Observations de la République arabe syrienne au sujet du quatrième rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations Unies

Dans le quatrième rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations Unies (S/2016/888), publié le 21 octobre 2016, une nouvelle accusation est portée contre les Forces arabes syriennes au sujet des faits survenus à Qaminas le 16 mars 2015. Ayant examiné le rapport selon des critères scientifiques et objectifs, nous voudrions formuler les observations suivantes :

1. Manifestement, le rapport ne fait que reprendre les éléments figurant dans le troisième rapport du Mécanisme : il ne comporte rien de nouveau en termes d’informations ou de preuves matérielles. Le seul fondement sur lequel le Mécanisme s’appuie pour porter ses accusations est qu’il y a suffisamment de preuves pour ce faire. Le Mécanisme n’indique pas clairement quelles sont ces preuves, quelles en sont les sources, dans quelles mesures elles sont fiables et quels sont les critères de recevabilité appliqués en l’occurrence.

2. Le Mécanisme n’a pas examiné ou analysé les raisons pour lesquelles les groupes terroristes armés ont déplacé des preuves matérielles d’un lieu à un autre et pourquoi ces groupes ont pris, sur place, des photographies plusieurs jours après que les faits se sont produits, alors que les terroristes avaient le contrôle des zones considérées.

3. Avant de décider d’utiliser une arme, il faut en évaluer l’utilité, l’effet qu’elle produira et son efficacité à combattre l’ennemi. Compte tenu du fait que le Gouvernement syrien a perdu un certain nombre de bases militaires, de régions et de provinces, n’a utilisé que des armes classiques contre les terroristes, quelle que soit l’organisation à laquelle ils ont prêté allégeance (certaines étant qualifiées par la communauté internationale d’organisations terroristes, pourquoi emploierait-il des armes chimiques contre des civils sans viser d’objectif stratégique ?

4. Le Mécanisme n’a pas suivi la méthode et les modalités de travail énoncées aux paragraphes 7 et 8 du rapport, où il indiquait que ses conclusions s’appuieraient sur des éléments de preuve crédibles et fiables et où il énumérait les éléments clefs qu’il devrait prendre en compte dans chaque cas – date et heure des faits, conditions météorologiques, lieux des impacts, type de munitions, dommages et conséquences sur la santé. Or, rien de tout cela ne figure dans le rapport : le Mécanisme, en fait, n’a examiné que les témoignages, les conditions climatiques, les conséquences sur la santé et les lieux des impacts et leurs coordonnées, sans apporter d’éléments de preuve fiables à l’appui de ses propos.

5. Le Mécanisme aurait dû prélever des échantillons représentatifs et les analyser pour déterminer si, en l’occurrence, du chlore avait été utilisé comme arme, plutôt que de rejeter le blâme au hasard sur l’Armée arabe syrienne.

6. Témoins

• Les déclarations enregistrées par le Groupe de direction du Mécanisme manquent de crédibilité car elles sont le fait de personnes appartenant à des groupes terroristes armés ou de leurs sympathisants. De surcroît, on ne sait pas exactement selon quels critères les témoins ont été sélectionnés et comment le Mécanisme a pu les contacter et vérifier qu’ils s’étaient trouvés sur les lieux des faits.

• Le rapport s’est essentiellement appuyé sur des déclarations, c’est-à-dire sur ce qui est considéré comme une des formes les plus faibles de témoignage si l’identité des témoins n’a pas été vérifiée. Cette considération est d’autant plus pertinente que le Mécanisme n’est pas un organe judiciaire (par. 6 du rapport).

• Les faits en cause se seraient produits dans la nuit du 16 mars 2015. Les témoins ont dit avoir vu un hélicoptère survoler les lieux et larguer à haute altitude – plus de 1 000 mètres – deux dispositifs (d’après l’analyse attribuée à un institut militaire de recherche). Il n’aurait donc pas été possible, la nuit, de voir l’hélicoptère.

• Au paragraphe 20 du quatrième rapport, il est dit que les témoins qui se trouvaient près du lieu des faits auraient signalé avoir toussé et ressenti une irritation des yeux et de la peau ainsi qu’une sensation de suffocation. Ces témoins n’ont pas été hospitalisés. Leur témoignage, selon le rapport, est conforme aux informations des patients emmenés à l’hôpital de Sarmin – ce qui prouve que les témoins ne sont pas crédibles car, s’ils avaient présenté de tels troubles respiratoires, ils auraient été emmenés à l’hôpital puisque leur pronostic vital aurait été menacé.

7. Conditions météorologiques

• Au paragraphe 20 du rapport, il est dit que les témoins ont indiqué une décoloration de la végétation présente sur le lieu des faits. Or, d’un point de vue scientifique, nombreux sont les facteurs qui peuvent influer sur l’aspect des plantes (sécheresse, utilisation excessive de pesticides, maladies végétales, entre autres). La détonation d’armes classiques peut également modifier les caractéristiques de l’environnement, en particulier des plantes, se trouvant sur le site de l’impact, du fait de la très forte chaleur – supérieure à 1 000 °C – dégagée par l’explosion et des sous-produits ainsi libérés qui, le plus souvent, contiennent des oxydes acides.

• Les images par satellite ne peuvent permettre de déterminer la cause de cette décoloration de la végétation.

8. Conséquences sur la santé

• Le Mécanisme ne renvoie pas à d’éventuels rapports médicaux concernant les blessés ou résultats d’analyses hématologiques.

• Dans son rapport, le Mécanisme parle d’« analyse criminalistique ». Ce terme est vague ; nous ignorons ce qu’il recoupe.

9. Preuves matérielles

• Au paragraphe 29 de l’annexe VII au rapport du Mécanisme, il est indiqué que les images du site en question ont été prises « deux jours après les faits », ce qui veut dire qu’elles n’ont pas été prises immédiatement après les faits présumés. Au paragraphe 25, il est indiqué que les photographies ont été prises deux jours après l’attaque. D’après le Mécanisme, « on ne peut exclure que des débris aient été placés au préalable sur le site ». Les groupes terroristes avaient le temps et les moyens de fabriquer des éléments de preuve et d’en faire porter le blâme à l’Armée arabe syrienne.

• Au paragraphe 56 de l’annexe VII du troisième rapport du Mécanisme, il est dit que « [l]es débris d’un engin découverts près du cratère d’impact ressemblent à des fragments de bombe-baril qui ont été retrouvés près d’autres lieux d’impact, notamment à Sarmin. Toutefois, il n’a pas été possible, d’après l’analyse des fragments et du cratère, d’établir si l’engin contenait des explosifs ou des substances chimiques toxiques ». En d’autres termes, selon le rapport, il n’y a pas de preuve matérielle de l’emploi d’armes chimiques.

• Au paragraphe 7 de son rapport, le Mécanisme a dit s’appuyer sur des preuves crédibles et signalé qu’il mettait au point des critères spécifiques à cet égard. D’un point de vue scientifique, il peut s’agir de preuves matérielles ou de preuves par présomption, selon deux catégories qui présentent, chacune, des avantages – point de vue qui, au demeurant, ne privilégie aucun des deux types de preuve. Or, en l’espèce, le Mécanisme a créé un précédent, contrevenant aux règles élémentaires sur les enquêtes.

• Au paragraphe 41 de son rapport, le Mécanisme a indiqué que le Gouvernement syrien, invoquant des préoccupations liées à la sécurité nationale, n’avait pas communiqué de complément d’information tendant à montrer que des groupes terroristes posséderaient, transporteraient et entreposeraient des substances chimiques toxiques. C’est faux : dans toutes les réunions tenues avec le Mécanisme et dans toutes les communications échangées avec le Mécanisme ou avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, le Mécanisme a reçu des informations sur les tentatives entreprises par des groupes terroristes armés pour acquérir et détenir des produits chimiques toxiques et pour les transporter. Le Mécanisme ne précise pas ce qu’il est advenu de ces informations, ce qu’on en a fait et si elles ont été prises en compte.

• Nous sommes en droit de nous demander pourquoi le Mécanisme ne précise pas ce qu’il est advenu des informations que nous lui avions communiquées sur une cellule terroriste qui était en possession de 2 kilogrammes de sarin lorsqu’elle a été interceptée par les autorités de la Turquie à la frontière de ce pays avec la Syrie. Ces informations ont par la suite été éliminées par les autorités turques. Nous nous demandons également pourquoi ce groupe avait obtenu une telle quantité de produit.

• Au paragraphe 50 de son rapport, le Mécanisme dit s’être penché sur la question de la possession et du déplacement de chlore par des groupes terroristes mais ne dit rien sur le résultat de son examen. Le Mécanisme n’a examiné la question que pour information et n’indique pas ce qu’il est advenu des centaines de tonnes de chlore qui se trouvaient dans l’usine d’Alep dont se sont emparés les terroristes du Front el-Nosra, puis l’organisation dite de l’État islamique d’Iraq et du Levant.

• Dans sa conclusion au sujet de l’allégation, le Mécanisme est parti du principe que l’utilisation par des groupes terroristes armés d’un hélicoptère au moment et au lieu précis n’a pas été prouvée, si bien que c’est l’aviation syrienne qui se retrouve suspecte. Or, il s’agit là d’une simple conclusion, qui n’est pas fondée sur des preuves directes et dûment étayées.

10. Conclusions

• Le rapport ne contient aucune preuve matérielle de l’utilisation de gaz chloré. Il ne mentionne aucun document ou analyse certifiée d’échantillons, aucun rapport médical sur les blessés ni résultat d’analyses hématologiques, ni de restes quelconques de projectiles chimiques. Notons qu’il aurait été très aisé d’obtenir ces informations puisque le lieu des faits se trouvait aux mains de groupes terroristes armés.

• Contrairement à ce qui est indiqué aux paragraphes 7 et 8 concernant l’utilisation de preuves crédibles et fiables, le Groupe de direction du Mécanisme s’est appuyé essentiellement et directement sur les dires et les déclarations des témoins, alors même que leur crédibilité est contestable, et sur d’autres éléments dénués de fondement scientifique et d’objectivité.

• Dans son rapport, le Mécanisme manque à définir les éléments de preuve nouveaux et suffisants l’ayant conduit à affirmer que les faits s’étaient produits parce que des hélicoptères de l’Armée arabe syrienne avaient largué, à haute altitude, un dispositif contenant une substance toxique.

• Le rapport ne mentionne pas les explications qui ont été données par la Syrie.

• Les conclusions ne correspondent pas aux preuves dont dispose le Mécanisme.

• Le Mécanisme outrepasse son mandat et les critères qu’il s’est fixés au paragraphe 6 de son rapport lorsqu’il affirme notamment, au paragraphe 52, que les individus qui exercent un contrôle sur des unités militaires doivent être tenus pour responsables. Ce faisant, il formule une allégation et réclame des comptes.

• Au paragraphe 13 du rapport, le Mécanisme rappelle les difficultés qu’il a rencontrées, notamment l’incapacité de se rendre sur les lieux des faits présumés et le temps qui s’est écoulé depuis qu’ils se sont produits. Autrement dit, il n’a pas pu obtenir, en fait, de preuves matérielles dûment étayées.