États-Unis d’Amérique, France et Royaume-Uni de Grande- Bretagne et d’Irlande du Nord : projet de résolution

Le Conseil de sécurité,

Rappelant le Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques et la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (CIAC), auxquels la République arabe syrienne a adhéré le 14 septembre 2013, ainsi que ses résolutions 1540 (2004), 2118 (2013), 2209 (2015), 2235 (2015), 2314 (2016) et 2319 (2016),

Horrifié par les informations faisant état de l’emploi, le 4 avril 2017, d’armes chimiques dans la région de Khan Cheïkhoun, dans le sud de la province d’Edleb, en République arabe syrienne, lequel a provoqué de lourdes pertes en vies humaines et fait de nombreux blessés, affirmant que l’emploi d’armes chimiques constitue une violation grave du droit international et soulignant que les personnes y ayant recouru, de quelque façon que ce soit, doivent répondre de leurs actes,

Notant que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a annoncé que sa Mission d’établissement des faits a entrepris, en parallè le de son enquête en cours, de recueillir des informations sur ces faits auprès de toutes les sources disponibles et de les analyser et qu’elle fera rapport sur ce point à son Conseil exécutif,

Rappelant que, dans sa résolution 2118 (2013), il a décidé que la République arabe syrienne devait s’abstenir d’employer, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir d’aucune manière, de stocker et de détenir des armes chimiques ou d’en transférer, directement ou indirectement, à d’autres États ou à des acteurs non étatiques et souligné qu’aucune des parties syriennes ne devait employer, mettre au point, fabriquer, acquérir, stocker, détenir ou transférer des armes chimiques,

Rappelant le rapport du Directeur général de l’OIAC (EC-82/DG18) en date du 6 juillet 2016, dans lequel il est indiqué que le Secrétariat technique de l’ Organisation n’est pas en mesure de remédier à toutes les lacunes, incohérences et contradictions relevées dans la déclaration de la Syrie et ne peut, par conséquent, pleinement vérifier que celle-ci a soumis une déclaration pouvant être considérée comme exacte et complète conformément à la CIAC ou à la décision EC -M-33/DEC.1 du Conseil exécutif en date du 27 décembre 2013 ou à sa propre rés olution 2118 (2013),

Rappelant qu’il considère que l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales,

1. Condamne avec la plus grande fermeté l’emploi qui aurait été fait d’armes chimiques en République arabe syrienne, en particulier l’attaque contre Khan Cheïkhoun signalée le 4 avril 2017, se déclare profondément indigné par le fait que les armes chimiques continuent de faire des morts et des blessés en République arabe syrienne et dit sa détermination à faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes ;

2. Exprime son plein appui à la Mission d’établissement des faits de l’OIAC, exige que toutes les parties permettent d’accéder sans délai et en toute sécurité à tout site jugé pertinent par la Mission et, le cas échéant, par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU eu égard aux faits signalés à Khan Cheïkhoun, y compris au site de l’incident signalé le 4 av ril, en application de la résolution 2118 (2013), et prie la Mission d’établissement des faits de communiquer les résultats de son enquête dès que possible ;

3. Prie le Secrétaire général de faire le né cessaire pour que le Mécanisme d’enquête conjoint travaille en étroite liaison avec la Mission d’établissement des faits pour enquêter rapidement sur tout fait au cours duquel la Mission juge que des produits chimiques ont été effectivement ou probablement utilisés comme armes, afin d’identifier les personnes impliquées, conformément aux dispositions énoncées au paragraphe 5 de sa résolution 2235 (2015) ;

4. Rappelle que, dans ses résolutions 2118 (2013) et 2235 (2015), il a décidé que la République arabe syrienne et toutes les parties en Syrie devaient apporter leur pleine coopération à l’OIAC, y compris à la Mission d’établissement des faits, et à l’Organisation des Nations Unies, y compris au Mécanisme d’enquête conjoint ;

5. Souligne que ce devoir impose à la République arabe syrienne de se conformer aux recommandations pertinentes de l ’OIAC et de l’ONU, y compris de la Mission d’établissement des faits et du Mécanisme d’enquête conjoint, en acceptant le personnel désigné par l’une ou l’autre de ces organisations, en prenant les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des activ ités de ce personnel et en donnant à celui-ci un accès immédiat et sans entrave à tous sites et le droit de les inspecter dans l’exercice de ses fonctions, et en donnant un accès immédiat et sans entrave aux personnes dont l’OIAC ou l’ONU, y compris le Méc anisme d’enquête conjoint, ont des motifs de croire qu’elles sont importantes pour l’exécution de son mandat, et précise que ce devoir impose à la République arabe syrienne de fournir au Mécanisme d’enquête conjoint et à la Mission d’établissement des fait s les éléments ci-après et de prendre les mesures suivantes :
a) Fournir les plans de vol, journaux de bord et autres informations concernant les opérations aériennes, y compris tous ceux déposés le 4 avril 2017 ;
b) Communiquer l’identité de toute perso nne au commandement d’un aéronef ;
c) Organiser des réunions, notamment avec des généraux ou d’autres officiers, dans les cinq jours suivant la date à laquelle la demande en est faite ;
d) Fournir immédiatement l’accès aux bases aériennes depuis lesquelles le Mécanisme d’enquête conjoint ou la Mission d’établissement des faits estime qu’une attaque comportant l’emploi d’armes chimiques aurait pu être lancée ;

6. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport tous les 30 jours, conformément au paragraphe 12 de la résolution 2118 (2013), sur la question de savoir si les informations et l’accès mentionnés au paragrap he 5 ont été fournis ;

7. Réaffirme la décision qu’il a prise d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en réponse aux violations de la résolution 2118 (2013).

8. Décide de rester activement saisi de la question.

Débat du Conseil de sécurité

La séance est ouverte à 15 h 15.

La Présidente, Nikki Haley (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de la République arabe syrienne à participer à la présente séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Les membres du Conseil sont saisis du document S/2017/315, qui contient le texte d’un projet de résolution déposé par les États-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration avant le vote.

M. Rycroft (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Le Royaume-Uni a l’honneur de présenter, au nom des autres rédacteurs – les États-Unis et la France – un projet de résolution condamnant les événements survenus le 4 avril dans la région de Khan Cheïkhoun dans le sud de la province d’Edleb en République arabe syrienne. Les événements survenus à Khan Cheïkhoun figurent parmi les pires actes commis par l’humanité. Ces huit derniers jours, ces événements ont été en tête des préoccupations de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité se doit d’agir face aux événements survenus ce jour-là et aux souffrances endurées par les victimes,.

En définissant la voie à suivre, nous devons nous rappeler de la décision du Conseil en 2013, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et de nombreuses résolutions adoptées depuis lors, concernant le retrait et la destruction de toutes les armes chimiques en Syrie et nos accords ultérieurs selon lesquels toutes allégations crédibles relatives à l’emploi d’armes chimiques qui seraient faites à l’avenir devront donner lieu à une enquête. Nous devons également nous rappeler de la décision du Conseil selon laquelle ceux qui recourent à l’emploi d’armes chimiques doivent répondre de leurs actes. C’est sur la base de ces décisions que nous présentons le projet de résolution d’aujourd’hui.

Notre texte condamne les événements survenus le 4 avril dans la province d’Edleb. Il exprime son plein appui à la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, déjà chargés d’enquêter sur cet incident et d’autres faits similaires, souligne la nécessité de donner un accès sans entrave aux enquêteurs à tous les sites pertinents et rappelle que toutes les parties en Syrie doivent apporter leur pleine coopération à cet égard. Nous estimons que c’est le moins que l’on puisse attendre du Conseil comme réaction. Nous remercions tous les membres du Conseil qui ont contribué à l’élaboration de ce projet de résolution durant la semaine écoulée. Nous remercions les États-Unis qui, en sa qualité de Président du Conseil, va mettre ce texte aux voix, et nous exhortons tous les membres du Conseil à voter pour le projet de résolution.

M. Safronkov (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je voudrais informer les membres du Conseil de sécurité que lors des discussions tenues aujourd’hui à Moscou entre le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Monsieur Lavrov, et le Secrétaire d’État des États-Unis, M. Tillerson, nous avons proposé à la partie américaine d’envoyer une déclaration conjointe à M. Üzümcü, Directeur général du Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), lui demandant de dépêcher une mission internationale indépendante à Khan Cheïkhoun, où des agents chimiques auraient été utilisés, et à la base aérienne de Shayrat. Le Secrétaire d’État des États-Unis est en train d’examiner cette proposition, et nous nous attendons à ce que Washington y réagisse de manière constructive, compte tenu de la situation actuelle.

Compte tenu de ces considérations et du fait que le Conseil exécutif de l’OIAC doit se réunir à La Haye demain, le 13 avril, et qu’il abordera toutes ces questions, nous estimons qu’il ne sert à rien de mettre ce projet de résolution aux voix aujourd’hui. De notre point de vue, la formulation de ce projet de résolution n’est pas judicieuse.

La Présidente (parle en anglais) : Le Conseil de sécurité est prêt à voter sur le projet de résolution dont il est saisi. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.

Il est procédé au vote à main levée.

Votent pour :

Égypte, France, Italie, Japon, Sénégal, Suède, Ukraine, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique, Uruguay

Votent contre :

Bolivie (État Plurinational de), Fédération de Russie

S’abstiennent :

Chine, Éthiopie, Kazakhstan

La Présidente (parle en anglais) : Le résultat du vote est le suivant : 10 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions. Le projet de résolution n’est pas adopté en raison du vote négatif d’un membre permanent du Conseil.

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.

M. Rycroft (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Le conflit qui ravage la Syrie dure depuis plus de six ans. Pour la population syrienne, cela doit sembler une éternité. Dans cette salle, nous n’avons que de rares occasions d’agir, de rares occasions de lui montrer que l’espoir n’est pas mort et que le monde peut s’unir pour condamner les crimes de guerre. Une occasion s’est présentée aujourd’hui. Ce qui s’est passé à Khan Cheïkhoun la semaine dernière était le pire des agissements humains. Les analyses que les chercheurs du Royaume-Uni ont désormais réalisées sur les échantillons prélevés à Khan Cheïkhoun ont révélé la présence de sarin, ou d’une substance semblable au sarin – un agent neurotoxique. Nous sommes donc d’accord avec les conclusions des États-Unis : il est fort probable que le régime soit responsable d’une attaque au sarin sur Khan Cheïkhoun.

Nous prenons acte de la nécessité d’une enquête minutieuse, rapide et indépendante. Cet après-midi, le Ministre russe des affaires étrangères a lui aussi appelé à l’ouverture d’une enquête. Pourtant, la Russie vient de mettre son veto à un projet de résolution qui appuierait une telle enquête. Les messages qu’elle envoie sont contradictoires, et ses objectifs sont confus. La Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en République arabe syrienne et le peuple syrien ont besoin de notre appui politique, et, nous, au Conseil de sécurité, aurions dû pouvoir le leur apporter. Le Royaume-Uni continuera de fournir cet appui et, indépendamment du vote d’aujourd’hui, les activités de l’OIAC se poursuivront.

De nouveau, nous nous sommes heurtés à un veto russe ; c’est la huitième fois que la Russie utilise son droit de veto pour protéger le régime syrien. C’est d’autant plus regrettable que la Russie était l’architecte de l’accord de 2013 visant le démantèlement du programme d’armes chimiques de la Syrie, initiative qui a manifestement échoué. Assurément, la Russie ne peut désormais plus prétendre être opposée à l’utilisation d’armes chimiques. La Russie a vu les mêmes images que nous avons tous vues il y a quelques jours dans cette salle. Comment, après avoir vu le visage d’enfants sans vie, peut-on décider de mettre son veto à un projet de résolution condamnant ces meurtres ?

Il est injustifiable que la Russie ait préféré protéger les auteurs de ces attaques plutôt que d’œuvrer avec le reste de la communauté internationale à les condamner. Lorsque ces images et vidéos ont été diffusées sur les écrans du monde entier, mon équipe a reçu le message d’une autre enfant – Bana Alabed, petite Syrienne de 7 ans originaire d’Alep, qui, avec l’aide de sa mère, a utilisé Twitter pour donner au monde une fenêtre sur le conflit. Le message qu’elle nous a envoyé était simple. Elle nous disait que nous pouvions influer sur le cours des choses. Nous devons exiger que justice soit faite pour les enfants. Cette petite fille n’a que sa voix, mais une voix qui fait à écho aux vues de millions de Syriens. Il faut exiger que justice soit faite pour les enfants.

La vérité déchirante est que la prière d’une petite fille ne sera pas entendue dans cette salle. Pas aujourd’hui. Mais indépendamment du veto d’aujourd’hui, une chose est sûre : nous obligerons le régime à répondre de ses actes. Nous continuerons d’œuvrer avec nos partenaires internationaux afin de mettre un terme à toute utilisation d’armes chimiques et de faire en sorte que justice soit faite pour toutes les victimes de ces odieuses attaques chimiques. Nous allons nous réunir demain à l’OIAC, à La Haye, pour discuter de la meilleure manière d’appuyer une enquête internationale crédible qui établisse les responsabilités et permette par la suite d’obliger les coupables à rendre des comptes.

La catastrophe en Syrie ne doit pas être une fatalité. Hier, les Ministres des affaires étrangères du Groupe des Sept (G7) et des principaux pays de la région se sont réunis en Italie pour déterminer comment repartir vers l’avant après la tragédie de la semaine dernière. Ils ont accordé un appui solide à la visite à Moscou, aujourd’hui, du Secrétaire d’État des États-Unis, M. Tillerson, où il doit discuter de la manière dont la Russie peut collaborer avec la communauté internationale pour mettre fin à la tragédie de la guerre en Syrie. La Russie a sur le régime une influence susceptible de le pousser à mettre un terme à son utilisation d’armes chimiques et de barils d’explosifs, et de conduire à un véritable cessez-le-feu, qui pourrait à son tour aboutir à la reprise de négociations politiques sérieuses autour de la transition. Les Ministres des affaires étrangères ont indiqué que si la Russie prenait ces mesures, la communauté internationale serait prête à collaborer avec elle pour rétablir la paix en Syrie, venir à bout de Daech et du terrorisme et reconstruire la Syrie. Tel est le choix qui s’offre à Moscou. Le monde attend désormais de savoir si la Russie donnera suite au G7 et assumera les responsabilités qui lui incombent en tant que membre permanent du Conseil de sécurité d’aider à faire en sorte que le régime d’Assad cesse d’utiliser des armes chimiques et de collaborer avec la communauté internationale pour mettre fin à cette tragédie.

M. Delattre (France) : La France est atterrée par le résultat de ce vote. Nous regrettons profondément cette incapacité, du fait d’un nouveau veto russe, à nous accorder sur un texte simple et équilibré, pour condamner et chercher à faire la lumière sur ce qu’il s’est passé à Khan Cheïkhoun. Nous avions pourtant pris soin d’engager de bonne foi des discussions sur ce projet. Nous échouons, une fois de plus, à être à la hauteur des responsabilités que nous avons nous-mêmes édictées et des valeurs fondamentales que nous sommes censés porter et faire respecter. Près de quatre ans après le massacre de la Ghouta en août 2013, quelle terrible régression pour le Conseil.

L’attaque de Khan Cheïkhoun apparaît comme l’ultime exemple de la duplicité abjecte d’un régime jusqu’au-boutiste. Une fois encore, tout pointe, en effet, vers la responsabilité évidente du régime de Damas. Par cette attaque, le régime syrien a franchi un nouveau seuil dans l’horreur, au mépris des normes les plus fondamentales et des principes les plus élémentaires d’humanité, qu’il n’a, nous le savons, jamais cessé de bafouer. La France l’a toujours dit, non par idéologie mais parce que c’est l’évidence : le Moyen-Orient ne connaîtra pas la paix et la sécurité tant que sera maintenu au pouvoir un régime qui se rend coupable de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, pour assurer son maintien au pouvoir ; un régime qui massacre sa population en prétextant la lutte contre le terrorisme, tout en continuant à souffler sur les braises de Daech.

À la suite de l’attaque du 4 avril, une installation militaire du régime syrien utilisée pour des bombardements chimiques a été détruite par des frappes américaines. Cette opération américaine a constitué une réponse légitime face à un crime de masse qui ne pouvait rester impuni. Bashar Al-Assad, nous l’avons dit et répété, porte l’entière responsabilité de ce développement.

Le blocage, le 28 février, par la Russie du projet de résolution (S/2017/172) destiné à sanctionner les responsables des attaques chimiques commises depuis plusieurs années avait déjà constitué un dangereux signal d’impunité. Le massacre de Khan Cheïkhoun aurait dû renvoyer chacun à ses responsabilités. Pour ceux qui se disent attachés au régime de non-prolifération, à la lutte contre l’impunité, comment peut-on nier l’évidence ? Comment peut-on éluder de manière répétée, systématique, l’emploi barbare d’armes de destruction massive contre des innocents ? Rien ne peut justifier de fermer les yeux sur de telles atrocités, de différer et de détourner les responsabilités, et d’asséner des contre-vérités à la face du monde.

La France ne se résignera pas au constat d’impuissance qu’on veut nous imposer. Nous apportons notre plein soutien à la poursuite des activités des mécanismes de l’ONU et de l’OIAC, y compris pour faire la lumière sur les circonstances de cette attaque. L’équipe de l’OIAC chargée de l’enquête sur la déclaration initiale syrienne doit également recevoir tout notre soutien. Notre objectif reste plus que jamais le démantèlement du programme chimique syrien.

La France ne se résoudra pas à l’impunité des responsables des atrocités commises en Syrie. Nous poursuivrons ces efforts pour que tôt ou tard ces derniers – les responsables – répondent de leurs crimes. La France s’emploiera aussi à renforcer le régime de non-prolifération, vital pour notre sécurité collectif, que le Conseil a jusqu’ici toujours veillé à sanctuariser.

C’est précisément ce type de situation que vise l’initiative engagée par la France, aux côtés du Mexique, sur la limitation de l’usage du veto en cas d’atrocités de masse et qui se trouve, on le voit bien, au cœur de l’actualité et de nos préoccupations.

Cette tragédie nous rappelle enfin que seule une véritable transition politique permettra de garantir la paix et la sécurité du peuple syrien et le retour à la stabilité du Moyen-Orient. Nous ne pouvons plus attendre et permettre que d’autres crimes viennent s’ajouter à la liste des exactions commises par le régime syrien, sur lequel plus personne, pas même ses plus proches soutiens, n’a de prise aujourd’hui.

Nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Nous le devons aux victimes de l’horreur chimique et, plus largement, à toutes les victimes de la tragédie syrienne. Dans ce contexte et malgré le nouveau blocage d’aujourd’hui, la France appelle solennellement les membres du Conseil de sécurité à se rassembler par-delà les divisions politiques, par-delà les intérêts nationaux, pour rétablir la prohibition complète de l’usage d’armes chimiques et pour soutenir la mise en œuvre urgente d’une transition politique, conforme à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe).

Sachons nous montrer à la hauteur de nos responsabilités devant l’histoire.

M. Aboulatta (Égypte) (parle en arabe) : L’Égypte a appuyé le projet de résolution (S/2017/315) déposé par le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, car nous sommes convaincus que le Conseil de sécurité se doit d’assumer ses responsabilités dans les crimes qui sont perpétrés contre le peuple syrien, surtout que nos frères syriens ont été à plusieurs reprises victimes de l’arme chimique. Je voudrais répéter aujourd’hui ce que j’ai déjà dit, à savoir qu’il nous est difficile de penser que ces crimes puissent rester impunis et qu’il ne fassent pas l’objet d’une enquête approfondie et juste.

Nous avons appuyé et nous continuerons d’appuyer l’application du principe de responsabilité à tous ceux qui sont jugés coupables de tels crimes inhumains, quelle qu’en soit la motivation, notamment par le biais du Conseil de sécurité et sur la base de la pratique et des règles établies, l’objectif étant d’établir les faits et de réunir les preuves au moyen des mécanismes internationaux créés par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. C’est pourquoi je voudrais dire que je regrette vivement que le Conseil n’ait pu adopter ce projet de résolution pour envoyer ainsi un message d’appui aux enquêtes internationales, nécessaires pour faire la lumière sur les faits douloureux survenus à Khan Cheïkhoun.

Je voudrais aussi insister pour dire que la non-adoption du projet de résolution ne doit aucunement affecter le travail que font la Mission d’établissement des faits et le Mécanisme d’enquête conjoint sur la base de mandats clairs accordés par des résolutions du Conseil. J’invite à cet égard toutes les parties internationales, régionales et syriennes à coopérer pleinement, aux fins de la justice, avec les deux instruments internationaux, conformément aux résolutions 2235 (2015) et 2218 (2016). Nous le devons tous au peuple syrien frère qui continue de faire les frais de la forte polarisation au Conseil.

M. Cardi (Italie) (parle en arabe) : L’Italie avait espéré que l’unité du Conseil prévaudrait aux fins d’une action diligente suite aux dernières horreurs commises dans le conflit syrien.

En tant que membre élu du Conseil de sécurité, nous estimons qu’il nous incombe tout particulièrement d’être à la hauteur des attentes placées en nous par les Membres de l’ONU, qui nous ont confié la responsabilité d’aider au maintien de la paix et de la sécurité internationales, responsabilité qu’aujourd’hui nous n’avons pas pu assumer.

Nous avons voté pour le projet de résolution (S/2017/315) pour, d’abord, réitérer notre condamnation dans les termes les plus forts de l’utilisation d’armes chimiques quels qu’en soient les auteurs, le lieu et les circonstances, et, ensuite, notre appui à l’ouverture d’une enquête complète sur les faits survenus à Khan Cheïkhoun par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et, le cas échéant, par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU. Nous demandons au Gouvernement syrien et à toutes les parties de coopérer pleinement avec l’OIAC et avec les Nations Unies pour permettre une prompte conclusion de l’enquête sur cet incident haineux.

Troisièmement, il faut lutter contre l’impunité. Tant que personne ne rend compte et ne paye pour ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité, l’incitation à continuer de les commettre demeurera.

Nous mettrons tout en œuvre pour veiller à ce que même en l’absence d’une résolution spécifique du Conseil de sécurité, les mécanismes en place s’attachent dès que possible à établir les faits et les responsabilités liés à l’attaque de Khan Cheïkhoun.

Il est profondément préoccupant que le droit international humanitaire et l’architecture internationale de non-prolifération continuent d’être violés de façon flagrante. Le respect de ces normes, notamment de la résolution 2128 (2013), et de la Convention sur les armes chimiques, qui est la pierre d’angle du régime international de non-prolifération, devrait être une priorité partagée, une priorité qui nous unit au lieu de nous diviser.

Les défis posés par la crise syrienne requièrent une cohésion et une coopération fortes de la part de la communauté internationale. C’est pourquoi nous n’avons d’autre choix que d’échanger et d’essayer de trouver une solution. L’Italie reste déterminée à travailler avec les autres membres du Conseil et avec d’autres membres de la communauté internationale pour ce faire.

Comme je l’ai dit ce matin, la communauté internationale se doit de mettre fin aux terribles souffrances de la population civile syrienne par le biais d’une solution politique, de ramener la paix dans ce pays et d’y faire revivre l’espoir dans l’avenir.

M. Bessho (Japon) (parle en anglais) : Le Japon a voté pour le projet de résolution (S/2017/315) proposé par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.

L’utilisation présumée d’armes chimiques à Khan Cheïkhoun est un affront fait à l’humanité et une violation flagrante des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Compte tenu de la gravité de la situation, il est extrêmement important que le Conseil exprime sa détermination à régler ce problème.

Nous regrettons sincèrement d’avoir assisté à une nouvelle manifestation de division au sein du Conseil en dépit de la nécessité évidente de donner suite à cet incident. Ce qui vient de se passer ne change rien et ne doit rien changer à la détermination du Conseil à cet égard. Nous devons rapidement déterminer si des armes chimiques ont bien été utilisées, identifier les responsables et les amener à répondre de leurs actes. Le Japon se félicite de l’ouverture d’une enquête par la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en République arabe syrienne et exhorte cette dernière à communiquer ses conclusions dès que possible.

Le Gouvernement syrien et toutes les parties syriennes ont l’obligation, en vertu des résolutions 2118 (2013) et 2235 (2015), de coopérer pleinement avec l’OIAC et l’ONU, notamment le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU. Pour apporter des réponses aux allégations incessantes concernant l’emploi d’armes chimiques en Syrie, le Japon estime qu’il est de plus en plus important de renforcer la coordination entre la Mission d’établissement des faits, le Mécanisme d’enquête conjoint et le Conseil afin que celui-ci puisse réagir plus promptement aux allégations concernant l’emploi d’armes chimiques.

M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : La Chine est profondément préoccupée par l’emploi d’armes chimiques en Syrie et s’oppose énergiquement à l’emploi d’armes chimiques par n’importe quel pays, groupe ou individu. La Chine est consciente que le Gouvernement syrien a écrit au Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour demander à cette organisation d’envoyer une mission d’enquête à Khan Cheïkhoun et sur la base aérienne de Shayrat afin de mener une enquête. La Chine est favorable à ce que l’OIAC et l’ONU mènent une enquête approfondie, objective et impartiale sur les affaires pertinentes afin de parvenir à une conclusion fondée sur des preuves solides qui résiste à l’épreuve du temps et soit étayé par des faits, ce qui permettra de traduire en justice les auteurs de l’attaque et les autres parties responsables.

Il est crucial de préserver l’unité du Conseil de sécurité pour trouver une solution à la question syrienne. Nous espérons depuis longtemps que le Conseil de sécurité finira par s’exprimer d’une seule voix sur la question des armes chimiques en Syrie. Nous avons travaillé avec acharnement pour rédiger un projet de résolution qui recevrait l’appui de tous les membres du Conseil. La Chine félicite sincèrement les membres élus du Conseil des nombreux efforts qu’ils ont déployés pour tenter de dégager un consensus entre les membres du Conseil. Nous regrettons amèrement qu’il n’ait pas été possible de parvenir à un consensus sur ce projet de résolution. La tentative de forcer le passage d’un projet de résolution concernant lequel les membres du Conseil restaient profondément divisés ne pouvait que compromettre l’unité du Conseil et entraver les efforts visant à trouver une solution politique.

Le projet de résolution sur lequel nous avons voté condamne l’emploi d’armes chimiques en Syrie et appelle à mener une enquête sur les faits, ce que la Chine approuve. Néanmoins, certains autres éléments du texte auraient pu être modifiés pour garantir un consensus. C’est pourquoi la Chine s’est abstenue dans le vote sur le projet de résolution.

Le conflit prolongé en Syrie a causé d’immenses pertes civiles. Un règlement politique reste le seul moyen de libérer le peuple syrien de sa souffrance. Le recours à la force militaire ne règle rien et ne fera qu’exacerber la souffrance du peuple syrien. La Chine appelle les parties concernées à maintenir le cap vers un règlement politique et à défendre le principe d’un processus pris en main et dirigé par les Syriens, à appuyer le rôle de l’ONU en tant que principale voie de médiation et à soutenir les efforts entrepris par l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura. Nous devons accentuer nos efforts pour réaliser les quatre objectifs parallèles, à savoir préserver le cessez-le-feu, œuvrer à un règlement politique, coordonner la lutte contre le terrorisme et fournir une aide humanitaire pour faciliter la recherche par toutes les parties d’une solution acceptable pour tous dans le cadre des pourparlers de Genève.

La Chine espère que la communauté internationale travaillera de concert pour jouer un rôle constructif dans la recherche d’une solution globale, impartiale et appropriée à la question syrienne sans plus tarder.

M. Safronkov (Fédération de Russie) (parle en russe) : La Fédération de Russie a voté contre le projet de résolution (S/2017/315) sur l’incident impliquant l’utilisation d’armes chimiques survenu à Khan Cheïkhoun le 4 avril. Ce résultat était prévisible car nous n’avons eu de cesse d’exprimer notre profond désaccord avec la nature déformée de ce document, qui, au fil des événements et des consultations, n’a pas connu la moindre modification. Les préoccupations et priorités de la Russie n’ont pas été prises en considération et elles ont été mises de côté sous faux prétextes. Le problème principal était que le projet de résolution rédigé par la troïka désignait la partie coupable avant qu’ait été menée une enquête indépendante et objective. Cette approche est incompatible avec les normes juridiques. Ces membres étaient au courant de nos préoccupations, mais ils ont une fois de plus mis aux voix leur projet de résolution unilatéral, qui était par conséquent voué à l’échec. Est-ce devenu un sport national de porter volontairement atteinte à l’unité du Conseil de sécurité ?

La frappe qui a visé la base aérienne syrienne, effectuée avant même que soit menée une enquête internationale, constitue une violation du droit international et n’a pas reçu l’aval du Conseil de sécurité. Voter pour le projet de résolution de la troïka occidentale reviendrait à reconnaître la légitimité de ces actes illégaux, ce qui est absolument inacceptable du point de vue du droit international et du sens commun. Si nos partenaires pensent qu’il est nécessaire d’adopter une résolution générique sur les armes chimiques en Syrie, nous devons nous asseoir ensemble à la table des négociations et nous mettre d’accord sur un document global, qui contiendra naturellement nos évaluations, étayées par des faits, concernant l’utilisation d’armes chimiques par des terroristes. En d’autres termes, nous devons procéder en prenant en compte nos préoccupations et nos intérêts mutuels.

Si l’objectif de nos partenaires occidentaux dans le projet de résolution était de réagir spécifiquement aux événements de Khan Cheïkhoun, au lieu d’adopter une position partiale anti-syrienne, ils auraient dû faire en sorte que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) puisse s’acquitter de son mandat en menant une enquête impartiale. C’est précisément ce qui sépare les projets de résolution occidental et russe. La troïka parle de l’enquête en des termes très peu clairs, en faisant une mention routinière et mettant l’accent sur le fait que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC en République arabe syrienne choisira, à sa discrétion, les endroits qu’elle souhaite visiter. À ce propos, la question se pose de savoir si elle souhaite procéder de cette manière.

Le document russe contient un mandat clair à ce sujet de façon à ne laisser planer aucun doute sur le fait que toutes les ressources et tous les moyens disponibles ont été mobilisés pour parvenir à ces conclusions et, plus important encore, qu’une visite a été effectuée sur le site où s’est produit l’incident. Nous insistons également sur le fait que le personnel de la mission doit être sélectionné sur la base du principe d’une large diversité géographique. Les résultats de l’enquête doivent être fiables.

Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que depuis que nous avons appris la nouvelle de l’emploi présumé d’armes chimiques à Khan Cheïkhoun il y a huit jours, aucune mesure concrète n’a été prise pour enquêter sur cet incident par l’intermédiaire des entités internationales compétentes. Comme d’habitude, la Mission d’établissement des faits de l’OIAC semble être partie pour travailler de loin, sans se rendre sur les sites où se sont produits les incidents. Nous estimons que cela s’apparente à un simulacre d’action, qui ne fait que discréditer l’OIAC.

Après ce qui s’est passé, nous allons devoir surveiller de beaucoup plus près ce que font l’OIAC et la Mission d’établissement des faits. Nous sommes convaincus de la nécessité de procéder à une enquête complète et immédiate.

Les possibilités d’une telle enquête n’ont pas été épuisées. Cependant, si nous voulons mener, une équipe internationale de spécialistes hautement qualifiés doit se rendre dès que possible dans la région de Khan Cheïkhoun et sur la base aérienne d’Al-Shayrat qui a été frappée par des missiles. À notre avis, cette visite à Khan Cheïkhoun doit avoir pour but de déterminer si oui ou non des armes chimiques ont été utilisées et, le cas échéant, dans quelles circonstances et qui en est responsable. Une visite de la base aérienne d’Al-Shayrat est également nécessaire, car c’est ainsi que nous pourrons déterminer si oui ou non les substances toxiques qui auraient été utilisées lors du bombardement de Khan Cheïkhoun avaient été entreposées à Al-Shayrat.

Nous soulignons le fait que, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2118 (2013), toutes les parties en Syrie doivent accorder aux inspecteurs internationaux un accès libre et sans entrave aux zones où auraient été utilisées des armes chimiques. Damas s’est montré ouvert et prêt à coopérer dans sa déclaration de position sur ce point. Le 11 avril, les autorités syriennes ont adressé une demande officielle au Directeur général du Secrétariat technique de l’OIAC, M. Üzümcü, l’invitant à dépêcher une mission à Khan Cheïkhoun et à Al-Shayrat. Nous devons tirer parti de cette initiative des autorités syriennes, au lieu de faire ce que nous avons fait après les attaques à l’arme chimique dans la Ghouta orientale et à Khan el-Assal, quand on a fini par avoir peur de diligenter une enquête. Il y a eu toutes sortes de provocations à cette époque, et nous en sommes presque arrivés au point où certains membres permanents du Conseil de sécurité étaient à deux doigts de lancer une attaque armée contre le territoire syrien. Fort heureusement, la raison a prévalu.

À l’instar des autorités syriennes, le coordonnateur général du Haut Comité des négociations de l’opposition, M. Hijab, a adressé une lettre à l’ONU dans laquelle il demande qu’une enquête soit ouverte à Khan Cheïkhoun, et s’est déclaré prêt à y collaborer, ce qui, pour nous, signifie fournir un accès sûr au site où aurait eu lieu l’emploi d’armes chimiques. En d’autres termes, nous nous retrouvons dans une situation extraordinaire dans laquelle les dirigeants de Damas et l’opposition demandent tous deux une enquête indépendante, tandis que l’OIAC reste les bras croisés, pour des raisons que l’on ignore.

Mais pour parler de manière professionnelle, si nous voulons qu’une enquête sur les événements de Khan Cheïkhoun puisse être menée par les autorités internationales compétentes, et par cela, nous entendons d’abord et avant tout l’OIAC, il n’est nul besoin d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité. C’est ce qu’a dit le Représentant permanent du Royaume-Uni la semaine dernière, sauf qu’il a donné un sens différent à ces mots. Il s’avère que pour lui une résolution était nécessaire afin de prédéterminer les résultats de l’enquête. Nous ne devons pas oublier le fait que notre pays a participé à la création d’un processus unique et sans précédent de démilitarisation chimique de la Syrie, qui – et cela a été reconnu par les organisations internationales faisant autorité – a été mené à bien.

Toutefois, certaines capitales continuent d’avoir une attitude anti-régime syrien. Nous avons très clairement l’impression qu’en réalité, les auteurs du projet de résolution ne veulent pas travailler avec leurs protégés qui se sentent très à l’aise dans la province d’Edleb. Ils ne veulent pas s’acquitter de leur responsabilité de faire en sorte que des spécialistes internationaux puissent y accéder en toute sécurité et sans entraves. Une fois encore, je voudrais répéter qu’ils craignent une enquête impartiale qui pourrait révéler l’existence d’un système élaboré de manipulation des armes chimiques dans la région. Nous avons toutes les raisons de croire qu’après Khan Cheïkhoun, il pourrait y avoir d’autres provocations de la part d’extrémistes utilisant des substances toxiques.

Encore une fois, nous soulignons que des efforts collectifs doivent être faits aujourd’hui pour appuyer le processus de paix en utilisant les plates-formes d’Astana et de Genève, renforcer le régime de cessez-le-feu et lutter ensemble contre le terrorisme, en utilisant des normes communes. L’une des premières étapes ici doit être l’ouverture d’une enquête impartiale, objective et véritablement indépendante sur la tragédie de Khan Cheïkhoun, enquête qui comprendrait nécessairement une visite du lieu où s’est produit l’incident. Il faut mettre un terme aux enquêtes à distance. Nous attendons avec intérêt les décisions spécifiques qui seront publiées sur cette question le 13 avril, à l’issue de la réunion du Conseil exécutif de l’OIAC.

Une fois encore, je voudrais vous demander aux orateurs de ne pas insulter ni offenser la Russie dans leurs déclarations. Il y a certaines normes de courtoisie qui doivent être respectées.

M. Alemu (Éthiopie) (parle en anglais) : Depuis que nous siégeons au Conseil de sécurité, nous avons toujours souligné deux éléments concernant les décisions qui y sont prises relativement à la question des armes chimiques.

Premièrement, c’est l’unité du Conseil. La raison en est que l’alternative, à savoir la division au sein du Conseil, va à l’encontre de tout effort visant à garantir la cessation de l’utilisation des armes chimiques. C’est également incompatible avec un processus de paix.

Deuxièmement, une mesure très importante a été prise il y a seulement quelques semaines concernant le retrait des armes chimiques en Syrie. Ce fut une réalisation majeure, qui doit servir d’exemple indépendamment de tout doute qui subsiste aujourd’hui quant à l’efficacité réelle du processus. C’est pourquoi il est malheureux et regrettable que le Conseil n’ait pas été en mesure de réagir à l’annonce de l’utilisation d’armes chimiques dans la province d’Edleb, le 4 avril.

Nous ne pensons pas vraiment qu’il aurait été difficile de parvenir à un consensus sur un projet de résolution, parce que la résolution visait à demander une enquête approfondie pour établir les responsabilités sur la base des résultats d’un processus indépendant, professionnel et impartial. Il était certainement possible de parvenir au compromis nécessaire sur la question délicate qui inquiétait beaucoup d’entre nous. On aurait pu facilement résoudre le problème en utilisant les termes déjà convenus de résolutions antérieures. Ces termes étaient suffisamment fermes pour transmettre le message souhaité et faire en sorte que l’objectif soit atteint, à savoir, demander des comptes aux auteurs de ces actes. Nous, les 10 membres élus du Conseil, avons essayé d’œuvrer à cette fin. Nous remercions la Chine d’avoir bien voulu examiner les aspects positifs de cet effort.

Il ne fait aucun doute que toutes les parties ont l’obligation de coopérer avec la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, ce qui a été dit très clairement dans le passé. Il aurait été très facile d’utiliser les termes que j’ai mentionnés tout à l’heure pour parvenir au consensus nécessaire, parce que personne au sein du Conseil ne s’oppose à l’idée maîtresse du projet de résolution qui est d’appeler à une enquête. C’est ce que l’ensemble des membres de l’ONU et le reste du monde attendaient du Conseil de sécurité aujourd’hui. Ils sont, à n’en pas douter, profondément déçus que nous n’ayons pas été en mesure d’envoyer le message qu’il fallait.

Comme nous l’avons dit clairement la semaine dernière, nous étions tout à fait disposés à examiner le projet de résolution favorablement, car il demande simplement que soit diligentée une enquête sur un incident qui pourrait constituer une violation grave du droit international. Nous espérions que le paragraphe du projet de résolution qui suscitait chez nous et d’autres membres du Conseil quelques préoccupations serait traité dans le cadre de consultations. Il est vraiment regrettable que le Conseil n’ait pas été en mesure de parvenir à un consensus et n’ait pas saisi l’occasion qui lui était présentée d’envoyer au monde un message puissant et unifié au sujet de l’utilisation des armes chimiques, qui représentent un affront à l’humanité toute entière.

M. Skoog (Suède) (parle en anglais) : La Suède a exprimé à plusieurs reprises son indignation face aux attaques chimiques odieuses et inacceptables qui ont été signalées à Khan Cheïkhoun. L’emploi d’armes chimiques n’est pas seulement une violation flagrante du droit international, c’est aussi une menace pour la paix et la sécurité internationales. En tant que membres du Conseil de sécurité, nous avons la responsabilité d’agir. Ce ne devrait pas être un sujet qui nous divise. C’est la mission fondamentale du Conseil de sécurité.

En tant que membre élu, la Suède a travaillé sans relâche pour permettre l’adoption d’urgence d’une résolution forte condamnant l’attaque signalée, appuyant une enquête rapide et approfondie et demandant des comptes aux coupables. Tous les efforts en ce sens ont été déployés au cours des derniers jours. Le Conseil avait l’occasion de parler d’une seule voix contre l’emploi illégal d’armes chimiques. L’unité au Conseil aurait renforcé les enquêtes en cours et clairement signifié notre rejet des armes chimiques. Nous sommes donc profondément déçus qu’il n’ait pas été possible de trouver une telle unité sur un problème où tout le monde devrait être d’accord. Nous regrettons que le projet de résolution n’ait pas été adopté en raison d’un veto russe. Le Conseil doit s’unir pour que les responsables de cette attaque monstrueuse en répondent. Nous continuerons nos efforts à cet égard.

Nous espérons que les mécanismes en place garantiront une enquête rapide, complète et impartiale pour établir tous les faits. Nous exhortons toutes les parties et surtout le Gouvernement syrien à coopérer pleinement, conformément à la résolution 2118 (2013). Lorsque les rapports de la Mission d’établissement des faits en République arabe syrienne et du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations Unies sur l’attaque de Khan Cheïkhoun seront disponibles, le Conseil devra agir de manière unie en fonction des conclusions.

Comme cela a été dit ce matin, nous devons plus que jamais intensifier nos efforts pour redynamiser le processus politique mené sous l’égide de l’ONU, revitaliser le cessez-le-feu et garantir l’accès humanitaire. Le seul moyen de mettre fin à la souffrance en Syrie est l’instauration d’un processus politique de transition conforme à la résolution 2254 (2015).

M. Llorenty Solíz (État plurinational de Bolivie) (parle en espagnol) : Pour commencer, la Bolivie tient à réitérer sa ferme condamnation de l’emploi d’armes chimiques, qui est un acte criminel et injustifiable en toutes circonstances, quels qu’en soient les motifs, le lieu ou les auteurs.

La Bolivie tient également à insister sur l’impérieuse nécessité d’une enquête indépendante, impartiale, approfondie et concluante sur ce qui s’est passé il y a quelques jours en Syrie. Toutefois, la Bolivie a voté contre le projet de résolution parce qu’elle estime que le Conseil de sécurité ne doit pas être utilisé comme organe de diffusion de la propagande belliciste ou interventionniste. Je répète, le Conseil ne doit pas être un pion que l’on peut sacrifier sur l’échiquier de la guerre. Une fois encore, plusieurs membres du Conseil ont été exclus des négociations sur le projet de résolution qui a été mis aux voix aujourd’hui. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que certains projets de résolution sont présentés alors qu’ils ne recueillent pas le consensus et que l’on sait pertinemment qu’ils feront l’objet d’un veto de la part d’un membre permanent. Que veut-on obtenir en procédant de cette manière ?

Veut-on utiliser le projet de résolution en question pour influencer les discussions qui se déroulent en ce moment entre la Russie et les États-Unis à Moscou ? Se sert-on du Conseil de sécurité à cette fin ? Nous nous demandons si ceux qui présentent de tels projets de résolution pensent réellement à l’intérêt du peuple syrien ou plutôt à leurs propres intérêts politiques et militaires ? La Bolivie juge contradictoire d’utiliser les outils multilatéraux en mettant ainsi aux voix un projet de résolution du Conseil de sécurité après qu’une action unilatérale a été menée.

Nous allons mettre tous nos efforts à la disposition de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques en ce qui concerne l’enquête qui s’impose. Nous lançons de nouveau un appel à l’unité du Conseil, afin qu’il appuie le processus de paix en Syrie et garantisse l’accès humanitaire à toutes les victimes de ce terrible conflit, mais aussi pour qu’il s’acquitte de sa responsabilité au regard de la Charte des Nations Unies et de la communauté internationale.

M. Umarov (Kazakhstan) (parle en anglais) : Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de solution à la question de la Syrie autre que politique. Nous devons tous mettre tout en œuvre pour faire en sorte d’y parvenir. Mon pays est profondément préoccupé par le fait que des armes chimiques ont été employées dans la province d’Edleb début avril et nous condamnons énergiquement cet acte. Toutes les parties intéressées, y compris le Gouvernement de la République arabe syrienne, doivent garantir un accès sûr et sans entrave au Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’ONU afin qu’il puisse mener à bien son enquête de manière professionnelle, objective et équitable, conformément au mandat que lui a confié la résolution 2235 (2015).

Nous croyons fermement que le Conseil de sécurité, en tant que seul organe chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales, doit préserver son unité à un pareil moment. Les membres élus du Conseil de sécurité ont travaillé dur pour trouver un terrain d’entente et garantir une position unifiée et efficace sur la question. Nous sommes prêts à continuer de travailler avec les membres du Conseil sur un texte de compromis. Le monde ne veut pas que le Conseil soit marqué par les tensions et l’inefficacité. Au contraire, il veut qu’il adopte une position unifiée et concrète pour faire progresser les processus d’Astana et de Genève, le tout dans l’intérêt du peuple syrien.

Enfin, nous appelons toutes les parties à faire preuve de davantage de volonté politique et à s’unir par le dialogue et le compromis afin de trouver une solution politique à la crise en Syrie.

M. Seck (Sénégal) : La délégation sénégalaise voudrait réitérer, comme elle l’a fait ce matin (voir S/PV.7921) et deux fois la semaine dernière (voir S/PV.7915 et S/PV.7919), que rien ne peut justifier une atrocité telle que l’usage de produits chimiques comme armes contre des civils. État partie à la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, le Sénégal, par ma voix, avait condamné l’usage d’armes chimiques intervenu le 4 avril à Khan Cheïkhoun, dans le gouvernorat d’Edleb, condamnation ferme qu’il renouvelle aujourd’hui. Voilà pourquoi ma délégation a naturellement soutenu le projet de résolution qui vient de nous être soumis par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, en ce qu’il vise à contribuer à faire la vérité sur cette attaque, suivant une base objective, transparente et impartiale.

Le Secrétaire général avait demandé, et les membres du Conseil l’avaient suivi en cela, que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, via notamment la Mission d’établissement des faits, poursuive ses efforts pour rassembler et analyser, avec tout le professionnalisme requis, les informations auprès de toute source disponible, ce afin d’établir les responsabilités sur l’usage de ces armes chimiques et de permettre au Conseil de prendre les mesures qui s’imposent. Par-delà la nécessité de faire la lumière sur cet acte grave qui s’est produit la semaine dernière dans la province d’Edleb, le Sénégal voudrait renouveler son appel au retour à l’esprit de consensus qui avait prévalu lors de l’adoption des résolutions 2118 (2013) et 2235 (2015) du Conseil de sécurité et qui avaient valu des progrès tangibles dans la prise en charge du dossier de l’arsenal chimique syrien.

Je ne saurais terminer sans réitérer l’impératif d’une solution politique négociée sur la base du Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe) et de la résolution 2254 (2015), seuls à même de favoriser une issue favorable à ce conflit.

M. Rosselli (Uruguay) (parle en espagnol) : Il est un poncif qui veut que la première victime de la guerre c’est la vérité. Même si cela est vrai dans toutes les guerres, c’est certainement le cas s’agissant de cette guerre. Divers États et acteurs non étatiques sont impliqués. Apparemment, certains États ont été invités à participer à cette guerre, tandis que d’autres États n’ont pas été invités, mais estiment qu’ils ont tout le droit d’intervenir. Il y a des terroristes, déclarés et déguisés. Il y a des dizaines de groupes armés qui apparemment ont une cause à défendre. Certains revendiquent une affiliation religieuse. Bien entendu, cela complique tout, parce que si dans une guerre, certains pensent que Dieu est de leur côté, il sera difficile qu’ils déposent les armes sans être considérés comme des apostats ou des traîtres. Apparemment, au XXIe siècle, il y a des gens qui pensent encore que Dieu est au bout du fusil.

Nous avons voté pour ce projet de résolution parce que d’une part, il condamne avec la plus grande fermeté l’emploi persistant d’armes chimiques en Syrie, et d’autre part, il précise les éléments d’information nécessaires pour mener une enquête exhaustive, approfondie et indépendante.

Il faut établir la vérité. Un groupe de membres du Conseil s’est employé, tout au long de la semaine dernière et de cette semaine, à rapprocher les positions des uns et des autres, en vue de la conduite d’une enquête exhaustive et approfondie permettant d’établir la vérité. Malheureusement, certains ont campé sur leurs positions et cette solution s’est avérée impossible. Et une fois de plus, le Conseil de sécurité s’est engagé dans un processus similaire au roman de García Márquez, intitulé Chronique d’une mort annoncée.

Les privilèges qui distinguent les différents membres du Conseil font penser à une expression figurant dans le roman de George Orwell, intitulé « La Ferme des animaux », selon laquelle certains animaux sont plus égaux que d’autres. Ce déséquilibre légal mais illégitime, fait que de nombreux membres se trouvent dans une situation où ils sont obligés de choisir le moindre des deux maux parmi les options qui leur sont présentées.

Nous voudrions réitérer notre position et la position des 121 signataires du Code de conduite, à savoir que les membres qui ont le privilège d’avoir le droit de veto doivent s’abstenir d’y recourir en cas des crimes de guerre, comme c’est manifestement le cas s’agissant de l’attaque perpétrée récemment à Khan Cheïkhoun.

M. Yelchenko (Ukraine) (parle en anglais) : Après l’attaque ignoble à l’arme chimique perpétrée à Edleb en Syrie le 4 avril, nous avons tous eu plusieurs occasions d’exprimer nos positions sur la question à titre national. Aujourd’hui, l’Ukraine a voté pour le projet de résolution condamnant ce crime odieux et demandant que soit menée immédiatement une enquête approfondie. Tout emploi d’armes chimiques constitue une violation flagrante du droit international et un crime de guerre. Par conséquent, le Conseil de sécurité doit réagir rapidement et résolument face aux attaques persistantes à grande échelle, pour prévenir d’autres tentatives visant à commettre des crimes aussi odieux et pour éliminer la menace que représentent les armes chimiques dans la région. Tel n’a pas été le cas, et j’ai honte aujourd’hui, car cet organe ne s’est pas acquitté de sa mission. Une fois de plus, il a échoué alors que nous avons toujours sous les yeux des images d’enfants mourants, et à un moment où le monde s’attend à ce que le Conseil de sécurité réagisse après ce crime odieux. Ce vote était un test de la crédibilité du Conseil, et nous avons échoué. Les propos que nous venons d’entendre de la part de la délégation russe incarnent cet échec et symbolisent l’incapacité du Conseil à faire son devoir, même face aux crimes internationaux les plus choquants. L’incapacité continue du Conseil d’agir face à aux attaques chimiques en Syrie renforce l’impunité et envoie un signal aux auteurs de ces actes qu’ils peuvent tuer des gens et ne pas en subir les conséquences. Nous regrettons vivement qu’aujourd’hui, le Conseil ait laissé passer une autre chance de s’acquitter des responsabilités que lui confèrent la Charte des Nations Unies.

En dépit du résultat du vote, je félicite les délégations qui ont participé à l’élaboration du projet de résolution, appelant à une enquête approfondie et exhaustive sur cette tragédie. Nous nous félicitons de l’appui apporté par la majorité des membres du Conseil à cette position ferme en faveur de la défense et du rétablissement du respect de la justice et du droit international, malgré les tentatives de certaines délégations de dénaturer les faits.

La Présidente, Nikki Haley (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentante des États-Unis.

Abdel Hamid Al-Youssef a enterré ses bébés – des jumeaux de 9 mois – la semaine dernière. Selon ce que nous avons appris, chaque branche de la famille élargie d’Abdel a dû creuser toute une tranchée pour enterrer ses morts. Une famille, 22 victimes. Abdel tenait ses jumeaux dans les bras. Il a essayé d’être fort. Il a essayé de retenir ses larmes. Voici tout ce qu’Abdel a pu dire avant de déposer ses enfants dans leur dernière demeure : « dis au revoir bébé, dis au revoir ». Ces deux enfants font partie des plus jeunes victimes de l’attaque chimique ignoble et barbare perpétrée par le régime d’Assad.

Personne, où que ce soit dans le monde, ne devrait jamais connaître de telles souffrances. C’est pour cette raison que les États-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni et la France ont déposé le projet de résolution d’aujourd’hui. Cette une mesure visait à amener les auteurs de cette attaque chimique à répondre de leurs actes. Je remercie les membres qui ont appuyé cet effort. Toutefois, avec son veto, la Russie a dit « non » à l’application du principe de responsabilité. La Russie a dit « non » à la coopération avec l’enquête indépendante de l’ONU, et la Russie a dit « non » à un projet de résolution qui aurait contribué à promouvoir la paix en Syrie. Encore une fois, la Russie a choisi de prendre le parti d’Assad, au moment où le reste du monde – y compris le monde arabe – s’est exprimé d’une seule voix pour condamner ce régime meurtrier.

La Russie a déclaré que le projet de résolution était partial et que le régime d’Assad n’était pas impliqué. Le projet de résolution ne faisait qu’insister sur des informations que le régime est déjà tenu de fournir aux enquêteurs. À plusieurs reprises, le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations Unies nous a dit qu’Assad n’avait pas garanti l’accès nécessaire pour mener les enquêtes. Nous devons continuer d’appuyer le rôle du Mécanisme en vue de la poursuite des enquêtes sur ce qui s’est passé le 4 avril. Si le régime est innocent, comme le prétend la Russie, les informations requises au titre du projet de résolution l’auraient disculpé. Malheureusement, il s’agit du huitième veto que la Russie met à un projet de résolution concernant la Syrie. Les États-Unis ne se réjouissent pas de voir la Russie isolée à nouveau au sein du Conseil de sécurité. Nous voulons travailler avec la Russie pour faire avancer un processus politique en Syrie. Nous voulons que la Russie use de son influence sur le régime d’Assad pour mettre un terme à la folie et à la barbarie dont nous sommes témoins au quotidien sur place.

Le vote d’aujourd’hui aurait pu être un tournant décisif. Une fois de plus, le vote d’aujourd’hui aurait été l’occasion pour la Russie de comprendre que ce n’est pas dans son intérêt de s’associer avec un dictateur meurtrier, mais plutôt avec de nombreux pays de la communauté internationale, y compris ceux du Moyen-Orient dans son ensemble, qui veulent mettre fin au conflit.

Par sa faute, la Russie continuera d’être isolée. Nous demandons instamment à la Russie de s’associer aux nombreux pays qui œuvrent en faveur d’une solution politique. La communauté internationale a parlé. La Russie a maintenant beaucoup à prouver.

À Assad et au Gouvernement syrien, je dis qu’ils n’ont pas d’amis dans le monde après leurs actes ignobles. Les États-Unis suivent de très près leurs faits et gestes. L’époque de leur arrogance et de leur mépris de l’humanité est révolue. Leurs excuses ne seront plus entendues. Je leur conseille d’examiner attentivement le vote d’aujourd’hui et de prendre garde à nos avertissements.

Je reprends à présent mes fonctions de Présidente du Conseil.

Je donne la parole au représentant de la République arabe syrienne.

M. Ja’afari (République arabe syrienne) (parle en arabe) : Mon pays condamne et rejette avec la plus grande fermeté toute utilisation d’armes chimiques ou d’autres armes de destruction massive car il s’agit d’un crime contre l’humanité qui doit être dénoncé, en tant qu’il est immoral et injustifiable en toutes circonstances. La cible de ces armes, c’est le peuple syrien, qui demeure la principale victime des crimes commis par les groupes terroristes armés qui n’ont pas hésité à utiliser des armes chimiques contre lui. Je tiens à souligner à l’intention du Conseil de sécurité que mon pays est plus déterminé que jamais à démasquer les criminels qui sont réellement responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie.

C’est sur la base de ces principes solides que mon pays a adhéré à la Convention sur les armes chimiques (CIAC), qu’il s’est acquitté de tous ses engagements au titre de la Convention, et qu’il a enregistré des progrès sans précédent dans l’histoire de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en mettant fin au programme syrien d’armes chimiques en un temps record et de manière irréversible, comme en atteste la déclaration présentée par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU au Conseil de sécurité en juin 2014.

Comme je l’ai dit au Conseil ce matin (voir S/PV.7921), dans le contexte de la coopération transparente qu’il entretient avec l’OIAC, mon pays a envoyé hier au Directeur général de cette organisation une lettre lui demandant de dépêcher une mission neutre, objective et professionnelle à Khan Cheïkhoun et sur la base aérienne d’Al Shayrat, pour établir la vérité sur ce qui s’y est produit – de manière complète, transparente et objective. Mon pays, la Syrie, souligne qu’elle est disposée à permettre à cette mission d’accéder à la base aérienne d’Al Shayrat, afin de vérifier si du sarin y était ou y est stocké.

Pour ce qui est de la ville de Khan Cheïkhoun, je suis malheureusement contraint de confirmer que l’accès à cette ville doit être accordé par le groupe terroriste Front el-Nosra et les organisations terroristes qui lui sont associées et qui y sont actifs, via les gouvernements des États qui soutiennent, guident et dirigent cette organisation sur le terrain, au premier rang desquels figurent la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite et Israël.

Mon pays est la principale partie prenante désireuse de découvrir la vérité. Par principe, nous sommes favorables à toute mesure que le Conseil de sécurité prendrait pour parvenir à la vérité. Toutefois, nous sommes opposés aux projets de résolution qui contiennent un langage politique insidieux qui préjuge des résultats d’une enquête éventuelle et dont les enquêteurs accuseraient a priori le Gouvernement syrien, comme les représentants de la Grande-Bretagne et de la France l’ont fait ici tout à l’heure. Les trois États occidentaux du Conseil ont systématiquement incorporé une formulation analogue dans de précédents projets de résolution, de manière à pouvoir les utiliser à mauvais escient pour justifier l’ingérence de ces États dans les affaires intérieures d’autres pays et l’agression militaire à leur encontre, comme ce fut le cas en Libye et dans d’autres pays.

Si on lit le projet de résolution d’aujourd’hui (S/2017/315) avec attention, on constate que son véritable objectif n’est pas de découvrir la vérité mais de violer absolument la souveraineté syrienne et d’utiliser des informations qui auraient pu être recueillies, si le projet de résolution avait été adopté, pour aider les groupes terroristes armés soutenus par ces trois États et leurs supplétifs dans la région à prendre pour cible le personnel, les sites et les capacités de l’armée et du Gouvernement syriens, sous le prétexte de chercher « Godot le chimique », comme ce fut le cas en Iraq.

Si les parrains du projet de résolution d’aujourd’hui ne voient aucun intérêt dans les mécanismes disponibles à l’OIAC, pourquoi ne déposent-ils pas une autre projet de résolution pour mettre fin aux travaux menés par l’OIAC ? Ils pourraient, par exemple, vider ses archives et les garder dans des boites en métal qui ne seront pas ouvertes pendant 60 ans, comme ils l’ont fait avec les archives des commissions d’enquête chargées de chercher des armes de destruction massive en Iraq. Mon pays n’a pas utilisé des armes atomiques contre Hiroshima et Nagasaki. Mon pays n’a pas utilisé des armes chimiques et biologiques contre le Viet Nam. Mon pays n’a pas utilisé de l’uranium enrichi contre l’Iraq. Mon pays n’a jamais procédé à des essais d’armes atomiques contre des Algériens vivants, dans le Sahara algérien.

Le 31 mars, lors de nos entretiens à Genève, j’ai fourni à l’Envoyé spécial Staffan de Mistura les premiers rapports documentés signalant que des organisations terroristes armées dans le Rif-Damas, à Edleb et à Hama détiennent des matières chimiques toxiques pour les utiliser contre les civils. Je l’ai également averti que les faits étaient falsifiés et les éléments de preuve présentés et les accusations étaient fabriqués contre le Gouvernement syrien, comme précédemment. J’ai transmis ces informations à M. De Mistura cinq jours avant l’incident de Khan Cheïkhoun. Comme je l’ai dit au Conseil de sécurité ce matin, mon gouvernement a adressé aux organes compétents de l’ONU plus de 90 lettres, la dernière datant tout juste d’hier, transmettant des informations étayées sur le fait que des organisations terroristes, dirigées par Daech et le Front el-Nosra, détenaient des produits chimiques toxiques, y compris du sarin, qu’ils se sont procurés en Libye, en passant par le territoire turc, au vu et au su des autorités turques.

Les auteurs du projet de résolution d’aujourd’hui savent pertinemment que, depuis que mon pays a adhéré à la CIAC, les résolutions du Conseil de sécurité et de l’OIAC fournissent un cadre juridique international adapté et suffisant à cet égard. J’appelle le reste des États membres du Conseil de sécurité à recourir à la logique et à la raison, à rechercher des réponses claires aux questions que suscitent cet incident douloureux et les réactions des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France. Essayons de répondre aux questions suivantes.

Pourquoi les vidéos et les photographies de l’incident de Khan Cheïkhoun proviennent uniquement d’organisations qui prétendent travailler dans le domaine humanitaire, alors qu’elles sont directement liées aux groupes terroristes armés sur le terrain ? Je veux parler en particulier d’un groupe qui s’est baptisé les Casques blancs, et qui semble avoir gagné l’Oscar du meilleur acteur. Nous avons à maintes fois fourni au Conseil de sécurité des photographies, films et preuves documentées attestant que les membres de cette organisation travaillent sous la direction des services de renseignement britanniques et sont financés par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Telle est la première question.

La deuxième question est : quelqu’un a-t-il lu le rapport publié par l’organisation Swedish Doctors for Human Rights, qui met au jour la duplicité des soi-disant Casques blancs ?

La troisième question est : quelqu’un sait-il que le médecin britannique d’origine pakistanaise, Shajul Islam, qui était sur le terrain à Khan Cheïkhoun, aux côtés des groupes terroristes armés et qui était le principal témoin de toutes les campagnes médiatiques provocatrices contre le Gouvernement syrien,, a été emprisonné pendant 13 mois en Grande-Bretagne, où il était accusé d’actes terroristes, notamment d’avoir enlevé des journalistes britanniques en Syrie ? Un terroriste présumé est désormais un témoin oculaire, et cette campagne médiatique fabriquée se fonde sur son témoignage.

Qui plus est, comment quelqu’un qui prétend la vérité dans le cadre de la légitimité internationale peut-il s’arroger le droit de commettre un acte d’agression militaire contre un site qu’il prétend être l’endroit d’où sont partis les avions qui ont largué des armes chimiques sur Khan Cheïkhoun ?

J’exhorte les membres du Conseil à lire le livre d’Aaron Klein, intitulé The REAL Benghazi Story : What the White House and Hillary Don’t Want You to Know, qui détaille la coordination et la médiation assurées par feu l’Ambassadeur des États-Unis en Libye, Chris Stevens, dans les opérations visant à exporter des armes, y compris du sarin, depuis la Libye vers les États qui soutiennent le terrorisme en Syrie, au premier rang desquels se trouve la Turquie. Je les invite aussi à lire le rapport publié aujourd’hui par M. Théodore Postol, professeur émérite en science et technologie du Massachusetts Institute of Technology. Dans ce rapport qui analyse les affirmations et suppositions de la Maison Blanche à propos des faits survenus à Khan Cheïkhoun, ce professeur américain indique que la preuve sur laquelle se sont basés les responsables américains pour accuser le Gouvernement syrien est un cratère identifié sur une route au nord de Khan Cheïkhoun – un simple cratère – et conclut que les données citées par la Maison Blanche sont plus cohérentes avec la possibilité que les munitions étaient placées sur le sol plutôt que lâchées depuis un avion.

Comment mon collègue le représentant de la France qualifie-t-il le massacre par les avions de guerre français de 200 civils dans le village de Toukhan el-Koubra, dans la banlieue d’Alep, le 19 juillet 2016 ? Et comment ma collègue la représentante des États-Unis d’Amérique qualifie-t-elle le massacre par des avions américains de 237 civils fuyant Daech, dans la localité de Mansourah ? Ma délégation réitère qu’il continuera de remplir toutes les obligations qu’il a souscrites au titre de Convention sur les armes chimiques et de lutter contre le terrorisme, lutte qu’aucun chantage politique et médiatique et aucune vile exploitation du sang des innocents dans mon pays, la Syrie, n’arrêteront.

Au nom du Gouvernement de mon pays, je remercie et salue la Fédération de Russie et la Bolivie, pays ami, pour avoir voté contre le projet de résolution. Je remercie aussi les délégations qui se sont abstenues dans le vote. Elles l’ont fait parce qu’elles sont conscientes des vils desseins cachés derrière ce projet de résolution, parce qu’elles sont attachées aux principes fondamentaux du droit international et de la Charte des Nations Unies, et parce qu’elles sont convaincues que ce genre de textes nuisent à la crédibilité de l’action internationale et des institutions internationales et constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales.

La séance est levée à 16 h 30.