volonté de réparer l’injustice subie par les peuples de la région, notamment par le peuple palestinien. L’idée de résister ne doit pas traverser les esprits, car le risque est important et la perte devra être considérée comme assurée. Personne n’a envie d’entrer en guerre s’il la sait perdue d’avance.

L’Égypte a fini par se résigner, alors que sans elle aucune guerre n’était possible, selon la formule d’Henry Kissinger. De ce fait, le risque d’une guerre sur toutes ses frontières à la fois est écarté pour Israël. Même chose pour sa deuxième frontière avec la Jordanie qui a fini également par signer les accords de paix avec échanges diplomatiques, ce qui ne faisait qu’officialiser des rapports secrets entretenus entre les dirigeants israéliens et le petit roi jordanien depuis des décennies.

Il ne restait donc que la Syrie et le Liban. Ce dernier était considéré comme un État insignifiant, faible et facile à déstabiliser. Personne n’aurait imaginé que ce petit pays allait se transformer en bourbier pour l’armée israélienne. Le Liban devait servir principalement à étouffer la Syrie, surtout avec plus de 375 km de frontières incontrôlables en raison de la configuration géométrique et de l’imbrication des territoires entre le Liban et la Syrie.

Ces deux pays se retrouvent dans la ligne de mire des États-Unis à partir de 1975. Déjà à cette époque, il est proposé aux chrétiens du Liban d’immigrer vers les États-Unis et le Canada, et que des facilités leurs seront accordées. Cette proposition a été faite directement à Suleiman Frangieh, président Libanais de l’époque, par l’émissaire du président Gerald Ford au Proche-Orient.

L’offre a été évidemment refusée, mais il n’empêche qu’une politique d’immigration très active au profit des chrétiens du Liban a été mise en place pour faciliter leur départ et leur installation notamment en Amérique du Nord et en Australie.

Encore une fois la terreur israélienne allait frapper à travers la guerre de 1982. L’attaque israélienne est allée jusqu’à occuper la capitale Libanaise, chose inimaginable jusqu’alors. Les massacres de Sabra et Chatila allaient susciter une vague d’indignation jusqu’en Israël, mais beaucoup moins dans certains pays arabes, déjà tétanisés par la peur…

L’on se demandait compte tenu de la violence de cette campagne militaire, ce qu’Israël cherchait, car le prétexte de la tentative d’assassinat de l’ambassadeur d’Israël à Londres Shlomo Argov par un groupe d’Abou Nidal dont les liens avec le Mossad ont fini par être connus du grand public, ne convainquait personne.

L’on a appris plus tard que Menahem Begin, Premier ministre israélien de l’époque, confiait à Ronald Reagan en août 1982 après le bombardement de Beyrouth : « J’ai le sentiment d’avoir envoyé l’armée à Berlin pour détruire Hitler », non sans avoir déjà prévenu son propre gouvernement : « l’alternative, c’est Treblinka ». À quoi Amos Oz, grand écrivain israélien, avait répondu par voie de presse : « Hitler est déjà mort, Monsieur le Premier ministre ! » et poursuivi : « Adolf Hitler a détruit un tiers du peuple juif, j’éprouve au fond de moi-même une souffrance sourde de n’avoir pas tué Hitler de mes propres mains. Je suis sûr que les mêmes fantasmes vous hantent. Des dizaines de milliers d’Arabes morts ne guériront pas cette blessure. Monsieur Begin, Qu’on le déplore ou non c’est un fait : Hitler ne se cache pas à Nabatiyeh, ni à Sidon, ni à Beyrouth. Il est bel et bien mort » [6].

En tout cas, le message venait de passer, le gendarme invincible l’est toujours, et peut atteindre n’importe quelle capitale arabe, et peut même l’occuper. C’était le message à faire passer à l’ensemble du monde arabe, et à toutes ses populations. Cette attaque violente devait briser toute volonté de résister, car elle serait vaine devant ces monstres de métal qui attaquaient sur terre, en mer et dans les airs…

Ces deux pays allaient payer successivement le prix de leur résistance aux projets états-uniens, puisque le Liban allait subir, au-delà de sa déstabilisation politique qui dure depuis des décennies, une guerre qui devait le mettre à genoux pendant l’été 2006. Le calcul s’est avéré erroné, puisque le rêve de briser le Hezbollah, devenu symbole de la Résistance libanaise s’est transformé en cauchemar.

La Syrie subit depuis plus de trois ans des attaques incessantes de groupes, sinon de troupes, venues du monde entier pour briser ce symbole et refuge des mouvements de résistance de la région. Cet État a finalement tenu bon et a déjoué les projets préparés à son encontre. Il semble s’acheminer vers la porte de sortie de sa crise.

Ces projets ne suffisent plus, et il fallait casser davantage la volonté du peuple palestinien afin de briser son rêve de retrouver un État qui soit la terre de retour de tous les réfugiés palestiniens éparpillés dans le monde entier.

Les massacres de ce peuple finissent par se ressembler : de Deir Yassine en 1948 au quartier de Chougeaieh dans la bande de Gaza en 2014, rien n’a changé, si ce n’est que les bandes de la Haganah ont été remplacées par les régiments de Tsahal.

Des frontières en mouvement

Dans la stratégie états-unienne, les frontières du Proche-Orient issues des Première et Deuxième Guerres mondiales ne sont pas reconnues. L’on raisonne par zone, et non par pays. C’est ainsi que l’on imagine des Palestiniens abandonnant tout droit au retour, s’implantant en Jordanie et ensuite au Liban, tout en proposant aux chrétiens de quitter ces pays.

Ce non respect des frontières est à l’image de l’irrespect que les États-Unis ont à l’égard des chefs politiques de cette région. Ce qui explique qu’à maintes reprises des propositions ont été faites sur des échanges de territoires ou de simples indemnisations. Cette attitude est allée jusqu’à imposer des immigrations forcées à certaines populations.

Le dessein que les États-Unis ont de la région est plus important, selon eux, que les équilibres démographiques ou politiques. Admettre que les Palestiniens ne retournent jamais sur leurs terres n’est pas un problème, déplacer les chrétiens d’Orient ne l’est pas davantage. Le sacrifice des kurdes et des chiites à l’issue de la Première guerre du Golfe n’a ému personne au sein de l’Administration US. À cet instant Washington n’avait pas décidé de déstabiliser le régime de Saddam Hussein.

De la même manière, l’on va utiliser l’Irak pour attaquer l’Iran en croyant pouvoir modifier la géographie, et ensuite en tolérant virtuellement l’agression par l’Irak du territoire koweitien, ce qui devait servir de prétexte pour l’installation définitive des GI’s dans la région du Golfe.

Sur le même territoire, l’invasion anglo-saxonne de l’Irak devait créer des zones représentant des quasi-États, à caractère ethnique ou religieux, ce qui avec l’aide « d’inconnus » qui sèment des bombes et des voitures piégées, ravivait une guerre confessionnelle que l’on croyait disparue dans cette région. Le tout selon le diktat du « chaos constructeur » cher à Condoleezza Rice [7].

Les gênes d’une guerre confessionnelle sont toujours présents, mais les parties en place ont décidé de ne pas céder aux provocations en attendant un éclaircissement de la situation. L’Iran a fait comprendre aux chiites, plus nombreux et plus visés par les attaques, de ne pas répondre et de ne pas rentrer en guerre avec les sunnites, ce qui ne ferait que déstabiliser davantage le pays. Pour le moment le message passe bien.

L’on profite de cette « incertitude » sur les frontières pour grignoter les territoires palestiniens et pour créer encore une fois des faits accomplis. Cette situation restera une source d’instabilité, tant que le problème du peuple palestinien n’aura pas été réglé dans le cadre d’une solution équitable et juste tant pour les Palestiniens que pour les peuples de la région.

Ainsi, ne pas régler le problème des réfugiés palestiniens, c’est aboutir à des déséquilibres démographiques pour les pays d’accueil tel que le Liban ou la Jordanie, ce qui aboutira à terme à exacerber des tensions, et ce sont les Palestiniens qui en paieront les frais.

Cet état d’esprit est parfaitement résumé par l’État d’Israël qui considérait comme « chiffon de papier » — l’expression est de Ben Gourion — la première résolution de l’Onu concernant l’État d’Israël : celle qui institue cet État et qui en fixe les frontières.

Sur ce point l’évolution des territoires annexés, ou occupés civilement et militairement par l’État hébreu est la démonstration de cet aspect incertain des frontières que l’on voudrait imposer. Après les différentes campagnes de colonisation il ne reste plus de territoires palestiniens qui ne soient dominés ou assiégés par des territoires israéliens, empêchant à tout moment « ces citoyens du monde » de vivre sereinement.

Cette population n’a ni État, ni reconnaissance, si ce n’est celle d’être considérée comme une sorte de verrue que l’on tente de cacher. Mais les évènements de son quotidien nous explosent à la figure à travers les images véhiculées par les différents médias, et jusqu’à parfois exploser dans nos rues pour nous rappeler que ce problème n’est toujours pas réglé.

Malgré ce sombre tableau de la condition des Palestiniens, il n’en reste pas moins que cette situation génère depuis des décennies une volonté de révolte qui entraine intifada après intifada, et le temps et l’exaspération aidant, les jets de pierres par des enfants et adolescents ont laissé place à une résistance de plus en plus efficace.

Pendant combien de temps encore Israël et sa population continueront-ils de résister tant aux images des horreurs commises par leur armée, qu’à la montée en puissance des réactions des mouvements palestiniens aux différentes attaques que subissent les territoires occupés et leur misérable population privée de tout, y compris du minimum vital.

Ce problème n’est donc plus une simple question de territoire.

L’image d’Israël se détériore

Israël pâtit d’une image de plus en plus dégradée dans l’opinion internationale, tout en jouissant d’un soutien indéfectible de l’Union européenne et des États Unis. Cette situation préoccupe actuellement des juifs d’Amérique et d’Europe. L’inquiétude liée à la perception d’Israël par l’opinion publique et à son image dans les médias a donné bien des insomnies aux juifs états-uniens. Ce problème apparaît encore et toujours au centre de toutes leurs conversations, privées ou publiques, dans tous les rassemblements juifs, et même à la synagogue. Le sentiment général est qu’on peut faire davantage pour améliorer l’image d’Israël.

Durant l’année écoulée, les juifs états-uniens ont pratiquement tout essayé pour tenter d’agir sur l’opinion publique — depuis le boycott organisé de certains médias, dont ils percevaient le traitement de l’information comme biaisé à l’égard d’Israël, jusqu’à des efforts concertés en vue d’influencer les responsables de l’administration Obama et du Capitole —. Mais des militants juifs ont toujours le sentiment frustrant et inquiétant de ne pas avoir conquis l’opinion publique.

Un nouveau sondage, commandé par l’American Jewish Committee (AJC) indique que la crainte de ces militants est bel et bien justifiée. Bien que la base de soutien soit toujours solide et que la situation d’Israël en matière d’opinion publique soit nettement meilleure que celle des Palestiniens, les derniers mois ont vu une certaine érosion du soutien envers Israël et une augmentation du nombre de ceux qui adoptent une attitude de neutralité par rapport au conflit israélo-palestinien.

Cette enquête a également eu des conséquences pratiques. Des organisations juives aux États-Unis sont sur le point de lancer une campagne télévisée en faveur d’Israël, au niveau national. La diffusion du premier spot sur tout le territoire est programmée … On considère qu’il s’agit-là d’une initiative importante tant sur le plan du soutien qu’elle est censée provoquer, que par l’énormité de l’investissement financier qu’elle nécessite.

Les auteurs de l’étude gardent confidentiels la plupart des résultats et expliquent qu’il s’agit d’une étude à l’usage exclusif de ceux qui sont impliqués dans ce domaine, et non destinée à être publiée. Seuls les résultats concernant les populations juives et estudiantines ont été divulgués. Les deux groupes ont fortement exprimé leur soutien à Israël. Mais les conclusions générales du sondage n’ont pas filtré.

La principale conclusion est qu’aux États-Unis, le temps ne joue pas en faveur d’Israël. Bien que le soutien d’Israël soit toujours fort aux États-Unis, et que rien ne laisse penser que des États-uniens qui soutiennent Israël basculeraient dans le soutien des Palestiniens, la poursuite des violences et l’effusion de sang dans les deux camps entraînent de plus en plus d’États-uniens qui, dans le passé, exprimaient leur soutien d’Israël, à adopter une position neutre. Ils imputent alors la responsabilité de la situation aux deux parties…

Ces conclusions, détaillées sur le site de l’Union des patrons et professionnels juifs de France (UPJF), démontrent le malaise vécu par la communauté juive. La confusion s’opère entre sentiments antisémites et rejet de la politique israélienne assimilée à une sorte de fuite en avant, en lieu et place d’une véritable négociation avec les peuples de la région en admettant des points qui ne doivent poser aucun problème sur plan du droit international, notamment les annexions de territoires, la construction du mur avec la bande de Gaza, la confiscation des terres et des maisons, le respect des frontières, le retour des réfugiés conformément à la résolution 194 de l’Assemblée Générale de l’ONU du 11 décembre 1948.

Sur le plan militaire, bien qu’Israël avec l’aide des États-Unis et de leurs alliés cherche à trouver une solution devant l’impasse posée par le cas Hezbollah, par l’Iran et même par la Syrie, il apparaît cependant évident que la solution armée n’est plus valable, car malgré ses multiples campagnes l’État hébreu n’a pas davantage le sentiment d’être plus en sécurité.

Bien au contraire, le curseur du Hezbollah se place de plus en plus haut, obligeant Israël à miser des milliards de dollars sur l’armement le plus sophistiqué, notamment un bouclier anti-missiles qui couvrirait tout son territoire. Cette solution ne semble pas inspirer confiance aux militaires israéliens, car peu fiable. Ceci d’autant qu’en l’absence de renseignements suffisants sur la capacité de nuire de leurs « ennemis » les soldats israéliens se trouvent désarçonnés.

Le Hamas semble suivre l’exemple du Hezbollah dans son organisation et dans sa stratégie d’imposer les conditions d’une guerre asymétrique, obligeant l’armée israélienne à modifier totalement son armement, son entrainement, voire même la préparation psychologique de ses soldats.

La course aux armements ne ferait pas l’affaire devant la nature des guerres à laquelle il devra faire face, en l’occurrence la guerre asymétrique, coûteuse, génératrice de « bavures », et particulièrement néfaste pour son image dans l’opinion, sans oublier le fait qu’elle met en valeur l’adversaire qui empêche la réalisation des objectifs, lui attirant l’admiration et le respect de la population.

Israël est-il en mesure de comprendre que la solution est ailleurs ? Il est le seul à pouvoir faire enfin cette analyse, car jusqu’à présent il étendait son territoire en grignotant au fil des années ceux des autres. L’annexion du Golan, de Jérusalem Est, et la confiscation des terrains et des maisons palestiniens illustrent cette politique expansionniste.

Les assassinats ciblés et les bombardements n’ont fait qu’augmenter la révolte qui devient de plus organisée et a même réuni des militants qui se voulaient jusqu’alors neutres.

La question qui est actuellement posée est de savoir si Israël peut continuer de vivre dans un contexte de plus en plus complexe, sans perspective à venir quant à une issue viable. L’on en est réduit à utiliser de vieux remèdes tels que la manipulation de quelques hommes politiques de la région peu scrupuleux, ou à actionner ses réseaux d’espionnage, ou encore à recourir à des excès verbaux, menaçant tous les jours les pays de la région de les anéantir ou de les effacer de la carte.

Actuellement l’Administration Obama doit adopter des positions qui lui permettent de sortir du piège proche-oriental qu’elle a sous estimé au cours des dernières décennies. Après avoir commandé la dernière guerre de 2006 aux Israéliens, les États-Unis sont obligés de les inciter à envisager un autre avenir. Le problème est de savoir jusqu’où aller avec l’État hébreu dont les dirigeants ne cessent de ridiculiser leurs émissaires James Baker, George Mitchell et dernièrement John Kerry. Le lancement des projets de colonisation et de construction à Jérusalem Est au moment précis où ceux-ci arrivaient en Israël pour parler de paix reste un modèle de cuisante humiliation publique.

De son côté Hillary Clinton a déclaré devant l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) au mois de mars 2010 qu’Israël se doit actuellement de « prendre des décisions difficiles mais nécessaires » afin de pouvoir par la suite instaurer la paix. « La situation actuelle ne peut pas durer longtemps, a-t-elle encore affirmé, elle n’engendrera que la violence et encouragera des aspirations irréalisables ». Clinton a rappelé que le statu quo actuel renforce « les extrémistes », qui prétendent que la paix est impossible, et ne fait qu’affaiblir ceux qui soutiennent l’idée d’une coexistence

La secrétaire d’État de l’époque a évoqué la relance des pourparlers entre Israël et les Palestiniens. Elle a proposé la médiation des États Unis, qui devraient jouer un rôle important dans les premiers contacts. Mais elle a souligné qu’ils ne pourraient pas en revanche imposer une solution, « les deux camps devant eux-mêmes régler leurs litiges » [8].

Il se trouve que cette règle s’est vite dissipée, car devant l’arrogance du gouvernement israélien, les États-Unis exercent des pressions sur Mahmoud Abbas —président palestinien sans mandat et sans légitimité— pour accepter de négocier sans condition préalable. Comment peut-il parvenir à un quelconque accord s’il est dénué de toute crédibilité ?

Les révélations de John Bolton

Au-delà des déclarations de principe, le discours recèle une crainte certaine quant à l’avenir, car les États Unis sont conscients malgré tout de perdre du terrain. Ils doivent se préparer à un avenir où les centres de décisions et le profil des grandes puissances changent.

Le très pro-israélien John Bolton, ancien ambassadeur des États Unis à l’ONU, n’a-t-il pas déclaré à la fin du mois de mars 2011 que les États-Unis exerceraient des pressions sur Israël pour le dissuader d’attaquer l’Iran, car ils considèrent comme acquis la transformation de l’Iran en puissance nucléaire. Cette déclaration a été faite sur les ondes de la radio de l’armée israélienne [9].

Bolton poursuivait en précisant que le président Obama croit pouvoir régler le problème du Proche-Orient en réglant le problème palestinien, ce qu’il considère comme une erreur grave, car la source de conflit serait selon Bolton le projet nucléaire iranien et le soutien iranien aux mouvements de résistance, qu’il qualifie de terroristes.

Enfin, Bolton va plus loin dans son analyse en indiquant que « la divergence entre Washington et Tel-Aviv ne provient pas d’un problème de colonisation à Jérusalem-Est, mais de la vision d’Obama sur le rôle d’Israël dans la région… » Cette phrase n’est pas anodine, car de deux choses l’une : soit les États-Unis sont en train de changer de vision sur la région du Proche-Orient, auquel cas le rôle d’Israël pourrait changer, soit Bolton entend inciter les Israéliens à être plus radicaux dans leurs discussions avec Washington pour les persuader de continuer à soutenir leur politique coûte que coûte.

Les États-Unis finiront par privilégier leurs propres intérêts qui ne sont pas toujours calqués sur ceux des israéliens.

Aucune déclaration états-unienne n’est venue conforter les annonces de Bolton, mais il n’en reste pas moins que la politique du président Obama semble se diriger vers un apaisement encore timide des tensions dans la région. Son Administration, tout en gardant un ton très vif à l’égard des piliers de « l’Axe de Refus et de Résistance » [10], n’a pas cessé de négocier avec eux soit par voie officielle soit par voie officieuse.

Au départ, les émissaires vers la Syrie faisaient des allers-retours aussi bien pour discuter avec elle de l’avenir de la région que pour passer des messages aux Iraniens, avec lesquels d’autres canaux sont également ouverts. Actuellement c’est le contraire qui se produit puisqu’on passe par l’Iran pour envoyer des messages au président el-Assad. L’on parle déjà de négociations directes sur la sécurité du Golfe, de la situation en Irak et en Afghanistan.

Les Israéliens le savent parfaitement et sont donc en droit de se demander s’il ne s’agit pas de la fin de leur rôle de gendarme dans la région.

La posture états-unienne tendant à faire baisser les tensions a fait par exemple que la mise en marche de la centrale nucléaire de Bouchehr se fasse sans difficultés majeures avec l’aide des Russes. Pendant ce temps le même Bolton donnait à Israël d’abord huit jours et ensuite trois jours pour attaquer l’installation en question avant que les Russes ne l’aient chargée en combustibles nucléaires. Israël n’a pas attaqué, et les États-Unis non plus. Aujourd’hui, tout se négocie !

Personne n’a intérêt à enflammer le Golfe arabo-persique, et même au-delà. L’accession de l’Iran à l’énergie atomique intervient alors que la République islamique est sous le coup d’au moins six résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu, dont quatre assorties de sanctions, contre son programme nucléaire soupçonné de dissimuler des objectifs militaires. À ce jour aucune preuve n’a été fournie pour étayer les fameux soupçons.

En tout cas, cette installation démontre l’inefficacité des sanctions, qui auraient été allégées pour exclure cette centrale de leur champ afin de permettre à la Russie de la livrer avec son combustible pendant dix ans. En réalité les échanges avec la Russie n’ont jamais cessé.

D’ailleurs, immédiatement après la quatrième série de sanctions, la Russie s’était interrogée sur le coût de ces sanctions sur son économie. Tel a été le cas de la Chine. Cette situation a amené certains responsables politiques états-uniens à préconiser pas moins que des sanctions contre la Chine et la Russie concernant des investissements faits par ces deux grandes puissances dans le domaine de l’énergie [11]. Selon les responsables iraniens, particulièrement le vice ministre du Pétrole iranien Hossein Negrkar Shirazi, la Chine est devenue le premier partenaire économique et commercial et pèse près de 40 milliards dans le secteur de l’énergie [12].

Cette situation ubuesque où l’on voit la Chine voter des sanctions qu’elle sait ne pas vouloir respecter, a fini par inciter les États-Unis à envoyer le conseiller spécial au secrétariat d’État chargé des questions de non prolifération nucléaire, Robert Einhorn (Special Advisor for Nonproliferation and Arms Control), pour inciter la Chine à appliquer les sanctions votées contre l’Iran en raison de son programme nucléaire. Einhorn a déclaré que la Chine doit savoir qu’en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, elle a des responsabilités. Il a poursuivi en disant que les Chinois font valoir des priorités de sécurité par rapport à leurs besoins énergétiques, mais qu’en réalité ils surévaluent ces besoins.

Des sujets de discorde, ou Yalta entre l’Orient et l’Occident

La politique israélienne actuelle semble naviguer à vue. Les options militaires ne sont certes pas écartées, mais le risque est grand. L’échec n’est pas permis. La certitude quant aux résultats n’est pas assurée. En revanche, les options de paix s’imposent de plus en plus en raison de cette incertitude. Comme à l’accoutumée, comment faire la paix alors qu’on ne connaissait que le langage de la guerre pour imposer aux ennemis des paix déséquilibrées ? Refuser la paix proposée/imposée reviendrait à supporter des guerres interminables.

Jusqu’à présent l’on peut dire que la stratégie israélienne dans la région s’identifiait au principe de la chèvre édicté par Kissinger. Ce dernier indiquait qu’il a appris les principes de la négociation en politique d’un rabbin qui lui a raconté l’histoire d’une chèvre. Un homme avait acheté une chèvre qui incommodait le voisin par son bêlement. Ce dernier ne tarda pas à protester et à menacer le propriétaire de la chèvre pour l’inciter à s’en débarrasser. Or, le propriétaire de la chèvre la déplaça pour la mettre sous la fenêtre de son voisin. Ce dernier constatant que le propriétaire ne craignait rien, indiqua que le bêlement était supportable, mais que l’odeur ajoutée au bruit n’était plus supportable. C’est ce que voulait le propriétaire de la chèvre, lequel finit par imposer la présence de cette bestiole chez lui.

Il se trouve que depuis les années 40, « la chèvre » israélienne ne cesse de prendre de la place. Elle occupe une terre en chassant les propriétaires de leurs maisons, elle annexe leurs territoires, et finit par s’installer où bon lui semble, alors que les « voisins » avaient fini par accepter sa présence et admettre une cohabitation pacifique. Pouvaient-ils continuer de supporter de telles humiliations au quotidien ?

La tension est à son comble depuis des années, mais encore plus depuis quelques mois. Les solutions politiques semblent être fermées et les traitements militaires sont plus qu’aléatoires. Quelle solution envisagée et qui pourra l’offrir ?

Il ne reste qu’une solution aussi sidérante qu’elle soit, la disparition du modèle israélien. Que l’on ne se méprenne pas sur cette formule, il ne s’agit pas de la disparition des juifs. Les sionistes ont toujours voulu confondre leur idéologie ségrégationniste avec leur religion.

Le modèle israélien n’aura d’autre choix que de suivre l’exemple de l’apartheid, qui a nié l’existence de l’humanité des noirs de l’Afrique du Sud, et a fini par disparaître en laissant place à un nouvel État qui accepte ses citoyens quelle que soit leur couleur ou leur religion.

Israël nie au fond de lui-même l’humanité au peuple palestinien. Le traitement réservé aussi bien à ceux dénommés « les Palestiniens de 1948 » qui vivent à l’intérieur du territoire dit israélien [13], qu’à ceux vivant dans les autres zones ne laisse aucun doute sur le mépris affiché à ces vies humaines qui souffrent de génération en génération.

L’idée d’un État palestinien dans les territoires occupés est non seulement non viable, mais elle est surtout absurde. Comment faire relier deux morceaux de territoire séparés de territoires israéliens sans laisser place aux tensions ? Comment faire vivre un État qui ne peut même pas respirer sans passer par les Israéliens et sans compter sur l’étranger, car il est démuni de ressources, et puisque même son eau a été détournée pour irriguer l’agriculture israélienne.

Un seul État sur l’ensemble de la Palestine reste la seule idée juste, viable et raisonnable. Cet État ne pourra qu’être laïque, et ne pourra qu’embrasser l’ensemble de ses citoyens musulmans, chrétiens ou juifs. Ces religions ne sont pas des nations, mais des fois censées rassembler au lieu de diviser. Israël ne pourra continuer d’être une terre d’accueil des juifs du monde entier.

Le jour où les juifs, cette fois, auront compris qu’être juif n’est pas une identité nationale, mais une conviction religieuse qui reste dans le domaine du personnel voire de l’intime, ils auront contribué à créer une présence pacifique dans le mode entier, et n’auront plus d’inquiétude pour leur sécurité.

Ce sentiment d’insécurité qui semble justifier selon les Israéliens toutes leurs exactions est à imputer à la nature de cet État. C’est parce qu’il a exclu, éliminé, et nié les autres qu’il est devenu haïssable. Il n’est pas haï parce qu’il accueille des juifs, mais parce qu’en accueillant les juifs du monde entier il fait comme si les autres n’existaient pas.

C’est la structure mentale et idéologique qui doit changer, en comprenant que c’est le sionisme qui a nui aux juifs. Ces derniers ont été pour l’essentiel instrumentalisés par le mouvement sioniste qui confond de manière délibérée judaïsme et sionisme. C’est ainsi que chaque critique contre Israël est taxée de « propos antisémite » ! Selon Bernard Henri Levy l’anti-sionisme est le bout du nez de l’antisémitisme.

BHL n’est que l’un des porte-parole du mouvement sioniste. Il exprime un dogme véhiculé depuis des décennies afin de permettre au mouvement sioniste de réaliser une sorte d’OPA sur l’ensemble des juifs dans le monde.

Les failles du système même à l’intérieur de la communauté juive vivant en Israël montrent ses limites, puisque le régime ségrégationniste se pratique également à l’encontre des juifs d’Afrique. Tous les jours de nouveaux faits sont révélés sur ce racisme anti noir-juif !

Ce système ne pourra donc que disparaître à l’instar de l’apartheid qui a fini par laisser place aux autochtones sans jeter à la mer les blancs ayant colonisé par le passé l’Afrique du Sud.

Frederik de Klerk, dernier président blanc de l’Afrique du Sud, est celui-là même qui mena les réformes qui mirent fin à la politique d’apartheid en 1991 et les négociations constitutionnelles avec le Congrès national africain de Nelson Mandela qui aboutirent au premier gouvernement multiracial du pays.

Israël aura-t-il son de Klerk et son Mandela ?

Pour le moment rien n’est moins sûr, mais c’est en se sentant acculé à l’ouverture et à la négociation réelle que l’appétit viendra. Il faudra d’abord abandonner l’idée stupide, injuste et irréalisable de deux États sur le même territoire.

Israël ne pourra pas agir comme il le fait actuellement, en mettant la main sur des réserves de pétrole et de gaz, sans risquer de provoquer des conflits avec son entourage. La même question se pose sur l’eau, sur les annexions déguisées, et sur les intrusions incessantes qui ne sont dues qu’à la nature du régime. Il s’agit d’un problème lié à la cause d’existence de cet État.

Quand il aura perdu son intérêt pour ses « souteneurs », et qu’il ne pourra plus assurer la sécurité qu’il a toujours promise à ses nouveaux arrivants, et que ses frontières ne seront plus extensibles, comme il le croyait jusqu’à présent, peut il continuer de vivre ?

La menace du nucléaire israélien

Israël est considéré comme la sixième puissance nucléaire par ordre d’importance —bien que « non déclarée »—. L’ambiguïté maintenue par ses différents gouvernements concernant la « bombe juive » (sic) s’est pourtant peu à peu dissipée, et la question n’est plus de savoir si Israël possède des armes nucléaires, mais quelle est la place de cet arsenal dans sa stratégie régionale.

En Israël, les autorités utilisent toujours le conditionnel lorsqu’il s’agit de la bombe ou des armes chimiques et biologiques. Elles évoquent l’ « option nucléaire » et répètent à satiété qu’« Israël ne sera pas le premier à introduire les armes nucléaires au Proche-Orient », même si elles ajoutent que « l’État juif ne sera pas, non plus, le deuxième à le faire »... Et on laisse à tout le monde le soin de deviner la signification de ces paroles énigmatiques.

Cette ambiguïté n’a pas disparu, même après les révélations alarmantes d’un technicien israélien qui avait travaillé à la section où l’on produit du plutonium, à la centrale nucléaire de Dimona (dans le Néguev). Après les révélations de Mordechai Vanunu dans le Sunday Times [14] chercheurs et experts ont estimé qu’Israël possédait effectivement entre cent et deux cents bombes atomiques, y compris des bombes thermonucléaires et à neutrons. Il sera enlevé par les services secrets israéliens en Italie et condamné à dix-huit ans de prison. Comme il l’a proclamé durant son procès, il voulait alerter l’opinion israélienne, mais celle-ci n’a pas voulu entendre son message, préférant le considérer comme un traître.

L’ambiguïté représente une composante de la Défense nationale du pays, dont la tâche est censée être dissuasive, à côté d’une armée forte et d’armes ultramodernes. Elle fut respectée au cours des années, à quelques exceptions près. Ainsi, un an après la guerre d’octobre 1973, le président Ephraïm Katzir déclarait : « Israël possède un potentiel nucléaire » [15]. Quand il a accédé au poste de Premier ministre à la suite de l’assassinat d’Itzhak Rabin, Shimon Pérès, le père de la bombe, s’est adressé au monde arabe : « Donnez-moi la paix et je renonce au nucléaire » Dans son livre Le Nouveau Proche-Orient [16], il s’écarte de la position officielle israélienne et affirme que la centrale de Dimona a été construite dans un but dissuasif.

Sur ce point, il est important de souligner que l’arme nucléaire israélienne et ses implications multiples —politiques et économiques, environnementales et morales— n’ont jamais été débattues en public, y compris au sein de la société israélienne. Le gouvernement ne s’est jamais prononcé clairement, et aucun des grands partis politiques n’a évoqué ce sujet, même lors des campagnes électorales. Les députés ont renoncé volontairement à leur droit de discussion et de contrôle.

« Qui décide de cette politique ? Comment traite-t-on les déchets ? Quels sont les problèmes de sécurité liés à l’utilisation d’un réacteur vieux de quarante ans ? Israël a-t-il vraiment besoin du nombre d’engins nucléaires que, selon la presse internationale et les chercheurs, ce pays possède ? Quel est le coût d’une telle entreprise ? Une opinion docile ne se pose pas ces questions et le pouvoir se garde d’y apporter la moindre réponse. Ambiguïté et brouillard s’imposent, qui laissent les mains libres au gouvernement mais peuvent créer une pression dangereuse sur lui, à l’occasion d’une crise régionale. Surtout lorsque, à la tête de l’exécutif, se trouvent des ultranationalistes comme Benjamin Netannyahou ou Ariel Sharon » [17]

Seule une frange minuscule de l’opinion prône la dénucléarisation. Pour les gouvernements, celle-ci ne peut se concevoir que vingt ans après l’instauration d’une paix permanente entre tous les États de la région, du Pakistan jusqu’à la Libye, après la destruction de toutes les armes de destruction massive et... après l’instauration de la démocratie partout dans la région. Autrement dit, le gouvernement israélien renvoie la solution aux calendes grecques et rejette les appels à adhérer au traité de non-prolifération nucléaire (TNP).

Malgré quelques tensions entre les États-Unis et Israël pendant les débuts du programme nucléaire israélien, rien ne fut fait pour empêcher ce programme ou à tout le moins imposer à l’État hébreu une adhésion au TNP. On lui demanda simplement d’être discret. Cet engagement a été respecté. Toutefois, lors de sa plus grande épreuve militaire, la guerre d’octobre 1973, selon des sources concordantes, Israël a mis secrètement une partie de son arsenal atomique en état d’alerte.

Au cours de la guerre du Golfe en 1991, douze missiles de type Jéricho 2 (portée de 1 500 km) ont été également mis en état d’alerte. Mais l’avertissement public à l’égard de l’Irak a été lancé par le secrétaire états-uniene à la Défense Dick Cheney, qui a évoqué sur CNN la possibilité de l’utilisation par Israël de ces armes non conventionnelles si Bagdad utilisait des missiles avec des têtes chimiques contre Tel-Aviv.

Pour éviter l’inévitable, en l’occurrence parvenir à un changement radical de son idéologie, Israël peut il utiliser cette arme ? L’on est tenté de répondre positivement. Mais les questions auxquelles il devra répondre : combien de missiles doit il lancer pour parvenir à ses fins ? A-t-il les moyens de s’offrir ce luxe ? appellent une réponse négative.

En effet, quel État dans le monde cautionnerait-il le recours à une telle arme contre une ville ou même un village au prétexte d’enrayer selon lui des actions terroristes ? Aucun. Même ses plus fidèles alliés ne sauraient soutenir une telle action.

Le mémorandum stratégique israélo-américain d’octobre 1999 était déjà destiné à rassurer Israël, inquiet de l’apparition de missiles iraniens de longue portée et de l’effort de Téhéran pour fabriquer des armes nucléaires. Ces informations ont été instrumentalisées par la presse israélienne, bien que les experts états-uniens et européens affirment que la République islamique est loin de posséder une capacité nucléaire [18]

Pourtant, les « faucons », tel le député travailliste Ephraïm Sneh, ont déjà lancé des appels en faveur d’un « coup préventif contre l’Iran » [19]. Il s’agirait d’appliquer la « doctrine Begin » mise en œuvre lors du bombardement d’Ozirak en Irak : ne permettre à aucun pays du Proche-Orient de produire une bombe nucléaire. Mais l’Iran a tiré la leçon du raid et a dispersé ses installations nucléaires à travers le pays et dans des abris souterrains.

En réalité, l’on assistait à une guerre d’images dont l’essentiel est fabriqué ou volontairement dévoyé [20]. Le tout relève d’une campagne de désinformation et d’intoxication au sujet de la capacité militaire nucléaire de l’Iran. Cette situation rappelle étrangement les démonstrations mensongères sur les supposées armes de destructions massives irakiennes.

Les tensions avec l’Iran s’acheminent vers l’apaisement au grand dam des israéliens. Les armes chimiques de la Syrie ont été intégralement détruites, mais sans diminuer la capacité de ce pays à participer le cas échéant à une action concertée par des missiles qui s’abattraient sur Israël ; ce qu’il craint depuis des années, ceci explique la présence du Dôme de fer mis en place avec l’aide du Pentagone et qui a montré pour le moins ses limites rien qu’avec la bande de Gaza !

Que reste-t-il aux Israéliens pour justifier encore leur politique ? Absolument rien. C’est donc en cela que sayed Hassan Nassrallah qualifie Israël de « toile d’araignée qui ne fait plus peur et ne dissuade plus », confirmant ainsi le discours de sayed Abbas Mousawi un autre chef emblématique du Hezbollah qui prédisait qu’Israël va sans aucun doute disparaître.

Il est vrai que les Israéliens ont assassiné ce dernier, mais pour guérir la fièvre qui monte, rien ne sert de casser le thermomètre…

Qui détient la solution ?

« Qui détient la solution ? Évidemment les États-Unis. Mon impression, c’est que la principale cible doit être Washington. Ce que décident les États-Unis est déterminant ; il n’existe aucune autre puissance dans le monde qui leur soit comparable à cet égard. Or, à l’exception d’une semaine à Taba, leur gouvernement a tout simplement fait obstacle à toute initiative vers un règlement politique sensé, et cela presque unilatéralement. Israël aussi, mais il ne peut agir qu’à l’intérieur de certaines limites, car il ne peut guère outrepasser les conditions imposées par les États-Unis. Tant que Washington continuera à fournir un soutien colossal à l’expansion israélienne, notamment sur les plans militaire, diplomatique, idéologique et médiatique, il ne faut pas s’attendre à grand-chose » [21].

Il ne reste vraisemblablement que l’idée de voir les États-Unis être un arbitre au lieu d’être le seul acteur porteur d’agressions et de tragédies telle que la prison à ciel ouvert imposée à Gaza, la déstructuration de l’Irak, qui provoquent des massacres au quotidien, des manipulations politiques au Liban provoquant des attentats et des tensions politiques interminables, tous événements tragiques vécus au rythme des visites des responsables US ou de leurs alliés dans la région.

Qu’y-a-t-il de mal à vouloir faire cesser l’agression israélienne en reconnaissant au peuple palestinien son droit à un État viable avec des frontières reconnues en accord avec toutes les composantes de ce peuple dont le Hamas ?
L’on ne peut pas continuer d’imaginer faire la paix avec des parties affaiblies voire démolies à l’instar des négociations avec l’ex-Autorité palestinienne, qui n’est que l’ombre d’elle-même et qui offre un spectacle pathétique à chaque tournée dans la région.

Qui a-t-il de mal à assurer le retour des réfugiés en application des règles du droit international, notamment de la résolution 194 de l’Onu ? Qui a-t-il de mal à faire cesser l’expansion coloniale qui piétine les droits de la population légitime de cette région ? Le mot « colonisation » aurait-il perdu son sens dans les chancelleries occidentales, devenues autistes devant les cris de désespoir du peuple martyr et devant les réactions de leurs propres opinons publiques ?

Il faudra un jour très proche répondre à toutes ces questions. L’espoir est que ce jour se rapproche de plus en plus. L’on peut affirmer que le seul motif qui le justifie est le changement des rapports de forces et le rééquilibrage asymétrique des moyens des parties à travers l’axe constitué par l’Iran, la Syrie et le Liban et qui a fini par s’étendre à la Russie et à la Chine.

[1Autobiographie, Tome I, p. 282

[2Dana, Sermons, p. 17

[3Notes sur l’État de Virginie. Section XIX.

[4« Résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU », ONU (Assemblée générale), Réseau Voltaire, 11 décembre 1948.

[5Dans le sens de peur extrême et effroi devant les exactions israéliennes.

[6Le Crime occidental, Viviane Forrester, éd. Fayard, 2004, p. 208-209.

[7Le « chaos constructeur » est un concept imaginé par le philosophe Leo Strauss : la modification des frontières et l’épuration ethnique des futurs États passent par une période de chaos qui contraint les habitants que l’on souhaite déplacer à fuir d’eux-mêmes. En 2006, David Brog, un cousin d’Ehud Barak qui, bien que juif, dirige le CUFI (Christians United for Israel), s’extasie devant la fuite d’un million de Libanais face à l’invasion israélienne, en parlant des « douleurs de l’enfantement » d’un monde nouveau. L’expression est alors reprise par la secrétaire d’État Condoleezza Rice, lors d’un point de presse le 21 juillet 2006. Ndlr.

[8Réunion de l’AIPAC du 22 mars 2010.

[9Interview de John Bolton à la Radio militaire israélienne, 28 mars 2010.

[10C’est-à-dire l’Iran, la Syrie et le Liban.

[11Notamment Ileana Ros-Lehtinen —membre de la commission des affaires étrangères au congrès—, AFP 2 août 2010

[12Propos repris par l’agence de presse iranien Mahr au mois de mai 2010.

[13« les Palestiniens de 1948 » sont les Palestiniens dont les familles sont restées depuis 1948 sur le territoire occupé dans lequel s’est auto-proclamé l’État d’Israël. Ndlr.

[14« Revealed : the secrets of Israel’s nuclear arsenal », The Sunday Times, 5 octobre 1986.

[15Jerusalem Post, Jérusalem, 24 décembre 1995

[16Shimon Pérès, Le Temps de la paix, Paris, 1993.

[17« Israël assume "sa" bombe », par Amnon Kapeliouk (auteur de la biographie Arafat l’irréductible, Fayard, Paris, 2004, et de Sabra et Chatila, enquête sur un massacre, Seuil, Paris) in Le Monde diplomatique, février 1999.

[18Depuis le début de cette polémique, en 2005, la République islamique d’Iran affirme avoir mit fin au programme de recherche militaire nucléaire du Shah. L’ayatollah Rouhollah Khomeiny avait déclaré que les armes de destruction massive étaient contraires à sa vision de l’islam et son successeur, l’ayatollah Ali Kamenei, a émis le 9 août 2005 une fatwa interdisant la fabrication, le stockage et l’usage de l’arme atomique. La polémique a prit corps lorsque le président Mahmoud Ahmadinejad a décidé de lancer un programme de recherches pour trouver une nouvelle technique de production d’énergie qui puisse libérer des problèmes d’approvisionnement non seulement l’Iran, mais aussi le tiers monde. Ndlr.

[19Manchette du journal israélien Yedioth Aharonoth du 27 septembre 1998

[20« Iran : Les mystérieux documents de l’ordinateur portatif », par Michel Chossudovsky, Mondialisation.ca, 28 novembre 2010.

[21Chomsky, Noam, et Achcar, Gilbert, La poudrière du Moyen Orient, Entretiens réalisés par Stephen R. Shalom. Ed. Fayard, 2006, p. 277.