a) CADRE LEGAL

Le vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur précise d’emblée que la liberté fondamentale d’avoir une opinion personnelle et de vivre conformément à celle-ci ne peut être remise en cause. Il s’agit seulement de rechercher et de réprimer au besoin les formes de privation de liberté (manipulation spirituelle, limitation disproportionnée de la liberté, abus de la vulnérabilité, etc.) et les infractions qui peuvent être liées au phénomène sectaire (par exemple, le travail au noir, la fraude fiscale, l’abus sexuel, etc.).

La problématique des sectes ne doit toutefois pas être considérée exclusivement sur le plan du droit pénal. Il convient également de tenir compte des aspects relevant du droit de la famille. Ainsi, il arrive que des parents se plaignent de ce que leur fille a été enlevée, alors qu’en réalité, elle est devenue membre, en toute liberté, d’un groupe déterminé, que ce soit ou non à la suite de tensions familiales. Toutefois, lorsqu’il s’agit de problèmes relevant exclusivement du droit privé, n’ayant aucune dimension délictuelle ou criminelle, les Communautés sont compétentes et le pouvoir fédéral doit s’abstenir de toute intervention.

Certaines sectes peuvent ainsi représenter un danger pour l’ordre juridique en place, pour des raisons autres que celles d’ordre purement pénal. C’est le cas lorsqu’elles recrutent à dessein des membres de l’appareil de l’Etat (justice, gendarmerie, armée, etc.). La question de savoir s’il s’agit dans ce cas d’infiltration reste toutefois ouverte.

Ces différents aspects témoignent de la complexité de la problématique en question. Une intervention purement policière ne donnera probablement guère de résultats. Des actions doivent également être entreprises au niveau de l’éducation et de l’environnement social.

Le ministre plaide toutefois en faveur d’une intervention efficace des autorités lorsqu’il y a suffisamment d’indices que des sectes s’organisent en bandes et envisagent d’exercer ou de dissimuler des activités punissables.

Il y a lieu de prévoir un cadre légal, étant donné que les sectes sont, par définition, des groupes fermés et que les formes de privation de liberté et les infractions dont les sectes se rendent coupables ne peuvent faire l’objet de constatations explicites. Il ne faut pas nécessairement définir ce qu’est une secte, mais il faut préciser ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Il faut se fonder à cet égard sur des critères déterminant les cas où une intervention s’impose. Les interventions des autorités - et leur portée - doivent aussi être définies avec précision, sans quoi celles-ci risquent d’être impliquées dans une sorte de chasse aux sorcières et de vider de leur sens les libertés démocratiques dont elles sont garantes dans l’Etat de droit.

b) LISTES SEMESTRIELLES

Le ministre renvoie à une déclaration du commandant de la gendarmerie relative aux systèmes qui sont mis en oeuvre pour suivre des groupes qui constituent une menace pour l’ordre public. Une méthode de travail analogue pourrait être appliquée en ce qui concerne les sectes.

Le ministre compétent - la matière en question ne relève en effet pas de la compétence du ministre de l’Intérieur mais du ministre de la Justice - déterminerait tous les six mois par exemple, sur la base des critères établis par la Chambre, les groupes à suivre. En cas de doute, un groupe serait placé dans " l’anti-chambre " de la liste effective. Après six mois, on vérifierait la conformité de la liste en fonction de la réalité. Le groupe surveillé ne continuerait à figurer sur la liste que si des élements nouveaux surgissaient et ce, afin d’éviter le développement d’une psychose de poursuite aveugle.

c) TECHNIQUES POLICIERES SPECIALES

Les sectes étant par définition des groupes fermés et les autorités partant du principe - à partir du moment où elles ont décidé de faire figurer un groupe déterminé sur une liste - que celui-ci " tend " à faire quelque chose qui est interdit par la loi, on peut se demander comment seront faites les constatations qui s’imposent. Il s’indique en fait d’agir de manière proactive, donc avant qu’aucune infraction ne soit commise. Cette méthode comporte toutefois des ris-ques. En effet, si les autorités recourent, par exemple, à des techniques d’écoute et portent atteinte à la vie privée et à la liberté d’association avant qu’aucune infraction n’ait été constatée et s’il ne peut être prouvé ultérieurement qu’une infraction allait être commise, cette méthode peut jeter le discrédit sur l’appareil de l’Etat. Une telle situation constituera un frein pour l’avenir.

Le ministre n’est pas partisan des techniques d’infiltration, même pas dans le cadre du crime organisé. Il estime que le risque est en effet grand de voir les policiers aboutir ainsi dans le milieu. En ce qui concerne le recours aux indicateurs, il faut aussi faire preuve de prudence, car il arrive que leurs informations servent à exploiter la police et la justice plutôt qu’à les aider.

d) RESEAU DE DONNEES

Vu la rareté des informations sur ce qui se passe réellement au sein des sectes, informations obtenues en outre " spontanément ", il faudrait mettre en place un réseau de correspondants de trente à cinquante personnes couvrant toutes les administrations. L’enquête sur la traite des êtres humains en a déjà montré l’utilité. Le développement du système des jeunes filles au pair dans la région flamande, l’augmentation du nombre d’autorisations de séjour et celle du nombre de vols de cartes d’identité sont autant de phénomènes qui vont dans la même direction. On ne peut tirer de conclusions exactes que de données exactes. Or, ces renseignements ne peuvent être collectés que grâce à un réseau de contacts administratifs auquel on peut faire appel en permanence. En matière de sectes, on pourrait donc prévoir des contacts à l’administration des Finances et à celle des Affaires sociales. Par ailleurs, la sûreté de l’Etat serait la mieux placée - mieux placée en tout cas que les services de police - pour collecter et comparer toutes les informations fournies par les différents contacts.

e) GROUPE DE POLITIQUE GENERALE

Le ministre estime enfin qu’il est primordial que les ministres de la Justice et de l’Intérieur vérifient, régulièrement, à l’instar de ce qui prévaut en matière de traite des êtres humains, si les pouvoirs publics peuvent mener une action ciblée, structurelle et proactive sur la base des analyses criminelles. En matière de sectes, il pourrait se réunir trois à quatre fois par an avec le ministre de la Justice, qui dirigerait les opérations, pour examiner les options politiques, fixer les priorités et définir les actions à entreprendre.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be