Sujet : DPS

Audition de : Pierre Marcoz et Jean-Michel Toullec

En qualité de : secrétaire national et membre du Syndicat National des Officiers de Police

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 10 mars 1999

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

MM. Pierre Marcoz et Jean-Michel Toullec sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, MM. Pierre Marcoz et Jean-Michel Toullec prêtent serment.

M. Jean-Michel TOULLEC : Je veux tout d’abord vous présenter la position du Syndicat national des officiers de police par rapport au DPS et au Front National.

Le Syndicat national des Officiers de police (SNOP) est un syndicat majoritaire - il a recueilli 60,37 % des voix parmi les corps de commandement et d’encadrement lors des dernières élections professionnelles -, très attaché aux valeurs républicaines. Il fait d’ailleurs référence, dans ses statuts, à l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui stipule que : " La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique. Cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. " Cette référence prouve que nous sommes très attachés aux valeurs républicaines et, de ce fait, nous rejetons dans notre politique syndicale tous les groupes ou partis qui prônent l’exclusion et la discrimination raciale ou autre, sous toutes leurs formes.

Nous avons, il y a quelques années, oeuvré en faveur de la dissolution du Front National de la Police. Il s’agit d’une organisation syndicale émanant du Front National qui s’était implantée au sein de la police nationale. Sa dissolution a été prononcée par le tribunal de grande instance d’Evry et confirmée par la cour d’appel de Paris, ce dont nous sommes particulièrement satisfaits.

Nous sommes opposés à la constitution de toute forme de milices privées, au service de qui que ce soit, et favorables, dans la mesure où les élément recueillis par votre Commission le permettront, à la dissolution du DPS dont les agissements ont été particulièrement mis à jour à Strasbourg.

Voilà, en propos liminaire, ce que je tenais à préciser à votre Commission : telle est la position officielle du Syndicat national des officiers de police vis-à-vis du DPS et de tout ce qui peut s’apparenter à ce type de milices.

M. le Président : Nous sommes soucieux, puisque l’objet de notre Commission est d’étudier les agissements du DPS et de savoir s’ils tombent sous le coup de la loi, de disposer de faits. Vous êtes favorable à la dissolution, mais avez-vous, dans le cadre de votre activité syndicale, connaissance de faits qui témoignent de ce que le DPS n’a pas le même comportement qu’un service d’ordre d’un parti classique ?

Jean-Michel TOULEC : Malheureusement non, pas de faits précis. Tout ce que je peux vous dire, c’est que la tenue ou l’uniforme dont sont revêtus les membres du DPS sont souvent proches de celle des policiers ou des gendarmes qui exercent en matière de maintien de l’ordre. Cela peut prêter à confusion dans l’esprit de nos concitoyens. L’apparence qu’ont adoptée les membres du DPS peut laisser à penser qu’ils font partie de forces de l’ordre comme les autres, pourquoi pas républicaines, et qu’ils sont amenés à faire plus que ce pourquoi ils ont été recrutés.

En ce qui concerne des faits précis attribués au DPS, hormis les événements de Strasbourg qui ont été largement médiatisés, il n’y en a pas qui soient remontés jusqu’à notre organisation syndicale.

M. le Président : Mais, sur le terrain, vous êtes bien confrontés aux initiatives du Front National et à son service d’ordre. Il y a donc bien des éléments qui peuvent vous conduire à vous interroger sur la dissolution de cette organisation.

M. Pierre MARCOZ : Il est vrai que nous n’avons pas d’éléments concrets à vous fournir. Faire remonter tout ce qui a pu être observé supposerait de nous lancer dans une approche qui mobiliserait notre tissu de délégués syndicaux. Aujourd’hui, il est vrai que nous sommes un peu à court sur le sujet.

M. le Président : Vous ne l’avez pas fait ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Non, nous n’avons pas saisi nos délégués officiellement. Nous n’avons pas eu de remontées. Tout ce que nous savons, c’est ce qui a été médiatisé, notamment ce qui concerne l’activité de la police municipale de Vitrolles et la confusion qu’elle a entraînée. Le SNOP avait réagi, mais cela n’a rien à voir avec le DPS. A part cela, je n’ai pas à vous communiquer de faits précis susceptibles de mettre nominativement en cause des membres du DPS, malheureusement.

Cela étant, il est sans doute vrai que les corps que nous représentons sont moins au contact de ce genre de choses que les corps de maîtrise et d’application, gradés et gardiens, qui sont plus souvent que les officiers de police en maintien de l’ordre, appelés à être témoins des agissements et débordements de ce type de groupuscules.

M. le Président : Dans le cadre de son travail, l’attention de notre Commission a également été souvent alertée sur des comportements de forces de police qui laissent à penser qu’il existerait une certaine forme de laxisme à l’égard du DPS. Vous avez cité Strasbourg, mais on peut également penser à la manifestation à la Place de l’Etoile après la réunion de la salle Wagram, où les autorités hiérarchiques ont été informées du fait que M. Bruno Gollnisch et les militants du Front National se rendaient sous l’Arc de Triomphe, mais où il y a eu un délai relativement important avant l’intervention des forces de police. On peut aussi penser à Montceau-les-Mines, où le DPS a assuré le service d’ordre de la manifestation, les forces de police n’étant pas intervenues, sans parler de Carpentras où le DPS a interpellé, si je puis dire, une personne avant de la remettre à la police. Il existe donc un certain nombre de faits qui nous préoccupent et nous aimerions connaître votre opinion sur ces questions.

M. Jean-Michel TOULLEC : Je n’ai pas de faits précis à vous rapporter, où la police aurait fait preuve d’une quelconque mansuétude à l’égard du DPS. Si tel était le cas, je ne manquerais pas de le dénoncer - notre position sur ce point étant, de toute façon, que si des policiers, à titre individuel, faisaient partie du DPS ou avaient une attitude partisane à son égard, ils entreraient en complète infraction avec le code de déontologie de la police nationale et nous serions tout à fait favorables à ce qu’ils passent devant le conseil de discipline où nous siégeons et où nous nous montrerions particulièrement sévères à l’égard de ce type de comportements.

M. le Président : Cela a été le cas à Montceau-les-Mines, par exemple.

M. Jean-Michel TOULLEC : Tout le problème, c’est que les informations ne nous remontent pas car tout ce qui est du domaine du maintien de l’ordre relève des corps de conception et de direction. Sans entrer dans des conflits de corps, on peut dire que ce sont les commissaires de police qui prennent les décisions sous la responsabilité du préfet ; les officiers ne font qu’exécuter les ordres qu’ils reçoivent et n’ont pas d’initiatives personnelles à prendre en la matière. Aucune information ne nous est parvenue nous signalant qu’un officier aurait fait preuve de mansuétude à l’égard du DPS.

M. le Président : ... ni d’officiers qui se seraient interrogés sur les ordres qu’ils auraient reçus ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Non !

M. André VAUCHEZ : Il est quand même notoire, d’après les auditions auxquelles nous avons procédé, que l’on observe un phénomène d’entrisme des idées du Front National. Des hommes de la police véhiculent ces idées et se permettent parfois de tenir des propos à caractère raciste durant des interventions sur le terrain. Dans les quartiers difficiles par exemple, êtes-vous au courant de tels faits et savez-vous si certains de vos collègues sont intervenus pour calmer ce type de discours ?

Par ailleurs, s’agissant du laxisme, on nous explique qu’il est souvent dû à un ordre qui ne vient pas ! Or cet ordre, en principe, ne peut venir que des officiers. Connaissez-vous de telles situations, hormis celle de Strasbourg qui a pu être le fait de quelques-uns personnellement ?

On a également souligné qu’au niveau de la formation des gardiens de la paix, des formateurs voire des responsables de la formation appartenaient notoirement au Front National, peut-être au DPS. Que savez-vous sur ce point ?

Enfin, existe-t-il des syndicats d’officiers dont l’idéologie se rapprocherait des thèses du Front National ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Le corps des officiers, pour l’instant, est très largement épargné par la percée des idées du Front National que vous avez soulignée. En effet, lors des dernières élections professionnelles, cette idéologie n’était pas représentée puisque le Front National de la Police n’avait pas été autorisé à faire acte de candidature. La FPIP, proche de cette idéologie, n’était pas présente au dernier scrutin professionnel des officiers de police, même s’il est vrai que dans d’autres corps, notamment les corps de maîtrise et d’application, au niveau de certaines régions du Sud et de l’Est de la France, elle a atteint des pourcentages très importants - ce qui lui a d’ailleurs permis d’obtenir un siège au comité technique paritaire central. Il n’y a plus que deux organisations syndicales représentatives des officiers de police depuis les dernières élections professionnelles : le SNOP qui a obtenu 60 % des voix et le syndicat Synergie officiers apparenté à Alliance CGC, qui a obtenu environ 20 % des voix.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas pour l’instant, dans le corps des officiers, de syndicat qui véhicule des idées xénophobes ou d’exclusion, proches de l’idéologie du Front National. Je crois d’ailleurs qu’il s’agit d’un phénomène qui ne prend pas dans le corps des officiers et dont on sent qu’il est en régression. Il est possible que, parmi les officiers, certains individus partagent les thèses de l’extrême-droite, mais cela reste, selon moi, un phénomène tout à fait marginal.

M. André VAUCHEZ : Etes-vous d’accord avec cette idée que le laxisme dont nous avons parlé serait imputable à des retards de commandement des officiers ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Je n’ai pas d’informations qui me permettent de corroborer ces propos et, sans vouloir me montrer plus indulgent qu’il ne faut à l’égard des officiers, je dirai qu’en matière de maintien de l’ordre, ils ne font que retransmettre à la troupe les ordres qu’ils reçoivent du commissaire de police, qui, lui-même, a reçu ses instructions du préfet. Les officiers de police ne sont donc que des exécutants en la matière, à la tête de leurs troupes, et ils ne prennent pas d’initiatives à titre personnel.

M. le Président : Concernant les polices municipales, notamment dans les villes Front National où se produit manifestement une forme d’entrisme à l’envers - dans la mesure où un certain nombre d’anciens policiers ou gendarmes s’y retrouvent souvent -, avez-vous des observations à formuler ? Détenez-vous, sur les rapports entre la police nationale et les polices municipales dans ces villes, des renseignements particuliers ?

M. Pierre MARCOZ : Hormis les événements de Vitrolles qui ont été médiatisés, il est vrai que nous n’avons pas beaucoup de détails dans la mesure où nous pratiquons un syndicalisme qui s’appuie sur des valeurs mais qui nous retient très éloignés du monde politique. Je crois que c’est d’ailleurs ce qui nous permet d’atteindre les scores que nous enregistrons lors des élections.

Il faut cependant être clair et reconnaître que, plus nous descendons dans les services, moins nos collègues se montrent sensibles à ces valeurs. C’est toujours nous qui devons les rappeler et c’est ce qui explique un peu que nous n’ayons pas de remontées par rapport à certains événement auxquels les gens sont finalement assez indifférents - je parle pour le corps que nous représentons et non pas pour celui des gardiens de la paix qui ont une sensibilité différente de la nôtre. Nous avons une approche beaucoup plus professionnelle et technique que politique, si tant est que le Front National puisse s’inscrire dans ce dernier cadre. Je pense donc qu’il faut chercher l’explication de notre manque d’informations dans le fait que les gens n’y sont pas sensibles, parce qu’elles ne leur paraissent pas essentielles.

Pour revenir aux valeurs auxquelles nous croyons et qui figurent dans nos statuts, il est vrai que si, nous nous les connaissons, il est permis de se demander si c’est bien le cas de tout le monde jusqu’au bas de l’échelle : c’est ce qui explique que la remontée des informations ne suive pas, bien qu’il se passe des choses. Même en étant permanents syndicaux, nous conservons en mémoire des réactions humaines par rapport à des faits de société, qui ne sont pas forcément celles que nous aurions aimé entendre.

M. le Président : Quand vous dites qu’" il se passe des choses ", à quoi faites-vous allusion ?

M. Pierre MARCOZ : A des attitudes, à des réactions, par exemple par rapport au racisme dont on ne peut pas nier qu’il est une réalité. J’aurais du mal à vous décrire des attitudes

 cela fait huit ans que je ne suis plus en service - mais c’est quelque chose qui existe, dans tous les corps. Je suis réaliste.

M. André VAUCHEZ : Nous n’avons pas la prétention de vous apprendre tout ce qui se passe dans la police ni le discours que l’on peut entendre chez certains gardiens de la paix et qui a été évoqué à plusieurs reprises, mais n’y a-t-il pas un devoir de réserve à faire observer par les officiers ?

MM. Jean Michel TOULLEC et Pierre MARCOZ : C’est évident !

M. André VAUCHEZ : En faites-vous état dans vos instances syndicales ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Si nous n’avons pas de remontées de débordements dans ce domaine, nous n’en faisons pas état. C’est toujours la même chose : si les incidents ne nous sont pas rapportés, nous ne pouvons pas faire grand-chose.

M. le Président : Et vous-mêmes, vous intervenez lorsque vous êtes saisis de faits de cette nature ?

M. Pierre MARCOZ : Oui. Généralement, nous adressons un courrier au directeur général pour lui exprimer notre désaccord sur ce genre d’attitudes, qui nous semblent anormales. Je crois que c’est le quotidien et il mérite qu’on lui prête attention. Toutefois, comme nous sommes coupés de ces informations, nous connaissons beaucoup plus l’attitude, par exemple du DPS, à travers ce que nous voyons à la télévision que par les informations que peuvent nous transmettre nos propres collègues.

M. le Président : Quand on évoque l’entrisme du Front National dans la police, même s’il s’exerce de manière différente selon les corps, on constate que sa réalité est incontestable : il suffit de voir les résultats des syndicats qui en sont proches. Pourtant, lorsqu’on vous questionne - vous, mais aussi les représentants d’autres organisations syndicales -, la réponse est toujours qu’il n’y a pas de remontées. L’expliquez-vous par le fait que vos adhérents ne perçoivent pas toujours l’importance de la chose et, pour les autres syndicats, voyez-vous d’autres raisons au fait que cette remontée soit quasiment partout inexistante ?

M. Pierre MARCOZ : Cela est dû à une banalisation. Vous savez que, dans notre métier de policier, nous avons toujours eu à faire à d’autres groupuscules, en d’autres temps. Quand ce n’était pas encore le DPS, nous avons connu d’autres choses qui étaient notoires, consacrées et acceptées et que nous avons dénoncées dans les années 1970.

M. le Président : C’est-à-dire ?

M. Pierre MARCOZ : Egalement des services d’ordre qui supplantaient la police nationale, qui n’avaient peut-être pas la même philosophie que le DPS mais qui, sur le fond, dans le domaine technique et professionnel, nous conduisaient au même genre de situations : il fallait reconnaître qui était qui au moyen d’une tête d’épingle...

C’était le cas il y a vingt-cinq ans. Les choses se reproduisent maintenant et il est vrai que la profession est habituée à se trouver confrontée à ce type de situations qui font partie du métier, même s’il est vrai qu’elles recouvrent autre chose. Dans notre profession, nous en voyons tellement que nous parvenons à dissocier la partie technique et professionnelle du reste.

M. André VAUCHEZ : Du fait que les vêtements du DPS prêtent à confusion, connaissez-vous des situations dans lesquelles les officiers ont eu à déplorer cette similitude, qui prête à une confusion dangereuse pour les civils ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Nous n’avons pas de cas concrets, mais ce que vous décrivez était caractéristique des événements qui se sont déroulés à Strasbourg.

M. André VAUCHEZ : Vous en êtes-vous plaints à votre hiérarchie ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Absolument. Sur tout ce qui concerne l’aspect, la tenue et l’uniforme, nous avons une position très ferme, qui s’applique d’ailleurs aussi aux policiers municipaux qui n’ont rien à voir avec le DPS. Nous souhaitons que toutes les forces qui exercent une quelconque action de police aient une tenue différenciée et qu’elles utilisent des moyens de locomotion autres que ceux de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Or, c’est un peu l’inverse qui se passe, puisque beaucoup de maires souhaitent imiter la police nationale, pour donner une reconnaissance à leur police municipale. La loi qui va être votée sur le sujet rejoint d’ailleurs en grande partie ce que nous souhaitons puisqu’elle vise à ce que l’on puisse clairement distinguer les choses et qu’un citoyen puisse reconnaître par la couleur de leurs vêtements - parce que la couleur a son importance - un policier national d’un policier municipal, pour ne pas parler des employés de sociétés de gardiennage qui s’efforcent, eux aussi, d’imiter notre tenue vestimentaire. Il est vrai que la tentation, pour toutes ces polices ou milices type DPS, est d’avoir l’apparence la plus proche possible de celle des policiers nationaux pour semer la confusion dans l’esprit de nos concitoyens.

M. Pierre MARCOZ : Ils veulent une apparence officielle qui leur confère plus d’autorité.

M. le Président : Et pour les sociétés de gardiennage ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Pour les sociétés de gardiennage, c’est pareil ! Au niveau de la tenue vestimentaire, il y a beaucoup de sociétés qui cherchent à créer une confusion, par l’uniforme, de leurs membres avec les policiers nationaux, toujours pour instaurer une confusion.

M. le Président : Et quelles sont les relations entre les policiers et les sociétés de gardiennage ? Certaines d’entre elles sont dirigées par des militants d’extrême-droite.

M. Jean-Michel TOULLEC : Il y a très peu de relations avec la police. Certaines sociétés de sécurité embauchent des policiers en retraite, en provenance d’ailleurs de tous les corps, pour leur offrir ainsi une deuxième carrière. C’est un fait avéré.

M. Pierre MARCOZ : Tous les hauts fonctionnaires se reclassent bien à la fin de leur carrière, il serait difficile d’interdire aux gardiens de la paix d’en faire autant...

M. le Président : Vous parliez tout à l’heure de banalisation ; si je vous entends bien, il y a donc une certaine acceptation de la situation.

M. Pierre MARCOZ : La situation, si elle n’entraîne pas d’incidents, ne choque pas tellement. Si je vous dis cela, c’est parce que nous n’avons pas de remontées. Je pense qu’il y a vingt-cinq ans, les réactions étaient beaucoup plus vives. Si cela ne remonte pas, c’est tout simplement parce que les gens s’habituent à vivre dans ce contexte.

M. le Président : A l’époque, les réactions étaient plus fortes ?

M. Pierre MARCOZ : Oui, parce qu’il y avait eu des incidents et des contrôles d’identité illégaux. Je me rappelle qu’il y avait eu, au sein du corps des inspecteurs de police, des réactions beaucoup plus vives qu’elles ne le sont aujourd’hui. Heureusement, les réactions existent encore, mais trop peu - ce qui est un peu inquiétant.

M. Jean-Michel TOULLEC : Ceci étant, ainsi que vous l’avez suggéré, je crois que le rôle des officiers, lorsqu’ils sont témoins de comportements ou de propos racistes émanant d’autres fonctionnaires de police - notamment des corps de maîtrise et d’application dont ils assurent le commandement - est de ne pas les laisser passer. C’est à la hiérarchie, à la direction générale de la police nationale ou à la préfecture de police, de formuler un certain nombre de rappels à cet égard.

M. le Président : Et ces rappels sont-ils faits ?

M. Jean-Michel TOULLEC : Non, ils ne sont pas faits. Ils ont eu cours entre 1984 et 1986, lorsque M. Pierre Joxe était ministre de l’intérieur et que le code de déontologie a été affiché dans tous les services de police. A ce moment-là, des circulaires ministérielles ont rappelé aux commissaires, aux officiers et à tous ceux qui exerçaient des responsabilités de commandement qu’ils ne devaient rien laisser passer s’agissant de tels faits. Aujourd’hui, le code de déontologie reste affiché mais, sans aller jusqu’à dire que de tels faits sont banalisés, on les laisse passer plus facilement. Il serait donc probablement nécessaire de procéder sur ce sujet à de nouveaux rappels par la voie hiérarchique.

M. le Président : Maintenant que vous cernez mieux nos préoccupations - avoir connaissance de faits concrets touchant notamment le DPS mais pouvant également s’étendre au Front National - et si des informations vous remontaient, vous pouvez toujours les transmettre à notre Commission.

M. Jean-Michel TOULLEC : Le seul fait concret que nous ayons, et qui n’est pas à mettre au crédit du DPS, concerne un policier qui a été victime du Front National. Le commandant Pierre Laurent, chef du service des renseignements généraux de Mantes-la-Jolie, a témoigné au procès de l’agression, par M. Jean-Marie Le Pen, de la candidate socialiste, Mme Annette Peulvast-Bergeal. Il a par la suite été cité à comparaître par le Front National pour les propos qu’il a tenus lors de l’audience. Il pourrait être intéressant pour votre Commission d’entendre ce fonctionnaire de police qui connaît très bien les rouages du Front National à travers les renseignements généraux et qui serait sans doute à même de vous apporter des éclairages sur ce parti pour en avoir été la victime - car on peut dire qu’il en a souffert - ce qui ne mettrait d’ailleurs nullement en cause son objectivité.

M. le Président : Messieurs, nous vous remercions.