Selon un témoin, Sahaja Yoga serait la secte la plus dangereuse dans notre pays.

Ses adeptes vénèrent Shri Mataji comme une véritable divinité vivante. Avec des visées syncrétistes, elle se présente, en Occident, en tant que Dieu ou Esprit Saint. Ainsi, quand elle fait l’objet de critiques, ses disciples estiment que c’est Dieu ou Jésus qui est persécuté.

Shri Mataji, fille d’un dignitaire indien de l’époque de l’Indépendance, est l’épouse de Shri Chandika Prasad Srivastava, ancien haut fonctionnaire d’une importante organisation internationale. Elle se fait aussi appeler Nirmala Srivastava. Elle prétend avoir séjourné, lors de sa jeunesse, dans l’ashram de Gandhi. Il est, par contre, acquis qu’elle a vécu pendant sept ans au sein de l’organisation " Bhagwan Shree Rajneesh ". Ce dernier aurait déclaré qu’elle l’avait interrogé sur la façon de procéder pour créer une religion et devenir riche et qu’il lui avait donc expliqué comment réussir en ce sens.

Même s’ils habitent l’Inde, les époux Srivastava voyagent durant toute l’année dans le monde entier. Ils ont des propriétés en Angleterre, en Italie, aux Etats-Unis et au Chili. Shri Mataji a, par ailleurs, récemment donné une série de conférences à l’Albert Hall à Londres, qu’elle avait loué pour l’occasion.

La structure de la secte est pyramidale : à son sommet se trouvent Shri Mataji et une série de leaders mondiaux, qui ont une grande puissance. En fait, la situation des adeptes dépend un peu du caractère du leader national : s’il est tolérant, tout va relativement bien, mais s’il est intégriste, leur vie quotidienne peut s’avérer très difficile. Cela semble devoir être le cas en Belgique, où les communautés vivent très repliées sur elles-mêmes.

Dans notre pays, Sahaya Yoga comptait 16 membres en 1986 mais ce nombre est passé à près de 160 en 1993.

Le mouvement est implanté tant en Flandre qu’en Wallonie.

C’est ainsi qu’il existe des structures ou des lieux de rencontre à Anvers, Gand, Malines, Deinze, Alost, Leuven, Heist-op-den-Berg, Herk-de-Stad, Liège, Ciney, Charleroi, Mons, Namur, Louvain-la-Neuve, Marche et Arlon. On y trouve généralement des petites cellules de personnes qui recrutent via le bouche à oreille ou des programmes publics. Selon un témoin, la secte est renseignée dans les pages jaunes de l’annuaire téléphonique sous la rubrique " Yoga " (tout comme, d’ailleurs, Brahma Kumaris, Méditation transcendantale et Ogyen Kunzang Chöling).

Il semblerait qu’une campagne de recrutement ait été menée en 1996 à Arlon. Trois conférences ont été données dans les locaux de la FUL, expliquant, entre autres, les structures de Sahaja Yoga et décrivant la personnalité de la " gourou ".

Des cours d’initiation sont également proposés aux futurs adeptes : ils sont au nombre de six et la formation se clôture généralement par un week-end résidentiel à la campagne. Ceux qui les ont suivis avec succès pourront, à leur tour, enseigner.

Shri Mataji prétend pouvoir guérir par imposition des mains. Elle déclare soigner notamment le cancer, le sida et même l’homosexualité, qu’elle range parmi les maladies (voir ci-après). Elle entend également lutter contre l’influence de Satan, qui s’incarne dans le mode de vie occidental. C’est la raison pour laquelle il faut éloigner les enfants et les envoyer en Inde, afin qu’ils n’entrent pas en contact avec la " pourriture " que constitue la vie occidentale (voir également ci-après). Un adepte tient à l’égard de sa famille un langage similaire. Selon lui, la société occidentale est malade et ne sait présenter de véritables valeurs aux jeunes qui sont soumis au sexe, à la drogue et à l’alcool. Cela justifie, à ses yeux, l’éloignement de ses enfants.

FAITS IMPUTES AU MOUVEMENT

Conditionnement et auto-hypnose

D’après un témoignage, les adeptes méditent plusieurs heures par jour, les pieds dans l’eau salée, devant une photo de Shri Mataji, en écoutant les enregistrements de ses discours. Ces méditations débuteraient à 4 ou 5 heures du matin. Le résultat du conditionnement est pourtant difficilement niable : il est pratiquement impossible de communiquer avec les adeptes, qui répètent mécaniquement un même message. Dans ces conditions, ils modifient souvent radicalement leur attitude à l’égard de leur entourage fami-lial. D’aucuns changent également leurs habitudes alimentaires et vestimentaires, tandis que d’autres en arrivent à battre femme et enfants. D’après un témoin, une telle attitude serait d’ailleurs prônée par des écrits internes à la secte. Selon un témoin, les membres sont prêts à tout pour Shri Mataji. Il n’ose exclure, dans ce cas, une dérive pareille à celle qu’a connue l’Ordre du Temple Solaire. Certains adeptes essayeraient en tout cas de recruter continuellement des membres de leur famille.

Pratiques médicales

Les adeptes utilisent la technique des " vibrations ", acquise par la formation de Sahaya Yoga, et croient pouvoir guérir de cette manière. C’est ainsi qu’ils estiment pouvoir remédier à des maux de gorge ou de dents. Selon un témoin, on n’empêcherait toutefois pas la consultation d’un médecin, quand les gens sont vraiment très malades. Un autre a fait valoir qu’un membre de sa famille, adepte de la secte, se proposait de guérir ses enfants par imposition des mains. Il semblerait, par ailleurs qu’en 1993, le mouvement a organisé, au Palais des Congrès de Paris, une conférence médicale internationale consacrée aux préceptes médicaux de Sahaya Yoga et à ses influences bénéfiques sur la santé. Dans la mesure où elle a été nommée docteur honoris causa d’une université roumaine, Shri Mataji se présente également en tant que docteur.

Arrangement des mariages

Le mouvement organise annuellement en Inde et plus rarement en Europe des grandes cérémonies de mariage collectif, à l’instar des Moonistes. En règle générale, les couples se connaissent depuis 3 jours à 3 semaines. Même si les adeptes ne sont pas véritablement forcés de se marier, il faut indiquer que Shri Mataji conseille certaines unions, à la lumière des " vibrations " qu’elle ressent. En cas de problème ultérieur, la gourou peut d’ailleurs leur trouver un autre conjoint.

Eloignement des enfants - suites judiciaires

Quand le mariage est heureux, les enfants sont ceux de Shri Mataji, les géniteurs n’étant simplement que les géniteurs biologiques. A ses yeux, ces enfants constituent la réincarnation de grandes créatures spirituelles d’Inde, d’Europe ou d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle il faut les protéger des in- fluences nocives et des vibrations négatives des parents, des familles et des pays dans lesquels ils vivent.

Les enfants sont en principe laissés à leur famille jusqu’à l’âge de 3 ans. Toutefois, à partir de deux ans et demi, lorsque la relation entre la mère et l’enfant est trop forte, on s’efforcera déjà de les séparer. La secte ne tolère pas cette forme de relations personnelles, pas plus qu’elle ne supporte, par exemple, des conjoints qui s’aiment trop. Dans la mesure où il faut qu’ils s’aiment uniquement à travers Shri Mataji, on les incite alors à divorcer.

Un témoin fait remarquer qu’à Mesnières en Bray (France) en mai 1984, Shri Mataji aurait déclaré : " Je voudrais vous prévenir, maintenant que vous avez des enfants, n’y soyez pas trop attachés. Ce serait une chose dangereuse ! D’abord, on s’attache au mari ou à l’épouse, puis à l’enfant : c’est une autre phase. Si vous vous attachez à l’enfant, alors, il vous faudra recommencer beaucoup de choses. Donc, ne le faites pas, vous devez juste accomplir votre tâche comme si vous étiez dépositaire de l’enfant et seulement dépositaire. Mais vous ne devez pas vous attacher à lui : c’est Mon travail ! Vous devez me le laisser (...). Ces enfants sont les miens, pas les vôtres (...). Trop d’attachement aux enfants est un signe de dégradation. " Et à la même époque, à Rouen, des propos similaires sont tenus : " C’est Shri Mataji qui est le Père et la Mère. Les parents ne sont que les géniteurs physiques. "

C’est donc, dès leur plus jeune âge, que des enfants sont envoyés dans un ashram près de Rome. Il arrive qu’un des parents y soit également envoyé mais il est alors invité à s’occuper d’autres enfants et pas du sien. Selon des témoins, les enfants deviennent amorphes ; ils ne reçoivent pas d’amour, privés qu’ils sont de toute forme d’intimité familiale. Ils sont incités à méditer. De toute façon, Shri Mataji ne supporte pas les enfants qui bougent.

D’après un témoignage, les séjours à Rome s’étalent sur trois mois, suivis de deux mois à la maison et ainsi de suite. A l’âge de six ans, les enfants sont ensuite envoyés à Dharamsala en Inde.

Toujours selon un témoin, certaines mères sont conscientes, dès leur grossesse, que leur enfant sera ultérieurement envoyé à Rome, puis en Inde. Elles estiment cependant que ce choix leur est personnel.

Les familles des adeptes n’acceptent pourtant pas pour autant un tel choix. Certains cas ont notamment été portés devant les tribunaux, que ce soit en Allemagne, en Autriche, en France, en Angleterre. Une bonne part d’entre eux a abouti à des condamnations. Le jugement le plus connu est certes celui prononcé par un juge de Rennes le 16 juillet 1992 et confirmé en appel en février 1993, condamnant les parents du petit Yoann, envoyé à Dharamsala en Inde pour y recevoir une éducation, à trois mois de prison avec sursis pour abandon de famille. L’enfant est rentré en France suite à l’action menée par les grands-parents.

Dans notre pays également, des initiatives ont été prises en ce sens, dans le chef de l’entourage familial immédiat.

Il semble d’ailleurs que la secte soit sensible au fait que des démarches judiciaires soient entreprises, puisque dans plusieurs cas, les enfants sont finalement restés en Belgique.

Plus largement, il faut constater que Sahaya Yoga paraît redouter la publicité négative. Un témoin précise d’ailleurs que dans la plupart des cas, la pression de l’opinion publique risque d’avoir des effets bénéfiques : tant la vie des enfants concernés que celle de leur famille peuvent s’en trouver améliorées.

Pour justifier l’envoi d’enfants dans des écoles en Inde, Sahaya Yoga fait valoir que les diplomates et les hommes d’affaires envoient également leurs enfants dans des écoles étrangères. La différence réside cependant dans le fait que les diplomates envoient leurs enfants dans leur pays d’origine afin qu’ils puissent se réinsérer dans la société, tandis que les Sahaya Yogi envoient leurs enfants dans un pays qui leur est totalement étranger et où la culture est très différente. Les enfants ne pourront donc que très difficilement se réinsérer dans notre société occidentale.

Plusieurs témoignages confirment qu’à leur retour d’Inde, les enfants ne parlent plus leur langue maternelle. Ils ont reçu un nom hindou et ne peuvent plus communiquer qu’en anglais avec leur entourage familial. Certains d’entre eux ont un comportement modifié : il est particulièrement difficile d’entrer en contact avec eux et ils craignent les adultes. On peut s’interroger sur les raisons qui poussent le mouvement à envoyer les enfants très jeunes à Rome puis en Inde : il apparaît toutefois que plus âgés, ceux-ci ne souhaitent pas y aller et s’opposent, dès lors, à un départ.

Enfin, il est signalé que Sahaya Yoga organise des camps pour enfants à Béziers. Il y a eu, en 1995, également un camp organisé en Flandre et un autre en Wallonie. Pour des camps en Flandre, des contacts auraient également eu lieu avec le centre " Elewout " à Bruges.

Infiltration des milieux scolaires et artistiques

Plusieurs témoignages font état du rôle de recruteur de M. Possman, professeur à l’Institut Saint-Luc à Gand. Il semblerait que la direction de l’établissement ignore ses activités sectaires, alors même qu’il est membre du Sahaya Yoga depuis plus de 10 ans. Son horaire aurait cependant été diminué depuis.

L’intéressé organise également au Rode Pomp à Gand des activités culturelles, dont certaines à re- tombées internationales. Ce centre serait subsidié par le Ministère de la Culture flamande et la ville de Gand.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be