Pour sa reconstruction, la Syrie ne peut compter que sur elle même, car aucun de ceux qui ont dépensé des centaines de milliards de dollars pour la détruire n’est prêt à débourser le moindre centime pour la reconstruire.

Dans ces conditions, l’avenir du pays est de renouer avec son passé : lorsqu’il était le point de passage obligé entre l’océan Indien et la mer Méditerranée. Durant l’antiquité, la « route de la soie » partait de l’ancienne capitale chinoise de Xi’an pour aboutir à Antioche et à Tyr.

Cette route n’était pas seulement un passage permettant d’échanger des marchandises de ville en ville, c’était aussi une voie culturelle par laquelle la philosophie chinoise se diffusa en Asie et la religion musulmane arriva en Chine ; une route dont la langue commune fut non pas le mandarin, mais le soghdien (une forme ancienne du farsi).
Par la suite, la Syrie continua à être le passage entre l’océan Indien et la Méditerranée, ce qui lui assura la prospérité jusqu’à la construction du Canal de Suez.

Le projet d’un chemin de fer reliant le port iranien de Khorramshahr, à la frontière iraquienne, à la côte méditerranéenne syrienne, via Bagdad, n’est pas nouveau. Il avait déjà été planifié avant la guerre, à l’époque du marché commun turco-irano-syrien. Ses voies furent systématiquement sabotées par les mercenaires pro-Occidentaux, faisant dérailler les trains et tuant le personnel et les voyageurs.

Ainsi, depuis le début, les concepteurs de la guerre —Royaume-Uni en tête— entendaient empêcher l’activité économique de la Syrie. C’est un comportement caractéristique du colonialisme britannique : s’assurer que les peuples colonisés resteront toujours dépendants.

Par exemple, alors que l’Inde était le principal producteur de coton, Londres s’assura qu’elle puisse produire, mais interdit qu’elle file, de sorte que le tissu ne puisse être réalisé qu’en Angleterre. C’est pourquoi le Mahatma Gandhi fila le coton au rouet comme un acte de subversion.

Les Etats-Unis prétendent aujourd’hui s’opposer à ce projet de chemin de fer pour prévenir l’envoi d’armes lourdes iraniennes au Liban. Nous savons que ce n’est qu’un prétexte puisque le secrétaire d’Etat Mike Pompeo l’a lui même déclaré le mois dernier. Le seul objectif de Washington est de retarder l’exploitation du gaz et du pétrole syrien le temps qu’il vende ses hydrocarbures de schiste (dont la production devrait rapidement décliner à partir de 2023, selon l’Agence internationale de l’Energie).

En avril 2017, puis en novembre dernier, Israël a proposé de construire un autre chemin de fer entre les deux mers. Le ministre des Renseignements et des Transports, Israël Katz, a semble-t-il obtenu l’accord de la Jordanie, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Sultanat d’Oman. L’envoyé spécial US, Jason Greenblatt, a suggéré que le projet israélien pourrait être inclus dans le « Deal du siècle ».

La quantité de marchandises à acheminer est telle que les deux projets, quoique concurrents, peuvent parfaitement coexister, mais Tel-Aviv n’a pas la réputation d’être partageur.

A vrai dire, les seuls perdants devraient être les Européens de l’Ouest. Car les marchandises d’aujourd’hui ne sont plus celles de la route de la soie antique. Autrefois, les Européens ne produisaient pas de soie alors que la Chine leur en offrait. Aujourd’hui, les uns et les autres produisent les mêmes choses, les chinoises étant de moins bonne qualité, mais beaucoup moins chères. Leur arrivée massive pourrait détruire rapidement ce qui reste de l’industrie européenne. Pour se préserver, les Européens de l’Ouest devraient réglementer leurs échanges.

Source
Al-Watan (Syrie)