Renouveler les promesses de l’Europe en matière de sécurité et de prospérité

La France et l’Allemagne nourrissent une même ambition pour le projet européen : une Europe
démocratique, souveraine et unie, une Europe compétitive, une Europe qui soit une ancre
de prospérité et qui défende son modèle économique et social et sa diversité culturelle, une
Europe qui favorise une société ouverte reposant sur des valeurs communes de pluralisme, de
solidarité et de justice, qui défend l’État de droit partout dans l’UE et le promeut à l’étranger,
une Europe prête à affirmer son rôle international en faveur de la paix, de la sécurité et du
développement durable et à être au premier rang de la lutte contre le changement climatique,
une Europe qui parvienne à relever le défi des migrations.

Pour réformer l’Europe, nous devons écouter la voix des citoyens. C’est pourquoi la France
et l’Allemagne sont attachées à poursuivre les consultations citoyennes sur l’Europe afin de
nourrir le débat démocratique en amont des prochaines élections européennes.

La France et l’Allemagne sont fermement résolues non seulement à préserver les acquis
de l’Union européenne mais encore à renforcer leur coopération au sein de cette dernière
en veillant constamment à assurer à la fois l’unité de ses États membres et son efficacité.
L’Union européenne se montrera à la hauteur de ses valeurs et jouera un rôle important
dans la protection des droits de l’homme et dans la défense, la réforme et le renforcement
du multilatéralisme.

L’UE est aujourd’hui confrontée à des défis existentiels : les migrations, l’évolution de son
environnement sécuritaire, la compétitivité et l’innovation, la révolution numérique, la nécessité
de conférer à la zone euro davantage de résilience et de stabilité et d’agir en faveur de
la protection du climat. La France et l’Allemagne sont toutes deux convaincues que la
seule réponse appropriée à ces défis réside dans la coopération européenne. Des actions
purement nationales et non coordonnées ouvrent la voie à l’échec et à la division.

Afin d’ancrer notre coopération européenne dans une coopération bilatérale forte, la
France et l’Allemagne finaliseront d’ici à la fin de 2018 un nouveau « Traité de l’Élysée » avec
l’ambition de développer la convergence économique, sociale et fiscale entre elles, d’élaborer
de nouveaux outils de leur coopération transfrontalière et de réaffirmer leur engagement de
soutenir et de faciliter l’apprentissage de la langue de leur partenaire.
Au vu de ce qui précède, la France et l’Allemagne sont convenues aujourd’hui à Meseberg
de ce qui suit :

POLITIQUE ÉTRANGÈRE, SÉCURITÉ ET DÉFENSE

– Étudier de nouveaux moyens d’accroître la rapidité et l’efficacité de la prise de décision de
l’UE dans le cadre de notre politique étrangère et de sécurité commune. Nous avons besoin
d’un débat européen sur de nouveaux formats, tels qu’un Conseil de sécurité de l’UE, et des
moyens de coordination plus étroite, au sein de l’UE et des instances internationales. Nous
devrions également étudier les possibilités de recourir au vote à la majorité en matière de
politique étrangère et de sécurité commune, dans le cadre d’un débat plus large sur le recours au vote à la majorité dans les politiques de l’UE.

– Saisir l’occasion de la présence de nos deux États au Conseil de sécurité des Nations
Unies pour lancer des initiatives conjointes, notamment dans le domaine de la prévention
des confits, et renforcer la coordination au sein de l’UE en ce qui concerne les Nations
Unies.

– Souligner la nécessité de développer l’émergence d’une culture stratégique commune grâce
à l’Initiative européenne d’intervention, qui sera liée aussi étroitement que possible à la
coopération structurée permanente (CSP).

– Poursuivre leur action conjointe dans le domaine du développement des capacités, en particulier
le système majeur de combat terrestre (MGCS) et le système de combat aérien futur
(SCAF).

– Appeler de nouveau instamment la Commission européenne à proposer rapidement des
mesures législatives au niveau européen pour lutter contre les contenus en ligne illicites
d’apologie du terrorisme.

– Poursuivre leurs efforts auprès de l’Ukraine et de la Russie dans le format Normandie afin
de faciliter la mise en oeuvre des accords de Minsk pour stabiliser la situation de l’Est de
l’Ukraine et préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

– Progresser sur la voie d’une défense européenne mieux intégrée englobant tous les aspects
et moyens civils et militaires de gestion des crises et de réaction de l’UE.

DÉVELOPPEMENT, MIGRATIONS ET ASILE

– Agir en faveur de la relance rapide d’un programme d’action global sur les migrations comprenant
les trois piliers que sont (i) sur le plan externe, un soutien accru aux pays d’origine
et de transit et à la coopération avec ces pays sur la base d’exemples de coopération et de
partenariats existants comme la Déclaration UE-Turquie, afin d’éviter les départs vers l’Europe,
de lutter contre les migrations irrégulières et d’accélérer le processus de retour ; (ii)
aux frontières de l’UE, l’amélioration de la protection des frontières extérieures de l’Europe
grâce à un renforcement ambitieux de Frontex en termes de personnel et de mandat ; (iii)
sur le plan interne, un système européen commun d’asile qui soit en mesure de faire face
aux crises et d’assurer un juste équilibre entre la responsabilité et la solidarité.

– Rechercher des solutions au niveau européen, qui sont aujourd’hui plus importantes que
jamais. Une action unilatérale et sans coordination ne fera que fractionner l’Europe, diviser
ses peuples et mettre Schengen en danger. L’action unilatérale des Etats membres aboutirait
à accroître l’importance des migrations vers l’Europe. Faire face aux enjeux des migra3
tions avec efficacité requiert de conjuguer les efforts de tous les États membres ainsi que
des institutions de l’UE.

– Traiter conjointement et résolument la question des mouvements secondaires à l’intérieur
de l’UE, en particulier en réduisant les incitations aux mouvements secondaires dans
le nouveau règlement de Dublin mais également en renforçant la coopération entre les États
membres, notamment pour empêcher les demandeurs d’asile enregistrés de passer d’un
pays à l’autre et garantir la rapidité des transferts vers les États membres compétents et de
la réadmission dans ces États.

– Au-delà du court terme, proposer deux réformes essentielles : (i) mettre en place une véritable
police européenne aux frontières à partir de l’agence Frontex existante et (ii) créer
un Office européen de l’asile qui harmoniserait les pratiques des États membres en matière
d’asile et serait chargé des procédures d’asile aux frontières extérieures.

– Rester pleinement attachées à un partenariat étroit avec l’Afrique en matière de sécurité et
de développement, qui constitue une priorité essentielle.

– Mettre rapidement en place un groupe de « sages » de haut niveau sur l’architecture financière
européenne pour le développement (en particulier en ce qui concerne les rôles respectifs
de la BEI et de la BERD) qui présentera des propositions en vue du Conseil européen de
décembre.

COMPÉTITIVITÉ, POLITIQUE ÉCONOMIQUE

– Développer les liens entre les fonds structurels et la coordination des politiques économiques,
et renforcer la convergence économique, sociale et fiscale.

– Mettre en place, dans une perspective stratégique à long terme, un nouveau moyen de favoriser
la croissance et l’emploi durables au niveau européen grâce à une législation en
faveur de l’innovation, à l’approfondissement du marché unique de l’UE et à la défense de
la compétitivité de nos industries au niveau mondial.

– Réaffirmer leur attachement à l’ouverture des marchés, au multilatéralisme et à une politique
commerciale européenne ambitieuse.

– Soutenir la Commission européenne dans l’élaboration de solutions destinées à moderniser
le système commercial multilatéral, notamment en vue de renforcer les disciplines en matière
de pratiques de distorsion des marchés et de rétablir le plein exercice de la fonction de
règlement des différends de l’OMC.

FISCALITÉ

– Mettre en place une véritable convergence fiscale entre la France et l’Allemagne en ce qui
concerne l’impôt sur les sociétés. Nos deux pays sont convenus d’une position commune
sur la proposition de directive présentée par la Commission en vue d’instituer une assiette
commune pour l’impôt sur les sociétés : nous agirons conjointement en ce sens afin de soutenir
et d’accélérer le projet européen d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés
en Europe.

– Parvenir d’ici à la fin de 2018 à un accord de l’UE sur une taxation équitable du numérique.

UEM

– Pour disposer d’une économie forte, l’Union Européenne a besoin d’une union monétaire
forte. Cette monnaie est l’euro, ouverte à tous les États Membres et que presque tous les
États Membres ont pour objectif d’adopter, conformément aux traités de l’UE. Partager une
même monnaie implique des besoins spécifiques en termes de coordination économique et
d’intégration. En conséquence, la France et l’Allemagne ont décidé de proposer dans la feuille de route suivante des étapes majeures pour renforcer et approfondir davantage la
zone euro, et la transformer en une véritable union économique.

MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ (MES)

Dans un premier temps, nous devons réviser le traité intergouvernemental sur le MES afin
d’y inclure le backstop (filet de sécurité commun), de renforcer l’efficacité des instruments de
précaution pour les États membres et de renforcer son rôle dans l’évaluation et le suivi des
futurs programmes. Dans un deuxième temps, nous pourrons intégrer le MES dans le droit de
l’UE en préservant les éléments clés de sa gouvernance.

Des travaux supplémentaires devraient être réalisés pour définir un cadre approprié pour le
soutien de liquidité en résolution.

La conditionnalité demeure un principe sous-jacent du traité MES et de tous ses instruments,
mais doit être adaptée à chaque instrument.

Nous rappelons que toute décision de fournir un soutien du MES à un État membre de la zone
euro comprend une analyse de soutenabilité de la dette.

Afin d’améliorer le cadre existant de soutenabilité de la dette et pour améliorer leur efficacité,
nous devrions commencer à travailler sur l’introduction possible d’euroCACs (clauses d’action
collective) avec clauses d’agrégation simple. Dans les cas appropriés, le MES pourrait faciliter
le dialogue entre ses membres et les investisseurs privés, suivant la pratique du FMI.

Le MES devrait jouer un rôle accru dans la conception et le suivi des programmes, en étroite
coopération avec la Commission et en liaison avec la BCE, sur la base d’un compromis à
trouver entre la Commission et le MES. Il devrait avoir la capacité d’évaluer la situation économique
d’ensemble des Etats membres, en contribuant à la prévention des crises. Cela devrait
se faire sans dupliquer le rôle de la Commission et dans le plein respect des traités.

Chaque fois qu’un État membre demande l’assistance financière du MES, il pourrait également
demander une aide financière au FMI.

Le MES pourrait être renommé.

Ligne de crédit du MES

Nous devrions rendre les instruments de précaution existants plus efficaces pour garantir la
stabilisation. Un tel soutien devrait inclure une conditionnalité.

La ligne de crédit de précaution du MES (PCCL) pourrait être développée en un soutien à la
stabilité utilisé en cas de risque de manque de liquidités lorsque des membres du MES sont
confrontés à un risque de perte progressive d’accès au marché, sans avoir besoin d’un programme
complet.

Nous mettrons en place un processus pour finaliser les termes de référence d’ici décembre.

UNION BANCAIRE

En ce qui concerne l’Union bancaire, la feuille de route du conseil ECOFIN de juin 2016 a
reconnu que des étapes supplémentaires devaient être franchies en termes de réduction et
de partage des risques dans le secteur financier, dans l’ordre approprié, en ce qui concerne
les prêts non performants, les régimes d’insolvabilité, le paquet bancaire et la lutte contre le
blanchiment d’argent.

Backstop (filet de sécurité)

Le MES devrait servir de backstop au fonds de résolution unique. Il devrait être établi sous la
forme d’une ligne de crédit. Sur la base d’une réduction des risques suffisante, son entrée en vigueur devrait être anticipée avant 2024.

La taille du backstop devrait être proche mais ne devrait pas être supérieure à la taille du fonds
de résolution unique. Le backstop devrait remplacer l’instrument de recapitalisation directe.

La neutralité budgétaire à moyen terme sera assurée en particulier par le remboursement du
backstop par des contributions extraordinaires ex post du secteur bancaire en trois ans avec
une extension potentielle de deux ans.

À condition que des progrès suffisants soient réalisés dans tous les domaines pertinents de
réduction des risques, à faire évaluer par les autorités compétentes (Commission, MSU et
Conseil de Résolution Unique), l’entrée en vigueur du backstop devrait être anticipée avant
2024. En 2020, les autorités en charge fourniront un rapport sur la tendance des prêts non
performants et la constitution de MREL subordonné. Sur cette base et si la réduction des
risques est satisfaisante, la décision finale sur l’entrée en vigueur anticipée du backstop devrait
être prise par l’Eurogroupe / ECOFIN / Conseil européen.

Nous évaluerons la taille du fonds de résolution unique dans le contexte de la revue de fin
2018 et la nécessité de revoir l’accord intergouvernemental pour anticiper le backstop.

Des termes de référence avec les caractéristiques précises du backstop devraient être élaborés
en vue d’une approbation politique d’ici à décembre 2018, sur la base des travaux effectués
jusqu’ici par le groupe d’experts existant.

EDIS

Nous réaffirmons l’importance du renforcement de l’Union bancaire en vue de son achèvement.
Cela signifie, sur tous les éléments de la feuille de route du conseil ECOFIN de juin 2016,
à la fois la réduction des risques et le partage des risques dans l’ordre approprié. Le travail sur
une feuille de route pour entamer des négociations politiques sur la garantie européenne des
dépôts (EDIS) pourrait commencer après le Conseil européen de juin.

Union des marchés de capitaux

Nous nous engageons à réaliser des progrès décisifs vers une Union des marchés de capitaux,
sur tous les éléments agréés par nos ministres des Finances.

BUDGET DE LA ZONE EURO

Nous proposons d’établir un budget de la zone euro, dans le cadre de l’Union européenne, afin
de promouvoir la compétitivité, la convergence et la stabilisation dans la zone euro, à partir de
2021.

Les décisions sur le financement devraient prendre en compte les négociations sur le prochain
cadre financier pluriannuel. Les ressources proviendraient à la fois des contributions nationales,
de l’affectation de recettes fiscales et de ressources européennes.

Le budget de la zone euro serait défini sur une base pluriannuelle.

Le but du budget de la zone euro est la compétitivité et la convergence, qui seraient assurées
à travers des investissements dans l’innovation et le capital humain. Il pourrait financer de
nouveaux investissements et venir en substitution de dépenses nationales.

Nous étudierons la question d’un Fonds européen de stabilisation de l’assurance chômage,
pour l’éventualité de graves crises économiques, sans transferts. La France et l’Allemagne
mettront en place un groupe de travail en vue de faire des propositions concrètes pour le
Conseil européen de décembre 2018.

Les décisions stratégiques concernant le budget de la zone euro seront prises par les pays de
la zone euro. Les décisions concernant les dépenses devraient être exécutées par la Commission
européenne.

RECHERCHE, INNOVATION, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, NUMÉRIQUE ET ESPACE

– Agir conjointement en faveur du lancement rapide d’un projet pilote appelé à financer l’innovation
de rupture au cours de la durée restante du programme cadre Horizon 2020, ainsi
que coopérer au niveau bilatéral.

– Mettre en place un centre de recherche franco-allemand sur l’intelligence artificielle.

– Agir en vue de mettre rapidement en place de premières « universités européennes » composées
dans un premier stade de réseaux d’universités dans toute l’Union européenne.

– Instituer un groupe de travail chargé de présenter des propositions qui permettraient à l’UE
de trouver des réponses appropriées aux nouveaux enjeux en matière de politique et d’économie
spatiales (notamment le « NewSpace »).

– Dans le domaine des lanceurs, réaffirmer leur soutien total au programme Ariane 6 de
l’Agence spatiale européenne.

CLIMAT

– S’engager à mettre en oeuvre de manière ambitieuse l’Accord de Paris à tous les niveaux
et à intensifier l’action menée au niveau mondial grâce au multilatéralisme ; à cet effet, le
Dialogue de Petersberg sur le climat a constitué un signal fort.

– Élaborer une stratégie européenne à l’horizon 2050 en vue de la transformation à long
terme vers la neutralité carbone, qui ne constitue pas seulement une nécessité mais aussi
une opportunité économique.

– Veiller à ce que l’UE prenne de nouveaux engagements à la COP 24 afin de réviser d’ici
au début de 2020 sa contribution déterminée au niveau national en tenant compte des
éventuelles réductions d’émissions sectorielles rendues possibles par les accords actuels ou
à venir au niveau de l’UE.

– Mettre en place un groupe de travail interministériel conjoint de haut niveau sur les changements
climatiques afin d’intensifier la coopération dans ce domaine transversal et de définir
des conceptions communes de la transition énergétique et des outils qui permettront de
favoriser des investissements durables et des incitations économiques, notamment la question
de la tarification du carbone.

RÉFORME DES INSTITUTIONS DE L’UE

– Agir afin que la Commission européenne compte moins de commissaires que d’États
membres, comme le prévoit le Traité de Lisbonne.

– Mettre en place des listes transnationales aux élections européennes de 2024.