Depuis déjà plusieurs semaines, les négociations entre le gouvernement grec et la troïka (composée du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne), sont dans une impasse. Déterminée à protéger les intérêts des créanciers, la troïka insiste sur les politiques d’austérité pour préserver la confiance dans la monnaie commune, l’euro.

Pendant ce temps, la Grèce est plongée dans le bourbier. Durant le premier trimestre de 2015, l’activité économique a chuté de 0,2 % en termes annuels, le pire bilan parmi les pays de l’Union européenne, seulement dépassé par la Lituanie (-0,6 %) et l’Estonie (-0,3 %). Le taux de chômage total reste supérieur à 25 % tandis que le chômage chez les jeunes entre 15 et 24 ans est de 52 %, selon les données publiées par l’agence ELSTAT.

Dans le domaine de la finance, les sorties des dépôts des banques grecques s’intensifient. On estime les sorties quotidiennes entre 200 à 500 millions d’euros. Les banques grecques dépendent du programme d’assistance de la Banque centrale européenne (BCE), appelé Emergency Liquidity Assistance Program (ELA son acronyme anglais), qui est par ailleurs une arme économique parce que, en échange d’accorder de nouveaux fonds d’urgence, la BCE exige des réformes économiques pour satisfaire les prêteurs.

En effet, les réformes structurelles sont nécessaires. Là-dessus le gouvernement d’Aléxis Tsípras et les autorités bruxelloises sont entièrement d’accord. Le problème est le genre de réformes structurelles à mettre en œuvre, les conditions d’exploitation et le temps nécessaire pour évaluer les résultats.

Le ministre des Finances, Yánis Varoufákis, a clairement fait savoir qu’il partage les intentions de la troïka pour augmenter la productivité, promouvoir la concurrence entre les entreprises, la modernisation de l’administration publique, utiliser les ressources de manière efficace et transformer les systèmes d’imposition et de retraite [1].

Cependant, Varoufákis rejette la façon dont Bruxelles relie les réformes structurelles avec le contexte macroéconomique. Pour la troïka il n’y a pas d’autre moyen que la dévaluation interne : réduire les salaires et les avantages sociaux, accentuer les programmes de privatisation, augmenter les impôts et le coût des services publics (eau, électricité, etc.) [2].

Selon le même point de vue, les autorités européennes obligent la Grèce à maintenir un excédent primaire élevé (différence entre les recettes et les dépenses, à l’exclusion des paiements de la dette) pour réduire, prétendument, le niveau de la dette. Cette année, la troïka impose à la Grèce d’atteindre un excédent primaire de 1 % du PIB, qui doit même passer à 3,5 % pour 2018.

Ainsi, Bruxelles veut imposer les mêmes mesures qui ont non seulement échoué à atténuer la crise qui a commencé en 2010, mais en fait l’ont approfondie. Si le gouvernement grec accepte les contraintes de la troïka, au-delà des lignes rouges fixées par Syriza (opposition à la réforme du travail et la réduction des retraites, etc.), il trahira le mandat du peuple.

Il ne faut pas oublier que la gauche grecque a été victorieuse dans les élections de janvier à cause de l’indigestion au capitalisme néolibéral imposé par la troïka. À la recherche d’une économie alternative, la victoire de Syriza a créé l’espoir.

Aléxis Tsípras a promis de profondes transformations. Il a soutenu que la priorité était de parvenir à un accord sur la viabilité économique à long terme de l’adoption des règles de la zone euro, mais sans tomber dans le piège de l’austérité, comme dans le passé [3]. Ainsi, la Grèce romprait avec une spirale dépressive qui favorise seulement les économies du centre (Allemagne et France), tout en punissant sans relâche les économies en situation critique.

Cependant, le refus par la troïka d’approuver les revendications minimales, a mis en évidence l’incompatibilité d’un changement économique radical avec les principes de l’union monétaire. L’euro est plus un carcan imposé par le capital financier qu’un instrument d’intégration économique qui favorise la solidarité et le bien-être des peuples [4].

Juste la semaine dernière, après une réunion de plus de dix heures, les négociations ont à nouveau calé sur la persistance de différences significatives [5]. Dans les jours précédents, étranglé par les échéances financières de remboursement, le gouvernement grec avait annoncé qu’il ne pourrait pas jusqu’au 30 juin, assurer le paiement des quatre versements mensuels (1,6 milliards de dollars) de sa dette au Fonds monétaire international (FMI).

Les craintes grandissent à propos d’un moratoire sur les paiements. Et pas par la réticence d’Athènes, mais par l’intransigeance de Bruxelles [6]. Face à un mur, Aléxis Tsípras a été contraint de réduire la portée de ses engagements de campagne. La Grèce a déjà accepté d’augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur certains produits, puis d’annuler progressivement la retraite anticipée et privatiser une partie de ses infrastructures (le port du Pirée, la compagnie de chemin de fer et les aéroports TRAINOSE).

Par conséquent, il semble que les créanciers concentrent leurs efforts en politique pour saper le soutien social interne à Syriza et ouvrir ainsi la voie à un changement de régime. Au niveau régional, la troïka a l’intention d’envoyer le message que peu importe qui gagne les élections, le remboursement de la dette passe avant tout programme économique national.

Syriza devrait continuer à livrer bataille [7]. Plus tard cette semaine, le gouvernement grec va présenter une nouvelle proposition à l’Eurogroupe pour enfin débloquer la dernière tranche du plan de sauvetage (7,2 milliards d’euros) et donc être en mesure de respecter ses obligations financières [vis à vis du FMI, NdT].

La Grèce quittera-t-elle l’euro dans un court laps de temps ? Si Bruxelles maintient son intransigeance, cela dépend largement de la volonté d’Aléxis Tsípras et de son cabinet de défendre les aspirations du peuple contre la tyrannie du capital financier.

Traduction
JJ
site : Le Saker Francophone
Source
Russia Today (Russie)

[1« A New Deal for Greece », Yánis Varoufákis, Project Syndicate, April 23, 2015.

[2« Austerity Is the Only Deal-Breaker », Yánis Varoufákis, Project Syndicate, May 23, 2015.

[3« L’Europe à la croisée des chemins », par Aléxis Tsípras, Le Monde (France), Réseau Voltaire, 31 mai 2015.

[4« To beat austerity, Greece must break free from the euro », Costas Lapavitsas, The Guardian, March 2, 2015.

[5« Greek default fears rise as ‘11th-hour’ talks collapse », Peter Spiegel & Kerin Hope, The Financial Times, June 14, 2015.

[6« The Greek Bailouts Are Incredibly Stupid », Daniel Altman, Foreign Policy, June 15, 2015.

[7« If the eurozone thinks Greece can be blackmailed, it is wrong », Costas Lapavitsas, The Guardian, June 9, 2015.