Résolution

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 2314 (2016), 2235 (2015), 2209 (2015) et 2118 (2013),

Notant que de nouvelles allégations concernant l’emploi d’armes chimiques en Syrie font l’objet d’une enquête par la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC),

Condamnant de nouveau avec la plus grande fermeté toute utilisation comme arme, en République arabe syrienne, de quelque produit chimique toxique que ce soit et se déclarant alarmé par le fait que des civils continuent d’être tués ou blessés par des produits chimiques toxiques utilisés comme armes dans le pays,

Réaffirmant que l’emploi d’armes chimiques constitue une violation grave du droit international et rappelant que les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui y ont recouru de quelque manière que ce soit doivent répondre de leurs actes,

Se déclarant de nouveau profondément préoccupé que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) et d’autres personnes, groupes, entreprises et entités associés à l’EIIL (Daech) ou à Al-Qaida, y compris, mais pas uniquement, les combattants terroristes étrangers qui ont rejoint les rangs de l’EIIL (Daech) en Syrie, les groupes qui ont prêté allégeance à l’EIIL (Daech) et le Front el-Nosra, continuent à opérer en République arabe syrienne,

Soulignant la nécessité pour tous les États Membres de s’acquitter pleinement des obligations que leur impose la résolution 2178 (2014),

Rappelant que, dans sa résolution 2118 (2013), il a souligné qu’aucune des parties syriennes ne devait employer, mettre au point, fabriquer, acquérir, stocker, détenir ou transférer des armes chimiques et décidé que les États Membres l’informeraient immédiatement de toute violation de sa résolution 1540 (2004), y compris de l’acquisition par des acteurs non étatiques d’armes chimiques, de leurs vecteurs et d’éléments connexes, afin qu’il puisse prendre les mesures nécessaires à cet égard,

1. Décide de renouveler, pour une nouvelle période d’un an à compter de la date d’adoption de la présente résolution, le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, tel qu’énoncé dans la résolution 2235 (2015), en se ménageant la possibilité de le prolonger de nouveau et de le modifier s’il le juge nécessaire ;

2. Rappelle qu’il a décidé que la République arabe syrienne devait s’abstenir d’employer, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir d’aucune manière, de stocker et de détenir des armes chimiques ou d’en transférer, directement ou indirectement, à d’autres États ou à des acteurs non étatiques ;

3. Réaffirme les dispositions des paragraphes 1, 3 et 4, 6, 8, 9, 12 et 15 de la résolution 2235 (2015) ;

4. Encourage le Mécanisme d’enquête conjoint à consulter, s’il y a lieu, les organes appropriés de l’Organisation des Nations Unies chargés de la lutte contre le terrorisme et de la non-prolifération, en particulier le Comité créé par la résolution 1540 (2004) et le Comité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’EIIL (Daech), Al-Qaida, afin d’échanger des informations sur les acteurs non étatiques qui se sont livrés à l’emploi de produits chimiques comme arme en République arabe syrienne, qui l’ont organisé ou commandité ou qui y ont participé, dans les cas où la Mission d’établissement des faits de l’OIAC détermine ou a déterminé que des produits chimiques ont été probablement utilisés comme armes en République arabe syrienne ;

5. Invite le Mécanisme d’enquête conjoint à dialoguer avec les États de la région dans le cadre de son mandat, y compris pour identifier dans toute la mesure possible les personnes, entités ou groupes associés à l’EIIL (Daech) ou au Front el-Nosra qui se sont livrés à l’emploi de produits chimiques comme armes en République arabe syrienne, l’ont organisé ou commandité ou qui y ont participé d’une manière ou d’une autre , dans les cas où la Mission d’établissement des faits de l’OIAC détermine ou a déterminé que des produits chimiques ont été utilisés ou probablement utilisés comme armes en République arabe syrienne, encourage les États de la région à fournir, selon que de besoin, au Mécanisme d’enquête conjoint des informations sur l’accès des acteurs non étatiques à des armes chimiques et à leurs composantes ou sur les efforts qu’ils déploient pour mettre au point, acquérir, fabriquer, posséder, transporter, transférer ou utiliser des armes chimiques et leurs vecteurs sur le territoire qu’ils contrôlent, y compris des informations pertinentes issues des enquêtes menées au niveau national, et souligne l’importance des obligations qui incombent aux États parties en vertu de l’article VII de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (Convention sur les armes chimiques) et de la pleine mise en œuvre du paragraphe 8 de la résolution 2235 (2015), notamment pour ce qui est des informations relatives aux acteurs non étatiques ;

6. Rappelle les articles X.8 et X.9 de la Convention sur les armes chimiques qui autorisent tout État partie à demander et à recevoir une assistance et une protection contre l’emploi ou la menace d’armes chimiques s’il estime que des armes chimiques ont été employées contre lui, rappelle également que de telles demandes, étayées par des informations pertinentes, sont transmises par le Directeur général de l’OIAC au Conseil exécutif et à tous les États parties à la Convention, et invite le Mécanisme d’enquête conjoint à offrir ses services à l’OIAC en pareilles circonstances, s’ils entrent effectivement dans le cadre de l’exercice de son mandat ;

7. Réaffirme les dispositions du paragraphe 7 de la résolution 2235 (2015), notamment l’aptitude du Mécanisme d’enquête conjoint d’examiner des informations et éléments de preuve supplémentaires qui n’ont pas été recueillis ou établis par la Mission d’établissement des faits mais qui ont un lien avec le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, et insiste sur la nécessité de les mettre pleinement en œuvre, notamment pour ce qui est de fournir les informations demandées par le Mécanisme d’enquête conjoint et de mettre à disposition les témoins ;

8. Prie le Secrétaire général, en coordination avec le Directeur général de l’OIAC, de lui présenter un rapport sur les progrès réalisés et d’en informer le Conseil exécutif de l’OIAC tous les 60 jours ;

9. Prie le Mécanisme d’enquête conjoint d’achever un rapport dans les 90 jours suivant l’adoption de la présente résolution, et d’établir d’autres rapports par la suite s’il y a lieu, le prie de lui présenter le ou les rapports et d’en informer le Conseil exécutif de l’OIAC, et l’invite à informer, le cas échéant, le Comité créé par la résolution 1540 (2004), le Comité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) ou d’autres organes compétents de l’Organisation des Nations Unies chargés de la lutte contre le terrorisme ou de la non-prolifération des résultats de ses travaux ;

10. Décide de rester activement saisi de la question.

Débats

La séance est ouverte à 21 heures.

Le Président, M. Seck (Sénégal)  : Le Conseil de sécurité va maintenant aborder son examen de la question inscrite à l’ordre du jour.

Les membres du Conseil sont saisis du document S/2016/974, qui contient le texte d’un projet de résolution déposé par les États-Unis d’Amérique.

Le Conseil est prêt à procéder au vote sur le projet de résolution dont il est saisi. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.

Il est procédé au vote à main levée.

Votent pour :

Angola, Chine, Égypte, France, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Fédération de Russie, Sénégal, Espagne, Ukraine, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique, Uruguay, Venezuela (République bolivarienne du)

Le Président : Le résultat du vote est le suivant : 15 voix pour. Le projet de résolution est adopté à l’unanimité en tant que résolution 2319 (2016).

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.

Mme Power (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Je voudrais d’abord remercier les membres du Conseil de la prorogation qui nous a permis de travailler intensément au cours des deux dernières semaines avec la Fédération de Russie pour obtenir le texte que nous venons d’adopter à l’unanimité aujourd’hui, et je présente mes sincères remerciements à la Russie pour l’esprit dans lequel elle a conduit ces négociations. L’enjeu ne pouvait être plus grand.

Les récits de témoins oculaires commencent souvent de la même manière. Des hélicoptères bourdonnent au-dessus de votre tête. Des barils d’explosifs sont largués, souvent pour atterrir sans explosion. Leith Fares, de la première vague de secours à Idlib, en Syrie, rappelle qu’il s’est d’abord senti soulagé quand l’un de ces barils n’a pas explosé, le 16 mars 2015. « C’est d’ordinaire une bonne nouvelle quand il n’y a pas d’explosion », dit-il au cours d’une interview. Mais quand Leith est entré dans le sous-sol d’une maison voisine à la recherche de survivants, il dit : « Je ne pouvais pas respirer, je toussais, je perdais l’équilibre. J’étais tout à fait incapable de respirer ». Dans le sous-sol, six membres de la famille Talib avaient cherché refuge, dont trois enfants âgés d’un, deux et trois ans. Personne ne portait de blessures visibles. Mais quand les enfants sont arrivés à l’hôpital, le médecin présent se souvient qu’ « ils avaient de l’écume aux lèvres, ils suffoquaient, puis leur cœur a cessé de battre ». Leurs parents ont lutté pour respirer avant de mourir à leur tour, ainsi que la grand-mère âgée de 65 ans.

Pensez ce que l’on doit éprouver quand l’odeur aiguë du chlore vous submerge soudainement ; quand on se dit n’avoir échappé à la mort sous les bombes que pour risquer de mourir asphyxié ; quand on se demande comment échapper à une arme invisible quoi vous enveloppe de toutes parts. C’est une souffrance si effroyable que la communauté internationale a fermement condamné l’emploi des armes chimiques et institué une règle interdisant leur emploi en toute circonstance, comme le prescrit la Convention sur les armes chimiques.

C’est pourquoi les États-Unis se félicitent de la décision unanime du Conseil de proroger d’une autre année le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint. Le Mécanisme est un outil essentiel pour lutter contre l’impunité – un groupe indépendant d’experts doté des outils nécessaires pour nous dire qui emploie des armes chimiques en Syrie, après que la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques eut déterminé que des armes chimiques étaient utilisées ou semblaient l’être.

Les conclusions du Mécanisme sont claires. Les enquêteurs ont conclu que le régime d’Assad avait utilisé des armes chimiques contre le peuple syrien non pas en une seule attaque, mais en trois attaques confirmées jusqu’alors. Il s’agit de trois attaques confirmées conduites par un État Membre de l’ONU ; de trois attaques utilisant des armes dont le monde a conclu voici plusieurs décennies qu’elles ne devraient jamais être utilisées ; de trois attaques qui ont causé la mort par asphyxie d’hommes, de femmes et d’enfants syriens. Et ce sont seulement les attaques sur lesquelles le Mécanisme est jusqu’alors parvenu à une conclusion. Il existe des données crédibles que le régime d’Assad a conduit un bien plus grand nombre d’attaques chimiques. L’emploi d’armes chimiques par le régime d’Assad est une claire violation des obligations de la Syrie au titre de la Convention sur les armes chimiques et de la résolution 2118 (2013).

Le Mécanisme a aussi confirmé l’utilisation d’armes chimiques par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) à Marea. Les États-Unis condamnent cette attaque dans les termes les plus forts, aussi bien que toutes les horribles atrocités commises par l’EIIL et qu’il continue de commettre à l’encontre de civils innocents. C’est une raison de plus pour laquelle cette organisation terroriste doit être vaincue, une raison de plus pour laquelle les États-Unis continueront de diriger les efforts de la coalition de 67 membres contre cette énorme menace à notre sécurité collective. Cela souligne la nécessité pour le Conseil de faire face à la menace posée par des acteurs non étatiques comme l’EIIL, qui sont capables d’utiliser de nouveau des armes chimiques et assez dépravés pour le faire.

La résolution d’aujourd’hui permet au Mécanisme de poursuivre son travail – un travail qui malheureusement est loin d’être terminé. Les membres du Conseil de sécurité ont besoin que le Mécanisme poursuive son enquête pour trois principales raisons.

Premièrement, le Mécanisme est la seule institution qui ait pour mandat d’identifier les personnes utilisant des produits chimiques comme armes. Avant la création du Mécanisme, le Conseil de sécurité recevait des informations à la voix passive – apprenant que des armes chimiques « étaient utilisées » en Syrie, mais n’apprenant jamais quelles parties les utilisaient. C’était bizarre, disons-le. Si le Conseil n’avait pas prorogé l’activité du Mécanisme aujourd’hui, nous nous serions volontairement interdit d’apprendre la vérité quant aux responsables de certains des pires crimes imaginables. Nous n’aurions pas été en mesure de maintenir une norme contre l’emploi des armes chimiques si, en tant que Conseil, nous avions décidé que nous ne voulions pas savoir qui utilisait les armes chimiques.

Deuxièmement, les données font penser que le Mécanisme aide en fait à dissuader les acteurs d’utiliser les armes chimiques. C’est très important. Durant les 19 mois écoulés avant la création du Mécanisme, on a enregistré plus de 120 allégations d’attaques par des armes chimiques, mais dans les 15 mois qui ont suivi sa création ce nombre est tombé à 35 environ. Soyons clairs : une seule attaque par des armes chimiques est encore trop, elle est totalement inacceptable et digne de notre condamnation collective. Nous savons aussi qu’il y a d’autres causes probables, car le régime syrien a pris l’habitude d’utiliser des armes chimiques quand il lui est difficile d’utiliser des armes classiques ; or l’entrée de la Russie dans le conflit en septembre 2015 a donné à Damas un important avantage sur le champ de bataille. Cela explique peut-être en partie le recul de l’emploi des armes chimiques. Mais il n’y a aucun doute que les criminels qui savaient – comme ils le savaient avant le 7 août 2015, date d’autorisation du Mécanisme – qu’ils ne seraient jamais identifiés se sentaient alors plus assurés de l’impunité qu’ils ne doivent se sentir maintenant. Même si le Mécanisme ne fait qu’une légère différence s’agissant d’empêcher las parties d’utiliser les armes chimiques, il sauve des vies et aide à préserver une norme mondiale d’importance cruciale. Cela mérite bien le complet et permanent soutien du Conseil.

Troisièmement et dernièrement, le Mécanisme a encore un immense travail d’enquête à achever. Jusqu’à présent, le Mécanisme n’a pu attribuer les responsabilités que dans quatre des neufs cas initialement retenus pour faire l’objet d’une enquête, et de nouveaux cas potentiels continuent d’être portés à son attention. Par exemple, les 10 août et 6 septembre, de nombreux témoins ont indiqué que des hélicoptères du régime d’Assad avaient largué des barils explosifs remplis de produits chimiques toxiques sur des quartiers de l’est d’Alep, rendant malades des dizaines de Syriens et causant la mort d’au moins cinq personnes. Dès lors que les parties au conflit syrien emploient des armes chimiques et tant que les cas précédents peuvent encore être soumis à enquête, le Conseil doit déterminer qui est impliqué, et pour cela nous avons besoin du Mécanisme d’enquête conjoint.

Toutefois, le Conseil n’est pas déchargé de ses responsabilités une fois les faits établis. Nous savons déjà que le régime d’Assad et l’État islamique d’Iraq et du Levant ont commis des attaques à l’arme chimique. Les membres du Conseil doivent maintenant œuvrer de concert pour veiller à ce que ceux qui font usage de ces armes horribles subissent les conséquences de leurs actes. Il est clair que le Conseil est très divisé sur la question du conflit en Syrie. Néanmoins, sa décision unanime de reconduire le mandat reflète un principe important que nous avons en commun : l’opposition collective et sans équivoque à l’emploi d’armes chimiques. Ce principe nous a amenés à adopter la résolution 2118 (2013), exigeant de la Syrie, dont le régime venait de perpétrer une attaque terrible qui a fait au moins 1 400 morts, qu’elle démantèle son programme d’armes chimiques et détruise ses stocks sous contrôle international. Ce principe nous a aussi amenés à créer le Mécanisme d’enquête conjoint et aujourd’hui à l’élargir, et c’est sur la base de ce principe que nous devrions continuer d’agir pour engager la responsabilité des parties qui utilisent des armes chimiques contre la population syrienne.

Le Conseil de sécurité n’a pu se mettre d’accord que sur très peu de points en ce qui concerne le conflit syrien depuis qu’il a éclaté. Les armes chimiques sont l’une de ces exceptions à la règle qui veut que le Conseil soit divisé sur la question. Le fait que nous soyons à même de nous entendre sur cet aspect limité mais important devrait nous motiver. Cela devrait nous motiver à travailler plus dur pour mettre fin au massacre des civils par d’autres moyens, et à réaliser la solution politique qui échappe depuis longtemps au peuple syrien, lequel continue à ce jour de subir une agression sauvage.

M. Safronkov (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je me dois d’évoquer les événements qui ont précédé l’adoption, aujourd’hui, de la résolution 2319 (2016). Je souligne que nous sommes vivement préoccupés par les agissements d’un certain nombre d’États, qui tendent à ce que l’examen de la question soit transféré de la compétence du Conseil de sécurité à celle d’un mécanisme international purement technique dans le domaine des armements et de la non-prolifération, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Je parle de la décision antisyrienne qui est passée par la petite porte du Conseil exécutif de l’OIAC le 11 novembre, ce qui aura inévitablement une incidence négative à la fois sur l’intégrité de la Convention sur les armes chimiques et ses perspectives d’adhésion universelle et sur l’autorité de l’OIAC. Tout cela s’est produit avant l’examen quant au fond des résultats des travaux menés l’an dernier par le Mécanisme d’enquête conjoint sur les cas d’emploi d’armes chimiques en Syrie. Le Conseil, qui a bien sûr créé le Mécanisme, en est responsable. Il est difficile de voir en la circonstance autre chose que du mépris à l’égard des prérogatives du Conseil de sécurité.

La décision que nous venons d’adopter de prolonger d’un an le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint est l’aboutissement d’un travail difficile et complexe avec les États-Unis sur la teneur de la résolution, et le résultat d’un long marathon de négociations entre les représentants des États-Unis et de la Russie. Compte tenu de nos priorités consistant à donner au mandat du Mécanisme une portée géographique plus large et une orientation antiterroriste manifeste, le document était loin d’être évident en soi, mais nous avons décidé de l’adopter car nous en voyons également les points forts.

Le scepticisme de la Russie à l’endroit des conclusions présentées dans les rapports du Mécanisme d’enquête conjoint, s’agissant en particulier des modalités de ses travaux, est bien connu. Nous avons l’intention de continuer d’alerter sur les aspects techniques, logistiques, juridiques et procéduraux des activités du Mécanisme. Sans pour autant remettre en question le professionnalisme des membres de l’équipe de Mme Gamba, nous sommes confiants qu’elle gardera à l’esprit la responsabilité qui leur incombe en propre et travailler de façon impartiale et objective. Nous engageons la direction et le personnel du Mécanisme d’enquête conjoint à ne pas céder sous la pression, dont nous escomptons qu’elle sera considérable, d’États purement guidés par leurs intérêts géopolitiques particuliers au Moyen-Orient. Notre appui à la décision prise par le Conseil de prolonger le mandat du Mécanisme est dicté par la conscience que nous avons du caractère aigu des difficultés, menaces et manifestations croissantes du terrorisme chimique en Syrie et chez son voisin iraquien, lesquelles, si ce n’est aujourd’hui ou demain, pourraient bientôt s’étendre à tout le Moyen-Orient et au-delà.

Depuis deux ans, la Fédération de Russie appelle régulièrement l’attention de la communauté internationale sur les preuves abondantes de l’emploi d’armes chimiques par des terroristes et des organisations extrémistes. Nous n’avons de cesse d’exhorter nos collègues du Conseil à opposer une réponse adaptée à la résurgence du terrorisme chimique au Moyen-Orient. Malheureusement, toutes nos initiatives à cet égard, y compris le projet de résolution correspondant que nous avons présenté avec nos partenaires chinois, ont été bloquées. Nous voyons le résultat. Chacun, même le Mécanisme, reconnaît que les terroristes et les militants de l’opposition armée qui opèrent dans cette région du monde déchirée par les conflits font activement usage de produits chimiques toxiques contre les forces armées syriennes et iraquiennes et contre des civils pacifiques. Les terroristes se sont dotés de véritables capacités chimiques militaires, à tel point qu’ils disposent de la technologie requise pour synthétiser des substances toxiques de type militaire telles que le sarin et l’ypérite. D’anciens chimistes militaires et des spécialistes étrangers prennent part à ces travaux. Même la communauté américaine du renseignement le confirme.

Il faut que le Mécanisme se concentre pleinement sur les activités chimiques des acteurs non étatiques, en particulier l’État islamique d’Iraq et du Levant, le Front el-Nosra, le Bataillon Noureddine Zanki, l’Armée de l’islam, l’Armée de la conquête et d’autres groupes d’opposition armée opérant en Syrie et dans les pays voisins – ainsi que Damas l’a mis en avant dans ses déclarations au Conseil de sécurité et à l’OIAC.

La résolution d’aujourd’hui confère le mandat nécessaire pour enquête sur ces crimes. Ce dont nous devons nous occuper, c’est d’un terrorisme international qui a déjà pris le goût d’employer des armes nucléaires, souvent dans une logique de provocation claire pour discréditer politiquement le Gouvernement syrien. Malheureusement, aujourd’hui encore, nous avons entendu des déclarations hostiles au régime. La menace terroriste a déjà acquis des proportions mondiales. Nous invitons une nouvelle fois les membres du Conseil à mettre de côté leurs divergences politiques et à unir leurs forces dans le cadre d’une vaste coalition antiterroriste pour venir à bout de ce phénomène dévastateur.

M. Shen Bo (Chine) (parle en chinois) : La Chine se réjouit que le Conseil de sécurité ait adopté à l’unanimité la résolution 2319 (2016). Notre position sur la question des armes chimiques est claire et ne varie pas. Nous sommes fermement opposés à l’emploi d’armes chimiques par quelque pays ou quelque organisation, quelles que soient les circonstances.

La Chine juge profondément préoccupante et condamne dans les termes les plus forts l’utilisation de produits chimiques à des fins guerrières en Syrie. Elle a toujours engagé le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’ONU à s’acquitter de sa mission conformément à son mandat et de façon équitable, objective et professionnelle. La résolution 2319 (2016) contient de nombreux éléments positifs, y compris le fait que le Mécanisme d’enquête conjoint, en application de son futur mandat, accordera plus d’attention à l’emploi d’armes chimiques par des acteurs non étatiques et échangera davantage d’informations avec les pays voisins de la Syrie.

La Chine espère que, sur la base du respect de la souveraineté des pays concernés, le Mécanisme conjoint d’enquête, renforcera la coordination avec le Gouvernement syrien afin de mener une enquête approfondie sur l’utilisation d’armes chimiques en vue de mettre au jour la vérité. La Chine espère également que le Conseil continuera à maintenir l’unité que nous avons vue ici sur la question des armes chimiques syriennes afin de jouer un rôle positif dans l’élimination ultime de ces armes en Syrie et dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le pays, contribuer au règlement du conflit syrien par des moyens politiques et aider au règlement global, durable et approprié de la situation en Syrie.

Mme Gueguen Mohsen (France) : La France salue l’adoption aujourd’hui à l’unanimité de la résolution 2319 (2016), qui permet de renouveler le mandat du Mécanisme conjoint d’enquête et d’attribution pour l’emploi d’armes chimiques en Syrie, pour un an. C’est un moment d’unité sur le dossier syrien qui mérite d’être salué et constitue, par-delà nos divisions sur le règlement du conflit, un signal fort de notre volonté de mettre, ensemble, un coup d’arrêt à l’usage des armes chimiques en Syrie.

Face aux dernières conclusions du Mécanisme conjoint d’enquête qui sont accablantes, confirmant l’usage d’armes chimiques par le régime syrien et par Daech, et alors que d’autres cas de recours à des agents chimiques contre la population civile continuent d’être rapportés, il était nécessaire de permettre à ce mécanisme de poursuivre son travail. La gravité des faits établis par le Mécanisme conjoint d’enquête ne pouvait pas laisser la place aux divisions politiques. Ce Conseil l’avait créé à l’unanimité l’an dernier ; il nous revenait donc de prolonger, d’un commun accord, son existence, plus que jamais justifiée.

C’est un signal fort envoyé aux responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Leurs crimes continueront à être clairement et rigoureusement établis. Nous répondons ainsi à une exigence de justice. Et en assurant le renouvellement du mécanisme, nous envoyons un message de dissuasion à toutes les parties impliquées dans le conflit syrien. C’est aussi l’expression de la reconnaissance de la communauté internationale pour le travail remarquable du Mécanisme conjoint d’enquête.

Le renouvellement du Mécanisme, le renforcement de ses moyens et la poursuite de ses travaux sont nécessaires, c’est une évidence. Mais notre action ne peut s’arrêter là. Nous ne pouvons pas tolérer la violation flagrante de la norme universelle d’interdiction de l’utilisation des armes chimiques, sous peine de prendre le risque, insupportable, d’une banalisation de tels agissements. Face à un enjeu d’une telle gravité et à cette atteinte au régime de non-prolifération, le Conseil doit agir. Nous devons tirer toutes les conséquences des conclusions des rapports établis par le Mécanisme, et nous assurer que ces crimes feront l’objet de poursuites judiciaires et de sanctions. Comme les autorités françaises l’ont déjà dit à de nombreuses reprises, la France souhaite que ce Conseil soit en mesure d’adopter prochainement une résolution pour sanctionner les auteurs des attaques chimiques identifiés par le Mécanisme conjoint d’enquête.

M. Wilson (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Le Royaume-Uni se félicite de l’adoption à l’unanimité de la résolution 2319 (2016) aujourd’hui, qui proroge le Mécanisme conjoint d’enquête pour d’une année supplémentaire. Je rends hommage à Mme Power et à son équipe pour les efforts qu’ils ont consentis pour rallier le Conseil de sécurité sur une question aussi vitale. Je voudrais également remercier les membres du Mécanisme conjoint d’enquête pour leur travail inlassable, qui a si souvent été entrepris dans des circonstances très difficiles. Nous savons de manière indéniable que le régime d’Assad et Daech ont utilisé des produits chimiques toxiques comme armes contre des civils en Syrie. Grâce au Mécanisme conjoint d’enquête, nous savons que des barils explosifs remplis de chlore ont été largués par le régime sur des hommes et des femmes et des enfants innocents à Talmenes, Sarmin et Qmenas, que de la moutarde de soufre a été utilisée par Daech contre des innocents de Marea en août de l’année dernière, et que les responsables de crimes de guerre restent libres et impunis à ce jour.

Malheureusement, le Mécanisme conjoint d’enquête va avoir encore plus de travail. Malgré tous nos efforts et malgré les promesses faites par le régime syrien de détruire tous ses stocks, ces actes barbares impliquant des produits chimiques continuent. L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) enquête actuellement sur quatre affaires au moins, de sorte que la prorogation décidée aujourd’hui est hélas nécessaire et permettra au Mécanisme conjoint d’enquête de poursuivre son travail essentiel qui est de déterminer qui sont les responsables de ces dernières attaques.

Il ne suffit pas de savoir, cependant, que des attaques chimiques se sont produites, et il ne suffit pas de savoir qui les a effectuées. Ce qu’il faut maintenant, c’est que justice soit faite – pour les habitants de Marea, pour les habitants de Talmenes, de Sarmin et de Qmenas –, et avec cette justice, la fin de l’impunité qui protège les auteurs de ces terribles attaques. L’OIAC et le Mécanisme conjoint d’enquête ont été clairs. Le moment est venu pour le Conseil de sécurité de prendre des mesures et d’assumer son rôle. L’utilisation continue de produits chimiques comme armes contrevient clairement aux normes et lois internationales et constitue une violation flagrante des nombreuses résolutions du Conseil. Si leur utilisation ne constitue pas une menace pour la paix et la sécurité internationales, je ne sais pas alors exactement quoi ferait peser une telle menace. Nous devons donc agir. Aujourd’hui, nous avons pris une première mesure très utile. Nous avons fait montre d’une unité de bon augure. Nous avons montré que nous pouvons avoir un objectif commun sur cette question. Utilisons cet élan au cours des semaines et des mois à venir pour faire en sorte que les responsables de l’utilisation de ces armes soient finalement traduits en justice.

M. Yelchenko (Ukraine) (parle en anglais) : Nous nous félicitons de l’adoption à l’unanimité de la résolution 2319 (2016), qui prolonge le mandat du Mécanisme conjoint d’enquête pour une période d’un an. L’Ukraine salue les efforts déployés par ledit Mécanisme pour s’acquitter de son mandat en se fondant sur les principes d’impartialité, d’objectivité et d’indépendance. Ses conclusions ont prouvé l’importance de disposer d’un tel mécanisme à l’avenir, car il existe encore de nombreux cas, dont certains ont eu lieu en 2016, qui devraient faire l’objet d’une enquête approfondie. Nous sommes également profondément préoccupés par les allégations continues de possession illégale, de déplacements de substances toxiques et d’intentions de les utiliser comme armes de guerre en Syrie.

Dans le même temps, la résolution prévoit des tâches supplémentaires pour le Mécanisme conjoint d’enquête à l’avenir, en particulier une enquête sur les activités illégales d’acteurs non étatiques. Nous pensons que ce changement d’orientation pour le Mécanisme ne conduira pas à négliger la partie principale de son mandat tel que définit par la résolution 2235 (2015). L’élimination de la menace de toute utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne est un élément essentiel pour créer des conditions propices à la désescalade des tensions sur le terrain, à la lutte contre l’extrémisme et à une solution politique durable de la crise dans un contexte plus large. La communauté internationale doit être pleinement confiante que la Syrie a abandonné irréversiblement son programme d’armes chimiques et que ceux qui ont arrangé et commis ces crimes horribles – l’utilisation d’armes chimiques comme armes de guerre – sont tenus responsables.

M. Gasso Matoses (Espagne) (parle en espagnol) : L’Espagne a appuyé aujourd’hui la prorogation du mandat du Mécanisme conjoint d’enquête puisqu’elle juge fondamental que celui-ci poursuive ses travaux et que, comme le Conseil de sécurité l’a décidé dans des résolutions antérieures, les responsables de l’utilisation des armes chimiques en Syrie soient tenus responsables.

Le travail du Mécanisme n’est pas encore terminé et la réalité à laquelle nous sommes confrontés est troublante. De nouvelles allégations signalent l’utilisation d’armes chimiques, et le Mécanisme conjoint d’enquête a déjà démontré qu’il a un effet dissuasif que nous devons préserver. L’Espagne est particulièrement heureuse que la résolution 2319 (2016) que nous avons adoptée aujourd’hui renvoie à la coopération entre le Comité créé par la résolution 1540 (2004) et le Mécanisme conjoint d’enquête. C’est logique puisque le Comité 1540 (2004) est un organe subsidiaire du Conseil qui veille à ce que les acteurs non étatiques n’aient pas accès à des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou n’en utilisent pas.

De plus, j’espère que ce mécanisme sera doté de ressources suffisantes pour mener à bien le travail que nous lui avons confié. Je suis particulièrement reconnaissant des efforts déployés par la Mission des États-Unis et la Mission russe pour parvenir à un consensus au sein du Conseil à cette occasion. L’unité que le Conseil a une fois de plus manifestée sur cette question est un signe d’espoir sur lequel nous devons construire une réponse unie et solide au Conseil de sécurité, une réponse que les citoyens syriens attendent.

M. Akahori (Japon) (parle en anglais) : Le Japon se félicite de l’adoption unanime de la résolution 2319 (2016). Cette résolution est particulièrement importante étant donné qu’à notre plus grand regret de nouvelles allégations d’emploi d’armes chimiques en Syrie continuent de nous parvenir. C’est là un grave affront fait à la règle internationale interdisant les armes chimiques sont interdites. Nous devons résolument faire respecter cette règle. Et il est donc absolument primordial à cet égard de faire toute la lumière sur les allégations d’emploi d’armes chimiques en Syrie et que les responsables rendent des comptes.

Le Conseil de sécurité envoie un message fort et clair en renouvelant le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint chargé d’identifier les personnes responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Le Japon est prêt à coopérer de manière constructive pour permettre au Mécanisme de s’acquitter de sa mission encore plus efficacement.

M. Moustafa (Égypte) (parle en arabe) : L’Égypte se félicite de l’adoption unanime de la résolution 2319 (2016), qui renouvelle pour une période supplémentaire d’un an le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint. Nous rendons hommage au professionnalisme des dirigeants du Mécanisme.

Nous avons à plusieurs occasions insisté sur l’importance de maintenir un haut degré d’objectivité et d’impartialité dans le travail pour identifier toutes les personnes portant la responsabilité de l’emploi d’armes chimiques contre des civils innocents en Syrie. Cette objectivité et cette impartialité sont essentielles pour établir les faits et faire jaillir la vérité concernant tous ceux qui ont contribué à de tels crimes ces dernières années. Nous sommes attachés à ce travail parce que l’Égypte, à l’instar des différents pays du Moyen-Orient, est très préoccupée par le fait que des terroristes et des acteurs non étatiques bénéficiant d’un soutien de l’étranger ont de plus en plus la capacité de fabriquer et d’utiliser des armes chimiques.

Ce qui nous inquiète tout particulièrement ce sont les acteurs présents en Syrie mais que le Conseil de sécurité n’a pas classés parmi les groupes terroristes actifs sur le territoire syrien en dépit de leurs antécédents terroristes bien connus et des crimes odieux qu’ils ont commis à l’encontre du peuple syrien innocent. C’est pourquoi nous sommes favorables à un renforcement du rôle du Conseil de sécurité et du Mécanisme d’enquête conjoint pour ce qui est de lutter contre les agents non étatiques impliqués dans des activités ayant trait à l’emploi d’armes chimiques en Syrie, de sorte que le Conseil puisse trouver les moyens de neutraliser ces groupes et de les empêcher de mener d’autres activités liées aux armes chimiques à l’avenir.

Le fait que la résolution 2319 (2016) mette l’accent sur Daech et le Front el-Nosra ainsi que sur d’autres entités terroristes, dans le contexte de l’emploi d’armes chimiques en Syrie, peut être considéré comme un développement essentiel du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint.

Nous espérons que l’unité démontrée par le Conseil aujourd’hui avec l’adoption de la résolution 2319 (2016) permettra d’insuffler un nouvel élan en vue du règlement de la crise en Syrie sous tous ses aspects, militaire, politique et humanitaire, dans un avenir proche.

La séance est levée à 21 h 30.

Sources : S/RES/2319 (2016) et S/PV.7815