Introduction

1. Depuis plus d’un siècle, les soldats français et britanniques se battent côte à côte contre toutes les menaces qui pèsent sur notre sécurité. Nous célébrons cette année le centenaire de la bataille de la Somme, qui constitue un élan de solidarité mutuel inégalé à ce jour. Lors de cette bataille, près de 400 000 Britanniques et 200 000 Français ont été blessés ou tués. Notre solidarité est le fruit de cette période tragique.

2. Notre détermination à affronter ensemble les défis sécuritaires actuels reste entière. C’est pour assumer l’ensemble des responsabilités que leur confère leur statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies que nos deux pays, forts d’une culture stratégique commune, consacrent une part substantielle de leur richesse nationale à l’effort de défense. À eux deux, nos budgets de défense représentent près de la moitié des budgets de défense européens.

3. C’est cette volonté commune de faire face aux défis et aux menaces qu’expriment les traités que nos deux pays ont signés il y a cinq ans à Lancaster House. Ces traités, d’une ambition inédite, visent à consolider une relation de long terme, mutuellement bénéfique, dans les domaines qui incarnent le mieux la souveraineté : ceux de la sécurité et de la défense. Sans précédent, ils témoignent aussi d’un niveau de confiance exceptionnel et inégalé dans l’histoire de nos deux pays.

4. Le bilan, cinq ans plus tard, de la mise en œuvre de ces traités démontre le bien-fondé du projet initial et les bénéfices que nous en avons tirés. Notre relation de défense bilatérale, déjà riche, s’est encore intensifiée et s’appuie sur trois piliers solides : coopération en matière opérationnelle, projets capacitaires et technologie nucléaire. Nous sommes déterminés à lui faire franchir en 2016 une nouvelle étape.

Politique de défense

5. Les politiques de défense de nos deux pays s’articulent autour de valeurs, de responsabilités et d’intérêts communs qui forment le socle de notre coopération bilatérale. Nos intérêts de défense et de sécurité sont de plus en plus convergents et seront mieux défendus à long terme s’ils reposent sur des structures conjointes et des actions menées en commun.

6. Depuis notre dernier Sommet, la France a été touchée à deux reprises sur son territoire par des attentats terroristes sans précédent qui ont ciblé à la fois nos valeurs communes et les citoyens de près de vingt pays. La France et le Royaume-Uni ont réaffirmé depuis ces attaques leur détermination à lutter contre Daech, tant sur le plan militaire où les deux pays ont accru leur participation aux efforts de la coalition internationale, que sur le plan idéologique et politique. Les ministres de la défense réunis à Paris le 20 janvier et à Bruxelles le 11 février ont souligné la nécessité d’accélérer le rythme des opérations.

7. À la suite de l’invocation par la France de l’article 42.7 du Traité sur l’Union européenne, nos partenaires européens ont apporté un soutien croissant aux actions extérieures menées par la France.

8. La France et le Royaume-Uni soutiennent les travaux en vue d’une approche plus globale et plus efficace de la politique étrangère et de sécurité de l’Europe, afin de permettre une vision commune des risques et des menaces qui affectent notre continent ; d’établir un nécessaire continuum entre les différents instruments de l’Union ; de renforcer les capacités de nos partenaires (CBSD) et de soutenir l’industrie de défense de l’UE, de même que la complémentarité de nos actions entre l’UE, l’Alliance atlantique et les Nations unies.

9. Les missions et opérations de l’UE en Afrique contribuent de manière essentielle à notre sécurité, notamment au Mali, en République centrafricaine et en Somalie. La France et le Royaume-Uni appuient les travaux de planification en vue du troisième mandat de la mission militaire de l’UE au Mali (EUTM Mali), au-delà de mai 2016, et d’un mandat de 2 ans de formation et d’entraînement opérationnel, ainsi que de conseil stratégique, d’une future mission militaire de l’UE en RCA (EUTM RCA) qui pourrait être lancée d’ici à l’été 2016, après la fin de la transition en Centrafrique. Les trois missions et opérations de l’UE dans la Corne de l’Afrique et au large des côtes de Somalie, l’opération EU NAVFOR Atalanta, EUCAP Nestor et la mission militaire de l’UE en Somalie (EUTM Somalie), apportent un soutien considérable aux autorités somaliennes dans le domaine de la sécurité et de la défense. La France et le Royaume-Uni soutiennent les travaux de planification en cours durant l’été 2016 en vue de mandats révisés pour ces trois missions et opérations jusqu’en décembre 2018.

10. L’OTAN demeure l’alliance militaire la plus forte dans le monde et apporte sécurité et stabilité à la zone euro-atlantique. La France et le Royaume-Uni travailleront ensemble pour que le prochain Sommet, qui se tiendra en juillet à Varsovie, consolide encore l’OTAN face aux défis provenant des flancs est et sud et lui permette de s’adapter pour faire face aux défis futurs. Nous nous félicitons des avancées importantes en vue de moderniser la dissuasion et la défense. Nous préconisons une approche plus ciblée et hiérarchisée des partenariats et du renforcement de la coopération entre l’OTAN et l’UE. Nous accueillons avec satisfaction le soutien de l’OTAN dans la crise en mer Égée et son engagement en Afghanistan.

11. La France et le Royaume-Uni continueront de jouer un rôle moteur pour promouvoir la sécurité européenne et transatlantique, assurer un niveau d’investissements de défense suffisant, mettre un terme à la réduction des dépenses de défense conformément à l’engagement en matière d’investissements de défense pris au Pays de Galles et s’apporter un soutien mutuel, aux niveaux politique et opérationnel, pour répondre aux menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales.

Force expéditionnaire commune interarmées

12. Le Traité de Lancaster House prévoit la mise en place d’une Force expéditionnaire conjointe interarmées (CJEF). À la suite d’exercices ambitieux et exigeants qui ont mis sur pied l’ensemble des composantes de nos deux armées, l’exercice Griffin Strike permettra en avril 2016 de valider définitivement le concept de la Force expéditionnaire conjointe interarmées. Nous sommes parvenus à un niveau d’interopérabilité sans précédent. La France et le Royaume-Uni pourront dès lors envisager de planifier et de mener une première opération de déploiement avec les forces de réaction rapide des deux pays. Pour accroître l’agilité de cette force, les ministres français et britannique de la défense élaboreront dans les mois à venir des scénarios d’emploi de cette force, y compris dans des scénarios de haute intensité.

13. Pour faciliter l’emploi de la CJEF, la France et le Royaume-Uni sont déterminés à construire une architecture commune des systèmes d’information et de communication, à accroître leurs échanges de renseignements et à coordonner plus efficacement les mécanismes nationaux de planification stratégique. Le programme d’entraînement pluriannuel (2017-2022) prendra en compte cet impératif et examinera les conditions d’une ouverture éventuelle à d’autres alliés.

14. Les forces aériennes françaises et britanniques œuvrent de concert au Levant. Nos marines continuent d’œuvrer en étroite concertation et de se soutenir mutuellement, qu’il s’agisse des groupes aériens embarqués ou des patrouilles maritimes dans l’Atlantique. Les liens entre nos armées de terre sont de plus en plus étroits à tous les niveaux hiérarchiques. Un échange d’officiers généraux sera mis en place en 2016 : un général de brigade britannique sera nommé général adjoint de la première division française de Besançon et un général de brigade français sera nommé général adjoint de la première division britannique à York.

Équipements de défense

15. La coopération dans le domaine des capacités et équipements de défense est un pilier essentiel du Traité de Lancaster House. Le Sommet de Brize Norton en 2014 a vu la France et le Royaume-Uni se mettre d’accord sur un ensemble très substantiel de coopérations en matière d’équipements et de capacités portant sur tous les domaines, et notamment le système de combat aérien futur (FCAS), les armes complexes et la guerre des mines navales(MMCM). Depuis lors, nous avons mené à bien plusieurs réalisations significatives au regard de tous les objectifs stratégiques essentiels et nous sommes résolus à développer et approfondir notre coopération dans le domaine des équipements et des capacités.

16. Système de combat aérien futur. Lors du Sommet de Brize Norton en 2014, la France et le Royaume-Uni sont convenus de travailler ensemble sur un système de combat aérien futur. Nous projetions de commencer par une étude de faisabilité de deux ans qui pourrait appuyer un programme de démonstration. L’étude commune de faisabilité, d’un montant total de 120 millions de livres, a été lancée en novembre 2014 et s’est attachée à définir des concepts et technologies potentiels. Nous espérons maintenant passer à la prochaine phase en 2017 afin de préparer le développement en vraie grandeur de démonstrateurs opérationnels de drones de combat aérien d’ici à 2025. Ce programme de démonstration, le plus avancé en Europe, sera axé sur une plateforme de drones polyvalents qui pourrait servir de base à une future capacité opérationnelle au-delà de 2030. Nous prévoyons d’investir plus de 2 milliards d’euros dans ce programme, avec un bilan technique vers 2020. En outre, nous intensifierons notre coopération en procédant ensemble à l’analyse du futur environnement de combat aérien, notamment de l’interopérabilité future des systèmes pilotés par l’homme et des drones.

17. Armes complexes. Nous soutenons sans réserve la stratégie de long terme qui vise à produire ensemble des équipements militaires opérationnels de la manière la plus efficace tout en réduisant au maximum les contraintes nationales et en renforçant notre base industrielle et technologique commune de défense. À cet effet, les ministres de la défense ont signé en septembre 2015 un accord intergouvernemental permettant la complète mise en oeuvre de centres d’excellence au sein de MBDA, étape clé sur la voie de l’interdépendance entre nous concernant les principales technologies des missiles. Nous entendons également mettre au point en 2016 une stratégie de coopération globale sur le portefeuille de missiles afin de renforcer nos relations industrielles et de répondre ensemble aux exigences opérationnelles actuelles et futures de nos armées. À cet égard, la France examine notamment la possibilité d’utiliser le Brimstone 2 pour moderniser l’hélicoptère de combat Tigre et le Royaume-Uni, l’Aster Block 1NT pour équiper ses Destroyers T45.

18. Depuis le dernier Sommet, des étapes importantes ont été franchies sur les projets d’armes collaboratifs : un contrat commun de 500 millions de livres (600 millions d’euros) pour la phase de développement et de fabrication du programme anti-navire léger a été signé en mars 2014 ; une phase de conception de 2 ans a été lancée en juillet 2014 pour le programme de renforcement des capacités SCALP/Storm Shadow ; des échanges d’information de grande ampleur ont également eu lieu en 2015 et une entente a été trouvée sur les opportunités de portefeuille. En outre, d’autres activités essentielles de coopération dans le domaine des missiles seront prolongées en 2016, notamment le maintien de nos arsenaux de missiles Aster et l’étude commune sur le renforcement des capacités SCALP/Storm Shadow. [Nous avons signé aujourd’hui une déclaration d’intention dans laquelle nous confirmons notre volonté de lancer] une phase de conception commune pour le programme d’arme future de croisière/anti-navire (FC/ASW) afin d’identifier des solutions de remplacement aux missiles SCALP/Storm Shadow pour les deux pays, Harpoon pour le Royaume-Uni et Exocet pour la France. Toute phase de conception visera à documenter, d’ici à 2020, les décisions relatives à une phase d’évaluation potentielle. Nous travaillons dans l’objectif de signer un arrangement sur cette phase de conception d’ici à la fin 2016, afin d’ouvrir la voie à des contrats possibles d’ici à mars 2017.

19. Programme de déminage maritime. Le projet MMCM vise à développer la prochaine génération de capacités de programme de déminage maritime sur la base de vecteurs sous-marins sans pilote pour mieux répondre à la menace de mines sous-marines à long terme et agir plus efficacement. Lors du Sommet de Brize Norton en 2014, les deux pays se sont engagés à financer la phase de conception du système et un contrat commun a été octroyé à l’industrie par l’OCCAR en mars 2015. Nous confirmons aujourd’hui notre intention de nous engager en 2016 à mettre au point et fabriquer des démonstrateurs/prototypes de MMCM d’une valeur approximative de 150 millions d’euros.

20. A400M. Une coordination bilatérale sur les délais de livraison de l’aéronef et la stratégie d’acceptation est menée ; un contrat de support bilatéral de deux ans a été signé fin 2014. Nous entendons l’étendre à d’autres activités de support et encourager d’autres pays à se joindre à nous.

21. Domaine terrestre. Notre canon de 40 mm CTA a été mis au point avec succès à l’issue de plusieurs années de collaboration innovante en recherche et développement technologique. Il s’agira de la principale arme pour des centaines de nos nouveaux blindés JAGUAR et AJAX, pour lesquels des commandes de production ont été passées en décembre 2014 pour la France et en mars 2015 pour le Royaume-Uni. Le développement en cours de nouvelles munitions élargira les capacités de combat du système et un accord bilatéral est en cours de préparation pour assurer la gestion et le soutien communs de la configuration.

22. Des possibilités de coopération sont envisagées régulièrement, notamment pour soutenir le développement des capacités de la CJEF.

23. Recherche et développement technologique. Alors que les principaux programmes en cours continueront de soutenir la livraison de grands projets de coopération dans le domaine des armes complexes, des systèmes aériens et des drones de combat, la France et le Royaume-Uni approfondissent également leur innovation commune en recherche et développement technologique dans le domaine NRBC et dans celui des matériaux innovants. Le programme commun de doctorats se développe et les deux pays ont également arrêté un nouveau cadre de coopération avec les entreprises et les universités grâce à l’élaboration d’un plan technologique fondamental. L’objectif est d’encourager nos scientifiques et nos ingénieurs à travailler en réseau et d’encourager l’innovation dans notre base industrielle.

Dissuasion nucléaire

24. La France et le Royaume-Uni réaffirment le rôle unique et essentiel que continue de jouer la dissuasion nucléaire dans leurs stratégies de défense respectives.

25. Les forces stratégiques nucléaires françaises et britanniques ont un rôle de dissuasion propre et contribuent à la dissuasion et à la sécurité globales de l’Alliance atlantique. Cette contribution s’effectue dans un cadre spécifique pour chacun de nos pays. La France et le Royaume-Uni œuvreront, en vue du sommet de Varsovie, pour une pleine prise en compte de la place de la dissuasion nucléaire dans la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN.