Mme Kang, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, s’exprime par vidéo.

La séance est ouverte à 10 h 5.

La Présidente, Mme Perceval (Argentine) (parle en espagnol) : Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite Mme Kang Kyung-wha, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, à participer à la présente séance.

Au nom du Conseil, je souhaite la bienvenue à Mme Kang, qui participe à la présente séance par visioconférence depuis Genève.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

J’appelle l’attention des membres du Conseil sur le document S/2014/756, qui contient le rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014) et 2165 (2014) du Conseil de sécurité.

Je donne maintenant la parole à Mme Kang.

Mme Kang, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence : Au nom de la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice aux secours d’urgence, Valerie Amos, j’ai l’honneur de prononcer cette déclaration mensuelle sur l’application des résolutions 2139 (2014) et 2165 (2014) relatives à la situation humanitaire en Syrie.

La violence armée continue de s’intensifier à travers tout le pays, la situation humanitaire en Syrie continue de se détériorer, et violence, mort et destruction continuent de sévir sans relâche. Des millions de Syriens sont contraints de vivre dans des conditions effroyables alors qu’il n’y a aucun refuge sûr à l’intérieur des frontières du pays ; que leur protection et leur survie ne sont nullement assurées ; que leurs droits fondamentaux sont bafoués avec impunité ; et que leur avenir et celui de leur pays apparaissent de plus en plus sombres. Un grand nombre de civils ont été tués en septembre à la suite d’attaques aveugles contre des zones à population dense, notamment visant des écoles et des centres médicaux. Ce mois-ci encore, des dizaines de milliers de Syriens ont été contraints de fuir leur foyer, beaucoup pour la deuxième ou troisième fois.

Les enfants continuent d’être les premières victimes de ce conflit. Le 1er octobre, un double bombardement aux environs de l’École Al-Makhzoumi, à Homs, a causé la mort de 50 personnes – dont 29 enfants – et fait des dizaines de blessés. Le 27 octobre, deux autres écoles ont été atteintes dans des quartiers d’Alep sous contrôle gouvernemental. Dans le premier cas, trois roquettes ont atterri près d’une école, faisant trois morts, dont un enfant, et 25 blessés. Le même jour, plus tard, des tirs de mortiers dirigés contre une autre école d’Alep ont fait six morte, dont quatre enfants, et 30 blessés.

Des violations flagrantes du droit international humanitaire, qui appellent une condamnation universelle, continuent de se produire. Tant que les parties au conflit continueront d’ignorer leurs obligations découlant du droit international, je regrette de devoir dire que nous continuerons de signaler toujours plus de tragédies dépourvues de sens, en dépit des exigences posées dans les résolutions 2139 (2014) et 2165 (2014).

Le mois dernier, près de 200000 personnes ont fui l’avance brutale de l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL) et cherché refuge en Turquie. Près de 14 000 d’entre elles ont ensuite cherché refuge en Iraq, s’ajoutant au nombre des réfugiés et des déplacés qui s’y trouvent déjà. L’EIIL et toutes les autres parties au conflit en Syrie font des morts et des blessés, détruisent villages, bourgs et villes avec impunité. Les groupes de l’opposition armée ont intensifié leurs attaques et les bombardements du Gouvernement se poursuivent, y compris au moyen de barils explosifs.

Hier seulement, un petit groupement de personnes déplacées, à Idlib, aurait été frappé par des barils explosifs qui ont fait un certain nombre de victimes, notamment des femmes et des enfants. Le 9 octobre, environ 250 personnes auraient été blessées dans le bombardement d’un marché très fréquenté à Arbin, ville située dans la zone assiégée de la Ghouta orientale, où un hôpital subventionné par des organisations non gouvernementales internationales (ONG) soigne des centaines de personnes traumatisées, dont beaucoup d’enfants, cela après d’autres attaques. Le personnel et les centres médicaux continuent aussi de subir des attaques, sans parler des autres effets consécutifs au conflit. Neuf membres du personnel médical ont été tués en septembre, et sept centres atteints. Vingt-quatre pour cent des hôpitaux seraient hors service.

Malgré ces difficultés, l’ONU et ses partenaires continuent de fournir à des millions de personnes dans le besoin une assistance qui leur sauve la vie. Le mois dernier, plus de 3,9 millions de personnes ont reçu une aide alimentaire ; des médicaments et des fournitures pour 1,6 million de patients ont été acheminés ; et des centaines de milliers de personnes ont reçu des articles divers et d’autres formes de secours, le tout parvenu dans des conditions extrêmement difficiles.

L’assistance transfrontalière nous a aussi permis d’atteindre davantage de personnes dans le besoin. Des fournitures pour plus de 500 000 traitements médicaux ont été acheminées depuis l’adoption de la résolution 2165 (2014). Des aliments pour 160 000 personnes et des articles autres qu’alimentaires pour 240 000, entre autres formes d’assistance, ont aussi été fournis. Les opérations transfrontalières demeurent un mode crucial d’acheminement pour l’ONU, surtout étant donné l’application du plan opérationnel conjoint dont il a été convenu en vertu de la résolution 2165 (2014), qui permet de mieux coordonner la remise de l’aide par l’ONU et des ONG agissant de l’intérieur de la Syrie et d’au-delà des frontières.

Nous ne sommes pas encore en mesure de fournir un volume d’aide suffisant aux résidents des zones les plus difficiles à atteindre. Les combats et l’insécurité continuent d’entraver nos interventions. Le Programme alimentaire mondial (PAM) n’a pu, une fois de plus, atteindre les près de 600000 personnes visées dans les districts de Deir ez-Zor et Racca, qui furent atteintes pour la dernière fois en mai et juillet, respectivement. La violence et l’insécurité dans le nord de la Syrie ont aussi réduit de moitié les fournitures du PAM à Alep et Idlib.

Sans parler de l’insécurité, les parties au conflit continuent d’opposer d’autres obstacles à la remise de l’aide. La bureaucratie gouvernementale continue de la retarder ou de la refuser avec ses complications. Par exemple, en dépit de l’approbation délivrée antérieurement à l’acheminement de fournitures médicales à Tir Mala et Ghanto, non loin d’Homs,les forces de sécurité syriennes sur le terrain ont pris tous les médicaments injectables, les antibiotiques et l’équipement chirurgical d’un convoi interinstitutions avant d’autoriser son départ, refusant ainsi à près de 10 000 personnes un traitement médical fort nécessaire.

Environ 241 000 personnes demeurent assiégées, le plus souvent par les forces gouvernementales.

Le mois passé, et malgré de fréquentes demandes, l’ONU n’a obtenu qu’un accès limité à Yarmouk. Environ 8 500 personnes ont reçu des secours alimentaires, 1 100 des traitements médicaux, et 2 100 des articles autres qu’alimentaires. Cela ne satisfait qu’à une fraction des besoins à Yarmouk.

Les demandes présentées par l’ONU d’atteindre des secteurs assiégés aux environs de Damas, notamment Duma, Zamalka et Arbin, n’ont reçu aucune réponse du Gouvernement syrien. On a signalé un nombre croissant de blessés, et la population a un besoin désespéré d’aide. Une assistance est aussi prête à être fournie aux communautés assiégées de Nubul et Zahra, à Alep, mais les groupes d’opposition qui les contrôlent n’ont pas encore donné accès à quelque 45 000 personnes dans le besoin. Les aliments, les médicaments et les autres formes d’assistance ne sont qu’à une faible distance de ceux qui en ont désespérément besoin. Si les parties accordent l’accès, nous pouvons acheminer les fournitures. Nous pouvons sauver des vies. Mais nos demandes sont restées jusqu’ici sans réponse, ce qui est totalement inacceptable.

Le manque de fonds compromet aussi gravement nos opérations et fait toujours obstacle à notre capacité d’atteindre davantage de personnes dans le besoin. À ce même moment, l’an dernier, l’appel en faveur des activités en Syrie, d’un montant de 1,4 milliard de dollars, avait été couvert à 57 %. Aujourd’hui, nous n’avons reçu que 39 % des 2,3 milliards de dollars nécessaires. Les conséquences en sont tragiques. L’aide alimentaire sera réduite pour 4 millions de Syriens ; 1 million ne recevront pas de couvertures, vêtements chauds et combustible avant l’hiver. Nous lançons un appel à la communauté internationale à redoubler d’efforts pour que nous puissions répondre aux besoins sans cesse croissants.

En Syrie, les souffrances humaines empirent. Le nombre de tués et de blessés en près de quatre années de conflit est stupéfiant. Le châtiment collectif infligé aux civils est épouvantable, ainsi que l’indifférence cynique des parties au conflit envers le peuple syrien, sa sécurité et sa dignité, et l’avenir du pays. Les parties doivent remplir leur obligation, au titre du droit international, de protéger la population. Elles doivent nous accorder l’accès nécessaire pour aider les personnes dans le besoin. Et il faut que la communauté internationale continue de nous soutenir financièrement pour nous aider à élargir notre rayon d’action.

Tandis que nous, communauté des secours humanitaires, continuons de notre mieux à travailler dur pour fournir une aide à tous ceux qui en ont besoin, la crise en Syrie et dans la région ne trouvera en dernière analyse d’issue qu’à travers une solution politique qui s’attaque véritablement aux causes profondes de la crise.

La Présidente (parle en espagnol) : Je remercie Mme Kang de son exposé.

Il n’y a pas d’autres orateurs inscrits sur ma liste. J’invite maintenant les membres du Conseil à poursuivre le débat sur la question dans le cadre de consultations.

La séance est levée à 10 h 15.