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 Deuxième rapport de l’Onu sur Daesh, 31 mai 2016.
 Troisième rapport de l’Onu sur Daesh, 30 septembre 2016.
 Quatrième rapport de l’Onu sur Daesh, 2 février 2017.
 Cinquième rapport de l’Onu sur Daesh, 31 mai 2017.

Sixième rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à contrer cette menace

I. Introduction

1. Par sa résolution 2253 (2015), le Conseil de sécurité a affirmé sa détermination à faire front à la menace que représente pour la paix et la sécurité internationales l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) et les autres personnes et groupes qui y sont associés. Au paragraphe 97 de la même résolution, le Conseil m’a prié de lui présenter un rapport stratégique initial et de le tenir ensuite régulièrement informé tous les quatre mois. Dans sa résolution 2368 (2017), le Conseil m’a prié de continuer à lui présenter des rapports stratégiques qui montrent la gravité de la menace susmentionnée et qui présentent l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à lutter contre cette menace, le prochain rapport devant être présenté le 31 janvier 2018 au plus tard et par la suite tous les six mois.

2. J’ai fait de la lutte contre le terrorisme une de mes priorités les plus hautes. Le présent rapport est mon premier depuis la création du Bureau de lutte contre le terrorisme, en juin 2017. Le Bureau a été chargé de renforcer la coordination et la cohérence de l’action menée par l’ONU pour lutter contre le terrorisme et de renforcer l’assistance au renforcement des capacités fournie aux États Membres, en réponse à l’évolution de la menace que présente le terrorisme.

3. Le présent rapport est mon sixième portant sur la menace que représente l’EIIL pour la paix et la sécurité internationales et a été établi par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions , en étroite collaboration avec le Bureau de lutte contre le terrorisme et d’autres entités des Nations Unies et organisations internationales.

4. Le rapport montre que, malgré les revers récemment essuyés par l’EIIL, le groupe et ses associés continuent de représenter une menace importante, qui évolue dans le monde entier. L’ONU est déterminée à aider les États Membres à faire face à ce problème et je suis convaincu que le nouveau Bureau de lutte contre le terrorisme contribuera à mobiliser tout le système des Nations Unies à l’appui des efforts fournis par les États Membres pour contrer le terrorisme et prévenir l’extrémisme violent, en particulier en ce qui concerne la menace que constituent les groupes terroristes actifs à l’échelle mondiale tels que l’EIIL.

II. Évaluation de la menace

A. Vue d’ensemble de la menace

5. Au cours des six derniers mois, la pression militaire a infligé des revers stratégiques à l’EIIL en Iraq, en République arabe syrienne et dans le sud des Philippines. En conséquence, le groupe a été contraint d’abandonner certains de ses bastions dans les zones urbaines et de s’adapter à la nouvelle situation .

6. Le groupe continue de donner la préférence aux attaques extérieures et semble avoir perdu son intérêt pour la conquête et le contrôle de territoires. Actuellement, la structure de l’EIIL est celle d’un réseau mondial dont la hiérarchie est horizontale et qui a moins de contrôle sur les opérations des entités qui lui sont associées . Les États Membres ont souligné que certains membres des réseaux de l’EIIL ou d’Al-Qaida (QDe.004) étaient disposés à appuyer les attaques menées par des membres de l’autre réseau (S/2016/629, par. 3), fait qui demeurait préoccupant. Ainsi, la convergence potentielle des deux réseaux, du moins dans certains secteurs, présente une nouvelle menace.

7. Ayant perdu son intérêt pour la conquête et le contrôle de territoires, l’EIIL verra vraisemblablement une réduction de sa réserve de recrues. Le groupe était en mesure d’attirer un large éventail d’individus, en particulier ceux qui avaient l’ambition d’appuyer la création d’une structure quasi étatique. À l’avenir, il se concentrera principalement sur un groupe plus restreint et plus motivé d’individus prêts à combattre ou mener des attaques. Cette situation, combinée avec les mesures de contrôle renforcées prises par les États Membres, réduira le recrutement ainsi que les déplacements de combattants terroristes étrangers. Dans l’ensemble, le flux mondial de ces combattants vers les zones de conflit en Iraq et en République arabe syrienne s’est pratiquement tari, les États Membres ne signalant que quelques cas ponctuels de combattants nouvellement recrutés.

8. En outre, la structure du mécanisme de propagande mondiale du noyau de l’EIIL et la fréquence, la portée et la qualité de ses résultats continuent de se détériorer . Le groupe s’est mis à revendiquer des attaques qu’ils n’avaient pas commises . En outre, certains de ses magazines en ligne importants ne sont plus publiés. Toutefois, les États Membres ont souligné que les combattants terroristes étrangers, les membres et les sympathisants de l’EIIL étaient toujours en mesure d’utiliser les médias sociaux, y compris les technologies d’encodage et des outils de communication sur le dark Web, pour communiquer entre eux et coordonner et faciliter des attaques. Les États Membres demeurent préoccupés par le fait que la menace pesant sur leur territoire va être exacerbée par le nombre croissant de « voyageurs contrariés » , par le risque persistant que des groupes terroristes recrutent des membres au sein d’infrastructures critiques et par les capacités que les rapatriés et les « relocalisés » peuvent apporter aux réseaux existants de sympathisants de l’EIIL.

9. La lutte contre l’EIIL entre dans une nouvelle phase, l’accent étant davantage mis sur des réseaux d’individus moins visibles et des cellules qui agissent avec un certain degré d’autonomie. Dans une certaine mesure, cela pose plus de difficultés aux États Membres et à la communauté internationale. Il restera essentiel de partager tout renseignement sur l’identité des combattants terroristes étrangers, des rapatriés, des relocalisés et des membres de l’EIIL. La Liste relative aux sanctions contre l’EIIL (Daech) et Al-Qaida demeure un des principaux instruments mondiaux à cet égard .

10. Les États Membres ont conscience que les revers militaires stratégiques infligés à l’EIIL en Iraq et en République arabe syrienne peuvent pousser les combattants terroristes étrangers, en particulier ceux venant de l’extérieur de la région immédiate, à décider de quitter les zones de conflit, car ils ne peuvent pas s’intégrer aisément à la population locale. Il peut s’avérer difficile d’identifier ces rapatriés et relocalisés potentiels. L’EIIL a recueilli des documents de voyage et des pièces d’identité de nouveaux combattants pour pouvoir les utiliser lors de futurs voyages . En outre, il s’est procuré plusieurs milliers de passeports syriens vierges . Les numéros des livrets blancs de ces passeports syriens ont certes été saisis dans la base de données sur les documents de voyage perdus ou volés de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), mais les États Membres ont fait valoir qu’il demeurait possible qu’ils soient tout de même utilisés par des rapatriés ou des relocalisés.

11. En outre, les États Membres situés à la frontière des zones de conflits visées continuent à avoir des difficultés à identifier les combattants terroristes étrangers, les rapatriés, les relocalisés ou les individus inscrits sur la Liste. L’identification biométrique des personnes suspectes peut être un outil efficace pour lutter contre la menace que représentent les terroristes qui tentent de voyager à l’international en utilisant des documents de voyage faux, falsifiés ou altérés. Par conséquent, il demeure important d’incorporer des données biométriques, des photographies de haute qualité et des empreintes digitales de ces combattants dans diverses bases de données régionales et internationales, y compris la base de données d’INTERPOL sur les combattants terroristes étrangers. Le 21 décembre 2017, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2396 (2017), qui actualisait la résolution 2178 (2014) et mettait en exergue la question des rapatriés et des relocalisés ainsi que celle de l’utilisation des données biométriques. Cette résolution porte sur tout un ensemble de menaces et tient compte de certaines des mesures proposées par l’Équipe d’appui analytique et de surveillance dans ses rapports et recommandations depuis 2016.

B. Évolution à l’échelle régionale

1. Moyen-Orient

12. Depuis qu’il a été chassé de Qaëm en Iraq et d’Albou Kamal en République arabe syrienne, l’EIIL ne contrôle plus de secteur urbain dans l’un ou l’autre État . Il reste des cellules terroristes clandestines dans certaines villes et de petits groupes de l’EIIL sont basés à l’est de l’Euphrate, au sud-ouest de la République arabe syrienne et dans le nord de l’Iraq. Plusieurs États Membres ont signalé que des combattants de l’EIIL avaient fui vers le nord de la République arabe syrienne et pouvaient tenter de quitter le pays. Un deuxième petit groupe s’est déplacé vers le sud du pays . Les États Membres ne sont actuellement pas en mesure d’évaluer avec certitude le nombre de combattants terroristes étrangers restant dans l’un ou l’autre pays.

13. La capacité de l’EIIL à s’assurer des revenus a été considérablement affaiblie au cours de la période considérée, avant tout parce qu’il a perdu le contrôle des gisements de pétrole et de gaz en République arabe syrienne . En raison de cette perte et d’autres, les revenus de l’EIIL ont diminué de plus de 90 % depuis 2015 . Malgré ces pertes, il se peut qu’il n’ait pas totalement perdu sa capacité à tirer profit des hydrocarbures et qu’il continue à se procurer des fonds par l’extorsion et la maîtrise des postes de contrôle . Comme indiqué précédemment par l’Équipe d’appui analytique et de surveillance, il est à prévoir que l’EIIL se tourne à nouveau vers des méthodes de financement semblables à celle d’Al-Qaida en Iraq, comme l’extorsion . Malgré de fortes pressions militaires, les fonds continuent de circuler depuis le noyau de l’EIIL vers ses antennes . Néanmoins, les entités associées au groupe cherchent de plus en plus de moyens de diversifier leurs revenus et de devenir financièrement indépendantes de son noyau .

14. L’EIIL transfère des fonds par l’intermédiaire de réseaux et de facilitateurs dans tout le Moyen-Orient, à l’aide des systèmes hawala et de passeurs de fonds , et il s’infiltre dans des entreprises légitimes de la région en utilisant des façades, comme des individus ostensiblement « irréprochables » qui peuvent avoir accès au système financier régulier . Il demeure préoccupant que l’EIIL puisse utiliser ces entreprises pour obtenir des profits et investir les fonds blanchis aux niveaux local, régional et international . Autre grave sujet de préoccupation, les fonds internationaux pour la reconstruction commençant à affluer dans les zones libérées, il existe un risque que les investissements dans l’économie locale, en particulier dans les sociétés telles que les entreprises de construction, soient utilisés de façon détournée .

15. L’EIIL au Yémen demeure plus faible qu’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) (QDe.129). Il conserve une présence dans les régions du centre et du sud du Yémen et, d’après les signalements d’États Membres, continue de recruter activement dans le pays. Ses cellules sont actives dans les provinces d’Aden et de Beïda, où il a mené plusieurs attaques terroristes, assassiné des responsables yéménites, et mené une attaque au véhicule piégé contre le Ministère des finances à Aden. L’EIIL continue d’essayer d’implanter des camps d’entraînement au Yémen. Ces camps ont été la cible d’actions antiterroristes en octobre et novembre 2017. Le groupe continue de dissuader ses combattants d’intégrer d’autres groupes et publie régulièrement des vidéos de propagande, des articles et des images visant à maintenir la cohésion du groupe. Ces documents véhiculent souvent des critiques ciblant AQPA, qui a annoncé, par l’intermédiaire de ses propres médias, que des combattants transfuges de l’EIIL étaient venus rejoindre ses rangs.

16. L’EIIL continue également de cibler l’ensemble de la région. Selon des États Membres, il a profité des problèmes de sécurité régnant au Yémen pour fomenter, diriger et instiguer des attaques contre les États de la région et pour fournir des ressources et mener des activités de recrutement à cette fin. En septembre 2017, l’Arabie saoudite a perturbé la tentative d’attaque menée par le groupe contre deux bâtiments du siège du Ministère de la défense à Riyad.

2. Afrique

17. Les États Membres se sont dits préoccupés par la résilience des deux antennes de l’EIIL opérant en Égypte. Basé dans la péninsule du Sinaï, le groupe le plus établi est Ansar Beit el-Maqdes, qui a publiquement prêté allégeance à Abou Bakr el Baghdadi en novembre 2014 . Il s’est procuré des espèces en octobre 2017 lors d’une attaque de banque qu’il a menée à Arich dans le Sinaï-Nord, la province où il est actuellement concentré. En novembre 2017, il a attaqué une mosquée à proximité d’el-Raouda, tuant plus de 300 fidèles .

18. Sur le territoire égyptien, des cellules de sympathisants de l’EIIL ont également été à l’origine d’une série d’attaques contre la communauté chrétienne copte . Selon un État Membre, plusieurs personnes accusées d’avoir participé aux attaques ont été arrêtées. Ces cellules ont moins de membres qu’Ansar Beit el-Maqdes et sont moins structurées. Elles coopèrent, mais Ansar Beit el-Maqdes ne contrôle pas les activités de l’EIIL sur le territoire égyptien . Il y a des mouvements entre l’EIIL en Égypte et l’EIIL en Libye à travers les frontières du désert et un membre libyen haut placé de l’EIIL siège à la Choura d’Ansar Beit el-Maqdes .

19. Les États Membres ont constaté que l’EIIL restait déterminé à reconstituer ses capacités en Libye. Ses effectifs ont été renforcés dans de nombreux secteurs par des combattants mutés depuis le sud de la Libye et des combattants terroristes étrangers rapatriés ou relocalisés depuis l’Iraq et la République arabe syrienne. Bien que la menace qu’il présente ait globalement diminué en termes d’intensité, il continue de planifier et d’exécuter des attaques ponctuelles en Libye pour démontrer à ses sympathisants qu’il conserve une importance.

20. D’autres groupes affiliés à l’EIIL en Afrique auraient envoyé des combattants en Libye pour appuyer des cellules de l’EIIL basées dans le pays et obtenir leur coopération . Les États Membres ont indiqué qu’il s’agissait, en particulier, de la formation des combattants, de l’approvisionnement en armes et d’un appui logistique. Boko Haram maintient également de petites cellules à l’intérieur de la Libye . Les États Membres se sont déclarés préoccupés par les mouvements possibles de membres de Boko Haram vers d’autres États de la région à travers les frontières de l’ouest et du sud-est de la Libye .

21. Pour se procurer des revenus, l’EIIL en Libye extorque des fonds par des barrages routiers et des postes de contrôle mobiles . Il continue également de prélever des « taxes » auprès de réseaux de traite d’êtres humains et de contrebande, mais on ne sait pas avec certitude s’il contrôle lui-même ces réseaux .

22. Les États Membres ont noté qu’en Afrique de l’Ouest la menace posée par les groupes associés à l’EIIL avait continué de se propager au Mali et aux États voisins. Selon un État Membre, la faction d’Al-Mourabitoun (QDe.141) fidèle à l’EIIL (S/2017/35, par. 43 et 44) demeure une menace au Mali et au Niger. En Afrique de l’Ouest, Boko Haram et l’EIIL sont actifs dans des régions distinctes et il n’a pas été fait état de frictions entre eux, selon les États Membres. Le recours accru de Boko Haram aux attentats suicides est une préoccupation majeure pour les États Membres.

23. En Afrique de l’Ouest, les groupes terroristes se financent en recourant aux enlèvements contre rançon, au vol et à l’extorsion. Les États Membres ont constaté que les groupés associés à l’EIIL augmentaient également leurs revenus par le prélèvement de « taxes » sur le trafic de drogues, de personnes et de marchandises . Par ailleurs, les États Membres demeurent préoccupés par la persistance des déplacements de combattants terroristes étrangers à travers la région. En outre, certains combattants auraient changé leur allégeance d’un groupe à l’autre pour améliorer leur situation économique .

24. En Afrique de l’Est, les Chabab, groupe affilié à Al-Qaida, sont plus actifs que les nouveaux éléments affiliés à l’EIIL dans le Puntland et dans le sud de la Somalie. Les États Membres signalent que, si l’EIIL reste faible, il a tout de même établi des cellules clandestines dans certaines régions. Elles sont contrôlées et dirigées par le commandement central basé dans le Puntland. L’EIIL continue de recruter par l’intermédiaire de facilitateurs basés dans différents pays d’Europe ainsi qu’en Libye et en Somalie.

25. L’expansion de l’EIIL et de ses activités en Afrique de l’Est ont été réduites en 2017 par plusieurs facteurs. Les États Membres estiment que le cheik Abdikadir Mumin (non inscrit sur la Liste) et ses subordonnés sont engagés dans une lutte de pouvoir qui a paralysé les activités de l’EIIL dans la région. Depuis le précédent rapport, Mumin n’a pas donné à ses combattants l’instruction de mener des attaques parce qu’il n’est pas en mesure de déléguer des responsabilités à ses adjoints. De plus, la rivalité entre les Chabab et les groupes affiliés à l’EIIL continue de saper son influence. Les Chabab sont déterminés à empêcher l’EIIL de les éclipser de Somalie. En outre, les autorités du Puntland continuent de sévir contre l’EIIL, réduisant ainsi son influence et ses opérations.

26. L’EIIL au Yémen continue de fournir du matériel et un appui en matière de formation à l’EIIL en Somalie, cet appui demeurant cependant limité et peu fiable . Les États Membres estiment que l’EIIL ne peut donc plus se permettre de rémunérer ses combattants au même niveau qu’auparavant. Comme les Chabab, l’EIIL a commencé à s’assurer des revenus en ponctionnant les populations locales. Cette évolution alimentera sans doute de nouveaux conflits entre les deux groupes car ils se disputent le contrôle des ressources dans leurs secteurs d’opération. D’anciens combattants des Chabab qui se sont réinstallés au Yémen continuent de faciliter les déplacements entre la Somalie et le Yémen de combattants terroristes étrangers, de passeurs et d’individus chargés de tâches logistiques .

27. Les réseaux de traite d’êtres humains et de contrebande qui opèrent dans la région offrent des services clandestins vers plusieurs destinations, notamment la Libye . Il est à prévoir que les combattants terroristes étrangers qui retournent dans leur pays ou se réinstallent auront recours à ces réseaux car ils préfèrent emprunter des voies détournées, évitent de traverser les villes et choisissent plutôt de passer par des zones reculées pour ne pas être détectés. Certains États Membres ont signalé qu’ils avaient arrêté des combattants terroristes étrangers se rendant en Libye pour rejoindre l’EIIL. Des États Membres ont également déclaré que leurs autorités arrêtaient régulièrement des groupes de rapatriés. Il s’agissait de familles de combattants terroristes étrangers qui seraient morts au combat en Libye .

3. Europe

28. L’EIIL continue de motiver des individus à commettre des attentats en Europe ou à avoir une influence sur de pareilles attaques, et la région conserve un rang élevé sur la liste des priorités du groupe . Les combattants terroristes étrangers utilisent de plus en plus l’Internet et les médias sociaux pour communiquer avec des adeptes basés en Europe et appuyer leurs plans d’attentats. La diffusion sur l’Internet et les médias sociaux de méthodes et instructions pour la commission d’attentats terroristes et de plans pour la conception de dispositifs explosifs improvisés est considérée comme un problème de sécurité majeur pour les États Membres.

29. Les États Membres font état de la persistance de liens entre les partisans de l’EIIL basés en Europe (y compris des facilitateurs d’Al-Qaida) et des combattants terroristes étrangers qui se trouvent dans des zones de conflit et ailleurs. Les attaques menées en Espagne en août 2017 ont montré l’incidence que ces liens transnationaux pouvaient avoir . Toutefois, au cours de la période considérée, seul un petit nombre de combattants terroristes étrangers nouvellement recrutés en Europe s’est rendu dans les zones de conflit et le flux de rapatriés s’est ralenti . Les États Membres ont fait observer que les rapatriés étaient susceptibles de renforcer les capacités terroristes, notamment les connaissances en fabrication de bombes, des réseaux locaux et d’individus, y compris des « voyageurs contrariés ».

4. Asie centrale et Asie du Sud

30. Les déplacements de combattants terroristes étrangers en provenance d’Asie centrale et d’Asie du Sud vers l’Iraq et la République arabe syrienne ont pratiquement cessé. Toutefois, au cours des deux dernières années, quelques combattants terroristes étrangers originaires d’Asie centrale et relocalisés ont été impliqués dans des attentats terroristes en Europe, en Fédération de Russie et en Turquie. Les États Membres demeurent préoccupés par le fait que les rapatriés peuvent exacerber la menace terroriste dans la région.

31. Bien qu’il ait été affaibli par les opérations militaires afghanes et internationales, l’EIIL en Afghanistan continue de mener des attaques agressives, en particulier à Kaboul. Dans l’ensemble, l’EIIL dirige entre 1 000 et 4 000 combattants en Afghanistan, y compris d’anciens membres de Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) (QDe.132), du Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO) (QDe.010), des combattants de l’extérieur de la région immédiate et des Taliban afghans dissidents. Certains États Membres se sont dits préoccupés par le fait qu’au fil du temps, la présence de combattants d’origine ouzbèke et tadjike dans le nord de l’Afghanistan pouvait conduire à une menace de l’EIIL en Asie centrale.

32. L’EIIL en Afghanistan a reçu des fonds provenant du noyau de l’EIIL, mais il a conscience que le maintien des financements ne serait pas garanti et a été encouragé à devenir plus autonome. Il manque actuellement de sources de revenus internes importantes et aura du mal à survivre sans l’appui du noyau de l’EIIL. Le groupe a pu obtenir des fonds par extorsion auprès de la population et par les produits de la production agricole dans la province de Nangarhar et de la production de bois, ainsi que par des enlèvements contre rançon . Rien n’indique qu’il est impliqué dans le trafic de drogue .

33. Au Pakistan, les opérations militaires menées dans les zones tribales sous administration fédérale ont visé à priver l’EIIL de la possibilité d’y implanter une structure organisationnelle . Les attentats terroristes revendiqués par l’EIIL sont principalement exécutés par des membres de groupes locaux, la planification étant effectuée de façon transfrontière et avec l’appui de l’EIIL .

5. Asie du Sud-Est

34. Au cours de la période considérée, les groupes associés à l’EIIL ont subi d’importants revers en Asie du Sud-Est, notamment la perte de la ville de Marawi dans le sud des Philippines. La chute de Marawi a été précédée de cinq mois de guerre urbaine féroce et a entraîné la mort d’Isnilon Totoni Hapilon (QDi.204), « l’émir » de l’EIIL en Asie de l’Est , des frères Maute et du militant malaisien influent, Mahmud Ahmad .

35. Néanmoins, la menace persiste et les pertes du groupe en Iraq et en République arabe syrienne peuvent aggraver la menace pour l’Asie du Sud-Est, les fonds et les combattants étant en train de se disperser depuis les deux pays . La région a enregistré une augmentation notable du nombre de complots terroristes au cours des deux dernières années . De plus, même si la perte de Marawi a porté un coup sérieux aux ambitions du groupe dans la région, certains États Membres estiment que le siège prolongé de la ville représentait une victoire symbolique pour l’EIIL et sa propagande et pouvait former une source d’inspiration pour d’autres militants.

36. Le siège de Marawi a été facilité par des financements provenant du noyau de l’EIIL. Avant le siège, des groupes situés dans le sud des Philippines ont reçu des centaines de milliers de dollars du noyau de l’EIIL, par le truchement d’un pays tiers . Les événements survenus à Marawi peuvent également avoir permis à l’EIIL de s’accaparer des fonds par le pillage de banques .

37. En Indonésie, Jamaah Ansharut Daulah (JAD) et Jamaah Ansarul Khilafah (JAK) restent les principaux réseaux liés à l’EIIL. Les deux entités ont établi une présence dans plusieurs provinces . L’idéologue de Jamaah Ansharut Daulah est Oman Rochman (QDi.407) et Jamaah Ansarul Khilafah est dirigé par Abu Husna (non inscrit sur la Liste), ancien détenu et ancien membre clef de Jemaa Islamiya (JI) (QDe.092) . Jusqu’à présent, Jamaah Ansharut Daulah a mené davantage d’attaques, mais Jamaah Ansarul Khilafah est considérée comme une menace croissante .

38. Au cours des dernières années, la Malaisie a déjoué plusieurs complots, y compris des complots dirigés depuis la République arabe syrienne, des attentats initiés au niveau local et des attaques menées par des acteurs isolés. Le bombardement de la boîte de nuit Movida (qui a été dirigé par l’EIIL) a été la seule attaque à avoir abouti (S/2017/35, par. 60) . En 2017, la Malaisie a perturbé des cellules qui recrutaient des combattants terroristes étrangers pour qu’ils se joignent au combat dans le sud des Philippines .

III. Point sur les mesures prises face à l’évolution de la menace

39. L’Organisation des Nations Unies, ses États Membres et les organisations internationales, régionales et sous-régionales ont continué d’élaborer de nouveaux outils, tout en promouvant une meilleure utilisation de ceux qui existent déjà, pour faire face à l’évolution rapide de la menace que représente l’EIIL, les entités qui lui sont associées et ses militants, ainsi que les combattants terroristes étrangers de retour dans leur pays ou qui se réinstallent dans des pays tiers. Depuis mon dernier rapport, publié au mois de mai 2017 (S/2017/467), le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions dans lesquelles il a énoncé un large éventail de mesures à prendre pour faire face à l’évolution de ce phénomène.

40. Dans sa résolution 2354 (2017), le Conseil a souligné la nécessité de lutter contre la propagande terroriste. Dans sa résolution 2370 (2017), il a exhorté les États Membres à coopérer pour empêcher les terroristes d’acquérir des armes et les a invités à lutter contre la menace que constituent les engins explosifs improvisés, ainsi qu’à devenir partie aux instruments régionaux et internationaux y afférents. Dans sa résolution 2379 (2017), il a examiné la question de la responsabilité des militants de l’EIIL pour les crimes qu’ils ont commis sur le territoire iraquien. Dans sa résolution 2388 (2017), il a invité les États Membres à se donner davantage de moyens pour mener, de leur propre initiative, des enquêtes et prendre d’autres mesures visant à détecter et désorganiser la traite d’êtres humains dans les régions touchées par un conflit armé, notamment lorsqu’elle est liée ou potentiellement liée au financement du terrorisme, au recrutement à des fins terroristes, ou encore à la commission d’actes de telle sorte. Enfin, dans sa résolution 2396 (2017) il a examiné la question des combattants terroristes étrangers, tout particulièrement sur ceux qui reviennent dans leur pays ou qui se réinstallent dans des pays tiers, ainsi que sur les difficultés que cette nouvelle phase pose aux États Membres.

41. Le 21 août 2017, le Comité contre le terrorisme a présenté au Conseil de sécurité une version mise à jour du Guide technique pour la mise en œuvre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et des autres résolutions pertinentes. Établi par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, le Guide technique a pour objet d’aider les États Membres à appliquer les résolutions du Conseil sur le terrorisme et permet à la Direction d’améliorer l’assistance technique qu’elle apporte aux États Membres.

42. En outre, en application de la résolution 2396 (2017) du Conseil de sécurité, le Bureau de lutte contre le terrorisme, récemment créé, continue de tenir à jour et de coordonner les activités entreprises par les Nations Unies pour lutter contre le phénomène des combattants terroristes étrangers, dans le cadre de son plan de renforcement des capacités destiné à endiguer le flux de combattants terroristes étrangers. Le plan comprend 50 projets de renforcement des capacités, présentés par 13 organismes des Nations Unies, qui touchent à tous les aspects du phénomène des combattants terroristes étrangers, allant de la prévention, du financement et des déplacements des combattants terroristes étrangers et des « relocalisés », à la question des poursuites, de la réadaptation et de la réinsertion, une fois que lesdits combattants sont de retour dans leur pays. La mise en œuvre du projet est hiérarchisée en fonction du degré d’importance des questions, qui est déterminé par les évaluations de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. Le plan est doté d’un budget total de 107 millions de dollars sur une période de 5 ans. Il est financé à hauteur de 41 %, et 8,8 % du montant total ont été alloués par le Bureau de lutte contre le terrorisme et le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme.

A. Lutte contre le financement du terrorisme

43. Depuis mon rapport précédent, les États Membres, les organisations internationales, régionales et sous-régionales, ainsi que le secteur privé, ont continué de renforcer l’intégration de renseignements financiers dans les activités de lutte contre le terrorisme. Les partenariats novateurs mis en place entre les organismes publics et le secteur privé ont permis d’améliorer le partage d’informations sensibles sur les modes de financement du terrorisme et sur les personnes soupçonnées d’appartenir à un groupe terroriste. Les services de répression ont ainsi été mieux à même d’empêcher les déplacements de combattants terroristes étrangers, d’identifier les terroristes et les personnes associées à des réseaux terroristes, et de les traduire en justice.

44. Cependant, les renseignements financiers détenus par les entités du secteur privé demeurent sous-exploités dans de nombreuses régions du monde. Lorsque les organismes financiers transmettent des signalements d’opération suspecte en vue de détecter des activités potentiellement illicites, les informations clés permettant d’appuyer les services de répression dans leurs enquêtes sont parfois manquantes. Une récente initiative entreprise par des gouvernements, des centres de recherche universitaires et des acteurs du secteur privé a abouti à la création, en octobre 2017, d’un programme appelé Future of Financial Intelligence Sharing Programme, qui vise à soutenir l’échange de renseignements financiers et l’analyse de l’incidence des modèles de partenariats publics-privés dans plusieurs territoires , et qui s’appuie sur des experts issus d’institutions financières, de services de répression et d’organismes de réglementation.

45. INTERPOL aide les services de répression et les services de renseignement financier des États Membres à localiser et à empêcher le mouvement des fonds destinés aux terroristes et à leurs partisans. Les initiatives visant à lutter contre les activités de financement du terrorisme passent à la fois par l’échange d’informations sur les identités financières figurant dans les alertes INTERPOL et par l’intégration, dans ces dernières, de tout nouveau renseignement sur la question, ainsi que par la mise en place d’un dialogue direct avec les services de renseignement financier, de manière à combler les lacunes existantes entre les services de renseignement financier et les services de répression. Le Centre de lutte contre le terrorisme s’emploie également à mettre en place une collaboration entre les services de renseignement financier et les autorités compétentes dans la lutte contre le financement du terrorisme.

46. Dans le cadre de ses activités de formation sur la lutte contre le financement du terrorisme et sur les perturbations financières, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a continué de mettre en œuvre son projet de lutte contre le financement du terrorisme en Afrique, dans les États de la région du Golfe et en Afghanistan, et d’élaborer un stage pratique sur l’inscription d’entités terroristes sur la liste des sanctions. Il a mené un certain nombre d’ateliers visant à renforcer les capacités nationales et régionales en matière de lutte contre le financement du terrorisme dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

47. Parmi les autres initiatives, on peut citer le partenariat entre le Bureau de lutte contre le terrorisme et les services de renseignement financiers du Bangladesh, par l’intermédiaire du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme. En septembre 2017, un atelier régional sur le renforcement des capacités, portant tout particulièrement sur les demandes de gel des avoirs émanant de tiers, a été organisé à Dhaka. Celui-ci a rassemblé des représentants des services de renseignement financier de six États Membres de l’Initiative du golfe du Bengale pour la coopération technique et économique multisectorielle. L’atelier portait essentiellement sur les meilleures pratiques en matière de partage d’informations et de renseignements, le contrôle judiciaire et l’appui apporté par les services de répression à la mise en œuvre du gel des avoirs en application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et des recommandations du Groupe d’action financière, en particulier dans un contexte régional ou transfrontalier. À cette occasion, l’accent a été mis sur les nouvelles techniques employées par les groupes terroristes.

48. Une analyse des tendances et des caractéristiques de l’utilisation abusive des médias sociaux est actuellement menée conjointement par le Groupe Asie/Pacifique sur le blanchiment de l’argent et le Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en étroite coopération avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. En octobre 2017, le Groupe d’action financière a adopté un rapport sur le financement du recrutement à des fins terroristes, qui révèle comment l’utilisation d’outils financiers a facilité l’identification des réseaux de recrutement de terroristes. Le Groupe examine actuellement les stratégies existantes de perturbation du financement du terrorisme en vue de lutter contre les menaces y relatives, et poursuit ses activités sur les risques d’utilisation abusive des entreprises de technologies financières et de technologies liées à la réglementation aux fins du financement du terrorisme. Ses membres lui transmettent en outre des données sur les risques liés à l’utilisation de monnaies virtuelles, notamment à leur utilisation aux fins du financement du terrorisme.

49. Les évaluations des risques liés au financement du terrorisme restent essentielles à la mise en place de stratégies de lutte efficaces en la matière. À cet égard, les organes régionaux du type du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux ont organisé, du 22 au 25 janvier 2018, une réunion conjointe, qui portait notamment sur les bonnes pratiques et les enseignements tirés de l’expérience concernant la conduite d’évaluations des risques liés au financement du terrorisme. En outre, avec l’appui de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, l’ONUDC élabore actuellement une méthode pour mener des évaluations exclusivement dédiées à ces risques, aux niveaux national et sous-régional.

50. En application des résolutions 2331 (2016) et 2388 (2017) du Conseil de sécurité, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme a également noué un dialogue avec les États Membres et les organismes multilatéraux compétents, notamment le Groupe d’action financière, en vue de traiter la question des liens potentiels entre le financement du terrorisme et la traite des êtres humains. Toujours en collaboration avec les États Membres, la Direction exécutive a également entrepris d’aborder cette question dans le cadre des visites d’évaluations effectuées au nom du Comité. En octobre 2017, le Groupe d’action financière a lancé une initiative destinée à examiner les liens potentiels entre la traite des êtres humains, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

B. Coopération entre services de répression à l’échelle internationale

51. La sécurité aux frontières est le premier rempart contre le terrorisme et la criminalité organisée, notamment contre les déplacements de combattants terroristes étrangers, la contrebande d’armes et la traite des êtres humains. Si l’Organisation des Nations Unies et les organisations internationales et régionales ont collaboré avec les États Membres pour renforcer l’utilisation des outils et bases de données existantes aux fins de la protection des frontières, ceux-ci continuent de se heurter à des difficultés s’agissant de tenir à jour des stratégies de gestion des frontières complètes, respectueuses des droits de l’homme et tenant compte de la problématique hommes-femmes.

52. INTERPOL continue d’encourager les États à ne plus autoriser l’accès à son système mondial de communication policière sécurisée I-24/7 uniquement aux bureaux centraux nationaux, mais à le mettre également à la disposition des agents de première ligne. Toutefois, certains États continuent d’éprouver des difficultés à partager des informations pertinentes, y compris sur les combattants terroristes étrangers. L’ONUDC a considérablement élargi l’assistance qu’il apporte à l’Asie du Sud et du Sud-Est eu égard aux combattants terroristes étrangers, notamment pour ce qui est d’identifier ces derniers et de les intercepter par l’intermédiaire du système I 24/7. Par le truchement du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, le Bureau de lutte contre le terrorisme apportera son assistance aux États Membres d’Afrique de l’Ouest et de la Corne de l’Afrique, dans le cadre de son nouveau programme de gestion de la sécurité des frontières, qu’il a élaboré en consultation avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. Dans le cadre du groupe de travail sur l’assistance intégrée aux fins de la lutte contre le terrorisme, dispositif régional de renforcement des capacités à l’intention du Groupe de cinq pays du Sahel, le Bureau de lutte contre le terrorisme a organisé, en coopération avec le secrétariat permanent de ce dernier et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, un atelier régional de quatre jours (du 5 au 8 septembre 2017) sur la gestion de la sécurité aux frontières, destiné aux experts des États Membres du Groupe.

53. Les États devraient être dotés de plusieurs mécanismes, de manière à mieux contrôler les voyageurs aux points d’entrée. Dans sa résolution 2396 (2017), le Conseil a souligné la nécessité d’utiliser des données biométriques, de manière à renforcer la sécurité aux frontières et d’identifier les combattants terroristes étrangers et d’autres personnes liées à des activités terroristes. Il a également prié la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, en coordination avec l’ONUDC et d’autres organismes compétents des Nations Unies, INTERPOL et le secteur privé, en collaboration avec les États Membres, de continuer à recenser et à développer les pratiques optimales concernant la catégorisation systématique, la collecte et le partage des données biométriques entre les États Membres, en vue d’améliorer les normes biométriques et la collecte et l’utilisation de données biométriques afin de repérer efficacement les terroristes. Les États doivent veiller à ce que la biométrie soit utilisée de manière responsable et appliquer des mesures visant à protéger les droits de l’homme lors de la collecte, du traitement, du stockage et du partage de ces données, notamment le droit à la protection de la vie privée. À cet égard, le Groupe de travail sur la gestion des frontières et l’application de la loi de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme s’emploie actuellement à établir des principes fondamentaux à l’intention des États Membres. Grâce à une subvention du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, le Comité contre le terrorisme et la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme aident les États Membres, INTERPOL et le Criminal Records Office and the Biometrics Institute (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) à mieux faire connaître et comprendre la manière d’utiliser les données biométriques, en conformité avec le droit et les normes internationales en matière de droits de l’homme.

54. Le 23 octobre 2017, le partage des renseignements préalables concernant les voyageurs est devenu obligatoire en vertu de l’annexe 9 de la Convention relative à l’aviation civile internationale, élaborée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Toutefois, moins de 60 États ont à ce jour pris des mesures exigeant des compagnies aériennes qu’elles fournissent lesdits renseignements. Plus de 100 États Membres ne sont toujours pas en mesure de vérifier efficacement la présence éventuelle d’un combattant terroriste étranger à bord d’un aéronef. En collaboration avec les entités concernées de l’Équipe spéciale, le Bureau de lutte contre le terrorisme aide les États Membres à créer des systèmes nationaux de renseignements préalables concernant les voyageurs, notamment par l’intermédiaire de consultations dédiées au renforcement des capacités.

55. Conformément à la résolution 2396 (2017) du Conseil de sécurité, les États Membres sont également tenus de renforcer leur capacité de collecter, dans le cadre des normes et pratiques recommandées de l’OACI, les données des dossiers passagers, et de veiller à ce que ces données soient communiquées à toutes les autorités nationales compétentes et utilisées par celles-ci, dans le plein respect du droit international des droits de l’homme.

56. Pour faire face à la menace que représentent les engins explosifs improvisés, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2368 (2017), encourage les États Membres à échanger des informations, à mettre en place des partenariats, à définir des stratégies nationales et à renforcer les moyens et les activités en vue de prévenir l’utilisation de matériaux précurseurs disponibles sur le marché ou de stocks de munitions militaires en vue de fabriquer de tels dispositifs. La diffusion continue, par le truchement d’Internet et des médias sociaux, d’informations portant notamment sur la marche à suivre pour commettre un attentat terroriste ou pour construire des engins explosifs improvisés, continue de poser des difficultés aux services de répression. Créé par INTERPOL, le projet « Watchmaker » permet aux États Membres de repérer et de surveiller les individus soupçonnés d’être impliqués dans la fabrication ou l’utilisation d’engins explosifs improvisés, et fournit un appui opérationnel et spécialisé grâce à la diffusion de notices INTERPOL et de messages d’alerte concernant lesdits individus.

57. Compte tenu de l’augmentation du nombre d’attaques perpétrées par l’EIIL et ses partisans contre des cibles vulnérables, telles que l’industrie du tourisme et les infrastructures essentielles, les États Membres devraient s’attacher à renforcer leurs moyens de protéger ces objectifs, notamment en élaborant des stratégies de préparation complètes à l’échelle de leur pays. Si certains États Membres ont commencé à le faire, d’autres requièrent une assistance. Conformément à la résolution 2341 (2017), le Groupe de travail sur la protection des infrastructures critiques y compris les cibles vulnérables, Internet et la sécurité du tourisme a entrepris d’établir des directives à l’intention des États Membres sur la question.

C. Protection des réfugiés et des demandeurs d’asile

58. Le retour des combattants étrangers dans leur pays ou leur réinstallation dans un pays tiers posent de nombreux problèmes aux services de répression et aux services de contrôle des frontières des États Membres. Ces difficultés sont aggravées par les effets persistants de la migration à grande échelle. Les organisations internationales et régionales continuent d’appuyer les efforts déployés par les États à cet égard. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) appuie les activités que mènent les États pour défendre les principes de protection internationale tout en répondant à leurs préoccupations légitimes en matière de sécurité. INTERPOL collabore avec les autorités nationales pour permettre à celles-ci d’adopter une approche globale, notamment en utilisant tous les outils et bases de données existants d’INTERPOL, mais également pour qu’elles échangent davantage d’informations aux niveaux national et international.

D. Coopération internationale en matière judiciaire

59. La nécessité de tenir compte de l’évolution de la menace posée par l’EIIL et les groupes qui lui sont affiliés, y compris la menace croissante que représentent le retour et la réinstallation des combattants terroristes étrangers, exerce une pression accrue sur les systèmes de justice pénale et la coopération judiciaire internationale. Les États Membres s’attachent à renforcer leur coopération par la mise à jour de la législation nationale, la consolidation des mécanismes de coopération régionale et bilatérale, l’accroissement de la formation et des ressources des autorités centrales chargées de l’entraide judiciaire et de l’extradition, et d’autres responsables de la coopération internationale, et une utilisation accrue des technologies modernes.

60. Les organisations régionales, notamment les services de répression, les instances de poursuite et les organismes judiciaires, s’emploient à simplifier et améliorer les canaux de communication et de coordination et à renforcer la confiance entre leurs membres. En novembre 2017, l’ONUDC et la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme ont organisé une réunion régionale sur l’efficacité des autorités centrales à l’intention des États Membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et de l’Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR), qui avait pour but de sensibiliser les États au fait qu’il convenait de désigner des autorités centrales et d’encourager l’échange de bonnes pratiques en vue de faire en sorte que ces autorités puissent travailler ensemble avec efficacité et diligence.

61. Des lacunes subsistent toutefois. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme a constaté qu’en septembre 2017 seuls 25 % des 77 États considérés comme les plus touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers avaient évalué leurs lois pénales à la lumière des dispositions des résolutions applicables du Conseil de sécurité. Ils n’étaient que 10 % à avoir introduit de nouveaux projets de loi, et 25 % à avoir modifié des lois en vigueur. Les progrès accomplis sur la voie du renforcement de la coopération au niveau régional devraient être complétés par un raffermissement de la coopération interrégionale.

62. Les efforts déployés pour traduire en justice les personnes soupçonnées d’être des combattants terroristes étrangers restent entravés par la difficulté de collecter suffisamment de preuves recevables pour obtenir des condamnations. Peu d’États sont en mesure de recueillir des informations et des éléments de preuve dans les zones de conflit. En outre, bien que les preuves numériques abondent, les autorités compétentes sont souvent dans l’impossibilité de les préserver, de les collecter, de les partager ou de les faire valoir devant une juridiction. Cela peut être dû au défaut de législation habilitante, à l’inefficacité de la coopération entre les secteurs public et privé, ou à des problèmes concernant la communication de ce type d’informations entre États.

63. Dans la version actualisée de son Guide technique, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme donne des orientations sur la nomination, la formation et le financement des autorités centrales chargées de l’entraide judiciaire et de l’extradition, l’amélioration des mécanismes d’enquête conjointe et la mise en place de communications électroniques et de modèles universels dans le cadre des procédures d’entraide judiciaire. La Direction exécutive, l’ONUDC et l’Association internationale des procureurs et poursuivants élaborent actuellement un guide pratique sur la sollicitation et la collecte de preuves électroniques, y compris auprès de prestataires de services de communication privés, sur la base de manuels ou de protocoles nationaux. Le guide recensera les mesures à prendre au niveau national pour recueillir, conserver et communiquer des preuves électroniques, avec pour objectif général d’accroître l’efficacité de la pratique d’entraide judiciaire à l’échelle mondiale.

64. En plus de renforcer les initiatives visant à prévenir les attaques terroristes, notamment par la détection précoce, les États devraient également veiller à ce que les techniques d’enquête spéciales soient employées d’une manière qui protège la confidentialité tout en assurant un contrôle juridictionnel adéquat et la protection des droits de l’accusé. La collecte, l’utilisation, la préservation et la mise à disposition des données recueillies par l’intermédiaire des réseaux sociaux et dans les zones de conflit devraient être renforcées plus avant car les preuves de ce type sont souvent cruciales pour détecter, surveiller, soumettre à enquête et traduire en justice les combattants terroristes étrangers présumés, y compris les rapatriés et ceux qui se réinstallent ailleurs.

65. Afin de relever les défis nouveaux et naissants qui se posent en matière de lutte contre le terrorisme, les États devraient également s’attacher à : a) criminaliser de façon cohérente et judicieuse les infractions liées aux combattants terroristes étrangers, dans le plein respect des droits fondamentaux, pour surmonter ainsi les obstacles découlant du principe de la double incrimination qui peuvent compromettre leur aptitude à faire comparaître, à poursuivre ou à extrader des terroristes ; b) continuer d’améliorer la formation et le financement des autorités centrales et nommer des coordonnateurs de la coopération internationale qui soient disponibles tous les jours et à toute heure du jour et de la nuit ; c) prendre l’initiative de mettre des informations en commun, particulièrement au niveau des fonctionnaires qui sont en première ligne ; d) mieux utiliser les technologies pour échanger des renseignements, conformément aux garanties relatives aux droits de l’homme et à l’appui de la procédure d’enquête ; e) tenir compte de la problématique hommes-femmes et veiller à ce que les rôles et les besoins des femmes soient pris en considération, notamment comme auteurs, victimes et agents de prévention ; et f) œuvrer au niveau bilatéral, régional et international pour instaurer la confiance et passer outre aux obstacles réels ou perçus à la comparution des combattants terroristes étrangers en justice.

66. Les États se heurtent également à des difficultés propres aux cas où des enfants et des adolescents sont amenés par la force ou la tromperie à se rendre dans des zones de conflit. D’autres problèmes se posent en ce qui concerne les enfants nés dans des zones de conflit, en particulier ceux qui quittent ces endroits sans parent ni tuteur ou sans document d’identité confirmant leur nationalité et leur filiation. Le manquement de certains États aux obligations internationales qui leur sont faites quant à la protection de l’enfance dans le cadre du système de justice pénale complique la coopération internationale pour ce qui a trait aux familles de combattants terroristes étrangers. Dans sa résolution 2395 (2017), le Conseil de sécurité a encouragé la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme à tenir compte dans ses travaux de l’impact du terrorisme sur les enfants et les droits de l’enfant, en particulier de la question des familles de combattants terroristes étrangers retournant chez elles ou se réinstallant. Le Bureau de lutte contre le terrorisme et le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés sont en train de mettre au point, à l’intention des États Membres, un manuel prônant un traitement fondé sur les droits fondamentaux pour les enfants accompagnant des combattants terroristes étrangers. Le manuel puisera dans les enseignements tirés des contextes pertinents, notamment pour ce qui concerne la réadaptation et la réinsertion des enfants soldats, l’expérience en matière de protection sociale, la communication interculturelle et les vues des chefs religieux, dans le cadre général de la Convention relative aux droits de l’enfant.

67. Dans certains États Membres, les enfants provenant de zones contrôlées par Daech qui rentrent chez eux ou se réinstallent font l’objet d’une évaluation individuelle pour déterminer de quoi ils ont besoin en termes de soins, de mesures de sécurité et plus largement de prise en charge. Depuis mon dernier rapport, plusieurs États ont mis en place des équipes nationales pluridisciplinaires chargées d’élaborer des traitements personnalisés pour les enfants soupçonnés d’avoir commis des infractions terroristes. Il peut être difficile, pour les procureurs, enquêteurs et magistrats, d’établir l’âge exact d’un enfant présumé coupable qui arrive ou revient d’une zone de conflit. Les États Membres devraient s’assurer que toute procédure de détermination de l’âge tient compte du contexte, des disparités entre les sexes et des normes internationales des droits de l’homme.

E. Poursuites, réadaptation et réinsertion

68. Compte tenu du nombre croissant de combattants terroristes étrangers qui rentrent ou se réinstallent, beaucoup d’États Membres accordent de plus en plus d’attention aux stratégies de poursuites et aux programmes de réadaptation et de réinsertion. En vertu de la résolution 2396 (2017) du Conseil de sécurité, les États Membres sont tenus a) de veiller à ce que toutes personnes qui participent au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apportent un appui à des actes de terrorisme soient traduites en justice ; b) d’élaborer et de mettre en œuvre, conformément aux obligations que leur impose le droit international, des stratégies et protocoles exhaustifs et adaptés concernant les poursuites, la réadaptation et la réinsertion, notamment pour les combattants terroristes étrangers et les conjoints et les enfants qui les accompagnent à leur retour ou à leur réinstallation, et de déterminer s’ils sont capables de se réadapter ; et c) de prendre ces mesures en consultant, le cas échéant, les communautés locales, des praticiens de la santé mentale et de l’éducation et d’autres organisations et acteurs pertinents de la société civile. La Direction exécutive et les autres organismes compétents des Nations Unies continuent d’apporter aux États Membres une assistance technique à cet égard.

69. Comme le Conseil de sécurité l’a également souligné dans sa résolution 2396 (2017), il faut impérativement faire en sorte que les programmes de réadaptation et de réinsertion tiennent compte de la problématique femmes-hommes. L’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes) et la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme ont proposé la mise en place, en 2018, dans le cadre de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, d’un groupe de travail interinstitutions sur l’adoption d’une démarche différenciée selon les sexes en matière de répression du terrorisme et de prévention de l’extrémisme violent. Le groupe de travail aura pour fonction d’aider les États Membres à organiser des campagnes de réadaptation et de réintégration des combattants terroristes étrangers qui soient efficaces, fondées sur des données, conduites dans le souci de l’égalité des sexes et respectueuses des droits fondamentaux.

70. Le Groupe de travail interinstitutions sur le désarmement, la démobilisation et la réinsertion travaille actuellement à la mise à jour des orientations données par le système des Nations Unies sur le sujet. Les orientations révisées traiteront de l’exécution des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration dans les contextes où il y a des groupes terroristes actifs et aborderont les points de convergence entre ces pratiques et le cadre antiterroriste international applicable, notamment l’appel lancé par le Conseil de sécurité pour qu’il soit élaboré des stratégies de poursuites, de réadaptation et de réintégration à l’intention des combattants terroristes étrangers qui rentrent ou se réinstallent.

71. Dans sa résolution 2349 (2017), le Conseil de sécurité a demandé aux gouvernements du bassin du lac Tchad d’établir et d’appliquer d’urgence, dans le respect des dispositions applicables du droit international, en particulier du droit international des droits de l’homme, du droit international des réfugiés et du droit international humanitaire, des critères et processus de vérification qui permettent de déterminer rapidement les personnes qui ont été associées à Boko Haram et à l’EIIL et qui sont détenues par les autorités, y compris celles qui ont été capturées ou se sont rendues, ou qui se trouvent dans les camps de réfugiés ou de personnes déplacées. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et l’ONUDC ont entamé, au Tchad et au Nigéria, des activités tendant à faciliter l’adoption d’une conception globale des poursuites, de la réadaptation et de la réintégration concernant les personnes associées à Boko Haram.

72. Au début de 2018, les quatre États du bassin du lac Tchad tiendront des consultations sur la nécessité d’une approche régionale harmonisée du traitement des personnes associées à Boko Haram, avec l’appui d’autres partenaires, dont le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les États Membres de la région bénéficieront également d’une aide à la promotion de la coopération interinstitutions entre les forces militaires et les autorités civiles chargées des enquêtes et des poursuites civiles afin que les preuves soient dûment recueillies et conservées dans le but de traduire les terroristes en justice.

73. Bien que les initiatives de réadaptation et de réintégration soient souvent propres au contexte où elles interviennent, certains enseignements peuvent s’appliquer plus largement. Il apparaît ainsi que l’efficacité de telle ou telle méthode tient notamment au fait de travailler au plus tôt avec les familles et les communautés d’accueil, de les appuyer d’emblée, et d’évaluer avant la libération des prisonniers dans quelle mesure elles sont disposées et aptes à soutenir les efforts de réintégration. D’autres exemples montrent combien il importe d’assurer une bonne coordination et une direction claire dans l’élaboration et la mise en œuvre de modèles interinstitutions et pluridisciplinaires. Pour être couronné de succès, un programme doit également prendre en compte les besoins particuliers des enfants et des jeunes.

F. Endiguer la propagation de l’extrémisme violent
dans les prisons

74. Au vu du nombre croissant de combattants terroristes étrangers, rapatriés et réinstallés, qui entrent dans le système de justice pénale, le rôle des prisons dans la lutte contre le phénomène gagne en importance. Les organisations internationales et régionales et les institutions spécialisées redoublent d’efforts pour aider les États Membres à élaborer des mesures et des programmes visant à prévenir ou à combattre la radicalisation et le recrutement par des groupes terroristes et extrémistes violents dans les prisons.

75. L’initiative menée conjointement par l’ONUDC, le Bureau de lutte contre le terrorisme et la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme pour gérer la propagation de l’extrémisme violent dans les prisons est un exemple parmi d’autres de coopération interinstitutions visant à combattre le problème. Elle a donné lieu à la publication par l’Office d’un manuel détaillé sur la gestion des détenus extrémistes violents et la prévention de la radicalisation violente dans les prisons, qui aide le personnel pénitentiaire à gérer le risque de radicalisation dans les établissements carcéraux et fournit aux États pilotes des informations utiles et une assistance technique sur le sujet. L’initiative a notamment pour objectifs précis de favoriser la coopération entre les autorités nationales compétentes, de renforcer la sûreté et la sécurité pénitentiaires et de donner des orientations sur les programmes de désengagement en milieu carcéral et la réinsertion sociale après la libération. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le Conseil de l’Europe, le Réseau de sensibilisation à la radicalisation de la Commission européenne et le Forum mondial de lutte contre le terrorisme ont également élaboré des directives à ce sujet. Pour sa part, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a contribué au renforcement des capacités de prévention de la propagation de l’extrémisme violent qui conduit au terrorisme dans les prisons, dans le cadre de son programme d’assistance technique multidimensionnelle sur la prévention de l’extrémisme violent. Dans son programme européen de sécurité, la Commission européenne a érigé en priorités la prévention de la radicalisation dans les prisons et la mise en place de programmes efficaces de désengagement et de déradicalisation.

76. D’importantes lacunes restent toutefois à combler. Peu de programmes ont pour objet de prévenir, traiter, mesurer et comprendre la radicalisation ou le recrutement de femmes détenues. Ceux qui visent les prisonniers de sexe masculin ont rarement d’équivalent pour les femmes. Les programmes tendant à contenir l’extrémisme violent dans les prisons ne prennent pas souvent non plus en considération la vulnérabilité propre aux enfants incarcérés. Dans de nombreux États, les enfants sont incarcérés avec les adultes, ce qui les expose aux mauvais traitements et aux sévices. Ils doivent donc davantage compter sur la protection des adultes et sont par conséquent plus susceptibles d’être radicalisés ou recrutés.

G. Contrer les discours terroristes et mobiliser les collectivités
dans la prévention de l’extrémisme violent

77. Les États Membres, les organisations internationales et régionales, la société civile et le secteur privé ont renforcé leurs efforts de lutte contre les discours et les idéologies de Daech, sur Internet et dans le monde réel. Les méthodes récentes portent principalement sur trois domaines : la lutte contre la propagande de Daech ; les partenariats public-privé ; et les campagnes de contre-offensive par le discours. Les gouvernements ont un rôle crucial à jouer pour nouer le dialogue avec les communautés et les milieux professionnels afin de favoriser la mise au point de contre-discours et de messages différents. Les États sont de plus en plus nombreux à promouvoir des campagnes locales en apportant un soutien financier et une aide au renforcement des capacités, et en encourageant les partenariats public-privé dans ce domaine.

78. Plusieurs sociétés de technologie se sont mobilisées plus avant pour lutter contre le terrorisme sur leurs plateformes. En août 2017, Facebook, Microsoft, Twitter et YouTube ont lancé le Forum mondial Internet pour la lutte contre le terrorisme, en collaboration avec l’initiative « Tech Against Terrorism » de l’ICT for Peace Foundation, dirigée par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. Le Forum, qui a ouvert une plateforme de partage des connaissances le 29 novembre 2017, s’est donné pour missions d’élaborer des solutions technologiques, de mener des recherches sur les contre-discours et de partager connaissances et expériences avec de plus petites sociétés naissantes spécialisées dans la haute technologie, en vue de renforcer les moyens dont elles disposent pour prévenir l’exploitation de leurs plateformes et de leurs services à des fins terroristes. L’initiative « Tech Against Terrorism » travaille également avec les membres fondateurs du Forum à l’organisation de plusieurs ateliers avec des sociétés de technologie plus modestes et des représentants de la société civile pour mettre en commun des pratiques d’excellence, y compris pour la contre-propagande.

79. Conformément à la résolution 2354 (2017) du Conseil de sécurité, le Comité contre le terrorisme, avec le concours de sa direction exécutive et du Bureau de lutte contre le terrorisme : a) établit des contacts avec les entités (dont les acteurs religieux, les organisations de la société civile et les parties prenantes du secteur privé) qui ont des compétences et de l’expérience dans le domaine de la mise en place d’une contre propagande, afin d’affiner sa compréhension des bonnes pratiques en la matière ; b) élabore des initiatives pour renforcer les partenariats public-privé dans la lutte contre la propagande terroriste ; et c) tient à jour une liste d’initiatives nationales, régionales et internationales sur les discours antipropagande.

80. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme fait aussi fond sur l’expertise des milieux universitaires et des groupes de réflexion qui s’intéressent à la question, en particulier par l’entremise de son réseau mondial de recherche dans le domaine de la lutte antiterroriste. Sur la base des informations reçues à ce jour, elle a élaboré des bonnes pratiques et des recommandations préliminaires pour contrer les discours terroristes par des réponses fondées sur les contenus.

81. En septembre 2017, avec l’appui de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et en partenariat avec le PNUD et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, ONU-Femmes a organisé deux ateliers régionaux en Asie du Sud-Est et en Asie du Sud. Les enseignements tirés de ces ateliers ont mis en évidence qu’il importait : de mener une action au niveau local pour promouvoir les valeurs de tolérance, de pluralisme et de compréhension dans la teneur de toute campagne visant à véhiculer des messages différents ; de veiller à ce que les cadres juridiques nationaux protègent la liberté d’opinion et d’expression, le pluralisme et la diversité des médias ; d’intégrer une démarche antisexiste dans la conception et la mise en œuvre des campagnes ; et d’assurer une prévention précoce au moyen des programmes voulus en matière d’alphabétisation numérique et d’éveil critique des enfants.

82. En juillet 2017, le Bureau de lutte contre le terrorisme a achevé les première et deuxième phases d’un projet consacré à la prévention de l’extrémisme violent par la communication stratégique. La première phase a donné lieu à l’élaboration d’une stratégie de communication des Nations Unies pour la prévention de l’extrémisme violent. La deuxième phase a consisté dans des visites de pays destinées à mettre en place une méthode normalisée pour renforcer les capacités des États Membres de l’ONU et des entités des Nations Unies qui en avaient fait la demande. Les préparatifs ont à présent débuté pour l’appui à fournir au titre de la troisième phase, y compris : a) des ateliers de formation aux fins de sensibilisation ; b) des recommandations quant aux façons de bâtir un cadre institutionnel propice ; et c) un appui technique pour former les fonctionnaires et d’autres à la mise en œuvre d’un cadre de communication stratégique pour la prévention de l’extrémisme violent.

83. Si des progrès notables ont été accomplis, d’importants défis n’en demeurent pas moins à relever. La lutte contre la propagande terroriste requiert des interventions cohérentes, coordonnées et à long terme. Conformément à la résolution 2354 (2017) du Conseil, le Comité et la Direction exécutive continueront de faciliter la coopération internationale en vue de l’application du cadre international global de lutte contre la propagande terroriste ; de recenser les bonnes pratiques en cours ; et de fournir des orientations claires, des directives et un appui technique, selon que de besoin.

IV. Observations

84. Malgré les progrès accomplis par les États Membres dans la mise en œuvre d’un large éventail de mesures de lutte contre le terrorisme et de prévention de l’extrémisme violent, et en dépit des récentes avancées militaires obtenues contre l’EIIL à la fois en Iraq et en République arabe syrienne, le groupe et ceux qui lui sont associés font toujours peser une menace importante sur la paix et la sécurité internationales. Les actes de terrorisme continuent de compromettre le développement durable, l’exercice des droits de l’homme et l’action humanitaire.

85. Si tous les États Membres appliquaient pleinement le cadre juridique international de lutte contre Daech et les combattants terroristes étrangers, la coopération internationale contre cette menace s’en trouverait nettement renforcée. La récente restructuration de l’architecture antiterroriste des Nations Unies vise à faire en sorte que le système des Nations Unies puisse apporter un soutien coordonné, cohérent et efficace aux États Membres. De même, par sa résolution 2395 (2017), le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme jusqu’au 31 décembre 2021 et souligné qu’il était capital que celle-ci procède à une évaluation technique de la mise en œuvre de ses résolutions applicables. Il y a également réaffirmé le rôle essentiel de la Direction exécutive au sein de l’ONU visant à recenser les problèmes naissants, les tendances et les faits nouveaux concernant la mise en œuvre des principales résolutions antiterroristes, notamment dans le cadre de son réseau mondial de recherche dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, qui fédère des instituts de recherche du monde entier pour mettre en commun des conclusions de recherches fondées sur des données factuelles en tirant profit de la diversité des points de vue régionaux. Dans cette résolution, le Conseil a aussi noté les compétences de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme dans l’appui à l’élaboration et à la promotion de réponses antiterroristes éclairées, et exhorté le Bureau de lutte contre le terrorisme et toutes les autres entités compétentes des Nations Unies à tenir compte des recommandations et des analyses de la Direction exécutive dans la mise en œuvre de leurs programmes. La résolution prévoit une coordination accrue entre le Bureau de lutte contre le terrorisme et la Direction exécutive, ainsi qu’entre tous les organes compétents du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.

86. Le plan de renforcement des capacités destiné à endiguer le flux de combattants terroristes étrangers est un instrument utile pour coordonner l’action des diverses entités des Nations Unies qui ont affaire aux différents aspects du phénomène dont il est question dans le présent rapport. J’encourage les États Membres à collaborer avec les entités participant à la mise en œuvre de ce plan et à chercher des moyens de mobiliser les ressources restantes s’il y a lieu.

Référence S/2018/80