La collision [mardi matin, 19 août, province d’Ascoli Piceno dans les Marches] entre deux chasseurs Tornado, qui a provoqué la mort des quatre membres d’équipage et aurait pu avoir des conséquences encore plus graves, nous met devant une réalité que la politique officielle se garde bien d’appeler par son vrai nom : guerre. Dans une uniformisation avec cette « règle », l’Armée de l’air informe que les Tornado, avions de combat acquis à partir de 1982, se trouvent aujourd’hui utilisés essentiellement pour les « opérations de riposte aux crises avec des objectifs conformes à la vocation pacifique de notre pays ».

Ces chasseurs-bombardiers —rappelle l’Armée de l’air— furent utilisés dans le Golfe Persique en 1990-91 (c’est-à-dire dans la première guerre contre l’Irak). Puis à partir de 1993 dans les Balkans, c’est-à-dire dans la série d’opérations de l’Otan qui ont culminé dans la guerre contre la Yougoslavie, dans laquelle les Tornado effectuèrent avec d’autres avions 1 440 missions d’attaque. Ils ont ensuite été utilisés en Afghanistan, où à partir de novembre 2009 ils ont relayés par les chasseurs AMX. Enfin, en 2011, ils ont été utilisés dans la guerre contre la Libye, où pendant plus de sept mois ils ont conduit plus de 1 900 missions d’attaque, en lançant des centaines de bombes et missiles. Au cours de ces opérations —nous dit l’Armée de l’air— « l’efficacité des Tornado a été accrue par l’acquisition de systèmes d’arme d’avant-garde ». Parmi les plus récents, deux nouveaux armements US de précision, l’Advanced Anti Radiation Guided Missile (Aargm) et la Small Diameter Bomb (Sdb), qui permettent aux chasseurs-bombardiers de supprimer les défenses aériennes ennemies et d’atteindre les objectifs terrestres. Ce n’est pas par hasard que les deux Tornado touchés volaient à très basse altitude, technique employée pour ce type d’attaque conduite en profondeur en territoire ennemi.

Les deux chasseurs —engagés dans une mission d’entraînement propédeutique de préparation à une manœuvre de l’Otan programmée pour l’automne prochain— avaient décollé de Ghedi (Brescia), base du 6ème Stormo (Groupe d’aviation). D’après le communiqué de l’Armée de l’air. Qui ne dit pas par contre que Ghedi-Torre est, avec Aviano (province de Pordenone), le site où sont déposées 70-90 bombes nucléaires étasuniennes B-61. Ceci ressort du rapport Les armes nucléaires non-stratégiques des États-Unis en Europe : un débat fondamental pour l’Otan, présenté à l’Assemblée parlementaire de l’Otan. Les bombes nucléaires sont gardées dans des hangars spéciaux, avec des chasseurs-bombardiers étasuniens F-15 et F-16 et des Tornado italiens, prêts pour l’attaque nucléaire.

Le déploiement des armes nucléaires états-uniennes en Europe est réglementé par des accords secrets, que les gouvernements n’ont jamais soumis à leurs parlements respectifs. L’accord qui réglemente le déploiement des armes nucléaires en Italie établit le principe de la « double clé » : c’est-à-dire qu’il prévoit qu’une partie de ces armes puisse être utilisée par l’Al’airrmée de italienne sous commandement états-unien. À cette fin —indique le rapport— des pilotes italiens sont entraînés à l’utilisation des bombes nucléaires. Ce qu’on sait officiellement c’est que les B-61 seront transformées de bombes à chute libre en bombes « intelligentes », qui pourront être larguées à grande distance de l’objectif. Les nouvelles bombes nucléaires B61-12 à guidage de précision, qui auront une puissance moyenne de 50 kilotonnes (environ quatre fois la bombe de Hiroshima), « seront intégrées avec le chasseur F-35 Joint Strike Fighter ». Les pilotes italiens —qui sont aujourd’hui entraînés à l’utilisation des B-61 avec les chasseurs Tornado— seront donc sous peu préparés à l’attaque nucléaire avec les F-35 armés de B61-12. Ce faisant l’Italie continuera à violer le Traité de non-prolifération, qui interdit aux États en possession d’armes nucléaires de les transférer à d’autres (Art. 1) et aux États non-nucléaires de les recevoir de qui que ce soit (Art. 2).

Le désastreux accident des deux Tornado aux environs d’Ascoli Piceno devrait donc tirer la sonnette d’alarme, non seulement en regard de la sécurité des habitants sur la tête desquels les avions s’entraînent à la guerre, mais sur la guerre qui nous menace tous.

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)