Ce mouvement a été constitué, vers 1975-1976, à Bruxelles autour d’une ressortissante française, Marion dite " Gabrielle " Viseur. Adepte de Carl-Gustav Jung, elle se présentait à l’époque en tant que peintre et psychanalyste et faisait miroiter des guérisons extraordinaires. Selon un témoin, elle aurait également proposé des cours et des thérapies à un membre de la famille royale.

Elle s’est ainsi constitué une clientèle qui s’est, par la suite, regroupée en petite communauté.

Cette communauté a fait boule de neige et est passée de 4 à 5 membres au départ à 80 à 100 personnes, début 1993. Elle s’est installée au nord de Séville, dans une ferme andalouse, sise dans une propriété appelée " Sierra 21 ". Depuis, elle se serait également implantée à Barcelone. Gabrielle Viseur se référait à la théorie jungienne, y reprenant le fait qu’il existe dans chaque être une parcelle de divin, ce que Jung appelle " le guide intérieur ". Selon lui, les névroses proviennent précisément de la perte de contact avec ce guide intérieur ; ce contact peut être rétabli en écoutant et en analysant les rêves, l’inconscient.

Gabrielle Viseur a repris ce créneau en se présentant comme le porte-parole de ce guide intérieur, devenant ainsi en quelque sorte " l’ange gardien " de ses patients. Un premier aspect de la névrose, en particulier auprès des femmes, était, selon elle, le complexe d’OEdipe. Pour guérir, Gabrielle Viseur prétendait qu’il fallait l’aimer comme une mère (mère que la patiente n’avait jamais aimée) et accepter tout ce qui venait d’elle. Chaque acte imposé aux adeptes était alors présenté comme un exercice thérapeutique, absolument indispensable à la guérison, qui ne pouvait être que spirituelle. Il y avait également lieu de se détacher de tous ses avoirs matériels au profit de la secte.

Ce témoin indique que les techniques de déstabilisation utilisées (analyse des rêves, méditation, massages sensitifs, hypnose ...) aboutissent à une dépersonnalisation complète, menant à une infantilisation totale de l’adepte. Chaque critique formulée par ce dernier à l’égard de ce que la gourou avait prévu pour lui constituait, aux yeux de celle-ci, une expression de sa folie ou de sa paranoïa. Dans ces conditions, le membre s’auto-censure.

Selon le témoignage, Mme Viseur aurait même dit à certains de ses adeptes qu’ils " n’avaient pas d’âme ".

De plus, dans la mesure où guérir signifie devenir quelqu’un d’autre, il y a diabolisation de l’ancienne personnalité, matérialisée par un changement de prénom, qui s’accompagne, dans les faits, d’une mort symbolique. Plus largement, on s’efforce de reconnaître comme faux tout ce qui a fait l’univers mental du patient, ses points de repère idéologiques, sa conception du monde. Il y a lieu également de couper les ponts avec les conjoints, les compagnons, les amis et même avec la famille. Pour certains, il y a lieu également de quitter son emploi.

Le cas échéant, un nouveau conjoint est proposé moyennant recours au " flirty fishing ". Il faut alors accepter le conjoint imposé par Gabrielle Viseur, qui incite aussi à l’adoption d’enfants. Il est à noter qu’alors que cette nouvelle union vise théoriquement à consacrer l’intégration de " leur animus et anima ", confirmée par les " entités ", la gourou réunit en fait des personnes qui ne s’entendent pas, afin d’éviter que le couple ne devienne trop complice. Cette pratique est aussi appliquée à des adolescents de 15, 16 ans.

Les hommes doivent accepter d’être stérilisés.

Il n’est par ailleurs pas interdit de penser que les adoptions précitées sont destinées à capter au moment voulu l’héritage des adeptes.

Quant aux enfants, il y a lieu de les séparer de leurs parents, qui sont humiliés devant eux. Les mères sont ainsi systématiquement qualifiées de mauvaises et culpabilisées. Ces enfants semblent d’ailleurs faire l’objet de toute l’attention de Gabrielle Viseur. Elle fait tout pour les séduire, que ce soit par les jeux, le théâtre, le psychodrame ou encore les massages.

Isolés, ils obtiennent de brillants résultats scolaires par correspondance, épaulés qu’ils sont sur place par les adultes. Cependant, s’ils se rendent dans une école extérieure, ils ne s’y adaptent pas, faute de capacité d’intégration.

Plus largement, selon le témoignage, un adolescent s’est révolté pour se faire expulser de la secte. Après 2 ou 3 mois passés dans une université, il a repris des contacts ponctuels, de plus en plus fréquents, avec Sierra 21. Il y est ensuite resté définitivement, car il n’arrivait pas à vivre seul et surtout à assumer cette solitude, loin de ceux qu’il considérait comme ses " frères et soeurs ".

Il faut ajouter, dans ce même contexte, que des personnes qui sont sorties depuis longtemps de la secte n’osent pas parler, parce qu’au moment où ils sont partis, Sierra 21 a menacé de les poursuivre et de récupérer leurs enfants. D’autres ne veulent pas replonger dans cette période abominable de leur vie, ou craignent, vu la position qu’elles occupent, que cela puisse nuire à leur réputation.

Des difficultés graves se posent également pour les parents qui ont des enfants majeurs dans la secte. Ils savent que s’ils parlent, le lien qu’ils entretiennent encore avec leurs enfants sera brisé. Ces parents deviennent ainsi les otages de la secte. Il est également à noter que les membres sont incités à déménager régulièrement. Ils n’ont en fait ni lieu, ni objets à eux. De même, les disques et les livres sont régulièrement expurgés. Quant aux vêtements, ils se les prêtent entre eux.

Pour renforcer la culpabilisation des membres, il est fait usage de la notion de " karma ". On leur fait croire qu’ils ont mal choisi leur incarnation, en naissant dans une famille étriquée, tarée et exerçant sur eux une mauvais influence. Ils sont donc logiquement incités à couper les ponts avec elle.

Des pressions sont également exercées à l’égard d’adeptes disposant de moyens financiers. Ils sont invités à prouver leur détachement et leur ouverture aux autres, en versant régulièrement de l’argent à la secte. Malgré la promesse que ces avances seront restituées, le mouvement semble contester systématiquement que celles-ci aient été consenties.

Au niveau de la pensée, Mme Viseur avait recours à un éclectisme où interviennent des notions de zen et de religions hindouistes, des références à Blavatsky ou Gurdjieff ou encore des emprunts à l’anthropologie. Tour à tour, le mouvement est présenté comme une université, une école ésotérique ou encore une école égyptienne ; il prétend cependant conférer un caractère scientifique à toutes ses activités. Il est également fait état d’une tentative d’infiltration du Mouvement pour la Foi mondiale Baha’ie ( 1 ) à Bruxelles, afin qu’il constitue, vu sa reconnaissance par l’ONU et son implantation mondiale, une protection au cas où Sierra 21 se verrait attaquée.

Quand des plaintes sont déposées contre le mouvement, leurs auteurs font, selon le témoin, l’objet d’intimidations. Celles-ci sembleraient cesser en cas de réaction officielle à ces plaintes. Le mouvement a cependant poursuivi d’anciens adeptes qui dénonçaient publiquement ses agissements. Le porte-parole en Belgique en est le Dr. Jacques, médecin gynécologue et homéopathe, qui procéderait à des recrutements dans le cadre de sa pratique. Son comportement a d’ailleurs été dénoncé auprès de la section " Brabant " de l’Ordre des Médecins.

Le nombre d’adeptes en Belgique semble être en constante régression, ceux-ci semblant d’ailleurs progressivement gagner l’Espagne, quittant alors souvent leur emploi.

A propos de la ferme d’Andalousie, financée par les " dons " des adeptes, il est à noter que le mouvement a essayé vers 1988-1989 d’introduire auprès d’un parlementaire européen un projet pilote d’agriculture biologique. Cependant, lorsqu’il a été question d’envoyer des inspecteurs sur place, le projet a été arrêté, dans la mesure où les responsables du mouvement savaient qu’il ne résisterait pas à un examen sérieux. Entretemps, cela avait cependant permis d’établir sur place des contacts avec des groupes pratiquant l’agriculture biologique en Andalousie, ainsi qu’avec les universités de Séville et de Cordoue.

Sur place, selon le témoignage, le groupe se ferait accréditer par le curé du village, dans la mesure où il se fait passer pour une communauté chrétienne. Toujours selon ce témoin, Gabrielle Viseur aurait, à sa mort, à l’âge de 69 ans, été remplacée à la tête de Sierra 21 par trois femmes. Un doute subsisterait cependant, puisque son certificat de décès aurait été signé par le médecin de la secte. Le maire du village a également confirmé sa mort mais serait également plutôt favorable à Sierra 21.

Il est à noter que depuis, les deux fils de Gabrielle Viseur remplacent leur mère comme plaignants au niveau des poursuites qui ont été introduites.

Enfin, il est signalé que Luc Jouret a été, pendant plusieurs mois, en contact avec le mouvement et a travaillé directement avec Gabrielle Viseur. Celle-ci aurait regretté son départ, estimant qu’il aurait pu aller loin ... Le témoignage fait état de similitudes très grandes entre le fonctionnement de Sierra 21 et celui de l’OTS.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be