La séance est ouverte à 17 h 20.

John Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA)
© UN Photo/Paulo Filgueiras

Le Président (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de l’Ukraine à participer à la présente séance.

Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M. John Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, à participer à la présente séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Je donne la parole à M. Ging.

M. Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (parle en anglais) : Je vous remercie, Monsieur le Président, de me donner l’occasion de présenter un exposé au Conseil de sécurité sur la situation humanitaire en Ukraine au nom de la Secrétaire générale adjointe et Coordonnatrice des secours d’urgence, Valerie Amos.

Les efforts en cours en vue de trouver une solution politique à la crise en Ukraine ne sont guère productifs. En conséquence, l’insécurité et la violence prédominent dans les zones de conflit, ce qui fait que la situation humanitaire ne cesse de s’aggraver, et cette tendance se poursuivra tant que persistera la violence.

On estime que 3,9 millions de personnes vivent dans des zones directement touchées par la violence. Les personnes qui restent dans la zone de conflit sont exposées à une menace imminente du fait des affrontements, qui sont de plus en plus fréquents dans des zones urbaines densément peuplées. Les combats ont causé des dommages considérables aux infrastructures, ce qui a des répercussions sur la fourniture d’eau et d’électricité et sur l’accès aux services de base. À Donetsk et Lougansk, où vivent 1,5 million de personnes au total, la population n’est approvisionnée en eau que quelques heures par jour. Les stocks de fournitures médicales s’amenuisent et on estime que 70 % du personnel de santé a fui la région, ce qui a considérablement réduit l’accès aux soins médicaux. Les dégâts causés aux habitations ont à ce jour touché 1 600 familles. Les axes d’approvisionnement sont de plus en plus perturbés par le conflit, et les mécanismes mis en place par les populations touchées pour faire face à la situation en font inévitablement les frais.

La protection des civils est une préoccupation clef. Alors que le conflit s’intensifie, le nombre de victimes augmente. La mission de surveillance des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) signalent qu’au moins 1 367 personnes, civils et combattants, ont été tuées et 4 087 autres blessées dans les combats qui sévissent dans l’est de l’Ukraine depuis la mi-avril.

Depuis le dernier exposé sur la situation humanitaire présenté le 16 juin au Conseil de sécurité par la Secrétaire générale adjointe, Mme Amos, le nombre de personnes déplacées a considérablement augmenté. En effet, 58 000 personnes supplémentaires ont fui leurs maisons depuis début juillet. Selon les informations, plus de 1 000 personnes quittent la zone de conflit chaque jour. Aujourd’hui, 117 910 déplacés sont recensés en Ukraine, ils viennent pour 87 % d’entre eux de l’est du pays. La plupart de ces personnes sont parties avec seulement quelques effets personnels et ont besoin d’un hébergement, de nourriture et d’autres articles de première nécessité. Cela fait peser un fardeau sur les communautés d’accueil dans les régions voisines.

Dans le même temps, de nombreux habitants des zones touchées par les combats dans les régions de Donetsk et de Lougansk fuient vers la Fédération de Russie. Depuis le début de l’année, 168 677 Ukrainiens ont déclaré avoir traversé la frontière pour passer en Fédération de Russie, dont près de 60 000 ont demandé le statut de réfugiés, et 115 952 ont sollicité d’autres titres de séjour.

Toutefois, cela ne représente pas l’ensemble de la situation, sachant qu’un nombre aussi important d’Ukrainiens ayant fui leurs foyers ne se font pas connaître auprès des autorités ukrainiennes ou ne demandent pas d’aide officielle. La Fédération de Russie a déclaré que 740 000 personnes avaient passé ses frontières depuis le début de l’année, profitant de son programme spécial de délivrance de visas de 270 jours aux Ukrainiens. Le HCR a également cité le même chiffre.

La majorité de l’aide humanitaire a été acheminée, jusqu’à présent, grâce aux organisations et associations locales. Les autorités locales ont pu rétablir l’eau et l’électricité dans les zones où les combats ont diminué d’intensité. Toutefois, face à la prolongation des combats, qui commencent à épuiser les capacités des autorités locales, les partenaires de l’ONU augmentent leur aide pour soutenir ces efforts.

Ces dernières semaines, les organisations humanitaires ont travaillé avec un large éventail de partenaires, dont les autorités nationales et locales, les organisations de la société civile et les associations locales, en vue de l’adoption de mesures d’intervention en cas d’urgence et pour répondre aux besoins les plus urgents des personnes touchées. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés achemine vers les zones d’accueil de personnes déplacées et les zones où les populations peuvent retourner denrées alimentaires, trousses d’hygiène et produits ménagers de première nécessité. L’UNICEF s’emploie avec les partenaires nationaux à fournir des services médicaux aux personnes déplacées. Un plan d’intervention sous conduite de l’ONU, comportant une planification détaillée des interventions secteur par secteur, sera rendu public cette semaine.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a déployé une équipe de conseillers humanitaires en Ukraine pour évaluer les besoins et aider à coordonner les interventions. Deux missions de hauts responsables du siège de l’OCHA ont été dépêchées ces dernières semaines pour continuer d’améliorer et de renforcer les capacités d’intervention. Notre priorité reste de soutenir l’effort d’intervention humanitaire engagé par le Gouvernement et de veiller à être prêts à compléter cet effort par un appui direct si et quand le besoin s’en fait sentir.

Des couloirs humanitaires entre zones gravement touchées et zones contrôlées par le Gouvernement sont ouverts plusieurs heures par jour, mais ils sont régulièrement bloqués par les combattants, et l’évacuation des personnes par cette voie est constamment entravée. C’est pourquoi nous appelons toutes les parties au conflit à permettre à la population de circuler librement et en sécurité et à veiller à ce que les organisations humanitaires disposent également d’un plein accès aux populations touchées restées en arrière.

Nous demandons au Gouvernement ukrainien de lever certains obstacles majeurs entravant les activités de secours. Un système d’immatriculation unifié des personnes déplacées est essentiel pour nous permettre une analyse et une compréhension détaillées des besoins actuels. L’aide humanitaire doit également être exonérée d’impôts et il convient d’accélérer la signature et la ratification de l’accord douanier entre l’ONU et le Gouvernement, destiné à faciliter l’entrée des travailleurs humanitaires et l’importation de biens humanitaires.

Enfin, nous demandons au Gouvernement ukrainien d’adopter une mesure d’exonération temporaire pour permettre l’importation de fournitures médicales certifiées par l’Organisation mondiale de la Santé, qui sont nécessaires pour répondre aux besoins médicaux immédiats des populations touchées.

En conclusion, la situation humanitaire de détériore et l’inquiétante montée de la violence dans les zones urbaines met un nombre croissant de personnes en danger. Tant que la violence n’aura pas cessé, nous continuerons de voir augmenter le nombre de victimes et se dégrader la situation humanitaire. Une action immédiate s’impose, en conséquence, si l’on ne veut pas en arriver là.

Le Président (parle en anglais) : Je remercie M. Ging de son exposé.

Je vais maintenant donner la parole aux membres du Conseil de sécurité.

Je tiens à rappeler au Conseil les dispositions de la note du Président du Conseil de sécurité publiée sous la cote S/2010/507, qui invite les participants, aussi bien membres que non-membres, à faire leur déclaration en cinq minutes ou moins. Comme nous l’avons fait savoir aux membres du Conseil en prévision du mois où le Royaume-Uni en assumerait la présidence, nous avons l’intention de faire usage du clignotant disponible autour ou à la base du micro pour indiquer que les cinq minutes se sont écoulées. J’inviterai instamment les participants, membres et non-membres du Conseil, à conclure au plus vite leur propos une fois les cinq minutes écoulées.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous remercions le Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. John Ging, de son exposé sur la situation dans l’est de l’Ukraine. Nous pensons que l’OCHA et les autres organismes humanitaires doivent tenir le Conseil régulièrement informé de la situation humanitaire dans la région et lui fournir des statistiques objectives sur la situation des civils, notamment des données sur les civils tués ou blessés, ainsi que sur la destruction d’infrastructures civiles.

Sur le plan humain, la situation dans l’est, en particulier à Donetsk et à Lougansk, est désastreuse. Il est devenu réellement nécessaire, aujourd’hui, de parler de guerre véritable. Le Comité international de la Croix- Rouge (CICR) a officiellement reconnu que l’on avait à faire à un conflit armé interne dans l’est de l’Ukraine.

Malgré les accords internationaux, à commencer par l’accord de Genève du 17 avril et l’accord de Berlin du 2 juillet – tous les deux signés par le Gouvernement ukrainien – Kiev continue d’intensifier ses opérations militaires, faisant des centaines et des milliers de morts. Selon les informations qui nous parviennent, les milices punitives jouent un rôle prépondérant dans cette situation. Elles ne sont subordonnées à aucune force armée en Ukraine. Elles exécutent les ordres donnés par certains responsables du Conseil de sécurité du pays et sont financées par les oligarques locaux.

Le survol des villes est devenu une réalité quotidienne. On recourt à l’artillerie, aux chars et aux roquettes Grad. Les populations locales font continuellement état de l’utilisation de bombes au phosphore et de bombes à sous-munitions. Les immeubles d’habitation et l’infrastructure civile névralgique sont bombardés aveuglément. Nombre de petites agglomérations ont vu près de 80 % de leurs maisons détruites. Selon les estimations les plus prudentes, plus de 600 immeubles ne sont plus qu’un tas de gravas. Aujourd’hui, Chakhtiorsk a subi une attaque à la roquette. Le 2 août, l’artillerie ukrainienne a bombardé la ville de Pervomaïsk, où des maisons, deux centrales électriques et des hôpitaux ont été détruits.

Suite aux bombardements des forces armées ukrainiennes, des obus sont tombés en Russie. On dénombre quelque 20 incidents de ce genre. Le 3 août, une mine de l’armée ukrainienne a explosé au niveau du point de passage de Goukovo, dans l’oblast de Rostov, où des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) étaient à l’œuvre.

Selon les estimations les plus prudentes des organismes humanitaires internationaux, plus de 1 367 personnes ont été tuées et des milliers d’autres ont été blessées, dont des enfants. Ce sont des chiffres préoccupants. En une seule journée, 40 personnes ont été tuées dans la ville de Golov. Plus de 4 millions de personnes vivent dans les zones où se déroulent les opérations militaires. Plus de 200 000 d’entre elles ont été laissées sans eau potable. La situation sanitaire et épidémiologique, à Lougansk, est critique. Les foyers ne sont pas alimentés en électricité et, à cause des bombardements, il n’y a pas d’eau salubre. Les communications téléphoniques sont perturbées et les services d’enlèvement des ordures ne fonctionnent pas. Les Ukrainiens on commencé à quitter le pays en masse.

Près de 800 000 Ukrainiens sont arrivés en Russie depuis le début de la crise. Certains – quelque 170 000 d’entre eux – se sont présentés aux services d’immigration russes pour régulariser leur situation. Des centres d’accueil des réfugiés ont été ouverts. Notre pays est prêt à assumer cette lourde charge. Nous n’avons pas besoin d’aide matérielle de l’extérieur. Nous sommes prêts à fournir nous-mêmes une assistance humanitaire aux Ukrainiens.

C’est sur le plan sanitaire que la situation dans l’est de l’Ukraine est la plus dramatique. La plupart des médecins ont été évacués. Il faut que l’on comprenne que dans les zones où ont lieu les affrontements armés ce sont les plus vulnérables qui sont laissés en arrière, et ils n’ont aucun moyen de partir.

Il semble que les autorités de Kiev ne manifestent pas le moindre intérêt pour ce qui se passe. Nous avons plaidé à maintes reprises auprès d’elles pour qu’elles ouvrent des couloirs humanitaires afin d’évacuer les enfants et les plus vulnérables, notamment les orphelins. Nous les avons également priées d’autoriser l’entrée d’une aide humanitaire russe. Mais Kiev a dédaigneusement rejeté toutes ces propositions.

La Russie appelle la communauté internationale à prendre des mesures d’urgence pour améliorer la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine. C’est la raison pour laquelle le Ministre russe des affaires étrangère, M. Sergei Lavrov, a de nouveau demandé officiellement, le 4 août, aux organismes humanitaires affiliés à l’Organisation des Nations Unies, à l’OSCE, au Conseil de l’Europe et au CICR de mettre sur pied une mission humanitaire. Nous aimerions envoyer un convoi d’aide humanitaire russe sous l’égide du CICR, et avec son appui, à Donetsk et à Lougansk, et dans d’autres régions de l’Ukraine où sont concentrées les personnes déplacées de l’est.

Nous sommes prêts à agir dans la plus grande transparence. Nous laisserons le Comité international de la Croix-Rouge surveiller les convois, les routes d’acheminement et la distribution de l’aide. Nous estimons qu’il faut donner la priorité à la livraison de vivres, de médicaments et de matériel médical, ainsi que de systèmes de purification d’eau et de générateurs.

Il y a beaucoup de situations où la livraison de l’aide aux civils qui souffrent suite à un conflit armé s’avère très problématique. C’est le cas par exemple dans les zones contrôlées par des groupes terroristes au Soudan du Sud, en Iraq et en Syrie. La situation dans l’est de l’Ukraine exige que l’on en finisse avec les gesticulations politiques et que l’on respecte véritablement les principes humanitaires internationaux.

Enfin, l’approche de Kiev qui consiste à réprimer par la violence les régions de l’est aura des conséquences très graves pour l’ensemble de la population ukrainienne, ce que l’on ne peut que déplorer.

M. Barros Melet (Chili) (parle en espagnol) : Tout d’abord, nous voudrions remercier le Directeur de la Division de la coordination et des interventions au sein du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de son rapport sur la situation humanitaire en Ukraine.

Nous déplorons la détérioration de la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine suite à l’intensification des combats, notamment à Donetsk et à Lougansk. Le Chili est vivement préoccupé par la sécurité des personnes qui sont bloquées dans la zone de conflit et par l’augmentation du nombre d’attaques qui ciblent délibérément des installations civiles, y compris des infrastructures fournissant des services de base, comme l’électricité et l’eau, attaques qui causent également des dégâts aux habitations et aux bâtiments publics. Nous sommes préoccupés par le fait que l’accès à l’eau potable dans cette zone est de plus en plus restreint, ce qui a une incidence négative sur les populations.

La détérioration de la situation se reflète également dans l’augmentation du nombre de victimes civiles, de personnes déplacées et de personnes qui traversent les frontières. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que ces personnes sont principalement des femmes, des garçons et des filles, et nous rappelons que toute stratégie d’intervention doit tenir compte de la nécessité de répondre aux besoins spécifiques des filles et des adolescents, qui sont doublement vulnérables.

À cet égard, nous saluons les recommandations faites par l’ONU au Gouvernement ukrainien de mettre en place un système d’enregistrement unique et centralisé afin de recueillir des données relatives aux mouvements des personnes déplacées et de déterminer le meilleur moyen de répondre à leurs besoins.

Nous réaffirmons que la présence des Nations Unies sur le terrain est également nécessaire pour appuyer les autorités nationales. Nous nous félicitons à cet égard de l’élaboration par l’OCHA et d’autres membres de la communauté humanitaire d’un plan préliminaire d’intervention, qui jettera les bases de l’action humanitaire en Ukraine à l’avenir. Nous espérons que la communauté des donateurs appuiera cet appel.

Enfin, nous appelons instamment les parties à rechercher une solution pacifique à la crise au moyen d’un dialogue politique direct, à faire preuve de retenue et à s’abstenir de prendre des mesures unilatérales – susceptibles d’exacerber les tensions – ainsi qu’à participer aux efforts internationaux de médiation.

Nous voudrions saluer une fois de plus les efforts que déploient le Secrétaire général et les Nations Unies, par l’entremise de divers organismes, afin de mettre un terme à la situation que connaît l’Ukraine. Par ailleurs, nous espérons que les divers mécanismes internationaux indépendants continueront de contribuer à la recherche d’une solution à cette crise.

M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : Je tiens à remercier M. Ging du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de son exposé.

Les combats ont continué de s’intensifier dans l’est de l’Ukraine ces derniers jours, ce qui s’est traduit par une augmentation du nombre de victimes civiles et une situation humanitaire catastrophique qui ne cesse de s’aggraver. La Chine est vivement préoccupée par cette situation. Nous espérons que la communauté internationale jouera un rôle constructif pour améliorer la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine. Nous espérons que les organismes humanitaires des Nations Unies respecteront strictement le principe de neutralité et d’objectivité.

À l’heure actuelle, nous devons lancer d’urgence des consultations politiques en vue de parvenir à un cessez-le-feu le plus rapidement possible et d’ouvrir un dialogue global, car c’est le seul moyen de régler la crise ukrainienne. Les parties concernées doivent rester calmes et faire preuve de retenue, respecter la Charte des Nations Unies et travailler sur la base de diverses initiatives qui ont été proposées, y compris le consensus de Genève, intensifier le dialogue et les consultations, faire des compromis, respecter le rôle des mécanismes de dialogue et de liaison mis en place et s’attacher à parvenir à un règlement global par des moyens pacifiques.

Un règlement politique de la crise ukrainienne doit tenir pleinement compte des revendications légitimes des divers régions et groupes ethniques et s’attacher à trouver un équilibre entre tous les intérêts. La communauté internationale doit faire davantage pour promouvoir la paix et le dialogue et créer les conditions favorables pour que les parties concernées continuent de s’engager en faveur du dialogue et d’efforts constructifs afin de réaliser des progrès sur le plan politique dans le contexte de la crise ukrainienne.

La Chine appuie tous les efforts visant à apaiser les tensions et à parvenir à un règlement politique. Elle continuera à jouer un rôle constructif à cet égard.

Mme Le Fraper du Hellen (France) : Je remercie M. John Ging du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de sa présentation. Il nous l’a dit, la situation humanitaire se détériore, et il nous a décrit comment les autorités ukrainiennes faisaient face à cette situation humanitaire avec le soutien de la communauté internationale.

Le nombre de déplacés est en augmentation, comme le relève le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Pourquoi cette situation ? Parce que les populations fuient les combats provoqués par les séparatistes qui s’entêtent dans leur refus de saisir la main tendue par le Président Poroshenko. Parce que les populations fuient les exactions des séparatistes dans les zones qu’ils contrôlent et qui se font chaque jour plus meurtrières.

Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur lequel le Conseil aura l’occasion de revenir très prochainement est à ce point de vue éloquent. A contrario, aucun rapport ne fait état de populations fuyant les villes où les forces armées ukrainiennes ont rétabli l’ordre public et l’état de droit. Partout où Kiev a rétabli son autorité, les services publics et les services de base à la population sont remis en fonction. Le retour des populations déplacées, selon les déclarations même du HCR, dans les zones repassées sous contrôle gouvernemental, met en évidence que les séparatistes étaient bien la cause première des déplacements.

Cette dégradation de la situation humanitaire tient aussi à la présence de combattants armés venant de l’extérieur de l’Ukraine. La question des soutiens extérieurs, en termes de recrutement, de fourniture de matériel et d’entraînement, se pose aujourd’hui avec toujours plus d’acuité à la communauté internationale. Ce sont ceux qui arment les criminels, criminels qui terrorisent les populations, qui portent la responsabilité de la dégradation humanitaire.

Tous ces évènements montrent la nécessité pressante d’une pleine coopération internationale en vue de stabiliser l’Ukraine et de garantir sa souveraineté et son intégrité territoriale. Nous appelons à un engagement sincère de la Russie, qui a fait défaut jusqu’à présent. Malgré les nombreux appels adressés au Président Poutine, nous regrettons que la Russie n’ait pas fait effectivement pression sur les séparatistes afin de les amener à négocier et n’ait pas pris les mesures concrètes attendues afin d’assurer le contrôle de la frontière russo-ukrainienne.

Nous marquons notre extrême vigilance sur tout soutien militaire direct que pourrait apporter la Russie aux séparatistes dans les combats. Dans ce contexte, de nouvelles mesures à l’encontre de la Russie ont été adoptées par l’Union européenne, mais également par nombre de ses partenaires, les États-Unis, et désormais le Japon et la Suisse. Ce mouvement marque la voix unanime de la communauté internationale pour condamner le manque de coopération de la Russie. Le message est clair : il faut arrêter la fuite en avant. La Russie a tout à fait la possibilité de choisir la voie de la désescalade.

Le renforcement des sanctions n’a qu’un seul et même but, la facilitation de l’émergence d’une solution politique. Notre priorité demeure d’abord d’enrayer l’escalade et d’obtenir la mise en place par toutes les parties d’un cessez-le-feu durable. Nous appelons la Russie à s’impliquer de façon constructive dans cette entreprise et à user de son influence sur les groupes armés illégaux pour faire en sorte qu’ils déposent les armes et s’engagent dans le dialogue.

Mme DiCarlo (États-Unis d’Amérique) ( parle en anglais) : Je remercie M. Ging de son exposé.

Du fait des violences persistantes dans l’est de l’Ukraine, des milliers d’Ukrainiens ont dû fuir leurs foyers. Nombreux sont ceux à avoir été victimes des actes de harcèlement, des détentions arbitraires et des meurtres dus aux séparatistes appuyés par la Russie. Le contexte général d’insécurité et d’instabilité a contribué à l’augmentation du nombre de déplacés internes en Ukraine, ainsi que du nombre de personnes qui cherchent à se réfugier en dehors de l’Ukraine.

Pour régler cette situation grave, le Gouvernement et le peuple ukrainiens ont pris des mesures importantes visant à fournir une assistance humanitaire aux personnes déplacées dans tout le pays. Nous rendons hommage à l’intervention rapide du Gouvernement ukrainien dans les zones qui étaient sous contrôle séparatiste et ont été récemment libérées. L’approvisionnement en électricité et en eau est en train de reprendre, les pensions sont de nouveau payées et la reconstruction a déjà commencé.

Pour ceux qui n’ont pas encore été à même de rentrer chez eux, un effort rapide et concentré déployé par l’Ukraine et la communauté humanitaire internationale est indispensable pour identifier les besoins urgents des plus vulnérables et y répondre. À cette fin, nous encourageons l’Ukraine à coordonner rapidement un système d’enregistrement complet des personnes déplacées, à veiller à l’harmonisation des efforts d’assistance et à aider à diffuser l’information concernant les procédures et les services d’enregistrement.

Cela permettra un acheminement ciblé de l’assistance, à laquelle les donateurs internationaux pourront contribuer plus efficacement. Cela ouvrira également la voie à une intervention qui réponde aux besoins propres des personnes déplacées. Nous félicitons l’ONU de s’être mobilisée si rapidement pour appuyer les efforts du Gouvernement ukrainien.

Concernant l’appel de la Russie à dépêcher une mission humanitaire en Ukraine, les organismes de l’ONU et les organisations non gouvernementales sont déjà sur le terrain pour effectuer des missions d’évaluation et apporter une assistance aux personnes vulnérables touchées par le conflit, en particulier à celles qui vivent dans les zones libérées. Ces organisations se tiennent prêtes à fournir une aide supplémentaire aux zones en conflit dès qu’elles bénéficieront d’un accès plus large et auront obtenu des séparatistes appuyés par la Russie les garanties de sécurité nécessaires.

En ce qui concerne la situation humanitaire, nous ne devons pas perdre de vue un élément fondamental : la Russie peut mettre un terme à tout cela. Le moyen le plus sûr de mettre fin à la violence est que la Russie endigue le flux de combattants, d’armes et d’argent qu’elle envoie dans l’est de l’Ukraine. La Russie est en mesure de faire en sorte que les séparatistes qu’elle appuie déposent les armes, rejoignent la table de négociation et s’attachent à mettre en œuvre le plan de paix du Président Poroshenko. La Russie doit également respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et mettre fin à son occupation de la Crimée.

Pourtant, au lieu de prendre ces mesures positives, la Russie a presque doublé le nombre de bataillons déployés près de la frontière ukrainienne. Fait tout aussi préoccupant, la Russie projette de conduire des manoeuvres militaires de grande envergure près de la frontière ukrainienne, ce qui ne fera qu’attiser les tensions. Nous exigeons de nouveau que la Russie mette une fois pour toutes un terme à ses actions déstabilisatrices.

Nous croyons savoir que la Russie a fait part de sa préoccupation face à la détresse des déplacés et des réfugiés. Nous appelons donc la Russie à permettre une évaluation indépendante des besoins humanitaires en Russie et le long de la frontière ukrainienne, de façon que la communauté internationale puisse mieux comprendre l’ampleur du problème et qu’une assistance puisse être offerte. Sans cela, il n’y a aucun moyen de vérifier l’importance des flux de réfugiés vers la Russie.

Enfin, je veux souligner que cela fait presque un mois que le Conseil a accepté d’appuyer par tous les moyens une enquête exhaustive, minutieuse et indépendante sur la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Nous félicitons le Gouvernement ukrainien de sa coopération avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, avec l’Organisation de l’aviation civile internationale, et avec les Pays-Bas, l’Australie et la Malaisie, s’agissant de coordonner l’enquête et de permettre aux polices néerlandaise, australienne et malaisienne de sécuriser le lieu de l’accident. Nous rappelons également à toutes les parties leur responsabilité d’honorer l’engagement qu’elles ont pris le 31 juillet de protéger l’intégrité du site et de veiller à ce que les enquêteurs internationaux y aient accès en toute sécurité. Des dépouilles n’ont toujours pas été retrouvées et certains effets personnels doivent encore être récupérés.

Enfin, nous savons gré au Secrétariat d’organiser avec un bref préavis des séances d’information d’urgence. En certains moments, une telle urgence est justifiée. Nous nous demandons toutefois si la situation dont nous sommes saisis aujourd’hui réunit les critères d’une telle urgence, d’autant que nous nous réunissons vendredi pour débattre de la situation d’ensemble en Ukraine.

Mme Murmokaitė (Lituanie) ( parle en anglais) : Je remercie de son exposé M. John Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires.

La situation en Ukraine est probablement la crise qui a donné lieu au plus grand nombre de séances du Conseil de sécurité cette année. Sauf erreur de ma part, nous en sommes actuellement à plus de 20 séances – nombre qui va continuer d’augmenter. Les rapports concernant la situation sur le terrain que nous transmettent la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que d’autres institutions, ont été indispensables pour comprendre la véritable situation sur le terrain. Aujourd’hui, ma délégation a demandé qu’une séance d’information consacrée au quatrième rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme soit organisée d’ici la fin de cette semaine.

Comme le quatrième rapport le souligne – rapport que nous aurons très bientôt une nouvelle occasion d’aborder, ainsi que l’ont dit d’autres orateurs –, l’état de droit s’est effondré dans les zones contrôlées par les militants des soi-disant République populaire de Donetsk et République populaire de Lougansk, où il a été remplacé par l’état de non-droit.

Les groupes armés illégaux sont de mieux en mieux équipés, et dotés d’armes lourdes, de chars et de véhicules blindés capables de causer d’importants dégâts et de faire de nombreuses victimes dans les rangs des forces ukrainiennes.

L’enlèvement et la détention de civils, les tortures et les mauvais traitements se poursuivent dans les régions contrôlées par les groupes séparatistes prorusses. Les bâtiments administratifs locaux sont toujours occupés, des institutions parallèles illégales sont mises en place, et les chefs séparatistes annoncent des exécutions sommaires pour maintenir l’ordre dans leurs rangs. Les combattants se prennent en photo auprès des dépouilles de soldats ukrainiens tués. Vendredi dernier, Igor Girkin, qui s’est donné le titre de Ministre de la défense, a déclaré l’état de siège et a introduit la loi martiale à Donetsk. Avertissement a été donné que tous les fauteurs de trouble seraient envoyés directement en cour martiale.

Les rebelles prorusses dans l’est de l’Ukraine ont menacé du personnel médical, ont volé et détruit des équipements médicaux et du mobilier hospitalier, ont compromis la capacité des civils à recevoir des soins et se sont appropriés des ambulances pour transporter des combattants, comme le rapportent des organisations non gouvernementales. Des attaques à l’arme explosive sur des hôpitaux ont également été signalées. De tels actes sont strictement interdits en vertu du droit international humanitaire, qui prévoit des protections spécifiques pour les unités médicales et leur personnel, ainsi que pour les blessés et les malades.

En Crimée, au mépris de la résolution 68/262 de l’Assemblée générale, les lois et réglementations de la Fédération de Russie sont appliquées, ce qui engendre la confusion et menace les droits de tous ceux qui ne sont pas disposés à prendre la nationalité russe. Le harcèlement et la discrimination à l’égard des populations autochtones, Tatars de Crimée et minorités religieuses ou autres, se poursuivent.

Il n’est pas étonnant que la situation humanitaire se dégrade dans les zones sous le contrôle illégal des groupes séparatistes armés. Selon les chiffres publiés récemment par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, quelque 117 000 personnes sont déplacées en Ukraine et, au 1er août, environ 168 000 avaient quitté le pays pour la Russie. Durant les sept derniers jours seulement, plus de 6000 personnes ont été forcées de quitter leurs foyers. Les groupes armés continuent de prendre délibérément pour cible des services d’utilité publique essentiels et de s’emparer illégalement de propriétés publiques et privées.

Les groupes séparatistes armés n’hésitent pas à s’installer parmi les populations civiles, au milieu des villes, alors qu’ils reculent sous la pression des forces ukrainiennes. Un exemple récent en sont les tentatives ukrainiennes pour reprendre le contrôle de la ville de Yasinovataya, au nord de Donetsk. Il y a quelques jours, les forces ukrainiennes sont entrées dans Yasinovataya mais, face aux menaces qui pesaient sur la vie des civils, un chef militaire a pris la décision de revenir aux positions initiales, sur les abords de la ville, afin d’éviter de nuire à la population locale. Selon les sources sur le terrain, une tendance est apparue ces derniers jours : lorsque les troupes ukrainiennes déploient suffisamment d’hommes et de puissance de feu pour menacer les militants, les groupes armés illégaux se redéploient dans une ville des environs, d’où ils obligent la population locale à s’enfuir tandis qu’ils installent leurs véhicules armés, leur artillerie et leurs roquettes Grad dans des zones résidentielles.

Alors que les combats se poursuivent, les autorités ukrainiennes font leur possible pour avertir rapidement les populations civiles et mettre en place des couloirs humanitaires unilatéraux à Donetsk, à Lougansk et à Horlivka, afin de permettre à la population d’évacuer les zones de combat. L’Ukraine, comme n’importe quel autre pays, a le droit et le devoir de restaurer l’ordre public à l’intérieur de ses frontières et de protéger son unité, sa souveraineté et son intégrité territoriale. Nous réaffirmons la nécessité pour les forces ukrainiennes de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour empêcher que les infrastructures civiles soient endommagées et les civils soient pris pour cible. Dans le même temps, les efforts entrepris par le Gouvernement ukrainien pour poursuivre le processus de réforme globale et régler les problèmes hérités de l’ancien régime doivent continuer.

À maintes reprises au sein du Conseil, nous avons appelé à la désescalade. Toutefois, la désescalade ne doit jamais être interprétée comme une capitulation unilatérale de l’Ukraine et son acceptation du démembrement de l’État. La Russie, qui a, dès le début, attisé la guerre illégitime menée par des militants séparatistes contre l’Ukraine, aurait pu empêcher la détérioration de la situation humanitaire, et ce, depuis longtemps, en se dissociant du séparatisme militant dans l’est de l’Ukraine, en cessant d’aider les insurgés, en sécurisant ses frontières et en stoppant le flot d’armes de fabrication russe. Même si les forces ukrainiennes font tout ce qu’elles peuvent pour repousser les groupes armés illégaux et préserver l’unité de l’État, il se peut que nous ayons à attendre encore longtemps avant que tout cela se produise réellement.

M. Naber (Jordanie) (parle en arabe) : Je voudrais remercier M. Ging de son exposé.

Les hostilités qui s’intensifient dans l’est de l’Ukraine sont une source de préoccupation pour le Gouvernement jordanien, notamment à la lumière des rapports qui font état de la détérioration de la situation humanitaire et de l’augmentation du nombre de tués et de blessés. Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue, à calmer les esprits et à s’abstenir de tout acte d’hostilité ou de provocation.

La Jordanie réaffirme le droit des États d’exercer leur autorité sur l’ensemble de leur territoire et de protéger leurs citoyens contre les menaces proférées à leur encontre, conformément au droit international. À cet égard, la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine doivent être pleinement respectées. Nous demandons au Gouvernement ukrainien de veiller à respecter les normes internationales ainsi que les principes pertinents des droits de l’homme lorsqu’il fait appliquer la loi. Nous réaffirmons la nécessité de garantir la protection des civils et d’éviter de prendre les civils pour cible ou de procéder à des représailles contre eux.

La solution politique est la seule voie pour rétablir la stabilité dans l’est de l’Ukraine. Nous appelons donc de nouveau toutes les parties influentes en Ukraine à faire tout leur possible pour trouver une solution politique à la crise, mettre un terme à la recrudescence des combats et encourager les combattants à déposer les armes afin que la stabilité revienne dans l’est du pays. Nous demandons également le retour dans les plus brefs délais des personnes déplacées.

Nous exhortons les parties à respecter les dispositions de la déclaration de Genève et à faciliter l’action de la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies, de même qu’à garantir les droits des journalistes, notamment dans l’est du pays.

M. Oh Joon (République de Corée) (parle en anglais) : Je tiens à remercier M. John Ging de son exposé d’aujourd’hui.

La République de Corée demeure profondément préoccupée par la poursuite de l’escalade des tensions dans l’est de l’Ukraine. En dépit des efforts diplomatiques déployés actuellement par la communauté internationale, la situation sur le terrain ne montre aucun signe d’apaisement. La persistance des violences a entraîné une hausse des pertes en vies humaines et une nouvelle détérioration de la situation humanitaire.

Nous sommes particulièrement inquiets de voir que le nombre de personnes déplacées en Ukraine s’élève désormais à 117 000, marquant une augmentation très nette depuis le mois de juin. Parallèlement, le manque de centres d’hébergement et de services de base, comme l’approvisionnement en eau et en électricité, pour les personnes déplacées, demeure aussi une source de préoccupation majeure. Étant donné la gravité de la situation, il est extrêmement urgent de prendre de nouvelles mesures humanitaires plus importantes, comme la mise en place de couloirs humanitaires supplémentaires.

La situation instable qui prévaut dans l’est de l’Ukraine montre clairement que la solution à la crise en cours ne peut venir que d’une cessation immédiate des hostilités et d’un dialogue constructif entre toutes les parties concernée. À cet égard, nous nous félicitons de la récente réunion du groupe de contact trilatéral, qui s’est tenue à Minsk le 31 juillet, avec les représentants des groupes séparatistes de l’est de l’Ukraine. Nous invitons toutes les parties à dialoguer de manière constructive de sorte qu’elles puissent se mettre d’accord sur un cessez- le-feu immédiat sur la base de la déclaration de Berlin du 2 juillet. À cet égard, tous les groupes armés illégaux doivent cesser toute violence et déposer les armes. C’est là la clef de toute solution durable à la crise.

Enfin, concernant la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, nous réaffirmons notre appui à une enquête internationale exhaustive, minutieuse et indépendante. Toutes les parties concernées doivent se conformer à leurs obligations en vertu de la résolution 2166 (2014), et coopérer pleinement à l’enquête internationale.

Mme Perceval (Argentine) (parle en espagnol) : Je voudrais remercier M. John Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, de son exposé sur l’inquiétante situation humanitaire qui règne dans le sud et l’est de l’Ukraine.

L’Argentine exprime à nouveau sa profonde préoccupation face à la situation dans le sud et l’est de l’Ukraine et à sa détérioration croissante. Les craintes que nous avons déjà exprimées eu égard aux effets de la recrudescence de la violence sur la population civile semblent malheureusement se confirmer, le risque étant que la crise humanitaire s’aggrave encore davantage. Nous sommes préoccupés par l’augmentation constante du nombre de personnes déplacées en raison des affrontements violents qui ont lieu dans les régions
de Donetsk et Lougansk. Il n’est pas nécessaire de répéter les informations présentées par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, mais il faut bien comprendre que, face à un tel nombre de déplacés en Ukraine et au flot de personnes qui cherchent refuge en Russie, pour la majorité des femmes et des enfants, la communauté internationale ne saurait rester indifférente.

Les rapports faisant état de l’augmentation du nombre de civils ayant perdu la vie à cause de tirs d’artillerie dans des zones contrôlées par des groupes armés sont alarmants. Par ailleurs, les attaques menées par des groupes armés contre des infrastructures hydrauliques, des centrales électriques et d’autres infrastructures essentielles – cela a été dit, et nous partageons cet avis – soumettent la population à une situation de vulnérabilité extrême, augmentant ainsi les risques liés à la violence elle-même. Parallèlement, nous nous trouvons face à des situations où l’accès aux services de santé est difficile, où les conditions sanitaires se dégradent et où des épidémies de maladies – contagieuses ou non – risquent de se déclarer en raison de ces difficultés et de ce manque d’accès aux services de santé.

Nous lançons un appel urgent au strict respect des obligations relatives à la protection des civils dans les zones touchées par la violence. Il faut également veiller à ce que les civils puissent quitter les zones où ont lieu des affrontements entre les forces ukrainiennes et les groupes armés, en particulier dans la région de Donetsk. De même, toutes les mesures doivent être prises pour répondre aux besoins urgents des personnes déplacées. Il convient de souligner que si les hostilités venaient à se poursuivre, les basses températures qui accompagnent l’arrivée de l’hiver placeront les personnes déplacées, en particulier les femmes et les enfants, dans une situation encore plus précaire.

Nous tenons également à saluer le travail réalisé par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires en concertation avec d’autres organismes des Nations Unies, et notamment l’élaboration d’un plan d’action préliminaire pour une future intervention humanitaire en Ukraine. Nous nous associons bien entendu à l’appel lancé à la communauté internationale pour qu’elle prête tout son appui aux efforts déployés pour venir en aide aux personnes déplacées et leur fournir l’assistance qui s’impose.

Enfin, Nous estimons qu’il convient d’insister sur la nécessité d’enquêter sur tous les cas où des civils ont été tués ou blessés, car il est indispensable d’établir les responsabilités et de garantir qu’il sera répondu de ces actes, une condition absolument nécessaire, de l’avis de l’Argentine, pour que règnent véritablement la sécurité, la paix et le dialogue social dont l’Ukraine a besoin. C’est pourquoi nous réaffirmons qu’il est urgent d’ouvrir un dialogue politique constructif et sans exclusive et que c’est seulement ainsi que cette crise pourra être réglée.

Mme Lucas (Luxembourg) : Je remercie à mon tour le Directeur des opérations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de son exposé.

Le Luxembourg partage la préoccupation de l’OCHA sur la détérioration de la situation humanitaire et l’augmentation de la violence dans les régions de Donetsk et de Lougansk contrôlées par les séparatistes. Alors que les groupes armés illégaux et leur soutien extérieur continuent de déstabiliser le pays et d’attenter à sa souveraineté et à son intégrité territoriale, les premières victimes en sont, une nouvelle fois, les populations civiles. Les chiffres que M. Ging vient de mentionner parlent d’eux-mêmes. Nous sommes également des plus préoccupés par le nombre de cas d’intimidation, de torture, d’enlèvement et d’assassinat répertoriés depuis un peu plus de quatre mois dans les zones contrôlées par les séparatistes. Les violations et abus des droits de l’homme doivent cesser. Le droit international humanitaire doit être respecté.

Au vu de la situation, il importe de redoubler d’efforts pour venir en aide aux populations affectées et notamment aux plus de 110 000 personnes déplacées. Nous appelons le Gouvernement ukrainien à poursuivre et à intensifier ses efforts à cet effet, en étroite coopération et concertation avec les organismes humanitaires des Nations Unies et internationaux. L’établissement d’un système d’enregistrement centralisé tel que promus par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, nous semble notamment s’imposer. Nous encourageons de même une étroite coopération des acteurs humanitaires avec les autres acteurs internationaux présents en Ukraine, notamment la mission d’observation des droits de l’homme du Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et la mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui est déployée en Ukraine depuis le mois de mars.

Mais au-delà des efforts humanitaires, il importe surtout de redoubler d’efforts en vue de créer les conditions de la mise en œuvre du plan de paix du Président Poroshenko et de trouver une solution pacifique à la crise en Ukraine. Les pourparlers entamés sous les auspices de la présidence en exercice de l’OSCE sont essentiels à cet égard, tout comme le déploiement d’observateurs civils aux deux postes-frontières de Donetsk et de Goukovo à la frontière russo-ukrainienne, décidé par le Conseil permanent de l’OSCE le 24 juillet dernier. Il est en effet primordial que les frontières soient sécurisées et que cesse l’approvisionnement des groupes armés séparatistes. Afin de soutenir les efforts en cours et de les amplifier, la poursuite de la mission de bons offices du Secrétaire général sera également d’importance.

Le 18 juillet dernier, nous avons déploré la mort tragique des 298 passagers du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines abattu au-dessus de l’Ukraine (voir S/PV.7219). Nous avions espéré alors que le 17 juillet ne resterait pas seulement dans nos mémoires comme le jour de la tragédie du vol MH17 mais aussi comme le jour où un tournant décisif vers le règlement de la crise ukrainienne a été entrepris. Le moment est venu d’honorer la mémoire des victimes de la crise ukrainienne et de s’engager enfin de bonne foi dans la recherche d’une solution pacifique.

M. Quinlan (Australie) (parle en anglais) : Je remercie M. John Ging de son exposé cet après-midi. Je tiens aussi à remercier les organismes des Nations Unies qui sont sur place en Ukraine de tous leurs efforts.

La poursuite du conflit dans l’est de l’Ukraine a inévitablement entraîné une crise humanitaire qui ne cesse de s’aggraver. De nouveaux déplacements de civils ont eu lieu et des services essentiels ne sont plus assurés. Les informations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires selon lesquelles le conflit a fait quelque 117 000 déplacés, tandis que 163 000 autres personnes ont fui l’Ukraine, sont inquiétantes. Les rapports indiquant que des groupes armés s’en prennent délibérément aux installations civiles, notamment les usines de production d’électricité et les stations de traitement des eaux, les routes et les ponts, sont alarmants. Ces attaques contre des installations indispensables au bien-être, et en fait à la survie, des civils doivent cesser. L’infrastructure civile doit être protégée et respectée. Toutes les parties au conflit doivent se conformer au droit international humanitaire.

Nous saluons les efforts de l’ONU et des autres acteurs humanitaires pour répondre aux besoins des personnes déplacées et des communautés qui les accueillent. Nous nous félicitons de la détermination des autorités ukrainiennes à faire en sorte que les besoins des Ukrainiens déplacés ou touchés par la violence soient satisfaits. Nous souscrivons aux appels en faveur de l’établissement d’un système d’enregistrement centralisé pour faciliter ces efforts. La poursuite de la coopération entre l’ONU et les autorités ukrainiennes est fondamentale pour planifier et mettre en œuvre l’assistance humanitaire. À cet égard, nous attendons avec intérêt le plan d’action préliminaire actuellement élaboré par la communauté humanitaire, qui, d’après ce que nous croyons comprendre, sera rendu public la semaine prochaine. À l’évidence, pour rétablir des services essentiels et protéger les civils pris au piège du conflit, il est impératif que toutes les violences prennent fin et que toutes les parties s’engagent dans un dialogue véritable. Nous saluons les efforts de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en vue de promouvoir le dialogue, y compris par l’intermédiaire du groupe de contact trilatéral. Nous accueillons avec satisfaction le lancement des pourparlers de Minsk, mais il faut absolument que ces pourparlers donnent des résultats. Pour cela, il est indispensable que cesse toute forme d’appui aux groupes armés qui opèrent dans l’est de l’Ukraine.

Comme nous ne le savons que trop bien, cela fait un peu moins de trois semaines que le vol MH17 de la Malaysia Airlines a été abattu au-dessus du territoire contrôlé par les séparatistes dans l’est de l’Ukraine, causant la perte tragique de 298 vies humaines. La mort de ces personnes est la conséquence directe de la violence inutile qui sévit dans l’est de l’Ukraine. Le Conseil, par la résolution 2166 (2014), a exigé à juste titre qu’une enquête internationale exhaustive, minutieuse et indépendante soit menée sur l’incident du vol MH17. Il a également exigé tout particulièrement des groupes armés présents dans la zone qu’ils donnent immédiatement aux enquêteurs un accès plein et sans entrave, qu’ils s’abstiennent de toute action susceptible de compromettre l’intégrité du lieu de l’accident et que les responsables de l’incident répondent de leurs actes. Deux semaines plus tard, nous attendons toujours la mise en œuvre pleine, intégrale et urgente de cette résolution. Bien qu’un accès limité au site du crash soit désormais possible, nous n’avons toujours pas accès, de manière totale et sans entrave, à l’ensemble du lieu de l’accident, ce qui est pourtant absolument indispensable.

Vendredi dernier, le 1er août, les Pays-Bas ont informé le Conseil de la création d’une mission internationale chargée de protéger l’enquête et placée sous la direction des Pays-Bas, avec la participation de l’Australie et de la Malaisie. Du personnel néerlandais, australien et malaisien non armé aide désormais à la conduite de l’enquête et à la récupération des dépouilles et des effets personnels des passagers, ainsi qu’à la sécurisation de l’épave et des éléments de preuve. Il s’agit d’une opération non armée d’une durée et d’une portée limitées. Ce personnel travaille minutieusement en lien étroit avec l’OSCE, qui négocie en son nom l’accès au site de l’accident et des cessez-le-feu autour du périmètre. Toutefois cela n’a pas toujours permis l’accès voulu pour mener à bien les tâches essentielles. La zone dans laquelle se trouve le site reste une zone contestée. Aujourd’hui, en dépit de la coopération des autorités ukrainiennes, des séparatistes armés ont restreint l’accès à plusieurs parties du site de l’accident, entravant l’enquête et la récupération des corps des victimes et de leurs effets personnels.

Ménager un accès urgent, sans entraves, à chaque zone du site, conformément aux dispositions tout à fait claires et sans équivoque de la résolution 2166 (2014), demeure impératif. Le personnel non armé présent sur le terrain, pour sa part, a besoin que les exigences du Conseil soient respectées pour pouvoir s’acquitter de son travail. Plus tôt il pourra accéder en toute liberté et en totalité au site, et plus vite il pourra achever son travail.

Pour terminer, toute solution durable à la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine exige de toute évidence qu’il soit mis fin au conflit. Le Conseil y a appelé instamment, et constamment, et les informations que nous avons reçues aujourd’hui ne font que confirmer à nos yeux l’importance qu’il y a à mettre un terme aux effets de la violence et aux activités de déstabilisation actuelles dans l’est de l’Ukraine.

M. Sarki (Nigéria) (parle en anglais) : Pour commencer, Monsieur le Président, nous nous joignons pleinement aux éloges que vous avez faits à la délégation du Rwanda pour la compétence avec laquelle elle a dirigé les travaux du Conseil au cours du mois dernier. J’aimerais également remercier le Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. John Ging, de son exposé.

Hier, l’Europe et le reste du monde ont solennellement commémoré le centième anniversaire du début de la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, la population de l’Ukraine et de l’Est de l’Europe sait ce qu’est la souffrance ressentie il y a 100 ans par la population belge et française.

L’exposé présenté par M. Ging aujourd’hui a évidemment de quoi déconcerter. Près de 4 millions de personnes se retrouvent prises au piège dans la zone de conflit, dans la région méridionale et orientale de l’Ukraine. Selon des informations récentes, Lougansk, dans l’est de l’Ukraine, est au bord d’une catastrophe humanitaire, avec ses 230 000 personnes déplacées du fait du conflit.

Le conflit a entraîné une raréfaction de l’eau potable disponible, qui est pourtant un élément indispensable et essentiel à la vie, ainsi que la coupure du réseau électrique qui alimente les foyers, les écoles et les hôpitaux en électricité. Chaque jour qui passe apporte des nouvelles de mort et de destructions. Maintenant que les réserves de gaz sont épuisées et les fournitures médicales en nombre insuffisant, on comprend que la population a hâte d’évacuer les grandes villes prises dans la tourmente.

Le résultat de la crise est sans appel : un exode massif, créé par le départ de civils innocents cherchant à fuir les privations et les violences incessantes. Avec l’intensification du conflit dans le sud et dans l’est de l’Ukraine, l’appui et la solidarité de la communauté internationale sont de plus en plus importants. Nous prenons acte à cet égard, pour nous en féliciter, du plan mis au point par les organismes humanitaires, qui jette les fondements de l’intervention humanitaire à venir en Ukraine, sur la base d’un grand objectif structuré primordial et des quatre objectifs stratégiques subsidiaires sur lesquels se fonderont l’action et les interventions sectorielles. Nous félicitons l’OCHA, qui joue un rôle central dans ces stratégies de planification et d’intervention.

Une fois de plus, le rôle moteur joué par l’ONU dans la gestion des questions et problématiques humanitaires dans le monde entier vient d’être démontré. Nous exhortons les organismes concernés à maintenir leur engagement face à la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine, jusqu’à ce qu’elle se stabilise.

Nous appelons également les autorités de ce pays à prendre des mesures pour veiller à la mise en place d’un système efficace de coordination et de mise en oeuvre des secours. Il ne fait pas de doute que la situation humanitaire est la résultante du conflit dans ce pays, qui s’est intensifié et a pris des proportions dangereuses. La seule solution viable à la situation humanitaire et, du reste, à la situation globale dans le pays, passe par une cessation des hostilités et un retour au dialogue.

À cet égard, la feuille de route élaborée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en vue d’une désescalade des tensions en Ukraine et l’accord conclu à Genève le 17 avril présentent des voies valables de règlement pacifique du conflit en Ukraine.

Monsieur le Président, si vous voulez bien me donner quelques secondes, je voudrais juste poser deux questions au Directeur de Division de l’OCHA, pour profiter de sa présence. Premièrement, le système d’immatriculation unifié des personnes déplacées qu’il a évoqué est-il envisagé sous un angle positif par les autorités ukrainiennes et comptent-elles l’adopter ? Deuxièmement, nous croyons comprendre que les conditions hivernales peuvent être très rigoureuses dans cette région du monde. L’OCHA et l’ensemble des organismes humanitaires internationaux mettent-ils en place un certain nombre de mesures à l’attention des personnes déplacées et des réfugiés au cas où le conflit ne serait pas réglé maintenant et se prolongerait jusque dans la période hivernale ?

Le Président (parle en anglais) : Je donnerai à M. Ging l’occasion de répondre à ces questions un peu plus tard.

M. Nduhungirehe (Rwanda) (parle en anglais) : Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, de la convocation de la présente séance d’urgence consacrée à la situation humanitaire en Ukraine, ainsi que de vos aimables paroles à l’endroit de M. Gasana et de la délégation du Rwanda, concernant sa présidence du Conseil de juillet.

Je voudrais également remercier le Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), John Ging, de son exposé.

La crise humanitaire qui sévit dans l’est de l’Ukraine, en particulier dans les régions de Lougansk et de Donetsk, a empiré de manière accélérée au cours des dernières semaines. La violence continue de mettre en péril la vie des Ukrainiens, en particulier des femmes et des enfants ; 3,9 millions de personnes vivent dans des zones touchées par la violence, dont un certain nombre sont privées de services de base comme l’eau, l’électricité et les soins médicaux. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui est l’organisme spécialisé au sein du système des Nations Unies en ce qui concerne le sort des réfugiés, a fait état du déplacement de 117 000 personnes à l’intérieur de l’Ukraine et du passage de 740 000 personnes en Fédération de Russie depuis le début de l’année.

Certaines de ces populations se sont déplacées parce qu’elles craignent d’être persécutées pour leurs opinions politiques, leur origine ethnique ou un recrutement éventuel dans l’est de l’Ukraine, mais la grande majorité sont des Ukrainiens qui se trouvent pris entre deux feux, craignent pour leur propre sécurité et cherchent à se mettre en sûreté. Nous félicitons les organismes des Nations Unies et les autres acteurs humanitaires de leur travail sur le terrain, et nous appuyons l’appel du HCR à la mise en place par le Gouvernement ukrainien d’un système centralisé d’immatriculation des personnes déplacées.

En attendant, le Rwanda est préoccupé par la poursuite des combats autour du site où s’est écrasé l’avion MH 17 de la Malaysia Airlines, ce qui empêche les enquêteurs internationaux de faire leur travail. Ces violations incessantes de la résolution 2166 (2014) ne sauraient être tolérées, d’autant que nous savons que certaines familles n’ont pas encore pu recevoir la dépouille de leur proche. Nous appelons de nouveau toutes les parties à permettre aux enquêteurs, conformément aux engagements qu’elles ont pris en ce sens le 31 juillet, d’accéder sans entrave aux sites et à leur périphérie pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs tâches en sécurité et dans les plus brefs délais.

Compte tenu de ce contexte, il est regrettable que le Conseil reste profondément divisé sur la crise en Ukraine. Le risque d’une guerre ouverte demeurera tant que cette division existe au sein des membres du Conseil. De même, l’aggravation de la situation humanitaire en Ukraine, même si elle n’a pas atteint le degré de celle que connaissent la Syrie et Gaza, devrait sonner l’alarme pour le Conseil et toutes les parties prenantes, qui se doivent de redoubler d’efforts et de prendre des mesures concrètes pour trouver une solution viable à la crise.

Il est vrai que l’instabilité de la situation sur le terrain continue d’entraver les efforts politiques et diplomatiques déployés en vue de trouver une solution durable à la crise ukrainienne. Nous remercions le Secrétaire général de ses bons offices et des efforts qu’il déploie en permanence pour trouver un règlement pacifique au conflit. À cet égard, nous réitérons notre appui au plan de paix du Président Poroshenko, sur lequel doit reposer toute solution durable à la crise. Nous nous félicitons également des initiatives du groupe de contact trilatéral composé des hauts représentants de l’Ukraine, de la Fédération de Russie et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ainsi que des engagements énoncés dans la déclaration faite le 2 juillet à Berlin par les Ministres des affaires étrangères allemand, français, russe et ukrainien.

Je tiens à renouveler ici notre appel au respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. À cet égard, nous exhortons tous les groupes armés dans l’est de l’Ukraine à déposer les armes et à respecter un cessez-le-feu afin d’apaiser la situation. Nous estimons que le Gouvernement ukrainien a le droit de rétablir l’ordre public sur son territoire dans la mesure où il exerce ce droit de manière proportionnée afin de préserver la possibilité d’un dialogue sincère et sans exclusive entre tous les Ukrainiens.

Pour terminer, le Rwanda relève que le Conseil de sécurité examine aujourd’hui la situation humanitaire en Ukraine et qu’il tiendra de nouveau, dans deux jours, une séance consacrée à la situation des droits de l’homme dans le pays. Nous estimons que cette méthode parcellaire d’examen des différents aspects d’une crise ne nous est pas d’une grande utilité, puisque tous ces aspects sont corrélés. En conséquence, le Rwanda propose d’organiser une séance mensuelle sur la situation en Ukraine. Cela nous permettrait de rester saisis de la question et d’examiner la crise ukrainienne sous tous ses aspects.

M. Gombo (Tchad) : Je voudrais remercier M. John Ging, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, pour son exposé.

Les intenses combats qui ont lieu entre les forces ukrainiennes et les séparatistes dans l’est de l’Ukraine se déroulent désormais dans les centres urbains, et les populations civiles sont directement la cible des échanges de tirs. Ces derniers temps, beaucoup de civils ont été tués, et d’autres blessés. Certaines sources font état de l’utilisation de roquettes Grad dans les zones habitées, ce qui constitue un acte grave. Les civils continuent de fuir en masse, et ceux qui restent doivent faire face à des pénuries diverses et des violations. Des centres de santé et des hôpitaux de Donetsk et Sloviansk seraient actuellement occupés, ce qui empêcherait les civils de recevoir des soins. Nous appelons les deux parties à respecter les règles du droit international humanitaire. Les attaques et les ripostes risquent d’empirer la situation et auront sans nul doute des conséquences graves sur les populations civiles.

Pour conclure, nous sommes convaincus que seul un dialogue inclusif et constructif pourrait amener à un dégel de la situation en Ukraine. Les Ukrainiens ont droit à la paix, tout comme les autres peuples du monde.

Le Président (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentant du Royaume-Uni.

Je remercie M. Ging de son exposé de cet après-midi. Comme il nous l’a signalé, la situation dans les zones contrôlées par les séparatistes dans l’est de l’Ukraine continue de se dégrader. Le nombre de victimes augmente, les infrastructures publiques sont défaillantes et le nombre de personnes déplacées continue de croître. Heureusement, la situation en Ukraine n’est pas comparable à certaines autres crises humanitaires. Néanmoins, cela n’est guère réconfortant pour les civils ukrainiens qui vivent quotidiennement des épreuves croissantes.

Soyons absolument clairs : c’est la poursuite de la violence causée par les séparatistes qui est à l’origine de l’aggravation de la situation humanitaire dans les villes de Donetsk et Lougansk. Là où il n’y a pas de séparatistes il n’y a pas de situation de détresse humanitaire. Dans les villes libérées par le Gouvernement ukrainien, la situation est en train de revenir à la normale. Les personnes déplacées rentrent chez elles et le Gouvernement ukrainien s’emploie à remettre les services publics en état et en marche. Il n’y a eu aucune représaille.

Dans les zones restées sous le contrôle des séparatistes, au contraire, les civils sont de plus en plus vulnérables. L’ONU signale que les séparatistes s’en prennent délibérément aux services d’utilité publique et de première nécessité, tels que les réseaux d’alimentation en eau et en électricité et les usines de retraitement des eaux usées. Ils ont substitué à l’état de droit ce que l’ONU a pu qualifier d’empire de la violence, où s’installe une atmosphère de crainte, d’intimidation et de harcèlement. Le dernier rapport de la mission des Nations Unies chargée de la surveillance des droits de l’homme, en date du 15 juillet, ne laisse guère de doutes sur la violence et les exactions qui caractérisent ces groupes séparatistes. Il décrit en détail les enlèvements de civils, les pillages, les actes de torture, les meurtres et les exécutions de civils dont ils se rendent responsables. Des informations récentes indiquent que les groupes séparatistes refusent de laisser évacuer les hommes en âge de combattre des zones qu’ils contrôlent. Ces groupes séparatistes armés illégaux n’ont aucun motif pour poursuivre leur campagne de violence. Ils doivent déposer les armes, libérer tous les bâtiments gouvernementaux saisis illégalement et faire valoir leurs doléances par des moyens exclusivement pacifiques et démocratiques.

Mais nous devons également nous pencher sur les causes profondes de cette situation, et ne pas en voir que les symptômes. Alors qu’elle se dit préoccupée de la situation des citoyens ukrainiens dans l’est du pays, la Russie n’a à aucun moment demandé aux séparatistes de mettre fin à cette insurrection violente et illégale. Au contraire, elle alimente la crise, maintient la violence et prolonge la détresse des populations. Elle équipe les séparatistes en armes lourdes perfectionnées, dont des lance-roquettes et roquettes d’artillerie Grad, des chars et des missiles sol-air. Elle recrute et entraîne des combattants et mène une guerre de propagande en leur nom. L’Ukraine a même été bombardée directement depuis le territoire de la Russie. En vérité, cette insurrection n’est pas née dans le Donbass ; c’est une insurrection fabriquée par Moscou. Elle est dirigée par des Russes qui utilisent des armes fournies par la Russie dans une tentative délibérée de déstabilisation de l’Ukraine, visant à mettre Kiev sous contrôle. Le profil des chefs séparatistes le montre très clairement.

Le mois dernier, Vladimir Antoufiev a rejoint les rangs du commandement militaire des séparatistes aux côtés d’Igor Strelkov et d’Alexander Borodai. Antoufiev est recherché pour le rôle qu’il a joué dans la répression des manifestations en faveur de l’indépendance en Lettonie en 1991, et il a récemment occupé le poste de chef du KGB en Transnistrie. Ces trois individus sont des citoyens russes, et tous les trois ont travaillé pour les services de renseignement russes. Il n’est pas peu paradoxal que la Russie demande la convocation d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour débattre d’une crise humanitaire qu’elle a, essentiellement, créée. Nous convenons qu’il importe de mettre fin à la violence. Nous convenons qu’il faut remédier à la détresse humanitaire en priorité. Mais la Russie ne peut décemment pas s’ériger en protectrice de la population est-ukrainienne quand elle est elle-même l’architecte de la violence qui lui est infligée.

Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil.

Je donne la parole à M. Ging, qui va répondre aux questions posées.

M. Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (parle en anglais) : Je tiens à remercier tous les membres du Conseil de sécurité de leur appui à l’action humanitaire en Ukraine et de leurs mots de reconnaissance à l’égard de l’excellent travail accompli par tous ceux qui participent à cette action humanitaire, à commencer par les populations elles-mêmes, qui accueillent un si grand nombre de déplacés et leur témoignent une grande générosité. Nous fondons notre action sur cet esprit d’humanité.

Deux questions spécifiques ont été posées. L’une portait sur la mise en place d’un système d’immatriculation unifié des personnes déplacées et sa réception positive ou non. Je dirais que nous espérons voir cette question déboucher sous peu sur une issue positive. Je soulève ce point aujourd’hui en raison de son caractère réellement urgent et important pour notre action.

La deuxième question portait sur la question de la préparation aux conditions hivernales. Il me semble très important de soulever cette question parce que les hivers dans la région sont particulièrement rigoureux. À cet égard, je puis assurer les membres du Conseil que cette préparation pour l’hiver est au cœur de tous les plans humanitaires. Nous veillons à ce que tous les efforts soient faits pour atténuer les incidences d’un hiver que l’on prévoit très rigoureux pour les personnes déplacées. Une fois de plus, j’assure les membres du Conseil qu’il s’agit d’une composante essentielle de tous les plans humanitaires.

Le Président (parle en anglais) : Je remercie M. Ging de ses précisions.

Je donne maintenant la parole au représentant de l’Ukraine.

M. Pavlichenko (Ukraine) (parle en anglais) : Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, d’avoir convoqué cette importante séance sur la situation actuelle dans mon pays. Je remercie également M. Ging de son exposé.

Ma délégation tient à marquer sa gratitude à tous ceux qui s’emploient à aider le Gouvernement ukrainien à traiter les problèmes humanitaires dans les régions de Donetsk et de Lougansk, touchées par les activités terroristes. Nous apprécions les efforts déployés par l’ONU et d’autres organisations afin de répondre aux besoins humanitaires. Je voudrais assurer le Conseil que le Gouvernement ukrainien tient dûment compte de toutes les recommandations formulées par l’Organisation des Nations Unies et d’autres acteurs internationaux.

Comme ma délégation l’a indiqué précédemment, il n’y a pas de crise humanitaire en Ukraine, comme nos collègues russes ne cessent de l’affirmer. Cela dit, la situation humanitaire dans les régions de Donetsk et de Lougansk reste bien entendu grave, mais elle est prise en main par le Gouvernement ukrainien qui reste ouvert à la coopération avec les partenaires internationaux. Il y a certes de graves difficultés humanitaires actuellement, mais seulement dans les villes tombées temporairement entre les mains des groupes terroristes soutenus par la Russie. Leurs agissements ont déjà perturbé le fonctionnement des usines qui alimentent les villes en eau et en électricité et autres installations vitales pour que la population puisse mener une vie normale.

Dans l’intervalle, le Gouvernement ukrainien s’efforce de remplir toutes ses obligations sociales s’agissant du versement des pensions de retraite, et des salaires des fonctionnaires du secteur public et de garantir la fourniture de prestations sociales à l’ensemble des régions de Donetsk et de Lougansk, sauf dans certaines villes toujours sous contrôle des terroristes.

La remise en état et la reconstruction des territoires où sévissent les terroristes comptent parmi les premières priorités du Gouvernement ukrainien. Comme le Conseil doit le savoir, les terroristes ont maintenant été boutés hors de la ville de Sloviansk et de nombre d’autres villes et villages, qui connaissent maintenant une vie normale. Il y quelques jours, le Président ukrainien a annoncé la création d’une fondation d’aide internationale au Donbass. Nous sommes heureux que plusieurs pays aient accepté de verser d’importantes contributions, ce qui nous permettra d’alléger le fardeau du relèvement.

Ce que nos collègues russes continuent de dire sur la situation en Ukraine, ainsi que leur proposition d’envoyer une prétendue mission humanitaire internationale au Donbass, semble pour le moins d’un cynisme prononcé. C’est la Russie qui continue de déstabiliser la situation dans l’est de l’Ukraine. La Russie soutient les activités des terroristes et porte l’entière responsabilité des problèmes humanitaires dans les régions de Donetsk et de Lougansk.

Outre la destruction délibérée de l’infrastructure et des bâtiments d’importance vitale dans la région et de ses réseaux d’alimentation en eau et en électricité, les terroristes des soi-disant République populaire de Donetsk et République populaire de Lougansk, qui comptent dans leurs rangs un grand nombre de citoyens russes, mènent des attaques contre les unités sanitaires et le personnel médical, tirent sur les hôpitaux avec des armes explosives, compromettent la capacité des civils hospitalisés à recevoir un traitement et exproprient des ambulances.

Human Rights Watch a condamné dans son rapport les actes des combattants prorusses et les a appelés à y mettre fin immédiatement. Pour leur part, les forces antiterroristes, qui ont réussi à libérer les villes de la région du Donbass des mains des terroristes, sont en train de permettre aux citoyens de cette région de retrouver la paix, s’appliquent à remettre graduellement sur pied l’infrastructure et aident au retour à une vie normale.

Depuis le mois de juin, l’unité chargée de la coordination interorganisations, composée de représentants du système des Nations Unies et du Comité international de la Croix-Rouge, opère avec succès en Ukraine et veille à ce qu’il soit répondu en urgence aux besoins humanitaires de la population et des personnes déplacées.

Sur instruction du Président ukrainien, des couloirs humanitaires ont été ouverts pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de quitter les régions où sévissent les terroristes. Malheureusement, ces couloirs ne peuvent aujourd’hui remplir entièrement leur mission en raison des activités des groupes armés illégaux.

Le service public chargé des urgences a été chargé de créer un centre de coordination multifonctionnel pour transporter les personnes touchées et répondre aux besoins sociaux et sanitaires des civils.

La vraie cause des problèmes humanitaires actuels dans les régions de Donetsk et de Lougansk, ce sont les activités des terroristes et des groupes armés illégaux soutenus par la Russie. Ces groupes sont en train d’intimider la population, de perturber le fonctionnement normal des infrastructures urbaines, et de commettre des vols et des enlèvements. Tous les problèmes humanitaires disparaîtront dès que la Russie aura cessé de soutenir les terroristes et les groupes armés illégaux opérant dans l’est de l’Ukraine.

Nous exigeons que la Russie assure un contrôle effectif de son côté de la frontière et qu’elle stoppe l’afflux illégal de groupes armés illégaux, d’armes et maintenant d’équipement militaire lourd. Hélas, nos appels à la Fédération de Russie pour lui demander de remplir ses obligations souscrites au titre de la déclaration de Genève n’ont pas été entendus. La Russie continue de déstabiliser la situation dans l’est de l’Ukraine.

Je voudrais vous communiquer quelques informations reflétant la situation sur le terrain.

Je vais conclure maintenant.

La Russie continue, depuis son territoire, de bombarder les cantonnements et les positions des forces armées ukrainiennes proches de la frontière. Le nombre des forces armées, blindés et hommes, positionnées le long de la frontière russo-ukrainienne augmente constamment. Les bombardements ont provoqué des pertes parmi les civils et les soldats, et détruit des bâtiments d’habitation, administratifs et commerciaux.

Si la Fédération de Russie veut réellement la stabilisation de la situation humanitaire en Ukraine, nous proposons qu’elle prenne quelques mesures faciles, comme cesser d’envoyer des mercenaires et des armes et munitions en territoire ukrainien, contrôler efficacement sa partie de la frontière pour empêcher l’infiltration de groupes armés illégaux et d’armes, cesser de provoquer l’instabilité, et retirer toutes ses formations militaires et paramilitaires appartenant aux forces armées russes de la frontière avec l’Ukraine. Nous sommes convaincus que plus tôt la Fédération de Russie prendra les mesures susmentionnées, plus tôt la situation dans mon pays se stabilisera et retournera à la normale.

Le Président (parle en anglais) : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé la parole pour faire une autre déclaration.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Malheureusement, un certain nombre de membres du Conseil de sécurité n’ont pas répondu à notre appel à rejeter toute politisation du présent débat sur la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine et sur la fourniture d’une aide humanitaire à la population qui en a besoin. Certains, comme toujours, protègent les autorités de Kiev en dénaturant le rôle de la Fédération de Russie, d’autres ont répété les mêmes discours lus à de précédentes séances du Conseil de sécurité, et d’autres encore ont indiqué que le nombre de personnes tuées et blessés dans le conflit armé ne méritait pas de faire l’objet d’un débat distinct.

Le représentant de l’Ukraine s’est aussi fait l’écho de cette propagande. Nous remercions les membres du Conseil qui ont partagé notre préoccupation et notre alarme. Nous voudrions de nouveau réaffirmer que nous sommes prêts à coopérer étroitement avec les agences humanitaires et avec toutes les autres organisations et institutions concernées qui non seulement peuvent mais doivent jouer leur rôle s’agissant de fournir une assistance et de venir en aide aux populations de l’est de l’Ukraine.

Nous formons l’espoir que la séance du Conseil d’aujourd’hui servira à promouvoir la coordination des efforts que nous déployons en commun avec eux.

Le Président (parle en anglais) : Il n’y a plus d’orateurs inscrits sur ma liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

La séance est levée à 18 h 45.