Frédéric Desagneaux, envoyé spécial de la France pour la Libye

Je vous remercie. C’est un honneur pour moi d’être auditionné par votre commission, trois mois à peine après avoir pris mes fonctions d’envoyé spécial pour la France.

Cette audition est l’occasion de faire un point sur la situation présente en Libye, de revenir sur la genèse, le déroulement et les résultats de la conférence internationale qui s’est tenue à Paris le 29 mai et d’envisager la suite et les perspectives.

Je commencerai par un cadrage liminaire : nous avons une ambassade en Libye, avec à sa tête une ambassadrice de France en Libye, positionnée à Tunis, mais qui se déploie de plus en plus sur le terrain à travers des déplacements réguliers, et dont les effectifs montent en puissance.

Pour ma part, je suis en charge du portage politique et diplomatique de l’action de la France sur le dossier à travers des missions, contacts, concertations avec nos partenaires régionaux, européens, internationaux intéressés par le sujet libyen. Ceux-ci sont assez nombreux mais ne tirent pas toujours dans le même sens ; j’y reviendrai.

La France participe à plusieurs formats de concertation : P3+1, P3+3 (Italie, Egypte, Emirats), P3+3+3 (Algérie, Tunisie, Arabie Saoudite), Quint européen... C’est à ce titre que je me suis d’abord rendu à Tunis concomitamment avec les membres du groupe de travail de votre commission.

Quelques mots tout d’abord sur la situation en Libye.

Ce qui frappe, ce sont les fondamentaux : division, prédation, instabilité, insécurité. Le pays est profondément divisé, atomisé en de multiples pôles. La division dépasse de loin la fracture Est/Ouest car chaque camp est parcouru de divisions internes. Ainsi, derrière la division schématique entre le gouvernement d’entente nationale (GEN) du Premier ministre Sarraj et l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Hafter se cachent des réalités locales complexes, des alliances volatiles et des convergences d’intérêts.

À l’Ouest, le GEN est contraint de soigner ses relations avec les pôles politiques, économiques et armés que sont notamment les milices de Tripoli et d’autres grandes villes.

À l’Est, l’ANL est fondée sur une alliance entre des militaires de métier, des miliciens, des brigades salafistes et des mercenaires, autour de l’objectif commun de lutte contre le terrorisme. Mais derrière cette unité se trouvent aussi bon nombre de rivalités entre gens de l’Est, entre tribus et entre courants idéologiques.

Au Sud, fragmenté, peu peuplé, les conflits en apparence intercommunautaires ont souvent une origine économique : la lutte pour le contrôle des ressources. Le Sud n’intéresse que peu le Nord et, oublié, est une zone refuge pour la criminalité et les groupes radicaux.

Le conflit libyen est fondamentalement un conflit de prédation, pour le contrôle du pouvoir, du territoire, des ressources. Cette économie de prédation s’est durablement installée. La démobilisation des milices sera difficile même si l’ONU prépare des plans. La Libye reste la voie migratoire principale vers l’Europe et les trafiquants prospèrent. La menace terroriste demeure sérieuse malgré des progrès.

Malgré ce tableau compliqué et loin d’être apaisé, le conflit libyen reste somme toute de basse intensité : 433 combattants et civils tués en 2017 mais 108 civils tués depuis le début de l’année. Le dialogue n’est jamais totalement rompu. Nous percevons aujourd’hui une certaine fatigue, favorable au dialogue, car les acteurs semblent avoir pris conscience de l’impossibilité d’une victoire militaire. La population libyenne veut dans sa grande majorité sortir de cette impasse, notamment à travers les élections.

Quelques éléments alimentent une certaine dynamique positive :

 le succès des opérations d’enregistrement sur les listes électorales menées par la Haute commission électorale avec l’appui des Nations unies : 2,5 millions de personnes soit 56% du corps électoral potentiel contre 1,4 million en 2014 et encore moins en 2012 ;

 le processus mené par la Mission des Nations unies de préparation d’une conférence nationale avec la tenue dans 27 villes de réunions publiques de dialogue inter-libyen qui ont permis à la population de s’exprimer sur toute une série de sujets sans violence ;

 la tenue des premières élections municipales à Zawiya (4ème ville du pays) avec un taux de participation de plus de 60% sans non plus qu’on ait eu à déplorer d’incident

En sens inverse, deux développements récents suscitent notre préoccupation :

 au sud, la région de Sebha continue d’être le théâtre d’affrontements entre groupes tribaux, principalement les Toubous et les Ouled Sleimane sur fond de lutte pour le contrôle des divers trafics (armes, êtres humains, drogue etc...) ;

 à Derna, grande ville de l’est, l’ANL est à l’offensive, avec des moyens d’abord aériens puis terrestres, contre des "éléments terroristes". Cela pose un problème humanitaire, dans la mesure où la population est prise au piège, et un problème politique vis-à-vis de la région de l’ouest, avec des risques de représailles entre milices.

Naturellement, deux éléments essentiels de la situation en Libye concentrent notre attention :

 la question des migrations. Sur l’ensemble de la Méditerranée, ce sont près de 42.000 arrivées qui ont été constatées depuis le 1er janvier de cette année. Sur ce total, 28% concerne la Méditerranée centrale, soit environ 12.000 personnes. C’est une baisse sensible par rapport à la même période de l’an passé, mais la Libye constitue toujours le principal point de départ avec environ les deux tiers de départs de migrants d’Afrique à travers la Méditerranée.

La répartition nationale des migrants est la suivante : les Tunisiens représentent 22%, les Erythréens 18%, les Nigérians 7%, les Ivoiriens et les Soudanais 5%, les Pakistanais, Algériens et Guinéens 4% et enfin les Maliens et les Irakiens respectivement 3%.

L’office international de migration (OIM) a comptabilisé 700.000 migrants, dont 400.000 femmes dans le pays, mais ce chiffre est sans doute sous-évalué. Nombreux sont ceux qui sont détenus dans des camps dans des conditions souvent inhumaines, victimes de pratiques qui s’apparentent à de l’esclavage. S’y ajoutent les réfugiés, que le HCR évalue à 48.000.

Pour agir face au trafic d’êtres humains, la France a pris l’initiative avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Etats-Unis, en accord avec le gouvernement de Tripoli, de soumettre au Conseil de sécurité des Nations unies une liste de noms de trafiquants en vue de l’adoption de sanctions.

Je rappelle également les autres initiatives prises par la France : le sommet de Paris en juillet et celui d’Abidjan en novembre, ainsi que la création d’une task force entre l’Union africaine (UA), les Nations unies et l’Union européenne.

 deuxième sujet de préoccupation, naturellement, la menace terroriste. Deux groupes sont présents dans le pays : AQMI et Daech. AQMI est présent en Libye depuis 2013, notamment dans la région d’Oubari. AQMI a développé une stratégie d’alliance avec les tribus et groupes locaux et mené des prises d’otages dans le secteur des champs pétroliers où se trouvent des compagnies étrangères. Toutefois, cette organisation a subi des revers importants, et notamment l’élimination de Mokhtar Belmokhtar en novembre 2016. Plus récemment, des frappes américaines ont eu lieu en mars dernier. Ces revers ont eu un impact significatif sur l’activité de cette organisation.

Quant à Daech, il est présent depuis 2014 et, après avoir été délogé de Syrte et de Benghazi, il s’est réorganisé dans le désert, avec toutefois la permanence de cellules actives dans les grandes villes comme Tripoli et Misrata. C’est ainsi qu’une attaque a été menée contre la Haute commission électorale (HNEC) le 2 mai dernier.

Pour toutes ces raisons, le président de la République s’est saisi dès son élection du dossier libyen. Le rôle joué par la France en 2011 l’y incitait, mais aussi les responsabilités qu’assume notre pays en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est ainsi que la France a organisé le 25 juillet 2017 la réunion de la Celle-Saint-Cloud, qui a mis en présence pour la première fois les deux rivaux de l’Ouest et de l’Est du pays. De la même façon, le ministre des affaires étrangères s’est rendu à deux reprises en Libye, en septembre et décembre 2017. Cet effort diplomatique a débouché concrètement sur l’organisation de la conférence internationale du 29 mai à Paris, préparée en lien avec le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Ghassan Salamé, et organisée en concertation avec les principaux acteurs libyens et nos partenaires internationaux.

Comme l’a dit le président de la République, nous sommes animés par un sentiment d’espoir, car les Libyens se sont inscrits en nombre sur les listes électorales, et parce qu’on ressent le souhait de la population de pouvoir avancer vers une transition. Ce sentiment d’espoir se conjugue avec un sentiment d’urgence, parce que le statu quo n’est pas tenable, qu’il profite aux prédateurs et aux trafiquants et qu’il menace la stabilité régionale. L’objectif de la conférence de Paris était donc de donner une impulsion au processus politique.

Le bilan de cette conférence est très positif, puisqu’il faut noter tout d’abord la présence autour de la même table des quatre principaux protagonistes libyens, ce qui est une première. Ensuite, la participation de la communauté internationale, à travers les membres du P5, les voisins de la Libye, les pays intéressés et les organisations régionales est un élément essentiel. Enfin, la conférence a débouché sur l’approbation d’un texte dont les principes ont été négociés avec et entre les différents participants libyens. Le contenu des engagements est d’abord l’adoption avant le 16 septembre d’une base constitutionnelle pour des élections, la tenue d’élections présidentielles et législatives le 10 décembre, l’ouverture d’une nouvelle campagne d’inscription sur les listes électorales, l’engagement à respecter les résultats de ces élections et à sécuriser les scrutins, l’unification des institutions et notamment de la banque centrale, ainsi que l’unification des institutions militaires et de sécurité. Dernier point important, il a été décidé d’organiser une conférence de suivi de la mise en oeuvre de cette déclaration de Paris.

La question qui se pose maintenant est naturellement la traduction concrète de tous ces engagements. Il faut relever d’abord que les réactions locales libyennes sont globalement positives, puisque trois des quatre participants ont affirmé publiquement qu’ils respecteraient leurs engagements, et réaffirmé que la solution passait par des élections. Il reste bien sûr des voix discordantes.

Ensuite, il va falloir tâcher d’associer certains acteurs qui n’étaient pas présents à Paris, notamment en invitant des délégations en France, notamment de la ville de Misrata. Mais il ne faut pas oublier qu’à travers les quatre délégations présentes à Paris, la diversité du pays et ses principales sensibilités politiques régionales étaient représentées.

Reste que plusieurs défis de taille se dressent devant nous : l’établissement des conditions politiques, légales et sécuritaires indispensables à la tenue d’élections ; le respect du calendrier agréé à Paris. Il faudra donc faire preuve de volontarisme. Chacun devra être mis face à ses responsabilités et les Etats associés à ce processus devront aussi s’engager pour qu’il réussisse.

C’est pourquoi il était important grâce à nos efforts à New York que le Conseil de sécurité des Nations unies, par la voix de son président, reconnaisse officiellement l’importance de cette déclaration de Paris et se réfère positivement à ses différentes dispositions, en appelant les Libyens à tenir leurs engagements.

Pour ma part, je me rendrai prochainement à Washington, à Rome, au Caire et dans le Golfe notamment.

La conférence de suivi, qui sera un élément important, pourrait se tenir après l’été. En bref, la France, qui a beaucoup oeuvré pour une amélioration de la situation en Libye, entend continuer à prendre des initiatives dans ce sens. D’ailleurs le ministre Jean-Yves le Drian envisage de se rendre en Libye cet été pour entretenir la dynamique. Il devrait notamment être accompagné par une délégation d’hommes d’affaires français car nous souhaitons relancer cette dimension de notre relation.

(Interventions des parlementaires)

Je vais revenir sur les différents points évoqués en regroupant mes réponses.

Sur les élections, personne ne nie que les organiser soit un vrai défi surtout dans la situation où se trouve la Libye. Je voudrais cependant rappeler que l’objectif de la tenue d’élections est au coeur de la démarche des Nations unies et de son représentant spécial Ghassan Salamé dont le plan d’action a été endossé par le Conseil de sécurité en septembre dernier. C’est donc notre feuille de route collective. Ensuite, c’est l’aspiration du peuple libyen qu’il a manifestée en s’inscrivant largement sur les listes électorales, ce qui marque un saut quantitatif considérable par rapport aux années antérieures. Il l’a manifestée à travers les différentes réunions organisées dans le cadre du processus de conférence nationale par le Représentant spécial, processus auquel les maires ont été associés car les municipalités par leur cohérence et parce qu’elles sont en adéquation avec les souhaits de leur population, sont un point d’appui important dans le processus de réconciliation nationale. Les élections sont donc considérées par les Nations unies et par les Libyens comme nécessaire pour sortir d’un statu quo que chacun s’accorde à considérer comme insupportable.

Alors on peut discuter du séquençage, pourquoi organiser des élections présidentielles et législatives en même temps et non l’une après l’autre ? D’abord organiser les élections le même jour, c’est permettre d’en assurer plus facilement la sécurité. Ensuite, c’est le meilleur moyen de s’assurer d’une bonne participation. C’est aussi garantir de ne pas avoir à courir le risque que l’instance élue en premier fasse tout pour empêcher celle de l’instance dont l’élection interviendrait postérieurement. Enfin, les instances actuelles sont dysfonctionnelles et se récusent leur légitimité. Le seul moyen d’en sortir est l’élection de nouvelles instances législatives et exécutive qui seront toutes deux légitimes puisqu’elles procéderont du vote du peuple libyen.

Le calendrier est effectivement exigeant, mais se fixer un calendrier c’est se donner les moyens de parvenir à l’objectif. La date du 16 septembre pour les arrangements constitutionnels est une première étape. Sans entrer dans le détail de la situation juridique, les projets de textes concurrents sont légions. C’est précisément le sens de la mission confiée à Ghassan Salamé à travers ses contacts, et nous soutiendrons nous-mêmes ces efforts, de trouver une base constitutionnelle acceptable et recueillant l’adhésion du peuple libyen. Ensuite, il faudra trouver une solution pour les lois électorales, il y a là aussi déjà trois projets concurrents, qu’il faudra parvenir à unifier. Sur ce point, il y a un autre acteur important, c’est la Haute Commission électorale qui a été la cible d’un attentat le 2 mai dernier. Le président de cette instance avec lequel notre ambassade est en contact régulier nous a dit clairement qu’il adhérait à l’objectif du 10 décembre, qu’il le pensait tenable pourvu que les acteurs coopèrent. Il a procédé au processus d’inscription sur les listes électorales de façon très transparente. Il s’agit d’une instance indépendante et efficace, ce n’est pas un hasard qu’elle ait été la cible des terroristes. Une des options pour rapprocher le point de vue des deux chambres qui vont être à la manoeuvre pour adopter la base constitutionnelle et les lois électorales, c’est l’organisation d’une navette par le truchement de la Haute Commission électorale de manière à établir un dialogue qui n’existe pas aujourd’hui entre les deux chambres.

Sur les questions sécuritaires et les milices qui prolifèrent et ne sont pas naturellement prêtes à perdre le contrôle de leurs positions de pouvoirs, de forces armées et de captations de ressources, il se trouve que Ghassan Salamé et ses équipes travaillent depuis longtemps sur ce sujet, sont en contact avec un certain nombre de ces groupes et ce qu’il nous dit, à propos des chefs de ces milices et leurs miliciens, c’est qu’une grande partie d’entre eux aspirent à intégrer de nouvelles structures de forces de sécurité légitimes, officielles, soit à retourner à la vie civile. C’est à cela qu’il faut travailler. Il existe par ailleurs, s’agissant de la réunification des forces de sécurité, un processus qui est conduit par l’Egypte. Il y a déjà eu six sessions entre des représentants des deux armées, l’une dépendant du gouvernement de Tripoli, l’autre du Maréchal Haftar à l’est. Leurs chefs d’état-major ont participé au mois d’avril à la dernière réunion au Caire. Nous soutenons ce processus. Il y a également un travail de planification sur la démobilisation et la réintégration des miliciens.

Sur les questions financières et le rôle du panel des experts du Conseil de sécurité des Nations unies, au titre des résolutions du Conseil de sécurité, le Comité des sanctions a appointé un panel d’experts qui procède à des enquêtes et produit deux rapports chaque année, un rapport intermédiaire présenté au mois de janvier et un rapport définitif que nous attendons pour la fin juin. Ces rapports pointent un certain nombre de dysfonctionnements, d’irrégularités et de violations des dispositions des résolutions de sanctions du Conseil de sécurité, font des recommandations et demandent la coopération des Etats membres. Au sujet des sanctions financières dont nous savons bien qu’elles pourraient avoir un impact fort pour mettre à mal toutes les opérations de malversation, corruption et prédation, il y a plusieurs pistes qui sont étudiées à un stade préliminaire concernant l’identification des flux de capitaux libyens et la possibilité de désigner les individus ou entités qui se livrent à ces pratiques financières illégales et en interne. Nous commençons à y travailler au sein de nos administrations. C’est un dossier sur lequel Ghassan Salamé est très allant, mais également les Etats-Unis. Pour ce qui concerne la Banque centrale, il est indiqué dans la déclaration de Paris qu’il faut réunifier les entités, car il en existe deux, une à l’Ouest et une à l’Est. La question du remplacement du gouverneur dont le mandat a expiré en 2015 se pose et nous avons demandé aux présidents des deux chambres de s’accorder pour nommer un remplaçant au titulaire actuel. C’est évidemment très important compte tenu du rôle que joue la Banque centrale dans l’administration financière et budgétaire de la Libye.

Sur la question des migrations, les sanctions ne sont pas des arrestations mais la citation de six personnes afin de prendre des mesures de gel de leurs avoirs et des interdictions de voyager. La coercition exercée est le fait des autorités libyennes, notamment par les garde-côtes dont nous contribuons à la formation avec l’Union européenne à travers l’opération EUNAVFOR Sophia dont le mandat va être renouvelé dans les prochains jours. Pour mémoire, cette opération déploie 7 bâtiments navals, 4 avions de patrouille maritime et un drone ; la France fournit actuellement un navire et un avion. Au-delà de ce travail en mer, il y un travail à conduire à terre, notamment sur les frontières. L’Union européenne a mis en place la mission EUBAM qui est chargée de travailler sur la formation à la sécurisation des frontières et dans le domaine de la justice pénale et de l’Etat de droit. Evidemment, la situation ne lui a pas permis de se déployer sur le terrain, mais elle exerce ses missions de formation à Tunis, ce à quoi s’ajoute l’action menée par les Nations unies. On notera des développements positifs comme les réunions de coordination sur la sécurité des frontières qui ont regroupé les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères et les chefs des services de renseignement du Niger, du Tchad, du Soudan et de la Libye. L’Union européenne contribue en soutien à des ONG, au HCR et à l’OIM à des projets dans le domaine de la protection des migrants, des déplacés et des réfugiés et à des programmes de développement local, notamment à travers un fonds fiduciaire d’urgence auquel 173 millions d’euros ont été consacrés. La France participe de cet effort. Elle participe également avec l’Union européenne au financement de la préparation des élections. L’Union européenne a consacré 5 millions d’euros à un programme d’assistance électorale piloté par le PNUD auquel nous avons contribué comme d’ailleurs les Etats-Unis. Par ailleurs, après l’attentat contre la Haute Commission électorale, la question de la réimplantation et de la sécurisation de son siège se pose et nous étudions les moyens de venir en soutien à cette Commission. Enfin, pour garantir la sincérité du scrutin, des observateurs européens pourraient être déployés si les conditions de sécurité le permettent. C’est une décision qui appartiendra à l’Union européenne.

L’Italie a un intérêt historique et légitime pour la Libye. Elle dispose d’une ambassade présente à Tripoli. Elle avait conçu une certaine amertume au moment où la France avait pris l’initiative de la réunion de La Celle Saint-Cloud en juillet 2017. S’agissant de la réunion du 29 mai, la presse italienne a certes émis des critiques. Le choix de la date n’a pas été conditionné par le déroulement de la crise gouvernementale italienne, mais à la suite d’une large concertation entre toutes les parties prenantes. L’Italie était représentée par une délégation du ministère des affaires étrangères et son ambassadrice à Paris. J’irai à Rome très rapidement et ne doute pas que tous les contacts bilatéraux permettront d’évoquer le sujet. Nous aurons la semaine prochaine une conférence téléphonique au niveau des cellules diplomatiques française, américaine, britannique et italienne pour échanger sur la mise en oeuvre des dispositions issues de la déclaration de Paris. L’Italie a été associée en amont et continuera naturellement à l’être pour faire aboutir les objectifs qui ont été décidés à Paris.

La nouvelle donne gouvernementale italienne impacte nécessairement la question des migrations et celle de l’accueil des réfugiés en Europe et de leur traitement par les différents pays. Je ne suis pas en charge de la question des migrations, il existe un ambassadeur thématique qui traite ces questions dans ses différentes dimensions, mais nous échangeons régulièrement et nous constatons que les questions migratoires font partie des éléments structurants de la crise libyenne. Bien entendu, la politique italienne aura un impact sur le dossier européen, mais peut-être aussi sur l’aspect libyen. Je note que dans son discours d’investiture devant le Sénat, le Premier ministre Conte n’a pas abordé la question de la situation politique en Libye.