Les observateurs du Conseil de l’Europe et de l’OSCE ont vivement critiqué les élections législatives truquées du 1er novembre 2015 en Turquie. Cependant, aucun d’entre eux n’a osé en tirer de conclusion sur l’illégitimité des élus sachant que la Turquie est membre de l’Otan.

« La campagne électorale a malheureusement été entachée par l’inéquité et, dans une certaine mesure, par la peur », a déclaré Andreas Gross, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

« Les violences dont le sud-est du pays, à dominance kurde, ont lourdement pesé sur le scrutin et les récentes agressions et arrestations de candidats et militants, principalement du HDP, sont préoccupantes dans la mesure où elles ont entravé leur possibilité de faire campagne », a déclaré Margareta Cederfelt, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. « Pour qu’un processus électoral soit réellement démocratique, les candidats doivent avoir le sentiment qu’ils peuvent mener campagne, et les électeurs celui qu’ils peuvent se rendre aux urnes en toute sécurité ».

En réalité :
 De nombreux citoyens n’ont pas pu se présenter aux élections au prétexte qu’ils n’ont pas accompli leur service militaire obligatoire ou qu’ils ont été condamnés pour l’un des délits figurant sur une large liste de faits répréhensibles, parfois mineurs.
 Les appelés du contingent, les étudiants des écoles militaires et les citoyens en détention provisoire ont été privés de leur droit de vote.
 Les médias d’opposition ont été muselés : les grands quotidiens Hürriyet et Sabah ainsi que la télévision ATV ont été attaqués par des nervis du parti au pouvoir ; des enquêtes ont visé des journalistes et des organes de presse accusés de soutenir le terrorisme ou d’avoir tenu des propos diffamatoires contre le président Erdoğan ; des sites web ont été bloqués ; des fournisseurs de services numériques ont supprimé de leur offre plusieurs chaînes de télévision ; trois des cinq chaînes de télévision nationales, dont la chaîne publique, ont été, dans leurs programmes, clairement favorables au parti au pouvoir ; les autres chaînes de télévision nationale, Bugün TV et Kanaltürk, ont été fermées par la police.
 Un État étranger, l’Arabie saoudite, a déversé 7 milliards (!) de « dons » pour « convaincre » les électeurs de soutenir le président Erdoğan.
 128 permanences politiques du parti de gauche (HDP) ont été attaquées par des nervis du parti du président Erdoğan. De nombreux candidats et leurs équipes ont été passés à tabac. Plus de 300 commerces kurdes ont été mis à sac. Plusieurs dizaines de candidats du HDP ont été arrêtés et placés en détention provisoire durant la campagne.
 Plus de 2 000 opposants ont été tués durant la campagne électorale, soit par des attentats, soit du fait de la répression gouvernementale visant le PKK. Plusieurs villages du sud-est du pays ont été partiellement détruits par les blindés de l’armée.
 Les observateurs internationaux ont été priés de quitter les lieux dans sept bureaux de vote, et les observateurs citoyens accrédités par les partis politiques ont été interdits d’accès dans certains bureaux de vote.
 Le seuil de 10% de voix minimum pour qu’une liste puisse accéder au Parlement limite le pluralisme politique et le système utilisé pour déterminer le nombre de sièges par circonscription aboutit à de très importants écarts concernant le nombre d’électeurs par siège favorisant outrageusement l’AKP.
 La Cour constitutionnelle a indiqué que les décisions de la Commission électorale ne pouvaient être réexaminées quand bien même il avait été porté atteinte à des libertés et droits fondamentaux. Il n’existe donc aucun recours judiciaire possible, ni à propos du caractère injuste de la campagne, ni à propos des restrictions du droit de se présenter et du droit de vote contraires aux engagements internationaux de la Turquie, ni à propos du bourrage des urnes.

En définitive, le résultat proclamé attribue 50,81 % des voix à l’AKP.