8 août

La séance est ouverte à 10 heures.

Le Président (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de l’Ukraine à participer à la présente séance.

Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M. Ivan Šimonović, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, à participer à la présente séance.

Au nom du Conseil, je souhaite la bienvenue à M. Šimonović, qui participe à la présente séance depuis Zagreb, par visioconférence.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Je donne la parole à M. Šimonović.

M. Šimonović, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme (parle en anglais) : Je vous remercie, Monsieur le Président, de cette occasion d’informer une nouvelle fois le Conseil de sécurité de la situation des droits de l’homme en Ukraine.

Le 28 juillet, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a publié le quatrième rapport mensuel de la mission d’observation des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, qui porte sur la période allant du 8 juin au 15 juillet 2014. Aujourd’hui, je mettrai en exergue les principales conclusions du rapport, j’insisterai sur la situation qui se détériore rapidement dans l’est du pays et je ferai le point sur l’évolution de la situation depuis le 15 juillet.

Pour commencer, je voudrais dire que la destruction en plein vol de l’aéronef civil malaisien, le 17 juillet, qui a tué 298 personnes, suscite notre peine et notre sympathie unanimes vis-à-vis des familles des victimes, ainsi que notre indignation. La destruction en plein vol d’un avion peut constituer un crime de guerre, et une enquête exhaustive, minutieuse, indépendante et impartiale doit être menée pour déterminer les faits et les circonstances de cet acte. Cette enquête a maintenant commencé mais nous sommes préoccupés d’apprendre que les conditions de sécurité extrêmement précaires sur

le lieu de l’accident continuent d’entraver le travail des enquêteurs internationaux, bien que le Gouvernement ukrainien ait déclaré les environs du site zone de cessez-le-feu. Il est urgent de faire cesser les combats et de sécuriser le lieu de l’accident. Parallèlement et de façon plus générale, il est bien sûr impératif que les responsables des autres crimes de guerre et violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme recensés dans les conclusions de la mission d’observation des droits de l’homme des Nations Unies répondent de leurs actes.

L’intensité des combats dans les régions de Donetsk et de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine, est extrêmement préoccupante, et la mission d’observation fait état d’un nombre croissant de victimes et de lourds dégâts aux infrastructures. Tous les Ukrainiens paient un tribut de plus en plus élevé. Comme le sait le Conseil, le cessez-le-feu déclaré par le Gouvernement a été en vigueur pendant 10 jours, du 20 au 30 juin. Le rapport décrit la manière dont les hostilités se sont rapidement intensifiées depuis la fin dudit cessez-le- feu, qui, comme le note le rapport, a été enfreint plus d’une centaine de fois. Le rapport souligne également la professionnalisation rapide des groupes armés, qui sont de mieux en mieux organisés et de plus en plus équipés d’armes lourdes, et dont les dirigeants politiques et militaires n’incluent pas uniquement des Ukrainiens mais également des ressortissants de la Fédération de Russie.

Le 2 juillet, des propositions constitutionnelles ont été faites, portant notamment sur la décentralisation, les structures de gouvernance locale et la protection de l’usage de la langue russe. Il s’agissait là des principales préoccupations mises en avant par la population russophone dans l’est du pays. Entretemps, la situation sur le plan des droits de l’homme s’est nettement dégradée dans certaines zones du territoire à Lougansk et Donetsk, qui sont toujours contrôlées par des groupes armés et où le Gouvernement effectue des opérations de sécurité.

Le rapport décrit une situation qui s’apparente à un règne de la peur et de la terreur dans les zones contrôlées par les groupes armés, et s’accompagne de l’effondrement de l’ordre public. Des violations des droits de l’homme ont été signalées, notamment des enlèvements, des détentions, des actes de torture et des exécutions dans ces zones, ce qui a intensifié le climat de terreur pour les civils qui sont pris au piège ou retenus comme otages. Davantage doit être fait pour protéger la vie des personnes innocentes et veiller à ce que les responsables d’exactions rendent des comptes. Cela doit commencer par un arrêt immédiat des hostilités.

Depuis avril, les groupes armés ont enlevé quelque 924 personnes, dont 811 hommes politiques, journalistes, membres des professions libérales, étudiants et autres civils, ainsi que des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et 113 militaires, gardes-frontières militaires et membres des forces de sécurité. Ces chiffres sont fournis par le Gouvernement.

Les personnes enlevées ont été utilisées comme monnaie d’échange pour obtenir la libération de membres de groupes armés détenus par le Gouvernement et pour extorquer de l’argent ou des biens, et comme main d’oeuvre de travail forcé, pour creuser, notamment, des tranchées ou construire des barricades à proximité de l’épicentre des violences. Certaines catégories vulnérables, comme les personnes séropositives ou les usagers de drogues, ont été contraintes à « expier dans la sueur leur culpabilité », en étant forcées à travailler ou à combattre sur les lignes de front. Dernièrement, le Gouvernement ukrainien a repris le contrôle d’autres territoires à l’est qui se trouvaient auparavant aux mains des groupes armés, et de nombreux otages ont été libérés ou relâchés après négociation. Mais, à la date du 5 août, on ne savait toujours pas ce qu’il était advenu de 465 personnes.

La situation des enfants touchés par le conflit est particulièrement préoccupante et appelle de nouveaux engagements pris en concertation par toutes les parties en vue d’assurer une protection efficace de ces enfants. Bien qu’il semble que des efforts importants aient été entrepris pour évacuer les enfants de la zone des hostilités, d’après le médiateur ukrainien, il reste environ 300 enfants dans différents orphelinats situés dans les zones contrôlées par les groupes armés. Les enfants sont exposés à des risques bien particuliers dans ces conditions, et des allégations d’enlèvements ou de tentatives d’enlèvement continuent d’être faites.

Le 8 juillet, les autorités russes ont annoncé qu’une ancienne pilote militaire ukrainienne emprisonnée dans un centre de détention provisoire en Fédération de Russie serait inculpée pour complicité dans l’assassinat de deux journalistes de la télévision russe commis le 17 juin près de Lougansk. Les circonstances de sa capture sont controversées. Les autorités russes affirment qu’elle a librement traversé la frontière pour se rendre en Fédération de Russie et qu’elle a ensuite été arrêtée parce qu’elle n’avait pas de papiers et se faisait passer pour une réfugiée. Le Gouvernement ukrainien dit qu’elle a été enlevée à Lougansk par des groupes armés puis a été emmenée en Fédération de Russie dans le cadre d’une opération coordonnée avec les services secrets russes. Le Consul ukrainien a été autorisé à lui rendre visite le 16 juillet. Elle se trouve toujours en détention.

Les combats livrés à l’intérieur et autour des centres urbains peuplés ont entraîné de lourdes pertes humaines et infligé des dégâts très importants aux biens et aux infrastructures civiles. Il convient de rappeler aux deux parties qu’elles doivent impérativement agir de manière proportionnée et prendre des précautions pour éviter de tuer ou de blesser des civils, à défaut de quoi elles seront tenues pour responsables de toutes les pertes qui auraient pu être évitées.

La mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies et l’Organisation mondiale de la Santé estiment que, entre la date du début des combats, à la mi- avril, et le 7 août, plus de 1 543 personnes ont été tuées dans l’est, parmi lesquelles des civils, des militaires et des membres de groupes armés. Au moins 4 396 blessés ont été recensés, mais leur nombre réel est probablement beaucoup plus élevé.

Certaines des populations déplacées commencent à revenir dans les territoires de l’est du pays dont le Gouvernement ukrainien a repris le contrôle. La mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies s’est rendue à Sloviansk dans le courant de cette semaine, et je me réjouis d’annoncer que la vie dans cette ville est en train de revenir à la normale. L’approvisionnement en eau, en électricité et en gaz est rétabli à 95 %, et les enfants ont repris le chemin de l’école maternelle.

Selon le maire suppléant, la ville n’a plus besoin d’aide humanitaire. Cependant, une découverte inquiétante a été faite à Sloviansk avec la mise au jour d’un charnier contenant 14 corps, dont au moins deux ont été identifiés comme ceux des membres d’une église évangélique de la ville qui avaient été enlevés. La mission de surveillance des droits de l’homme a parlé au père des deux personnes identifiées, qui a déclaré que l’église avait été menacée à plusieurs reprises par des membres de groupes armés avant que des hommes armés n’enlèvent quatre membres de cette église le 8 juin au moment où ils sortaient de l’église après l’office. Jusqu’à ce que l’on exhume leurs corps le 24 juillet, nul ne savait où ils se trouvaient.

Alors que le Gouvernement reprend peu à peu le contrôle des territoires qui se trouvaient aux mains des groupes armés, il doit veiller à ce que toutes les atrocités fassent l’objet d’une enquête approfondie, dans le plein respect des normes et garanties internationales des droits de l’homme, y compris la nécessité de s’abstenir d’exercer des représailles. Les allégations de détentions arbitraires et d’exactions dont se seraient rendues coupables les forces gouvernementales doivent donner lieu à une enquête, et être traitées rapidement et énergiquement.

Je tiens à informer le Conseil que le Bureau des droits de l’homme à l’ONU a reçu un « Livre blanc » préparé par la Fédération de Russie sur ́des violations présumées des droits de l’homme en Ukraine, qui couvre la période allant d’avril à la mi-juin 2014, et que nous examinons actuellement. Certains de ces cas figuraient déjà dans de précédents rapports de la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies. Je répète que le Gouvernement ukrainien doit enquêter sur toutes les violations présumées de droits de l’homme, comme le recommande la mission.

En République autonome de Crimée, le harcèlement des ressortissants ukrainiens, des Tatars de Crimée, des représentants de minorités religieuses, des groupes minoritaires en général et des militants qui se sont opposés au « référendum » du 16 mars dans cette région s’est intensifié, ainsi que la discrimination dont ils font l’objet. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que plus de 15 200 personnes ont quitté la Crimée, et que des dizaines de milliers d’autres continuent de fuir les combats dans l’est, ce qui porte le nombre total de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine à plus de 117 910 au 5 août, selon le HCR. Le rapport énonce un certain nombre de recommandations destinées au Gouvernement afin de résoudre les problèmes en suspens.

La possibilité qu’ont les Ukrainiens d’exercer leur liberté d’expression, d’association, de réunion pacifique, de circulation et de religion ou de croyance, de même que leurs droits politiques, a été fortement mise à mal par la crise actuelle. Dans l’est, ces droits ont été sévèrement réduits par les groupes armés. On a assisté à un événement important lorsque la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies a signalé que, le 1er août, les habitants de Severodonetsk, ville reprise par les forces ukrainiennes le 22 juillet, avaient pu se rassembler ouvertement sur la place centrale pour une mobilisation éclair destinée à marquer leur soutien à l’Ukraine. C’était le premier rassemblement de ce type autorisé depuis le mois de mars.

Il convient cependant d’évoquer, parmi les tendances préoccupantes, la montée en puissance des discours de haine, en particulier dans les médias sociaux, ainsi qu’un certain nombre d’incidents visant des banques et des entreprises russes au motif qu’elles financeraient le terrorisme. On s’en est pris également à la liberté d’expression, surtout dans l’est, où les tentatives de manipulation des médias ont été particulièrement patentes dans les territoires contrôlés par les groupes armés.

Les journalistes de Lougansk étaient tenus de rencontrer chaque lundi les chefs politiques des groupes armés pour discuter de ce qu’il fallait couvrir et de quelle manière, et ceux qui ne s’exécutaient pas faisaient l’objet de menaces et d’obstructions, et voyaient leur matériel détruit. Le soi-disant Ministre de la défense de la République populaire autoproclamée de Donetsk a interdit aux journalistes, cameramen et photographes de prendre des photos et des enregistrements vidéo et audio, et leur a défendu tout travail dans les zones de combat et aux alentours d’objets militaires. En conséquence, un certain nombre de journalistes, y compris des professionnels des médias étrangers, ont été harcelés.

Les journalistes ukrainiens sont traités encore plus durement. À cet égard, je note avec préoccupation l’enlèvement d’un producteur local de reportages sur le terrain pour CNN, qui a été appréhendé dans un hôtel de Donetsk le 22 juillet, détenu pendant quatre jours, roué de coups et accusé d’être un espion ukrainien.

Il est impératif d’aider les parties au conflit à trouver un moyen de sortir de cette crise meurtrière qui risque de devenir encore plus explosive. J’accueille favorablement la proposition du Président ukrainien visant à entamer un nouveau cycle de négociations afin de trouver un moyen de rétablir le cessez-le-feu. Une première réunion s’est tenue à Minsk le 31 juillet, où d’importants accords ont été conclus pour la sécurisation du site de l’accident de l’avion de la Malaysia Airlines et la libération d’un nombre non négligeable d’otages détenus par les groupes armés.

En outre, même lorsque la crise actuelle aura été réglée, de profonds traumatismes psychologiques subsisteront. Le tissu social est déchiré par la violence et les combats qui se poursuivent. La désinformation qui est propagée alimente les divisions, ce qui renforce
les gens dans leur détermination et creuse les clivages
sociaux. Les habitants des régions de l’est en proie aux
combats qui se prolongent, les enfants en particulier,
pourraient avoir besoin de soutien psychologique pour oublier et reconstruire leur vie. Beaucoup d’autres, notamment les victimes de torture et les anciens otages, en particulier les personnes qui ont été détenues pendant de longues périodes, devront être aidés pour se remettre.

Il faut de toute évidence un plan d’action national pluriannuel en faveur des droits de l’homme en Ukraine, fondé sur les recommandations des organes des Nations Unies chargés des droits de l’homme et sur les travaux de la mission d’observation des droits de l’homme. Il importe au plus haut point que les recommandations figurant dans l’annexe au rapport fassent partie d’un vaste plan de réformes, tandis que la communauté internationale et l’Ukraine se préparent pour la grande conférence des donateurs prévue à la fin de l’automne.

Comme le rapport le note, il faut que le Gouvernement s’attaque sérieusement aux problèmes systémiques plus larges que connaît le pays, comme la corruption et les insuffisances en termes de bonne gouvernance, d’état de droit et de droits de l’homme. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme réaffirme qu’il est disposé à travailler avec le Gouvernement sur ces questions.

La société civile a joué un rôle vital en Ukraine. Le rapport décrit comment des citoyens ont pris le relais du Gouvernement dans les domaines où il n’a pas été en mesure d’intervenir suffisamment rapidement, en hébergeant, par exemple, les personnes qui fuyaient les combats. Peut-être que ce nouveau sens civique permettra à l’Ukraine de passer à la phase suivante du changement dont elle a tant besoin.

En conclusion, je voudrais insister sur la nécessité de trouver un règlement pacifique à la situation actuelle. Nous ne pouvons nous permettre d’attendre un jour de plus quand au moins 50 personnes sont tuées ou blessées chaque jour. Le prix payé par tous les Ukrainiens du fait du conflit est trop élevé. Les Ukrainiens et les Russes ukrainiens dans l’est perdent la vie, mais le pays tout entier paie le prix du conflit en raison de la détérioration des services sociaux. Les conséquences politiques et sociales du conflit se font sentir au-delà des frontières de l’Ukraine et ont des retombées négatives sur les droits de l’homme partout dans le monde, la tragédie de l’avion commercial n’en étant que l’exemple le plus dramatique.

Le Président (parle en anglais) : Je remercie M. Šimonović de son exposé.

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil de sécurité.

Mme Murmokaitė (Lituanie) (parle en anglais) : Je voudrais remercier le Sous-Secrétaire général Šimonović de son exposé détaillé. La présence du Haut- Commissariat aux droits de l’homme et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans l’est de l’Ukraine, et les rapports qu’ils établissent, demeurent indispensables. Ces missions constatent et consignent les faits qui se produisent sur le terrain, recensent les insuffisances des politiques publiques mises en place et, dans le cas du rapport du Haut- Commissariat aux droits de l’homme, font d’importantes recommandations au Gouvernement ukrainien. Ces recommandations doivent être suivies d’effet tandis que les dirigeants du pays mettent en oeuvre les réformes constitutionnelles et administratives d’ensemble qui s’imposent pour que le pays se relève après des années de corruption et de laisser-aller, et surmonte les conséquences de la crise actuelle.

Ces missions enregistrent les innombrables violations des droits de l’homme perpétrées actuellement par les séparatistes armés soutenus par la Russie qui, au motif fallacieux d’autodétermination et de violations des droits des minorités, portent atteinte à l’état de droit et aux droits de l’homme dans la région en persistant dans leurs efforts visant à saper la souveraineté de l’Ukraine et à détruire son intégrité territoriale.

Comme le Sous-Secrétaire général vient de le mentionner, dans les zones tenues par les rebelles, c’est le règne de la peur et de la terreur qui prévaut. Le tout dernier rapport signale aussi qu’il n’y a plus d’ordre public dans les zones aux mains des rebelles, où le « droit du canon » s’est en fait substitué à l’état de droit. Les détails fournis par le rapport révèlent la vraie nature des milices séparatistes et de leurs chefs venus de l’étranger, que leur principal parrain, la Russie, s’évertue à chaque fois dans cette salle à faire passer pour de simples protestataires pacifiques.

Entre autres caractéristiques des activités de ces soi-disant protestataires pacifiques, comme le rapport l’indique, il y a l’intimidation, les enlèvements, les détentions illégales, la torture et les mauvais traitements, ainsi que le ciblage délibéré d’installations publiques vitales, l’occupation illégale et la saisie de biens publics et privés, les cambriolages de banques et les attaques contre des mines de charbon. À ce jour, 104 bâtiments demeurent sous le contrôle de ces groupes armés illégaux. Ces bâtiments publics occupés illégalement sont souvent utilisés pour détenir et torturer militants de la société civile, journalistes et opposants politiques.

Les séparatistes armés se sont emparés d’entrepôts et d’usines qu’ils utilisent comme camps d’entraînement ou ateliers de réparation militaires. Ces agissements, ainsi que les menaces et les actes d’intimidation auxquels ils se livrent, ont entraîné la fermeture de nombreuses usines, faisant exploser le chômage dans la région. Comme le Sous-Secrétaire général vient de l’indiquer, les séparatistes ont enlevé 925 personnes, et on ignore toujours où se trouvent 465 d’entre elles. Rien que cette semaine, trois employés de la Croix-Rouge auraient été enlevés par les rebelles armés et se trouveraient encore entre leurs mains. Aucun de ces agissements, qui constituent tous des violations criminelles et flagrantes du droit des droits de l’homme, n’a jamais été condamné par la Russie, qui a au contraire cherché à maintes reprises à obtenir du Conseil qu’il condamne l’Ukraine pour ses efforts légitimes en vue de rétablir l’ordre dans l’est du pays.

Ces deux dernières semaines, de nouvelles informations ont circulé – le Sous-Secrétaire général en a parlé en détail – sur la situation des journalistes et des médias. De plus en plus de journalistes sont portés disparus ou sont harcelés dans l’est de l’Ukraine. Des journalistes qui essayaient de couvrir le crash du vol MH17, notamment des représentants du Dagens Nyheter, de la BBC, du Daily Beast, de Nieuwsuur, du Time et de Russia Today, ont été détenus et harcelés par des bandes armées.

Au 15 juillet, 13381 personnes avaient quitté la Crimée et on s’attend à une autre vague de personnes déplacées dans le courant de l’année, qui viendra s’ajouter aux nombreux déplacés déjà recensés. Le harcèlement et la discrimination contre les Ukrainiens autochtones, les Tatars de Crimée et les représentants des minorités religieuses et autres se poursuivent. Les restrictions à la liberté de circulation et la limitation du droit de réunion pacifique sont toujours en place. Les dirigeants des Tatars de Crimée, Mustapha Dzhemilev et Refat Chubarov, sont interdits d’entrer dans leur patrie par les autorités d’occupation russes.

Les archives des décrets d’exécution, autorisés et signés personnellement par le prétendu commandant en chef de la soi-disant République populaire de Donetsk, Igor Girkin, connu aussi sous le nom de Strelkov, et les comptes-rendus d’auditions de tribunaux militaires autoproclamés prononçant des condamnations à mort ont été trouvés à Sloviansk. Un groupe rebelle illégal, qui ne représente personne à part lui-même et est dirigé par des détenteurs de passeport étranger dont la seule autorité sur le terrain découle des armes qu’ils portent, s’autorise à prononcer des condamnations à mort extrajudiciaires et à exécuter les sentences dans un territoire illégalement occupé. Les charniers découverts dernièrement dans les régions libérées par les forces ukrainiennes attestent de façon dramatique du degré d’anarchie qui caractérise les agissements des rebelles.

Comme le Sous-Secrétaire général vient de l’affirmer, les rebelles armés sont de mieux en mieux équipés en armes et en artillerie lourde, notamment en mortiers, en canons antiaériens, en chars et en véhicules blindés. Ils continuent d’abattre des hélicoptères et des avions, même à haute altitude, notamment un avion et un hélicoptère de transport militaires ukrainiens.

Des sources sur place signalent que la nouvelle tendance ces derniers jours est que chaque fois que les troupes ukrainiennes déploient suffisamment de puissance pour constituer une menace pour les rebelles et sont en mesure de mener des frappes contre leurs positions, les groupes armés illégaux se redéploient dans une ville à proximité, exposant les populations civiles à la menace des combats et les forçant à fuir, tandis qu’ils installent leurs véhicules blindés, leur artillerie et leur lance-roquettes Grad dans des zones résidentielles.

Les efforts du Gouvernement pour instaurer un cessez-le-feu ou ouvrir des couloirs humanitaires ont été à chaque fois anéantis par les rebelles. Alors que la Russie est prompte à blâmer les autorités ukrainiennes, nous attendons toujours de l’entendre ne serait-ce qu’une fois condamner les actes irresponsables des rebelles, notamment autour du lieu du crash du vol de la compagnie aérienne malaisienne. Nous sommes tout à fait d’accord avec le Sous-Secrétaire général quant à l’importance d’une enquête indépendante et approfondie sur le crash et à la nécessité que les responsables répondent de leur acte.

Les rapports de la mission d’observation de l’OSCE confirment les faits concernant les mouvements d’individus armés à travers la frontière russe, de et vers l’Ukraine. Au lieu de fermer sa frontière à ces mouvements illégaux de mercenaires et d’armes, la Russie continue de se livrer à des jeux de guerre à la frontière orientale de l’Ukraine. Des soldats prêts au combat et des armes en nombre anormalement élevé sont de nouveaux cantonnés et amassés le long de la frontière avec l’Ukraine. Les dernières déclarations du Ministre de la défense Shoigu sur l’état de préparation opérationnelle des soi-disant soldats de la paix russes inquiètent aussi au plus haut point, et suscitent une fois de plus de graves interrogations quant aux intentions réelles de la Russie dans la région.

Nom moins inquiétante est l’escalade actuelle des discours russes tout droit sortis de la guerre froide contre l’Europe et l’Occident, qui se traduisent maintenant par un embargo sur les importations de denrées alimentaires, ce dont la population russe elle- même ne manquera pas de pâtir. Toutes ces actions sont l’exact opposé de l’instauration de la confiance et de la désescalade dont il est tant besoin et auxquelles la communauté internationale n’a cessé d’appeler. Bien que nous sommes gravement préoccupés par la détérioration de la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine et par les souffrances endurées par les civils – sur lesquelles, encore une fois, le Sous-Secrétaire général s’est exprimé longuement – il nous faut néansmoins être très clairs. La solution aux souffrances se trouve entre les mains de la Russie et dépend de l’arrêt de l’appui de cette dernière aux groupes séparatistes illégaux.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je vais commencer par deux commentaires en guise d’introduction.

Premièrement, je m’en voudrais de ne pas relever que selon nous, la décision technique prise pendant la reconstruction de la salle du Conseil de sécurité est une mauvaise décision : M. Šimonović ne devrait pas masquer l’image historique que le monde associe au Conseil de sécurité. Cette erreur doit être corrigée.

Deuxièmement, nous comprenons que chacun a droit à des vacances, y compris M. Šimonović. Cependant, il est clair qu’il est un peu coupé de la réalité dans le cas présent. Il est difficile de savoir de quelle proposition du Président Poroshenko M. Šimonović fait l’éloge concernant l’instauration de pourparlers en vue d’un cessez-le-feu. Nous n’avons aucune connaissance d’une telle proposition.

De plus, les autorités ukrainiennes ont annoncé hier qu’elles interrompaient le régime de cessez- le-feu qui avait été mis en place en application de la résolution 2166 (2014) afin de réunir les conditions propices à une enquête internationale objective sur la mort des passagers de l’avion de la compagnie Malaysia Airlines, ce qui engendre de graves problèmes dans le cadre de cette enquête.

J’en reviens maintenant à la question qui fait l’objet de la présente séance.

Le Conseil de sécurité n’a pas demandé le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et il ne devrait donc pas l’examiner, d’autant que ce rapport n’a d’intérêt que comme exemple de rhétorique politique élégante, où l’on peut voir faits et conclusions minutieusement présentés de manière à correspondre à un critère politique particulier. À la lecture du rapport, ce qui saute aux yeux c’est l’absence de ce qui semble pourtant la première chose que l’on attendrait d’un organe des Nations Unies chargé de défendre les droits de l’homme, à savoir un appel à cesser, de part et d’autre, toute activité militaire, et ce, comme si le droit à la vie n’était pas le droit principal de tout être humain.

Le rapport ne comporte pas la moindre condamnation des cas dans lesquels les forces de sécurité ukrainiennes ont eu recours, dans des zones peuplées, à l’artillerie, aux lance-roquettes multiples et aux obus au phosphore, qui sont interdits par les conventions internationales. Fait-il même référence, ne serait-ce qu’en passant, à la promesse de l’Ukraine de ne pas bombarder les régions de Donetsk et Lougansk et d’en assurer la sécurité ? Rien n’est dit sur la belle promesse faite par le Président Poroshenko aux habitants de Donetsk et Lougansk à cet égard ; pas la moindre référence n’est faite à ces traîtres manquements aux promesses données.

L’escalade de la prétendue opération antiterroriste, avec son cortège de victimes civiles, se poursuit. Les forces de sécurité ukrainiennes bombardent quartiers résidentiels et infrastructures. Rien ne permet d’entrevoir la fin des bombardements sur Gorlovka. Hier, cinq personnes sont mortes et 10 ont été blessées ; une église a été réduite en cendres ; une centrale électrique a été détruite ; et l’approvisionnement en eau a été interrompu. Jeudi matin, le centre de Donetsk a de nouveau été bombardé. Des obus ont touché la salle d’attente d’un hôpital, des immeubles résidentiels et un dépôt de bus. Au total, 156 sous-stations d’alimentation électrique, 18 chaudières et sept canalisations de gaz ont été détruites. Ce ne sont là que quelques exemples.

Le rapport essaie d’accréditer l’idée que les groupes d’autodéfense sont responsables de tous les maux. C’est tout juste s’ils ne sont pas accusés de cannibalisme. Par exemple, il est précisé au paragraphe 5 que ces groupes prennent délibérément pour cible des infrastructures essentielles. En d’autres termes, non seulement ils tirent sur les leurs, mais ils le font intentionnellement. Qu’est-ce qui permet d’aboutir à cette brillante conclusion ? Et pourquoi n’est-on pas parvenu à une conclusion analogue en ce qui concerne les agissements des autorités ukrainiennes, qui bombardent méthodiquement les quartiers résidentiels ? Puisque chaque jour, en effet, elles frappent les mêmes immeubles déjà quasi détruits.

La situation des enfants est encore une autre question. D’après les informations que nous avons reçues, 1223 jeunes orphelins se trouvent dans les régions de Donetsk et Lougansk. Les auteurs du rapport qualifient de tentatives d’enlèvement les efforts déployés par les groupes d’autodéfense pour emmener ces orphelins en lieu sûr en Fédération de Russie. Le rapport évoque également le cas d’enfants gravement malades à qui la Russie pourrait fournir une assistance spécialisée. Il déclare non sans satisfaction que suite à l’intervention des autorités ukrainiennes, les enfants sont restés à Donetsk. Il semble que les philanthropes de l’ONU estiment que les enfants peuvent s’épanouir sous les bombes.

Les demandes d’évacuation présentées par la Russie aux organes de défense des droits de l’homme pour ces enfants sont restées sans réponse de la part de Kiev. Qu’en pensent les défenseurs des droits de l’homme à l’ONU ? Les enfants ne méritent-ils pas d’être en sécurité ?

Plus de 850 000 Ukrainiens sont actuellement réfugiés en Russie. Le nombre de demandes de régularisation s’élève à 188 000. Nous avons ouvert 643 sites d’hébergement temporaire sur notre territoire pour ceux qui n’ont nulle part où aller. Ces hébergements temporaires abritent 47 500 personnes, dont plus de 16 000 enfants.

Le rapport fournit force conseils très utiles aux autorités ukrainiennes. Il propose d’incorporer ceux qui éliminent la population civile du sud-est de l’Ukraine, les prétendus bataillons de volontaires, aux forces armées ukrainiennes.

Les criminels qui tuent actuellement femmes et enfants et commettent d’autres violations graves des droits de l’homme doivent être arrêtés et traduits en justice. Au lieu de cela, on se propose de leur donner une légitimité. Peut-être faut-il alors offrir la même légitimité aux mercenaires étrangers qui prennent part à la prétendue opération antiterroriste, chose que les autorités ukrainiennes ont désormais renoncé à cacher.

Je manquerais à mon devoir si je n’évoquais pas le tableau extrêmement partial que brosse le rapport de la situation des journalistes. À l’en croire, un seul journaliste russe aurait été arrêté, puis libéré, par l’armée ukrainienne, et pas un mot n’est dit de la détention des journalistes des chaînes de télévision Zvezda et LifeNews et des voies de faits sur leur personne. La version officielle, selon laquelle les deux journalistes russes qui sont morts auraient peut-être été tués par les groupes d’autodéfense, est fausse.

S’agissant de la situation des droits de l’homme en Ukraine, on ne peut se contenter de s’appesantir sur le territoire contrôlé par les groupes d’autodéfense, où, à en croire le rapport, l’état de droit est totalement absent. Peut-on parler d’état de droit dans le reste de l’Ukraine ? On évoque en passant, dans le rapport, un certain nombre de mesures visant à interdire le Parti communiste ukrainien. Ces parlementaires légitimement élus sont actuellement en butte à des persécutions brutales, notamment de la part des organes de répression, en raison de leurs convictions politiques. Ce n’est qu’une mesure de plus dans la campagne de punition systématique de ceux qui sont arrivés au pouvoir suite à la révolte armée de leurs opposants politiques, et qui se trouvent représenter le sud-est du pays.

Un exemple clair du non-respect du principe de la primauté du droit est l’absence de progrès des enquêtes engagées sur les crimes graves commis sur la place Maïdan et à Odessa et Marioupol. Dans l’atmosphère de peur qui règne actuellement, doit-on s’étonner que les habitants d’Odessa et d’autres endroits ne fassent pas confiance aux enquêteurs envoyés par Kiev et refusent de coopérer avec eux, alors que des documents concernant ces crimes disparaissent sans laisser de trace ? Ce fait est mentionné dans le rapport.

Il est clair, et le rapport le confirme, que les forces armées, notamment les services de sécurité ukrainiens, jouissent maintenant d’un pouvoir sans précédent et violent clairement les droits fondamentaux de la personne. Elles appréhendent des personnes en toute irrégularité, font usage de la violence à l’égard des détenus et ont recours à l’intimidation et à la menace pour extorquer des témoignages aux témoins. Compte tenu du fait que le système judiciaire est paralysé, quelle sorte d’enquêtes et de poursuites impartiales pouvons- nous espérer en Ukraine ?

Le Gouvernement ukrainien ignore les engagements qu’il a pris, notamment dans la déclaration de Genève du 17 avril. Le processus de réforme constitutionnelle en Ukraine, qui prévoit une décentralisation, l’extension des pouvoirs des régions et l’octroi d’un statut spécifique à la langue russe, est indéfiniment reporté. De fait, il est maintenant question de renforcer les pouvoirs présidentiels, ce qui est exactement le contraire de ce que réclamaient les manifestants de la place Maïdan, dont les autorités essaient de se débarrasser. On ne peut que se demander à quoi cela a servi que la population se batte.

Nous tenons à insister une fois de plus sur le tort que font les tentatives de règlement de la crise ukrainienne par la violence. Nous appelons à la fin immédiate des opérations militaires dans le pays et à la recherche d’une solution aux problèmes humanitaires.

Une étape très importante consistera à engager au plus vite un processus de réformes constitutionnelles, auquel devront participer toutes les régions de l’Ukraine et qui devra être accessible au public. Pour ce qui est des conjectures infondées figurant dans le rapport au sujet de la situation en Crimée, qui fait partie de la Fédération de Russie, la question de son examen au Conseil à la présente séance ne se pose pas, puisqu’il s’agit ici de la situation en Ukraine. Les habitants de la Crimée, qui ont pris la décision historique de se réunir à la Russie, se sont affranchis des horreurs qui se déroulent actuellement sous nos yeux dans le sud-est de l’Ukraine.

M. Zhao Yong (Chine) (parle en chinois) : Je remercie le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, de son exposé.

Les conflits armés qui continuent de s’aggraver dans l’est de l’Ukraine sont lourds de conséquences en termes de victimes et de dégâts matériels. La Chine est profondément préoccupée par cette situation.

En temps de conflit armé, les civils sont le groupe le plus fragile et le plus vulnérable. Il y a trois jours, M. Ging, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, a présenté dans cette salle un exposé aux membres du Conseil sur la situation humanitaire en Ukraine.

La communauté internationale doit exiger de toutes les parties qu’elles prennent, le plus rapidement possible, des mesures pour apaiser la situation en Ukraine, renforcer la confiance mutuelle et trouver une solution politique à la crise. La priorité aujourd’hui est la mise en place d’un cessez-le-feu immédiat grâce à des consultations politiques, et la conduite d’un dialogue global. En s’appuyant sur des initiatives telles que l’accord de Genève, il faut pleinement tirer parti du dialogue existant et des mécanismes de liaison en place pour parvenir à une solution politique d’ensemble.

La crise ukrainienne ne peut être réglée que par des moyens politiques. Dans ce processus, les revendications légitimes de toutes les parties et de tous les groupes ethniques doivent être pleinement satisfaites afin de trouver un équilibre entre les intérêts de tous. La communauté internationale doit également jouer un rôle constructif dans la recherche d’une issue politique à la crise en déployant des efforts de médiation vigoureux, en appelant au dialogue, en encourageant les parties concernées à un dialogue accru et en créant les conditions extérieures propices à une interaction efficace entre toutes les parties.

La Chine appuie tous les efforts visant à calmer la situation, à mettre fin à la crise et à promouvoir une solution politique. Nous sommes prêts à travailler avec d’autres membres de la communauté internationale afin de jouer un rôle actif et constructif à cet égard.

M. Nduhungirehe (Rwanda) (parle en anglais) : Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir convoqué la présente séance. Nous remercions également M. Šimonović, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, de son exposé sur la situation des droits de l’homme en Ukraine. Nous saluons par la même occasion toute l’équipe de la mission d’observation des droits des Nations Unies, qui continue de s’acquitter efficacement de sa tâche malgré un environnement difficile.

Plus tôt cette semaine, le Conseil s’est réuni pour examiner la situation humanitaire en Ukraine (voir S/PV.7234). Nous avons dit notre inquiétude face à l’évolution récente de la situation, notamment l’augmentation rapide du nombre de réfugiés et de personnes déplacées, ainsi que l’aggravation de la situation humanitaire. Je rappelle qu’à l’occasion de cette séance, le Rwanda a proposé l’organisation de séances mensuelles au titre d’un point de l’ordre du jour qui serait intitulé « La situation en Ukraine », afin de disposer d’une vue d’ensemble complète et d’une évaluation régulière de la crise en Ukraine, au lieu de l’approche actuelle au coup par coup, fragmentée, en réponse aux lettres qui sont envoyées.

Le rapport à l’examen dépeint un tableau très sombre de la situation dans l’est de l’Ukraine. Depuis avril, plus de 15000 civils innocents ont été tués, et 4 000 blessés. En l’espace de cinq jours seulement, entre les 10 et 15 juillet, quelque 478 personnes ont trouvé la mort, y compris des femmes et des enfants.

En outre, la population dans les zones contrôlées par les groupes armées est victime d’enlèvements, de détentions arbitraires, de travail et de recrutement forcés, de harcèlement sexuel, de tortures et d’exécutions sommaires. Dans le même temps, les Ukrainiens, y compris les enfants, sont dans l’étau des combats que se livrent des armées qui continuent de déployer de l’artillerie lourde au mépris de la vie humaine et de gravement endommager les infrastructures civiles. Nous estimons nous aussi que ces faits pourraient être considérés comme des violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme.

Le Rwanda condamne le fait que les groupes armés se servent des civils comme de boucliers humains, comme l’illustre l’incident survenu le 14 juin et dans lequel deux civils ont été tués et huit autres blessés. Nous exhortons toutes les parties concernées à agir de façon proportionnée et à protéger en priorité les civils. La question des enlèvements et des détentions nous préoccupe particulièrement, alors que plus de 900 personnes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, ont d’après les informations été enlevées depuis la mi-avril. Cette tendance à la hausse et les tactiques employées par les groupes armés, qui recourent notamment aux enlèvements et à la torture, sont extrêmement inquiétantes. Les informations faisant état de cas de représailles et de détentions illégales par le Gouvernement, notamment la détention arbitraire d’un journaliste russe, maintenu au secret pendant une période prolongée, ainsi que le discours de haine antirusse dans les médias sociaux ou le ciblage de banques et d’entreprises détenues par des Russes le sont tout autant. Toutes ces violations graves des droits de l’homme doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et les responsables devront répondre de leurs actes. Nous demandons instamment à la mission d’observation des droits de l’homme et aux mécanismes nationaux de prévention de redoubler d’efforts pour veiller à ce que les droits de l’homme soient appliqués et respectés.

En ce qui concerne le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines, le Rwanda reste vivement préoccupé de voir que l’enquête continue d’être entravée par les combats autour du site de l’accident. Il est impératif de garantir la sécurité des enquêteurs internationaux afin qu’ils puissent s’acquitter de leur mandat. Il ne faut pas oublier que les familles endeuillées pleurent toujours leurs proches. Nous leur devons tout le respect et toute la dignité qu’elles sont en droit d’attendre. Les dépouilles des victimes doivent être immédiatement rapatriées afin d’être enterrées dignement. Par ailleurs, les causes du crash doivent être déterminées d’urgence.

Enfin, je voudrais réitérer notre appel au respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. À cet égard, nous demandons à toutes les parties de respecter le cessez-le-feu, d’œuvrer à la désescalade et d’engager un dialogue politique ouvert pour trouver une solution durable à la crise, fondée sur le plan de paix du Président Poroshenko. Nous ne voulons pas nous retrouver en présence d’une autre crise prolongée, qui viendrait s’ajouter aux nombreuses autres déjà inscrites à l’ordre du jour du Conseil. Nous invitons instamment tous les membres à prendre en compte la vie des Ukrainiens et à user de toute leur influence éventuelle pour encourager un dialogue politique. L’échec ne saurait être notre option par défaut, car cela ne ferait que rogner davantage la crédibilité de cette institution.

Mme Le Fraper du Hellen (France) : Je remercie M. Šimonović pour sa présentation du quatrième rapport de la mission d’observation des droits de l’homme conduite en Ukraine, qui reste pour nous une source essentielle d’information. Je saisis cette occasion pour réaffirmer, bien sûr, notre plein soutien au travail du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et à l’ensemble du personnel de la mission qui exerce ses fonctions dans des conditions difficiles.

La situation en matière de sécurité et sur les plans humanitaire et des droits de l’homme à Donetsk et Lougansk continue de se dégrader du fait des groupes armés séparatistes qui y sévissent. Dans l’est du pays, les arrestations arbitraires, les disparitions forcées, les exécutions sommaires, les discours de haine, en un mot, la terreur, affectent désormais tous les civils. Ceux qui reviennent, après avoir été enlevés, font état de torture par les groupes armés. Les séparatistes ciblent de manière délibérée les infrastructures publiques pour restreindre l’accès des civils à l’eau, à l’électricité et aux soins médicaux, et accroître ainsi leurs besoins humanitaires. Les combats, ainsi que les actes d’intimidation provoquent des pertes civiles et des déplacements de population. Le rapport qui nous a été présenté illustre cette situation.

En Crimée, les discriminations sont désormais courantes et les Tatars sont victimes de harcèlement et d’intimidation, alors que la commission d’enquête malgré nos demandes répétées n’a toujours pas accès à la Crimée.

Les déplacements de population et la déstabilisation à l’est, où se trouvent les principaux centres industriels, ont des conséquences économiques bien entendu pour l’ensemble du pays.

Ces violences sont alimentées et entretenues de l’extérieur. Comme M. Šimonović vient de le rappeler, les groupes armés sont de plus en plus professionnels et armés. Leur commandement est composé, pour partie, de personnes originaires de la Fédération de Russie, qui auraient combattu en Tchétchénie et en Transnistrie. Nous dénonçons la présence de ces éléments étrangers et appelons à la cessation immédiate de tout soutien extérieur. Nous nous joignons à l’appel qui a été lancé par le Gouvernement ukrainien pour que les flux d’armes et de combattants en provenance de Russie cessent.

Nous réitérons notre appel à ce que les combats dans l’est de l’Ukraine cessent, et à ce que les groupes armés déposent les armes et évacuent tous les bâtiments publics qu’ils occupent illégalement. Ces séparatistes doivent s’engager dans le processus de dialogue politique qui leur permettra de s’exprimer de manière légale et pacifique. Le groupe de contact tripartite sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe joue un rôle essentiel, à cet égard, pour que les autorités ukrainiennes et ces groupes parviennent de manière constructive à un cessez-le-feu.

Face à cette situation, le Gouvernement ukrainien a la responsabilité de prendre les mesures adéquates et proportionnées, dans le respect des normes internationales, pour combattre les groupes armés, protéger les populations et assurer le contrôle de ses frontières. Il a déjà pris des mesures pour organiser l’accueil des populations chassées de leurs foyers. Partout où Kiev a rétabli son autorité, les services de base à la population sont remis en fonction et le Haut- Commissariat pour les réfugiés a constaté le retour des déplacés. Nous encourageons naturellement la pleine coopération du Gouvernement ukrainien avec les organismes des Nations Unies et les autres acteurs humanitaires pour continuer à répondre aux besoins humanitaires. Nous saluons également la pleine solidarité des citoyens ukrainiens pour apporter une aide aux déplacés.

Tout doit être fait pour favoriser le retour au calme, condition sine qua non du lancement d’un dialogue politique. Cela implique avant tout, je le répète, de contrôler la frontière russo-ukrainienne afin que les infiltrations de matériels et d’hommes cessent.

La communauté internationale se tient prête à soutenir l’Ukraine dans ses efforts actuels pour retrouver son unité, sa souveraineté et son intégrité territoriale. Nous nous félicitons de l’organisation par l’Union européenne au début du mois de juillet d’une réunion du groupe de contact visant à coordonner l’aide économique en faveur de l’Ukraine.

De nouvelles mesures à l’encontre de la Russie ont été nécessaires. Elles ont été adoptées par l’Union européenne, les États-Unis, le Canada, le Japon et la Suisse, marquant la détermination de la communauté internationale à inciter la Russie à favoriser un règlement pacifique du conflit.

En conclusion, je voudrais rappeler combien nous regrettons que les enquêteurs sur le crash du vol MH17 n’aient toujours pas pu mener à bien leur mission malgré les efforts de l’Australie, des Pays- Bas et de la Malaisie, en coopération avec les autorités ukrainiennes. Comme l’a dit la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, et comme cela a été répété ici, il pourrait s’agir d’un crime de guerre et toute la lumière devra être faite pour que les responsables répondent de leurs actes. De manière générale, tous les éléments recueillis par la Commission d’enquête devront pouvoir être utilisés par la justice.

M. Quinlan (Australie) (parle en anglais) : Je voudrais remercier le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović, de son exposé.

Cette séance du Conseil de sécurité d’aujourd’hui se tient au lendemain d’une journée nationale de deuil en Australie, où tous les Australiens ont rendu hommage à la mémoire de ceux qui sont morts après qu’un avion de la Malaysia Airlines assurant le vol MH17 a été abattu au-dessus de territoires détenus par les séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Ce crime déplorable, unanimement condamné par le Conseil, nous rappelle les terribles conséquences de la violence dans l’est de l’Ukraine et des actes délibérés des groupes séparatistes armés. Il rappelle à tous ceux qui attisent les flammes de la division qu’alimenter la violence est lourd de conséquences à large échelle, conséquences dévastatrices et souvent imprévisibles.

Dans les jours qui ont immédiatement suivi l’adoption de la résolution 2166 (2014), une mission internationale chargée de la protection de l’enquête a été mise sur pied, sous la direction des Pays-Bas, avec la participation de l’Australie et de la Malaisie. En dépit des intimidations des séparatistes et des restrictions qu’ils ont souvent imposées à l’accès au site de l’épave de l’avion, cette mission non armée s’est rendue sur le site un certain nombre de fois, pour localiser et récupérer les restes humains et les effets personnels et collecter des preuves. Nous avons travaillé avec diligence et exhaustivité dans les zones les plus prioritaires, et la mission a désormais achevé sa tâche sur le fond en ce qui concerne le site à ce stade. Mercredi, les Pays-Bas ont annoncé le départ de la mission du site. Lorsque les conditions de fouilles et de sécurité s’amélioreront nous y retournerons pour vérifier que nous avons recouvré tous les restes identifiables.

L’enquête menée sur la cause de l’accident va bien sûr se poursuivre, sous la direction du conseil néerlandais chargé de la sûreté, avec la contribution de l’Organisation de l’aviation civile internationale et des autres partenaires internationaux. Comme pour l’enquête qui se tient en parallèle sur les responsabilités criminelles éventuelles dans la destruction en vol du MH17, il s’agit là encore d’un effort international coordonné par les Néerlandais. L’issue de ces enquêtes constituera un ensemble d’éléments cruciaux pour établir les responsabilités, comme l’exige la résolution 2166 (2014), et il est impératif que tous les États coopèrent pleinement à ces efforts.

Nous sommes très préoccupés par la teneur du quatrième rapport sur l’Ukraine du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de l’exposé que nous a fait aujourd’hui le Sous-Secrétaire général, M. Šimonović. Le rapport relate deux histoires. Dans la plus grande partie de l’Ukraine contrôlée par le Gouvernement, le Gouvernement a pris des mesures dans le sens de l’adoption de réformes constitutionnelles et politiques, notamment en vue de la protection des droits des minorités, et l’on a commencé à se mettre à pied d’œuvre pour l’établissement des responsabilités. Une réforme judiciaire a également été entreprise, même s’il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Ces mesures sont encore incomplètes, mais elles vont dans la bonne direction.

Inversement, le rapport brosse un tableau bien sombre de la situation des droits de l’homme dans les zones d’Ukraine détenues par les séparatistes : enlèvements, tortures, exécutions extrajudiciaires par les groupes armés, augmentation du nombre de morts parmi les civils, ciblage délibéré par les groupes armés d’installations de services d’utilité publique tels que l’eau, l’électricité, et le traitement des eaux usées, et le nombre croissant de personnes déplacées. Ces groupes armés illégaux se sont emparés de territoires ukrainiens en usant de moyens violents et – je cite le paragraphe 26 du rapport – « ont infligé aux populations un règne d’intimidation et de terreur pour maintenir leur position de contrôle ». Ces groupes n’ont aucune légitimité ; leurs menées ont eu de terribles conséquences. Dans les zones sous contrôle des séparatistes, comme le dit le rapport, l’état de droit a disparu pour faire place au règne de la violence. C’est maintenant la quatrième fois que le Conseil reçoit un rapport des Nations Unies faisant état de ces violations des droits de l’homme. On a toujours à faire au même cas de figure, et dans certains endroits contrôlés par les séparatistes, les choses se sont même notablement empirées. Les responsables de ces violations ont agi en toute impunité. Cela ne peut continuer et ils devront répondre de leurs crimes.

Aucun pays ne saurait accepter que des insurgés illégalement armés prennent le contrôle de parties de son territoire. Dans ces circonstances – la poursuite de la déstabilisation et le recours des séparatistes à la force –, les autorités ukrainiennes ont le droit de protéger leurs propres concitoyens et de reprendre le contrôle de leur territoire souverain. Elles doivent bien sûr le faire de manière proportionnée aux circonstances, et toutes les parties doivent se conformer au droit international humanitaire. Il va de soi que la situation humanitaire et des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine ne s’améliorera que si le conflit prend fin. Il faut pour cela que les groupes séparatistes déposent les armes et cessent de recourir à la violence contre l’État ukrainien.

Il faut également que la Russie cesse ses provocations et sa déstabilisation de l’est de l’Ukraine et qu’elle se serve de l’influence notable qu’elle a sur les séparatistes pour entamer une désescalade de la situation. Mais la Russie ne le fait pas. Elle ne prend pas de mesures pour contrôler ses frontières. Armes et combattants continuent d’affluer dans l’est de l’Ukraine depuis la Russie, et d’alimenter le conflit. Les contingents russes massés le long de la frontière ukrainienne, les exercices militaires russes dans la zone et le déploiement rapide de nouvelles capacités militaires évoluées ne font qu’ajouter à la déstabilisation de l’est de l’Ukraine. Les graves préoccupations que suscite la préparation militaire russe – qui apparaît en fait comme une préparation au combat – sont largement partagées au sein des pays de la région et du monde. Nos préoccupations sont encore aggravées par les tentatives russes de montage d’une argumentation en faveur de l’intervention dans l’est de l’Ukraine, argumentation spécieuse, aussi cynique qu’intéressée. Les problèmes humanitaires que connaît l’est de l’Ukraine sont dus à l’instabilité et au conflit délibérément orchestrés par les groupes armés et appuyés par la Russie. Inévitablement, cela a contribué à envenimer la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine, qui est cependant circonscrite aux zones occupées par les séparatistes et n’a certainement pas l’échelle correspondant, selon nous, à une crise humanitaire. La Russie peut utilement contribuer à remédier à la situation en mettant fin à son soutien des groupes séparatistes et en usant de son influence pour les amener à mettre fin au conflit.

En conclusion, la situation des droits de l’homme, la destruction en vol du MH17 et les conditions humanitaires dans lesquelles se trouvent de si nombreuses personnes sont la résultante d’une déstabilisation systématique, orchestrée, de l’est de l’Ukraine, aux conséquences graves pour l’Ukraine et sa population, et maintenant également pour la population de bien d’autres pays qui viennent de perdre leurs ressortissants. Cette déstabilisation doit s’arrêter.

Mme Lucas (Luxembourg) : Je remercie à mon tour le Sous-Secrétaire général, Ivan Šimonović, pour son exposé très complet sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.

Le Luxembourg partage l’extrême inquiétude de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme devant l’effondrement de l’état de droit et l’aggravation de 1a violence dans les zones contrôlées par les groupes armés séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Le rapport basé sur le travail minutieux de la mission d’observation des droits de l’homme des Nations Unies met en lumière la gravité et la multiplicité des violations des droits de l’homme commises par ces groupes armés. Le recours systématique à l’intimidation, aux enlèvements, aux disparitions forcées, au recrutement et aux travaux forcés, aux détentions arbitraires, à la torture, aux exécutions, aux assassinats et à la destruction des infrastructures civiles sème la terreur parmi la population. Les victimes de ces actes ignobles ne sont pas seulement ceux qui s’opposent ouvertement aux séparatistes, mais aussi des citoyens ordinaires, des enseignants, des journalistes, des étudiants, des femmes et des enfants. Ces violations graves des droits de l’homme doivent cesser. Ceux qui les ont commises doivent être traduits en justice pour rendre des comptes.

La situation est particulièrement préoccupante dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Les populations y sont prises dans le feu des affrontements qui s’intensifient entre les forces de sécurité ukrainiennes et des groupes armés illégaux de plus en plus lourdement armés. Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme cite l’exemple d’un cas où les groupes armés illégaux ont eu recours à la population civile comme bouclier humain. Le rapport mentionne également le fait que ces groupes armés se positionnent et mènent leurs attaques à partir de zones densément peuplées, mettant ainsi en danger la population civile. De tels comportements sont irresponsables ; ils sont inacceptables. Le droit international humanitaire doit être respecté par toutes les parties.

Nous saisissons cette occasion pour appeler une nouvelle fois la Russie à prendre ses distances par rapport aux groupes armés illégaux dans l’est de l’Ukraine et à condamner publiquement les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par ces groupes. De son côté, dans ses opérations, l’Ukraine doit agir d’une manière proportionnée, dans le respect des normes internationales, et assurer la protection des civils.

Sur une note plus positive, on constate une nette amélioration de la situation des droits de l’homme dans les villes ukrainiennes qui ont été libérées de l’emprise des séparatistes. Nous encourageons les autorités ukrainiennes à s’engager pour améliorer le sort des populations locales, notamment en reconstruisant les infrastructures et en rétablissant les services de base.

La détérioration de la situation dans l’est de l’Ukraine ne doit pas nous faire oublier la situation des droits de l’homme en Crimée. Les habitants de la Crimée, en particulier les Ukrainiens et les Tatars de Crimée, qui sont favorables à l’unité de l’Ukraine, continuent d’être la cible d’intimidations et de discriminations. Les minorités qui n’ont pas encore quitté la péninsule vivent dans une atmosphère de peur. Le sort des personnes affectées par le VIH/sida illustre de façon tragique l’impact négatif de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, 20 patients sont morts depuis le 10 juin, faute de traitement médical adéquat.

Aux niveaux politique et diplomatique, tous les efforts doivent tendre à créer les conditions propices à la mise en œuvre du plan de paix du Président Poroshenko. Les pourparlers initiés dans le cadre du groupe de contact trilatéral entre l’Ukraine et la Russie, sous les auspices de la présidence en exercice de l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), sont essentiels à cet égard. Ils doivent se poursuivre pour qu’un accord puisse être trouvé en priorité sur la libération des otages et sur la mise en place d’un mécanisme de surveillance du cessez-le-feu. La mission d’observation de l’OSCE qui vient d’être déployée aux deux postes-frontières de Goukovo et Donetsk, du côté russe de la frontière, est aussi un élément susceptible de réduire les tensions. La Russie pour sa part, doit cesser toute action déstabilisatrice.

Je me permettrai de conclure en énonçant un impératif simple : pour honorer la mémoire des centaines de victimes du conflit en Ukraine, y compris des 298 personnes à bord du vol MH17 abattu il y a trois semaines, nous devons redoubler d’efforts diplomatiques pour trouver une solution politique à ce conflit, dans les meilleurs délais, conformément au plan de paix du Président Poroshenko. Nous le devons aux millions de civils qui veulent que l’on respecte leurs droits les plus élémentaires, et qui ne veulent pas être les victimes d’un conflit datant d’une autre époque.

M. Khair (Jordanie) (parle en arabe) : Je voudrais tout d’abord remercier M. Šimonović de son exposé.

La Jordanie a pris note des conclusions du quatrième rapport de la mission d’observation des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, ainsi que des recommandations qu’il contient. Dans ce contexte, nous appuyons les efforts de l’ONU et du Secrétaire général pour parvenir à un règlement pacifique et politique du conflit en Ukraine. Nous demandons en outre à toutes les parties en Ukraine de coopérer avec la mission d’observation des droits de l’homme et de garantir à ses membres qu’ils pourront évoluer librement sur les différents sites concernés en Ukraine et y accéder en toute sécurité.

La Jordanie exprime son inquiétude vis-à-vis du chaos qui prévaut à grande échelle, en plus de la peur, de l’intimidation, des arrestations et des exécutions de civils dans l’est de l’Ukraine qui sont évoquées dans le rapport, ce qui s’est traduit par le déplacement d’un grand nombre de civils. Nous réitérons donc la nécessité pour le Gouvernement ukrainien de protéger les civils conformément au droit international et aux normes humanitaires internationales en vigueur. Nous appelons les parties à éviter de prendre les civils pour cible ou de mener des représailles à leur encontre. Nous les invitons de nouveau à protéger les catégories les plus vulnérables de la population, notamment les enfants. Nous encourageons les parties qui disposent d’une influence en Ukraine à œuvrer pour empêcher que la situation ne se dégrade davantage et à créer un environnement propice au règlement politique de ce conflit.

La Jordanie se félicite des progrès accomplis par les autorités ukrainiennes pour appliquer les recommandations qui figuraient dans les trois rapports précédents. Comme le souligne le tout dernier rapport, nous invitons les autorités ukrainiennes à consentir davantage d’efforts pour promouvoir l’état de droit et les droits de l’homme en général. Nous les appelons à s’attacher à réformer le secteur civil et le secteur de la sécurité. De même, il est indispensable de tenir compte des inquiétudes des minorités et des groupes dont la langue première n’est pas l’ukrainien, afin de parvenir à une société démocratique et plurielle au sein de laquelle tous les citoyens jouissent de leurs pleins droits.

La Jordanie est préoccupée par la détérioration de la situation sur le plan de la sécurité dans l’est de l’Ukraine, et par ses répercussions sur l’enquête concernant le lieu où s’est écrasé l’avion malaisien. Toutes les parties concernées doivent donc respecter la résolution 2166 (2014), qui exige la cessation immédiate de toutes les activités militaires dans le voisinage immédiat du lieu de l’accident pour que la sécurité et la protection de l’enquête internationale puissent être assurées.

Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et de calme et à ne pas recourir à des actes hostiles ou de provocation. Il est tout aussi essentiel qu’elles évitent les discours haineux et autres affirmations sans fondement afin que les déplacés puissent rentrer chez eux le plus rapidement possible.

Mme Power (États-Unis d’Amérique) ( parle en anglais) : Je remercie le Sous-Secrétaire général Šimonović et son équipe des recherches exhaustives sur lesquelles se fonde le rapport de la mission d’observation des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine.

La population ukrainienne vit actuellement une période très difficile. Personne ne devrait être obligé d’abandonner sa maison, et nous sommes déterminés à tout faire pour porter assistance aux déplacés, où qu’ils aient dû fuir. Personne ne devrait être obligé de vivre sans avoir accès à des médicaments essentiels ou en n’ayant accès à l’eau que pendant une heure par jour.

Comme nous l’avons systématiquement affirmé tout au long de ce conflit, et comme nous le réaffirmons aujourd’hui, toutes les parties doivent prendre toutes les précautions possibles pour prévenir les pertes civiles. La situation humanitaire doit être réglée, mais pas par ceux qui l’ont provoquée. C’est pourquoi nous nous félicitons que le Gouvernement ukrainien ait créé des couloirs humanitaires, qui permettent d’acheminer une aide indispensable vers les zones contrôlées par les séparatistes – et qui permettent aux civils de sortir de ces zones. L’Ukraine déploie un effort concerté pour répondre aux besoins complexes des quelque 117 000 personnes qui ont été déplacées à l’intérieur du pays. Ce faisant, l’Ukraine œuvre efficacement avec les organisations internationales humanitaires pour leur porter assistance.

Cette semaine, la Russie a proposé la création de couloirs humanitaires pour venir en aide aux populations touchées en Ukraine. Mais en Ukraine, l’assistance humanitaire d’urgence doit être acheminée par les organisations humanitaires internationales qui sont dotées des compétences, de l’expérience et de l’indépendance requises. Elle ne doit pas être acheminée par la Russie. Sachant que l’Ukraine a permis aux groupes humanitaires internationaux d’acheminer de l’aide sur son territoire, la Russie n’a aucune raison logique de vouloir s’en charger. En conséquence, toute intervention unilatérale de la Russie sur le territoire ukrainien, même au prétexte de fournir une assistance humanitaire, serait totalement inacceptable et profondément alarmante, et serait considérée comme une invasion de l’Ukraine.

Nous accueillons favorablement la déclaration publiée aujourd’hui par le Comité international de la Croix-Rouge, selon laquelle il est en train d’étudier la possibilité d’apporter un appui supplémentaire dans les zones en conflit, ce qu’il sera à même de faire dès qu’il en aura défini les modalités avec les autorités ukrainiennes et, surtout, dès qu’il aura reçu des séparatistes armés les garanties de sécurité dont il a besoin, ce que la Russie ne l’a pas encore aidé à obtenir.

Si la Russie souhaite acheminer de l’aide à ces populations, je suis certaine que mes collègues du Conseil peuvent prendre rapidement des mesures pour qu’une organisation d’aide internationale impartiale comme le Comité international de la Croix-Rouge achemine cette aide au nom de la Russie.

La semaine dernière, les Russes ont de nouveau lancé l’idée d’envoyer des « soldats de la paix » russes dans l’est de l’Ukraine. Un soldat de la paix russe en Ukraine est un oxymore. À chaque étape de la crise actuelle, les Russes ont saboté la paix, au lieu de la consolider. Tout cela est d’autant plus inquiétant que la prétendue annexion de la Crimée par la Russie repose sur le fait qu’un gouvernement fantoche et illégitime a demandé à la Russie d’envoyer des soldats pour rétablir la paix. Les soldats de la paix sont impartiaux, alors que la Russie soutient totalement les séparatistes armés prorusses dans ce conflit.

Nous avons pu voir la paix que l’occupation russe a apportée depuis en Crimée. Comme l’indique clairement le dernier rapport des Nations Unies, la liberté d’expression et de réunion a été violemment réprimée, les minorités ethniques sont systématiquement persécutées et les civils enlevés en toute impunité ; 350 d’entre eux sont d’ailleurs toujours portés disparus. Le rapport affirme également qu’aucun progrès n’a été réalisé sur l’une ou l’autre des 17 recommandations que l’ONU avait faites précédemment à la Russie au sujet des graves problèmes de droits de l’homme en Crimée.

La Russie a accusé à plusieurs reprises certains membres du Conseil de politiser une situation humanitaire, mais la Russie prend les choses à l’envers. En fait, c’est la Russie qui essaie de déguiser une crise politique – fabriquée de toutes pièces et exportée par Moscou – en crise humanitaire. Les problèmes humanitaires que la Russie dénonce, précisément, dans l’est de l’Ukraine et sur lesquels elle ferme les yeux en Crimée sont directement imputables à la violence qu’elle a facilitée ou encouragée. Pourquoi y-a-t-il eu tous ces déplacements de milliers de personnes ? N’allons pas chercher plus loin que les « violations flagrantes des droits de l’homme » commises dans les zones contrôlées par les séparatistes et décrites dans le rapport. Pourquoi les civils n’ont-ils pas accès aux services de base ? Le rapport décrit le « ciblage délibéré par les groupes armés des infrastructures publiques essentielles comme l’eau, l’électricité et les stations d’épuration ».

Ces dernières semaines, l’aide militaire transfrontalière fournie par la Russie aux séparatistes illégaux s’est même accrue sensiblement. Des chars russes, des véhicules de combat d’infanterie, des lance-roquettes multiples et des camions de munitions continuent d’affluer chez les séparatistes tandis que de nouveaux combattants sont formés sur le sol russe. La Russie continue de prendre des mesures qui enveniment le conflit, en amassant, par exemple, de plus en plus de contingents et de matériel près de la frontière, en lançant cette semaine de vastes exercices militaires ou en bombardant le territoire ukrainien souverain depuis l’autre côté de la frontière.

Le plus choquant est peut-être que la Russie ait redoublé son appui aux rebelles et ses menées provocatrices après avoir constaté pourtant l’horrible carnage qui a résulté de la destruction du vol MH17 de Malaysia Airlines. Mercredi, les enquêteurs internationaux ont été une fois de plus obligés d’interrompre leur travail sur le site de l’accident du vol MH17 en raison des risques qu’ils avaient d’être pris en otage par des groupes armés illégaux et de la menace que faisait peser la concentration croissante de soldats russes dans les environs. Tout cela est déplorable. C’est une insulte de plus à la dignité des victimes et de leurs proches, qui ont déjà eu à subir plus que ce que toute famille devrait jamais avoir à subir. Ce comportement est contraire à la résolution 2166 (2014) adoptée par le Conseil de sécurité et à la volonté commune de justice qu’elle incarne. Il fait obstruction aux efforts visant à punir les responsables de ce crime ignoble.

En conclusion, je voudrais citer la déclaration d’un haut responsable russe :

« La population est prise de panique et le nombre des réfugiés augmente, alors qu’ils tentent de fuir pour rester en vie. Une catastrophe humanitaire se prépare. [...] Au cours de la semaine écoulée, la Fédération de Russie a continué d’accueillir des réfugiés. Cependant, des dizaines de milliers d’innocents demeurent dans la zone de combat. Ce sont les circonstances qui nous ont poussés à prendre de telles mesures ».

Ces propos ont été tenus au Conseil de sécurité par un haut responsable russe à propos d’une région où des séparatistes soutenus par la Russie semaient la violence. Seulement, ils datent du 8 août 2008, il y a six ans jour pour jour, et le pays dont parlait ce haut responsable russe n’était pas l’Ukraine, mais la Géorgie (voir S/PV.5952). Au lieu de Lougansk et de Donetsk, il s’agissait de la province d’Ossétie du Sud. Nous savons tous ce qui est arrivé par la suite. L’Ossétie du Sud, la Crimée, et maintenant l’est de l’Ukraine : des mots semblables annonciateurs d’une intervention militaire. Il incombe au Conseil et à l’ensemble de la communauté internationale de répondre aux besoins humanitaires légitimes et de toute urgence, mais ce faisant, nous devons faire en sorte que l’histoire ne se répète pas.

Mme Paik Ji-Ah (République de Corée) (parle en anglais) : Je remercie le Sous-Secrétaire général, M. Ivan Šimonović, de son exposé.

Nous apprécions à sa juste valeur, par ailleurs, le travail consciencieux accompli par la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine et en accueillons avec intérêt le quatrième rapport, qui présente une analyse précise de la situation sur le terrain. Comme le décrit en détail le rapport, la poursuite des violences dans l’est de l’Ukraine a entraîné une hausse du nombre de victimes et une nouvelle dégradation de la situation sur le plan des droits de l’homme. Nous sommes préoccupés par le fait que des groupes armés illégaux aient commis des violations graves des droits de l’homme, dont des enlèvements, des détentions arbitraires, des actes de torture et de brimade, et des meurtres. Les nouvelles allégations faisant état de la mise en place de tribunaux militaires et d’ordres d’exécution donnés par les groupes armés sont particulièrement alarmantes. Toutes les allégations faites sur ces crimes patents doivent donner lieu à des enquêtes approfondies, et leurs auteurs doivent en répondre.

En attendant, il est inquiétant de constater que la situation dans l’est a désormais des répercussions dans la région frontalière de l’Ukraine, et entraîne une augmentation notable du nombre de personnes fuyant la région orientale. Les discours de haine aggravent en outre les divisions entre les communautés et alimentent les tensions.

Compte tenu du caractère explosif de cette situation, nous pensons que le seul moyen de sortir de la crise est la cessation immédiate de toutes les hostilités grâce à un dialogue constructif. Pour y parvenir, il est primordial que toutes les parties s’entendent sur un cessez-le-feu immédiat, véritable et durable, reposant sur les accords pertinents en la matière, et notamment la Déclaration conjointe de Berlin.

Parallèlement, les groupes armés illégaux doivent déposer les armes et cesser tout acte de provocation visant à déstabiliser l’Ukraine. Nous appuyons à cet égard le rôle essentiel que jouent le groupe de contact trilatéral et la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à la frontière russo-ukrainienne pour désamorcer les tensions et créer les conditions favorables à un processus politique.

Avant de finir, nous rappelons une nouvelle fois l’importance que revêt une enquête internationale exhaustive, minutieuse et indépendante sur l’accident du vol MH17 de Malaysia Airlines. Toutes les parties concernées doivent se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de la résolution 2166 (2014) et coopérer pleinement avec cette enquête.

En dépit des tensions qui règnent actuellement sur le terrain, nous continuons de croire qu’une solution politique est nécessaire et réalisable. Il n’y a pas un moment à perdre. Puisque nous sommes tous bien conscients de l’urgence de la situation, nous engageons une fois encore toutes les parties concernées à continuer de s’efforcer au maximum d’y trouver une solution politique pacifique.

M. Adamu (Nigéria) (parle en anglais) : Je remercie également le Sous-Secrétaire général, M. Ivan Šimonović, de son exposé.

Le quatrième rapport de la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine brosse un tableau inquiétant de la dégradation de la situation humanitaire et des droits de l’homme dans la partie orientale du pays. Il fait état d’un nombre important de démolitions d’infrastructures publiques ainsi que de l’exode en masse des citoyens. L’intensification des affrontements entre l’armée ukrainienne et les forces rebelles au cours des derniers jours témoigne de l’effondrement de l’état de droit, qui a conduit à de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Face à la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine, les parties au conflit doivent engager un dialogue direct dans le but de régler leurs différends. Il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit. Au contraire, comme nous l’avons observé depuis le début du conflit, cela ne fera qu’aggraver la situation politique et humanitaire et accroître encore le nombre de victimes parmi les civils innocents. Sans aucun doute, les efforts déployés par le Gouvernement pour reprendre le contrôle des territoires qui se trouvaient aux mains des rebelles ont coûté très cher en termes de victimes civiles et de destruction d’infrastructures vitales. Ils ont par ailleurs entraîné une rapide escalade des hostilités. Nous exhortons donc le Gouvernement à veiller à la pleine application des normes et garanties internationales en matière de droits de l’homme.

Face à l’augmentation du nombre des personnes déplacées à l’intérieur du pays, nous demandons instamment à toutes les parties de permettre à la population de circuler librement et en toute sécurité. Nous appelons également de nouveau à la mise en place d’un mécanisme de préparation efficace en vue de réduire les problèmes auxquels les déplacés risqueraient d’être exposés, notamment à l’approche de l’hiver.

Le Gouvernement ukrainien doit oeuvrer de façon résolue à la création d’un système unifié d’enregistrement des personnes déplacées et exonérer l’aide humanitaire de tout impôt. Il doit aussi ratifier l’accord douanier qu’il a passé avec le système des Nations Unies en vue de faciliter l’entrée des travailleurs et des articles humanitaires dans la région.

Les parties en conflit doivent faire preuve de retenue. Elles doivent respecter la Charte des Nations Unies, oeuvrer sur la base du consensus, montrer qu’elles sont disposées à faire des compromis et rechercher un règlement global par des moyens pacifiques. Nous appelons de nouveau les États Membres ayant une influence à travailler assidûment et à utiliser tous les instruments bilatéraux et multilatéraux existants aux fins du règlement de la crise.

Pour ce qui la concerne, la communauté internationale doit faire davantage pour promouvoir la paix et le dialogue. À cet égard, nous nous félicitons que l’Organisation des Nations Unies prenne part de manière décidée et dynamique aux efforts visant à rétablir l’ordre et la stabilité en Ukraine. Elle doit continuer de jouer un rôle central dans le règlement de la crise. Le Nigéria appuie tous les efforts qui aboutiraient à l’apaisement des tensions et qui pousseraient les parties à un règlement pacifique.

S’agissant de l’impact économique de la crise, nous soulignons les effets désastreux de la récession à Donetsk et à Lougansk qui, s’il n’y est pas remédié de façon adéquate, pourraient avoir de graves répercussions sur le reste du pays. La région, qui est un important centre industriel et minier, a été durement frappée. Les usines et les entreprises ont fermé, les installations publiques ont été endommagées, les réserves de gaz sont épuisées et il y a pénurie d’eau et de fournitures médicales. L’oeuvre de reconstruction sera réellement gigantesque, en particulier compte tenu de la récession économique qui frappe actuellement le pays.

Les défis que doit relever le Gouvernement ukrainien sont immenses. On ne saurait trop insister sur le désir de rétablissement de l’ordre public et de la sécurité, d’un côté, et la difficulté de la tâche consistant à lutter contre les groupes armés spéaratistes, de l’autre. Le Nigéria réaffirme que seuls une cessation des hostilités et le retour au dialogue peuvent offrir une chance de redresser la situation humanitaire. À cette fin, nous pensons que les recommandations contenues dans le rapport, qui soulignent l’impérieuse nécessité d’ancrer solidement l’état de droit, la responsabilité et l’administration de la justice, sont déterminantes pour une paix, une sécurité et un développement durables en Ukraine.

M. Oyarzábal (Argentine) (parle en espagnol) : Tout d’abord, je tiens à remercier le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, Ivan Šimonović, de son exposé sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.

La poursuite de l’aggravation de la situation des droits de l’homme et au plan de la sécurité dans l’est de l’Ukraine demeure très préoccupante. Les actions des groupes armés, le nombre accru d’hommes armés et d’armes, y compris d’armes lourdes, les actes unilatéraux, l’intensification des combats et les violations des droits de l’homme, qui semblent aller crescendo, continuent d’alimenter la spirale de la violence et menacent de voir empirer davantage la situation humanitaire. Le nombre de victimes s’accroît à chaque heurt violent et la situation des civils qui se trouvent encore dans les zones de combat est extrêmement inquiétante. En outre, la mort de 298 personnes dans le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines, abattu le 17 juillet, pourrait constituer un crime de guerre, comme le Sous-Secrétaire général Šimonović vient de le dire. Nous rappelons que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2166 (2014), a exigé que l’on contraigne les responsables à répondre de leurs actes.

Les violations des droits de l’homme décrites dans le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, au cours de la période considérée, sont très inquiétantes. Les cas d’enlèvement, de détention illégale, de torture, de meurtre, d’exécution sommaire, d’extorsion et de destruction de biens sont injustifiables. Malgré les appels répétés de la communauté internationale à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour défendre et protéger effectivement les droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et politiques, et veiller à ce que les Ukrainiens en jouissent pleinement, quels que soient leur origine ethnique, leur langue, leur groupe culturel, leur religion et l’endroit où ils se trouvent dans le pays, les violations des droits de l’homme semblent être désormais une constante. Une enquête approfondie doit être ouverte sur ces violations et leurs auteurs doivent être traduits en justice.

Les risques encourus sont très élevés et la possibilité de trouver une issue pacifique à la crise est de plus en plus assujettie à des conditions. Plus le temps passe, plus les blessures s’enveniment et plus difficile sera la réconciliation nécessaire pour une paix durable.

Ayant déjà évoqué la situation humanitaire à la dernière séance que le Conseil a consacré à l’Ukraine (voir S/PV.7234), je ne vais pas répéter ce que nous avons déjà dit et je me contenterai donc de réitérer l’appel urgent à respecter strictement les obligations relatives à la protection des civils dans les zones en proie à la violence. Comme le signale le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, tous ceux qui participent aux hostilités doivent agir conformément aux principes de distinction, de proportionnalité et de précaution. Nous insistons aussi sur la nécessité de créer les conditions permettant aux civils de quitter les zones touchées par les combats entre les forces ukrainiennes et les groupes armés, de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour répondre aux besoins urgents des personnes déplacées et de s’assurer que l’aide parvienne à ceux qui en ont besoin, notamment dans les zones qui ne sont pas contrôlées par le Gouvernement.

En conclusion, depuis que le Conseil a commencé à examiner la situation en Ukraine, celle-ci n’a pour ainsi dire cessé de se détériorer de façon régulière et prononcée. Le Conseil, marqué par de profondes divisions sur la question, n’a pas été en mesure de contribuer de façon décisive à la recherche d’une solution politique et diplomatique à la crise. En outre, les efforts du Secrétaire général, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et d’autres acteurs n’ont pas donné les résultats attendus.

L’Argentine estime que le Conseil de sécurité doit assumer sa responsabilité au titre de la Charte et faciliter un règlement politique et diplomatique de la très inquiétante situation qui règne en Ukraine. Toutefois, ce n’est que grâce à des efforts diplomatiques constructifs de la part des acteurs les plus influents, et en évitant la rhétorique belliciste, les actes unilatéraux et toute ingérence dans les affaires intérieures des États, qu’elles soient militaires, politiques ou économiques, ainsi qu’en oeuvrant à l’apaisement et en faisant preuve de la plus grande tenue que l’on pourra créer les conditions propices au lancement du processus de dialogue si urgent.

Nous soulignons qu’il importe de redoubler d’efforts à cet égard. Il est essentiel à cette fin que tous les acteurs fassent preuve de volonté politique, qu’ils reconnaissent que le dialogue est la seule voie acceptable et que le recours à la violence n’est pas une option. Les déclarations de Genève et de Berlin continuent de servir de feuille de route pour promouvoir un processus de dialogue national qui instaure la confiance entre les différentes communautés et garantisse à tous les Ukrainiens partout en Ukraine que leurs principales préoccupations seront entendues.

M. Barros Melet (Chili) (parle en espagnol) : Tout d’abord, nous remercions M. Ivan Šimonović, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, de son exposé.

Le Chili exprime une nouvelle fois sa préoccupation face à la situation des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine, en particulier à Donetsk et à Lougansk, telle que décrite dans le rapport de la mission d’observation des Nations Unies. Nous sommes tout particulièrement inquiets par les enlèvements, les actes de torture, les disparitions forcées et d’autres formes de violations et d’atteintes aux droits de l’homme qui sont signalés et qui visent les civils dans les zones contrôlées par les groupes armés.

Ce qui précède souligne à quel point il est nécessaire de rétablir l’état de droit et de respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, conformément à la Charte des Nations Unies, à la résolution 68/262 de l’Assemblée générale et au droit international. À cet égard, toutes les actions menées par le Gouvernement ukrainien pour rétablir l’ordre public sur son territoire doivent respecter scrupuleusement les droits de l’homme et être proportionnées à la situation réelle.

Le Chili réaffirme son ferme appui à l’appel lancé par M. Šimonović pour que le principe de responsabilité s’applique à toutes les violations et atteintes aux droits de l’homme en Ukraine. C’est pourquoi nous pensons qu’il est capital que se poursuive le précieux travail effectué par la mission d’observation des droits de l’homme dans ce pays.

Nous souhaitons aborder brièvement la destruction en vol de l’avion de ligne MH17 le 17 juillet, pour redire que l’accord de cessez-le-feu qui a été conclu doit être respecté par toutes les parties. Il faut appliquer la résolution 2166 (2014), qui exige la cessation immédiate de toutes les activités militaires, y compris celles menées par des groupes armés, dans le voisinage immédiat du lieu de l’accident pour que la sécurité et la protection de l’enquête internationale puissent être assurées. Le message clair du Conseil doit être écouté de tous.

Nous considérons que les violations des droits de l’homme et exactions commises sont directement liées à la détérioration de la situation humanitaire, dont nous a informés le Bureau de la coordination des affaires humanitaires mardi dernier (voir S/PV.7234), résultante de la violence engendrée par l’intensification des combats sur le terrain. Nous réitérons l’appel déjà lancé à d’autres occasions aux parties afin qu’elles recherchent une solution pacifique à cette crise au moyen d’un dialogue politique direct, en faisant preuve de modération, en s’abstenant de toute mesure unilatérale qui pourrait aggraver les tensions et en participant aux initiatives internationales de médiation. Nous attachons une importance particulière au rôle de la Mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Nous réitérons également, à cette occasion, nos remerciements au Sous-Secrétaire général, M. Šimonović.

M. Mangaral (Tchad)  : Je remercie M. Šimonović de son exposé et le félicite de ce quatrième rapport mensuel de la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine. Le Tchad demeure vivement préoccupé par la situation dans l’est de l’Ukraine, dont le dernier rapport confirme malheureusement qu’elle n’a fait que se dégrader, particulièrement dans les régions de Donetsk et de Lougansk, devenues des zones d’intenses combats entre les forces gouvernementales et les séparatistes.

L’utilisation d’armes lourdes à l’intérieur et autour des villes, qui provoque des destructions massives de résidences et de nombreuses victimes civiles, et la destruction délibérée des centres de santé et des bâtiments publics, qui laisse des quartiers entiers sans accès à l’eau, à l’électricité ou à des services médicaux, rendent les conditions de vie insupportables pour les populations qui sont restées ou qui n’ont pas pu fuir les combats. La population civile se trouve ainsi prise en otage de la violence et des hostilités. Le Tchad condamne cette montée de la violence et appelle les forces gouvernementales et séparatistes à la cessation immédiate des hostilités, au calme et à la retenue.

Le Tchad déplore la multiplication des cas d’enlèvements, de séquestrations et de détentions illégales. La mission de surveillance des droits de l’homme fait état de 222 cas d’enlèvements et d’actes de torture en Ukraine au cours des trois derniers mois. Selon le rapport, il existe un nombre important de disparitions forcées et d’exécutions dues aux forces séparatistes et gouvernementales, ainsi que de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime qu’il y a actuellement environ 117000 personnes déplacées en Ukraine. Dans sa déclaration de mardi dernier, M. John Ging, Directeur de la Division de la coordination et des interventions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, a avancé le chiffre de près de 4 millions de personnes qui, vivant dans des zones de conflit, seraient en danger (voir S/PV.7234). La situation des enfants et des personnes vulnérables est particulièrement préoccupante. Face à cette catastrophe humanitaire, le Tchad exhorte la communauté internationale à apporter une assistance matérielle, logistique, technique et financière au Gouvernement ukrainien et aux organismes présents sur le terrain en vue de répondre aux besoins des populations déplacées et démunies.

Concernant les recherches engagées sur le crash du MH17 et après l’adoption à l’unanimité de la résolution 2166 (2014), les Pays-Bas ont annoncé mercredi dernier, en raison des combats près du site de l’accident, qu’ils suspendaient la recherche des dépouilles des victimes commencée depuis plusieurs jours par une centaine d’experts néerlandais, australiens et malaisiens. Nous soulignons que cette situation est inacceptable pour les familles des victimes et appelons les parties au respect du communiqué conjoint du groupe de contact trilatéral composé de représentants de l’Ukraine, de la Russie et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dans lequel ils s’engagent à garantir le libre accès au site de l’accident du vol MH17. De même, le Tchad appelle les parties à la mise en œuvre de la résolution 2166 (2014) et à un cessez-le-feu immédiat afin que les enquêtes reprennent. Enfin, nous réaffirmons notre attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et réitérons notre appel à un dialogue politique inclusif pour résoudre la crise ukrainienne par la voie pacifique.

Le Président, Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentant du Royaume-Uni.

Je remercie M. Šimonović de son exposé et de son dernier rapport sur l’Ukraine. Je peux comprendre pourquoi l’Ambassadeur Churkin ne souhaite pas que le Conseil de sécurité examine ce rapport de l’ONU, car il fournit de nouvelles preuves accablantes des violations abominables commises à l’encontre de la population civile par les groupes armés prorusses dans l’est de l’Ukraine. Il reconnaît également le droit légitime et le devoir souverain qu’a l’Ukraine de rétablir l’ordre public et de protéger ses citoyens.

Nous partageons l’opinion de l’ONU, à savoir qu’il convient de faire un usage proportionné de la force, dans le plein respect du droit national et international.

Nous nous félicitons à cet égard de l’attachement sans équivoque de l’Ukraine à ces importants principes.

On ne peut manquer de tirer une conclusion de ce rapport, celle que ces groupes armés ne peuvent aucunement prétendre assurer par leurs actes la défense de la population civile, quand ils commettent contre elle les violations les plus abominables des droits de l’homme. Ils enlèvent des femmes et des enfants pour extorquer de l’argent à leur famille. Ils se servent de civils pour du travail forcé et comme boucliers humains. Ils mettent la population locale devant le choix de combattre sur les lignes de front ou s’exposer à l’emprisonnement, la torture et aux mauvais traitements. Ils enlèvent des personnes pour le simple fait qu’elles sont séropositives en leur disant qu’elles doivent « laver leur culpabilité dans le sang ».

Toutes ces violations et bien d’autres encore sont décrites en détail dans le rapport de l’ONU. Ces actes ne sont pas le fait de personnes soucieuses de protéger la population civile. Ce sont les actes de voyous armés violents et brutaux. Ainsi que le dit le rapport de l’ONU, ces groupes exercent leur pouvoir sur la population civile avec dureté et brutalité et mettent en péril l’ensemble de la population civile.

Outre ces atteintes aux droits de l’homme, le rapport souligne que les séparatistes ciblent délibérément les infrastructures publiques, notamment les réseaux d’approvisionnement en eau et en électricité et de traitement des eaux usées. Ce faisant, ils empêchent les personnes qui vivent dans les zones qu’ils contrôlent d’avoir accès aux services de base. Nous nous félicitons à cet égard des mesures d’urgence que prend le Gouvernement ukrainien pour rétablir ces services dans les zones libérées.

Si ces groupes armés ne défendent pas les intérêts de la population qu’ils prétendent représenter, la question se pose de savoir de qui ils défendent les intérêts. Nous devons également nous demander pourquoi la Fédération de Russie leur maintient son appui. En fournissant des armes, une formation et du personnel à ces groupes, la Russie alimente la souffrance d’une population innocente, celle-là même dont elle se prétend si soucieuse du bien-être.

Tout au long de cette crise, la Russie a agi en violation du droit international, en violation des droits de l’homme et en violation de ses propres objectifs déclarés. Maintes fois, elle a eu l’occasion de changer de cap, lorsque 100 pays ont dénoncé l’annexion illégale de la Crimée, lorsque l’Ukraine a élu un nouveau président dont la légitimité ne faisait aucun doute, lorsque 298 innocents ont perdu la vie quand l’avion effectuant le vol MH17 a été abattu. Pourtant, malgré tous ces événements majeurs, la Russie a continué d’attiser inconsidérément le conflit. Au moment où nous parlons, la Russie amasse ses forces à la frontière ukrainienne. Depuis le 11 juillet, 8 000 soldats supplémentaires sont arrivés. Ils sont plus nombreux encore à être stationnés dans la région de Crimée, qu’elle a annexée illégalement.

À présent, la Russie se dit prête à intervenir pour des raisons humanitaires afin d’atténuer des souffrances dont elle est elle-même l’auteur. C’est totalement hors de propos. La Russie est le problème, pas la solution.

Comme nous l’a fait savoir le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, qui nous a présenté un exposé en début de semaine, l’ONU est déjà à pied d’oeuvre. Les organismes des Nations Unies, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l’UNICEF, sont présents sur le terrain et travaillent avec le Comité international de la Croix- Rouge, les organisations non gouvernementales, les organisations de la société civile et les collectivités locales à l’appui de l’intervention humanitaire engagée par l’Ukraine. Or la Russie, plutôt que d’appuyer cet effort, menace de prendre des mesures unilatérales.

Si les autorités de Moscou veulent contribuer, il y a deux choses qu’elles peuvent faire dès à présent : premièrement, elles peuvent aider à financer les activités de l’ONU et, deuxièmement, elles peuvent cesser de soutenir les groupes armés illégaux. Ce n’est qu’ainsi que la population de l’est de l’Ukraine sera à même de reprendre une vie normale à l’abri de la crainte de l’intimidation et de la violence que décrit le rapport.

Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil.

Je donne la parole au représentant de l’Ukraine.

M. Pavlichenko (Ukraine) (parle en anglais) : Je voudrais moi aussi remercier M. Šimonović de son exposé aujourd’hui. L’Ukraine apprécie à sa juste valeur son importante contribution, ainsi que celle de son équipe.

Le dernier rapport de la mission révèle la véritable nature des organisations criminelles qui commettent actuellement de terribles violations à l’encontre de nos citoyens. Des villes et villages entiers sont utilisés comme boucliers humains. Des hommes armés enlèvent des civils pour réclamer des rançons, pour les échanger ou pour les utiliser comme main-d’œuvre forcée, quand ce n’est pas pour les torturer et les assassiner.

En quoi ces crimes aident-ils les personnes que ces hommes prétendent représenter ? Leurs tactiques ne sont rien moins que du terrorisme, menaçant la vie, la santé et le bien-être de nos compatriotes. Le Gouvernement a l’obligation de protéger ses citoyens. C’est là l’objectif suprême de l’opération menée par l’Ukraine contre les terroristes – des terroristes qui ont refusé d’entamer un dialogue politique, des terroristes qui sont dirigés par des étrangers agissant pour le compte des services secrets de la Fédération de Russie.

Par ailleurs, le rapport de la mission d’observation établit clairement que l’occupation de la Crimée par la Russie se traduit par le harcèlement et la discrimination des Ukrainiens de souche, des Tatars de Crimée, des membres des minorités religieuses et des militants qui s’opposent au soi-disant référendum criméen du 16 mars. Même à l’heure actuelle, des personnes continuent de disparaître. Les journaux ukrainiens et tatars de Crimée sont menacés de fermeture. Nous sommes profondément préoccupés par ces violations. Nous soulignons que, en tant que puissance occupante, c’est à la Russie qu’il incombe de veiller au respect des droits de l’homme et des libertés de la population de la Crimée. Pour sa part, le Gouvernement ukrainien déploiera tous les efforts possibles pour protéger les droits et libertés de nos compatriotes dans les territoires occupés.

L’Ukraine ne tolèrera pas que Nadia Savchenko et cinq autres soldats fassent l’objet de procès à caractère politique, exemples flagrants du non-respect que la Russie oppose aux droits de l’homme. Les allégations portées contre nos citoyens n’ont aucun fondement légal et sont les instruments d’une manipulation et d’une pression politiques.

Il n’y a pas de crise humanitaire en Ukraine. Néanmoins, le nombre croissant de personnes déplacées en provenance de Crimée et des régions de Lougansk et de Donetsk est inquiétant. Parallèlement, les informations concernant l’énormité du nombre de réfugiés ukrainiens en Russie, tel qu’avancé par les autorités russes, sont d’une crédibilité fort douteuse et doivent être analysées par des experts internationaux.

Le Gouvernement ukrainien accepte les recommandations contenues dans le rapport de la mission d’observation. L’Ukraine est prête à continuer de développer et de renforcer sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme afin de veiller à la défense des droits de l’homme, en tenant compte de tous les besoins des populations de chaque région de notre pays.

Nous reconnaissons pleinement qu’il reste beaucoup à faire pour consolider l’état de droit et la démocratie dans notre pays. Hier, dans son discours devant l’Assemblée constituante du Conseil national des réformes, le Président Petro Poroshencko a déclaré qu’une guerre ne pouvait pas excuser l’absence de réforme. Nous considérons l’accord d’association récemment signé avec l’Union européenne comme un document fondateur qui servira de cadre à la réforme en Ukraine.

La bonne conduite des enquêtes sur des affaires très médiatisées, comme les violations des droits de l’homme durant les manifestations sur la place de l’Indépendance et la tragédie survenue à Odessa, est une question d’honneur pour les autorités ukrainiennes, et demeure une priorité absolue. L’institution ukrainienne chargée du maintien de l’ordre coopérera pleinement avec la mission des Nations Unies pour contrôler le déroulement de cette enquête.

La destruction du vol MH17 est une tragédie qui pourrait constituer une violation grave du droit international pouvant être qualifiée de crime de guerre. Le Gouvernement ukrainien déploie tous les efforts pour veiller à ce que l’incident fasse l’objet d’une enquête internationale équitable, conformément à la résolution 2166 (2014). Nous appelons de nouveau la Russie à user de son influence sur les groupes armés illégaux pour qu’ils permettent à l’équipe d’enquête internationale d’accéder sans restriction et sans entrave au lieu de l’accident.

Nous détenons des éléments probants qui attestent que le vol MH17 a été abattu par des terroristes, appuyés par la Russie, ayant utilisé un missile Buk, tiré par plusieurs personnes et qui avait été livré par la Russie. Cela a été confirmé par les conversations téléphoniques des terroristes que nos services de renseignement ont interceptées, ainsi que par des images satellite.

Pour terminer, je voudrais simplement ajouter que la situation à la frontière russo-ukrainienne reste extrêmement tendue. La Russie continue de renforcer ses contingents le long de la frontière et de bombarder les camps et les positions des forces antiterroristes ukrainiennes situées près de la frontière.

Des aéronefs et drones militaires russes violent quotidiennement l’espace aérien ukrainien. Nous avons des raisons sérieuses de penser que les troupes russes préparent une invasion de grande envergure de l’Ukraine, au prétexte de mener des opérations de maintien de la paix. Dans ce contexte, nous tenons à déclarer que les forces russes ne peuvent pas pénétrer sur le territoire ukrainien sans le consentement des autorités ukrainiennes. Si des contingents russes s’introduisent sur le territoire ukrainien, ils seront considérés comme des agresseurs et seront traités comme tels.

Le Président (parle en anglais) : Il n’y a pas d’autre orateur inscrit sur la liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question à son ordre du jour.

La séance est levée à 11 h 45.