Renseignements relatifs au commerce illégal d’hydrocarbures auquel se livre l’État islamique d’Iraq et du Levant

La Turquie est la plus grande plaque tournante du trafic d’hydrocarbures extraits dans les territoires contrôlés par l’EIIL. Dans la plupart des cas, le pétrole et les produits pétroliers sont importés sur le territoire turc par des camions-citernes à travers les postes frontière de Karkamış (à 570 km au sud-est d’Ankara, dans la province de Gaziantep), Akçakale (à 640 km au sud-est d’Ankara, dans la province de Şanlıurfa), Cilvegözü (à 530 km au sud-est d’Ankara, dans la province de Hatay) et Öncüpınar (à 520 km au sud-est d’Ankara, dans la province de Kilis). Entre 100 et 150 camions-citernes chargés de combustibles passent chaque jour par ces postes. Des produits pétroliers bruts sont en outre transportés sur des routes de campagne qui ne sont pas contrôlées par les forces de l’ordre turques. Le nombre total de véhicules utilisés s’élève à 4 500. Plusieurs sociétés turques fournissent des camions-citernes à l’EIIL, notamment Serii (dont le siège est à Konya et le propriétaire est Mustafa Serii) et Sam Otomotiv (dont le siège est à Antakya et le propriétaire est Habib Haydaroğlu).

Le pétrole brut est livré à la raffinerie Turkish Petroleum Refineries Co. (Tüpraş) à Batman (à 750 km au sud-est d’Ankara). Du combustible de contrebande est également produit dans de petites usines turques et vendu dans des stations-service appartenant aux petites entreprises « Opet Nizig », « Alpet », « Kadoil », « Oneoil », « Teco Alacalı » et « Mavigöl Gaz ». Les trafiquants de produits pétroliers raffinés opèrent dans les provinces de Gaziantep, Şanlıurfa, Kahramanmaraş, Kilis et Hatay sous la protection de fonctionnaires locaux corrompus.

La plupart des hydrocarbures transitent par des terminaux maritimes turcs au bord de la Méditerranée, en particulier par le port de Ceyhan (à 415 km au sud-est d’Ankara) et sont notamment transportés par des pétroliers appartenant à la société BMZ Group Denizcilik ve İnşaat A.Ş. Cette société a été fondée en 2013, son capital social avoisine un million de dollars des États-Unis et son siège se trouve à Istanbul (dans le district d’Üsküdar à l’adresse 3, rue Gürgen). Sa flotte compte cinq pétroliers dénommés « Mecid Aslanov », « Begim Aslanova », « Poet Qabil », « Armada Fair » et « Armada Breeze ».

Selon les informations disponibles, la société turque Powertrans, faisant partie du groupe Çalık, dont le directeur général est B. Albayrak, serait impliquée dans le trafic de pétrole avec l’EIIL.

La société Turkish Petroleum International Company a conclu des contrats, garantis par le Gouvernement turc, avec des entrepreneurs kurdes du nord de l’Irak et exécute des projets d’extraction et de raffinement du pétrole en collaboration avec des sociétés de la Région autonome du Kurdistan. Certains éléments portent à croire que l’EIIL utilise également ce canal pour le commerce de ressources énergétiques.

Le groupe pétrolier et gazier turc TPAO et la société Genel Energy, en collaboration avec la société publique de gestion des gazoducs et oléoducs Botaş, développent leurs capacités en vue d’importer illégalement des hydrocarbures bruts d’Iraq et de Syrie. À cette fin, des travaux ont été entrepris pour agrandir le terminal pétrolier « Yumurtalık » (relié à l’oléoduc turco-iraquien Kirkouk-Ceyhan), dont la capacité de stockage est passée à 1,7 millions de tonnes.

Le pétrole brut, légalisé en Turquie, est ensuite écoulé dans différentes régions du monde et il est pratiquement impossible d’en retrouver la trace. Les sociétés Palmali Shipping and Agency JSC (Turquie), General Energy (Royaume-Uni et Turquie) et Saudi Aramco (Arabie saoudite), entre autres, sont impliquées dans la revente d’hydrocarbures extraits sous le contrôle de l’EIIL.

L’EIIL utilise les revenus tirés de la vente de pétrole notamment pour acheter des armes, du matériel de guerre et des munitions. Ces achats sont également financés par des dons de personnes privées et d’organisations islamistes, principalement en provenance de pays du golfe Persique et de Turquie. Le Conseil militaire suprême de l’EIIL consacre à ces transactions plus de 30 millions de dollars des États-Unis par mois.

De surcroît, les terroristes acquièrent souvent des armes et munitions illégales en Turquie avec l’aide d’associations et de fondations islamistes turques non gouvernementales, parmi lesquelles on peut citer la Fondation de défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales et d’aide humanitaire (dont le Président est B. Yıldırım). Le siège de la fondation se trouve à Istanbul, à l’adresse 3, rue Taylasan dans le quartier de Büyük Karaman (district de Fatih). Sous le couvert d’activités caritatives, elle fournit une aide aux combattants et, pour ce faire, a ouvert des comptes dans les banques turques Ziraat Bankası, Al Baraka, Kuveyt Türk et VakifBank. La découverte de matériel militaire dans des camions arrêtés à proximité de la frontière turco-syrienne supposés « apporter une aide humanitaire aux réfugiés » prouve que cette fondation est impliquée dans l’achat d’armes pour des organisations terroristes en Syrie.

Les unités de l’EIIL utilisent des véhicules légers tout-terrain de type pickup comme plateformes pour différentes armes. Selon le comité turc de statistique, le nombre de camions-citernes, remorques, semi-remorques et véhicules tout-terrain exportés en Syrie a quasiment décuplé. En quatre ans, environ 400 véhicules automobiles ont été exportés pour un montant de 7,2 millions de dollars des États-Unis et, au cours des neuf premiers mois de 2015, les exportations ont atteint 3,2 millions de dollars.

Les armes et munitions livrées à l’EIIL transitent par des parties non contrôlées des frontières entre la Syrie et la Turquie et l’Iraq. Celles en provenance de Turquie sont acheminées par les postes frontière de Bab el-Haoua (à 10 km au sud-est de Reyhanli), Bab el-Salam (à 6 km au nord-est d’Izaz) et Jarablos (à 105 km au nord-est d’Alep).

Source : Onu S/2016/94