Ces derniers jours, le Conseil de sécurité a recommencé à porter une attention accrue au dossier chimique syrien, en prévision de la publication, le 26 octobre prochain, du rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies, qui a été chargé d’enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, et de l’expiration, le 16 novembre, du mandat dudit mécanisme.

Durant les six mois qui ont suivi l’attaque – hautement médiatisée – perpétrée le 4 avril 2017 à Khan Cheïkhoun, la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques en République arabe syrienne et, par la suite, le Mécanisme d’enquête conjoint ont réalisé un travail considérable. Toutefois, leur enquête a été menée exclusivement à distance, et ils ont gardé secrètes plusieurs données d’une importance fondamentale, concernant notamment les sources d’information utilisées, ce qui va à l’encontre de la Convention sur les armes chimiques. La Fédération de Russie a pourtant insisté dès le début sur le fait que, en vue de garantir une enquête aussi objective et professionnelle que possible, il était nécessaire d’envoyer des experts internationaux qui répondent aux normes fixées dans la Convention sur les lieux de l’attaque et dans la base aérienne syrienne de Chaaeïrat, d’où provenait, selon les autorités américaines, le gaz sarin utilisé à Khan Cheïkhoun. Durant les mois de mai et juin 2017, l’OIAC nous a assuré qu’elle étudiait la possibilité d’envoyer des spécialistes sur les lieux de l’attaque, en fonction des conditions de sécurité dans la région, avant de finalement décider que cette visite était inutile puisque, selon elle, l’utilisation de sarin ne faisait aucun doute. Le Mécanisme d’enquête conjoint s’est alors rallié à cette opinion. Cependant, le Département de la sûreté et de la sécurité du Secrétariat de l’ONU a récemment fait savoir au Conseil de sécurité qu’il avait en réalité reçu la garantie que la protection des experts serait assurée mais que ceux-ci avaient simplement décidé de ne pas saisir l’occasion.

La base aérienne syrienne de Chaaeïrat est elle aussi au centre d’une certaine controverse. En effet, bien que des membres du Mécanisme d’enquête conjoint aient récemment accepté, au vu de notre insistance, de l’inspecter, ceux-ci se sont catégoriquement refusés à prélever des échantillons en vue de détecter d’éventuelles traces de gaz sarin. Il va sans dire qu’il est peu probable, sinon impossible, que cette approche permette de parvenir à des conclusions valables.

Les États-Unis d’Amérique insistent pour que soit rapidement, voire immédiatement, adoptée une résolution concernant la prolongation du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint. Dans le même temps, ils s’attellent à donner une image erronée de la position défendue par la Russie en prétendant que, si le Mécanisme parvient à la conclusion que le Gouvernement syrien est en tort, Moscou s’opposera à l’extension de ce mandat. Ces déclarations sont absolument aberrantes. En effet, en l’absence de rapport, personne ne sait en quoi ces conclusions consisteront, et il nous semble donc pour le moins étrange que Washington s’évertue de la sorte à vouloir prolonger le mandat du Mécanisme. Par ailleurs, nous avons toujours dit, et maintenons, que notre décision de prolonger, ou non, ce mandat ne dépend pas de la partie qui sera tenue pour responsable, mais de la qualité de l’enquête et de sa conformité avec les dispositions figurant dans la Convention.

Pour être en mesure de prendre une décision éclairée sur cette question, le Conseil de sécurité doit d’abord étudier le rapport. Cela est d’autant plus vrai que, jusqu’à présent, le Mécanisme d’enquête conjoint n’a fait parvenir au Conseil aucune information de fond sur les activités qu’il a menées pendant l’année écoulée. En résumé, aucun rapport n’a été publié, mais certains s’obstinent à vouloir prolonger le mandat du Mécanisme, ce qui nous semble insensé. Il est nécessaire d’agir conformément aux pratiques existantes, qui veulent que l’on se penche d’abord sur le rapport établi par cette entité créée à la demande du Conseil de sécurité et que l’on prenne, ensuite, une décision concernant une éventuelle prolongation du mandat. Essayons donc de nous abstenir de déclencher, une fois de plus, l’hystérie.

Source : Onu A/72/578-S/2017/901