Sujet : DPS

Audition de : Fiametta Venner

En qualité de : journaliste à Prochoix

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 16 mars 1999

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

Mme Fiammetta Venner est introduite.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, Mme Fiammetta Venner prête serment.

M. le Président : Mes chers collègues, nous recevons Mme Fiammetta Venner, qui a pénétré le DPS féminin pour témoigner de ce qui s’y passe.

Madame, la Commission souhaite obtenir des témoignages précis et directs des méthodes et des agissements du DPS. C’est pourquoi nous vous avons demandé de venir devant nous.

Mme Fiammetta VENNER : Depuis 1990, j’effectue un certain nombre d’enquêtes - que certains sociologues appellent " enquêtes participantes ", plus connues sous l’appellation de " journalisme d’investigation " - sur toutes les formes de l’extrême-droite contemporaine française et européenne dans certains cas.

En 1990, je me suis intéressée à des groupements proches du Front National, notamment des catholiques traditionalistes, mais aussi à un groupe de skinheads d’une dizaine de personnes sur la région parisienne.

J’ai publié trois livres sur les extrêmes-droites dans leurs apparitions contemporaines ; je dirige un réseau et un journal - ce qui rendra mon témoignage plus ou moins objectif selon la façon dont vous le considérerez - qui s’appelle Prochoix et un centre d’études, de recherches et de documentation européen. Nous avons passé des contrats avec la DG5 et disposons d’un journal qui mène des enquêtes. C’est dans ce cadre que Charlie Hebdo m’a demandé de faire le point en 1996 au sujet de rumeurs sur ce qui paraissait à l’époque ressembler à une milice ou à une organisation au sein du Front National.

Tous les ans, j’assiste à la fête " Bleu Blanc Rouge ", fête traditionnelle du Front National. Au cours de celle organisée la première semaine de septembre 1996, j’ai remarqué que s’y développait un peu plus que de coutume une jeune garde de personnes assurant la sécurité et encadrant les journalistes. C’est une fête organisée sur le modèle de la fête de l’Humanité. En effet, la façon dont le Front National a décidé de communiquer dans ses modèles institutionnels ressemble beaucoup à celle du parti communiste. Les gens qui ont créé le Front National s’en sont inspirés, se référant aux sociologues l’ayant étudié. On retrouve des mots communs comme " cellule ". C’est intéressant, s’agissant des modes de communication publique. C’est donc la même chose en plus petit. Ce n’est pas très international. Par exemple, le couscous est considéré comme le couscous cathare.

Mais cette fête de militants frontistes n’était plus pour les journalistes officiels un lieu où l’on pouvait obtenir des informations et engager des discussions directes avec les militants pour se forger une idée de l’état des lieux, de l’opinion frontiste. Aussi, le journalisme d’investigation est rendu obligatoire, dans la mesure où l’on n’a aucune possibilité d’interviewer les militants autrement qu’encadré par des personnes de trente centimètres de plus que vous !

Un autre fait m’avait interpellée. Au cours de l’enquête précédente que j’avais effectuée en 1990, j’avais vu au siège de l’OEuvre française, dissoute, recréée, puis redissoute, un fichier informatique listant les personnes à éliminer. Ce n’était pas formulé ainsi, je ne me souviens pas de la phrase exacte, mais étaient répertoriées les personnes posant à l’époque problème à l’OEuvre française.

Circulait également une rumeur selon laquelle les DPS établissaient des fiches sur les personnalités peu recommandables. Je voulais savoir s’il s’agissait d’une rumeur ou s’il était vraisemblable que la DPS pouvait établir ce type de fiches. Vous constaterez après mon exposé que je ne le pense pas, dans la mesure où il existe d’autres structures au sein de l’extrême-droite qui les établissent et qu’il n’est nul besoin de répéter le même travail.

En octobre 1996, l’événement de Montceau-les-Mines met en cause la DPS. A l’Assemblée, un député demande des explications. Dans un reportage de France 2, on voit des personnes, ressemblant vaguement à des policiers, qui chargent des militants. Je n’ai pas visionné la cassette, j’en ai entendu parler. Il m’a semblé que les personnes en question peuvent ressembler à des policiers lorsqu’il est tard et que tous les chats sont gris, mais qu’il ne s’agit pas exactement de tenues de policiers.

Je décide, début novembre 1996, de demander à entrer dans la DPS version féminine. Je suis reçue par Martine Staelens, responsable numéro deux à l’époque du DPS Ile-de-France.

Pour des raisons de sécurité des personnes impliquées dans l’enquête, je tairai le lieu ; il s’agit d’un groupe DPS de l’Ile-de-France, où j’ai participé aux oeuvres féminines. Dans ce cadre, on apprend la façon dont on doit diriger un journaliste lors d’une manifestation et les principes de base que l’on enseigne aux militants. Très rapidement, j’ai eu la chance, dans la mesure où je pratique des close-combats - ma mère était professeur de judo - de pratiquer du close-combat et de l’aïkido avec d’autres membres du DPS, cette fois masculins. La distinction hommes-femmes s’opère de la même façon que chez les skinheads - ce n’est pas péjoratif -, en ce sens qu’en général les femmes sont considérées plus diplomates et donc très utiles quand la DPS veut que les choses se passent bien. Il y a deux catégories de femmes : une catégorie de femmes diplomates et sympathiques ; une autre qui, dès lors qu’elle a les capacités physiques, peut participer à des opérations coups de poing à des moments donnés.

Dans l’organigramme, le Département protection et sécurité figure dès les années 1996. Le principe de base officiel, pas toujours respecté, est l’exigence d’un casier judiciaire vierge. On m’a, en effet, demandé un extrait de casier judiciaire, ce qui n’a pas été aisé, puisque je ne m’étais pas présentée sous mon nom. Cela dit, on ne m’a pas réclamé de carte d’identité.

Les armes ont toujours été proscrites officiellement par la DPS.

La première partie de l’enquête porte sur la DPS, c’est-à-dire la structure officielle du groupement. Je m’attacherai dans un second temps aux UMI.

Dans la structure officielle de la DPS, le contrôle est ferme s’agissant du casier judiciaire, sur la façon dont cela se passe, sur une bonne répartition des tâches. Tout le monde considère les armes à feu comme dangereuses et elles sont perçues négativement. En revanche, " le matériel de camping " peut servir d’armes en cas de besoin. On y trouve des gants plombés, assez utiles ; les poings américains sont " limites ", mais il y en a ; les râteaux sont efficaces pour rayer des voitures ; on y trouve également des couteaux de peintre, habituellement utilisés par les militants de divers partis pour retirer les affiches qui ne leur plaisent pas. Ils peuvent aussi servir d’objets coupants. Ajoutons une arme dissuasive, dont je ne sais dans quelle mesure elle peut se révéler mortelle : les matraques électriques. Cela ressemble à un bloc en métal, avec deux émetteurs, l’électricité passant entre les deux. On accroche quelqu’un et on lui fait passer un courant électrique. Pour nous amuser, nous le testions. On ressentait un petit choc, parce que le voltage était mis en position faible. Les personnes avec moi n’ont jamais revendiqué d’avoir tué quelqu’un, mais les UMI disent que c’est un bon moyen pour faire évanouir quelques secondes une personne au cours d’une manifestation afin de la mettre dehors. J’ignore les voltages utilisés. Ces objets ne portent aucune marque de fabrique, mais ils ne semblent pas faits artisanalement. J’ignore où on peut se les procurer - en France du moins. J’en ai trouvé aux Etats-Unis et au Liban ; les voltages étaient assez forts. Mais il s’agissait de réelles armes de combat trouvées dans des armureries. Ce n’était pas celles que j’ai vues en France.

L’aspect le plus intéressant ne réside pas dans la façon dont sont recrutés les participants au DPS ni la façon dont on les forme, parce que l’essentiel relève de la simple sociabilité. Aller faire du close-combat dans un club de quartier ou pratiquer du karaté près de chez soi ressemble beaucoup à de la sociabilité. En revanche, il est intéressant de connaître l’origine des participants au DPS.

Ils ont la grande illusion d’être issus du SAC. Or, aucun de ceux que j’ai vus

 il s’agissait d’un petit groupe de la région parisienne - n’en avait fait partie. Mais tous se remémoraient le SAC comme le moment merveilleux auquel ils avaient participé alors que quasiment personne n’en provenait. En revanche, beaucoup avaient participé au groupe de vigiles auquel M. Valéry Giscard d’Estaing avait eu recours dans les années 70, pour ses meetings. Quels groupes, quels meetings ? Aucune idée, pas de détails. Tout cela s’inscrit dans une formulation et une rhétorique très " je me vante de... ", " j’ai fait cela dans les années 70... ". La participation à l’OAS métropole existe dans les structures hiérarchiques. Je n’ai pas rencontré de personnes qui y avaient milité mais j’ai vu des personnes dont je sais qu’elles y ont milité. L’OAS métropole a été l’organisation un peu plus radicale et un peu plus française de l’OAS qui s’est permis des coups de poing dans les années 60. Avoir fait partie de l’OAS " métro " est un gage de respectabilité musclée pour une partie de l’extrême-droite. Par exemple, quand, en 1986, les nouveaux députés du FN sont arrivés à l’Assemblée, les attachés parlementaires n’étaient recrutés qu’à la condition d’avoir au moins fréquenté l’OAS métropole. C’est très bien vu. Cela confère une légitimité quasiment historique.

Autre élément intéressant : la plupart des participants appartiennent à des sociétés de sécurité et de gardiennage et participent également à des services d’ordre demandés à l’occasion, par des partis, toutes tendances confondues. Cela étant, je n’ai aucune preuve sur ce que j’avance lorsque je précise " toutes tendances confondues ", dans la mesure où j’ai un témoignage partial.

Je souligne également que parmi les gens que j’ai rencontrés, il n’y avait aucun skinhead homme, ce qui s’explique par le fait que les skinheads ont été très fortement réprimés dans les années 90 en France ; la plupart ont donc un casier judiciaire. Les rapports sociaux des skinheads permettent aux filles d’échapper à la prison, dans la mesure où elles ne servent que d’alibi aux hommes pour justifier que leur petit ami n’a jamais agressé un arabe. L’une d’elle racontait : " Lorsqu’un garçon de la bande agresse un arabe, je témoigne en disant : pas du tout, c’est ce garçon-là qui m’a agressé ; ce monsieur que je ne connaissais pas m’a aidée et secourue. " Il n’y a donc pas de garçons " skin ", mais quelques filles, totalement désocialisées suite à l’éclatement des bandes. Les garçons, après avoir fait de la prison, se sont réinsérés socialement. Dans le petit groupe que j’ai étudié, certains sont restés en prison, deux ou trois ont été réinsérés : ils sont boulanger, pâtissier, peut-être votant Front National, mais non intégrés dans le militantisme, contrairement aux filles totalement sorties du militantisme et de la sociabilité des garçons. Elles se sont retrouvées seules assez jeunes. Les jeunes filles appartenant au groupe étudié avaient entre 15 et 17 ans en 1990, les garçons plutôt entre 17 et 20 ans.

On retrouve ces jeunes filles, qui ont pratiqué des arts martiaux dès leur plus jeune âge. Elles sont assez performantes. C’est là que l’on voit que le DPS féminin existe et n’existe pas : pour simplifier, les filles bourgeoises du XVIème arrondissement sont dans la diplomatie et les anciennes skinheads des banlieues appartiennent au DPS mixte.

Au sein du DPS, on parle beaucoup de surplus militaires. Il est possible qu’en demandant, en achetant ou en étant très sage, on obtienne des insignes de CRS ou de militaires. Aucun des insignes, si ce n’est ceux des CRS, n’est très convaincant parmi ceux que j’ai vus.

En revanche, mes hypothèses ont été confirmées sur l’intérêt de groupes policiers annexes : l’OEuvre française utilise la DPS ou la DPS se sert de l’OEuvre française pour savoir qui est fréquentable, qui est dangereux à l’entrée d’une BBR ou d’une grande manifestation, qui il n’y faut pas voir...

Je trouve intéressante la piste de la FPIP, qui a viré à droite du Front National lorsque celui-ci a créé le Front National de la Police, organisation qui existe depuis maintenant dix ans et dont certains membres ont créé une section spéciale - en abrégé SS -, impliquée dans plusieurs attentats à la bombe contre des foyers Sonacotra dans le sud de la France. Je dis " impliqués ", il n’y a pas eu jugement. Car si l’on se réfère au jugement et aux délibérés, on ne comprend pas grand-chose. Le responsable de la section SS est innocenté sans suite. Je peux vous fournir les noms.

J’ai publié un livre sur les sponsors du Front National. J’ai remarqué que les membres de la FPIP tiennent un discours extrêmement violent. Ils appellent au meurtre à quasiment toutes les pages en papier glacé d’un journal qui s’appelle Police et sécurité magazine. On y trouve énormément de publicités pour EDF-GDF, Air France et la plupart des grandes entreprises publiques françaises, peut-être inconscientes de la façon dont elles ont géré leur budget de communication. Là n’est pas la question qui nous intéresse, mais chaque publicité est payée 48 000 francs, le budget d’un numéro s’élevait de 400 000 à 500 000 francs, c’était un bimensuel, cela a duré dix ans et cet argent n’est jamais arrivé dans les caisses de la FPIP. A plusieurs reprises la revue a été poursuivie, interdite, parce qu’insultant le ministre de l’Intérieur. Mais l’on n’a jamais pu conclure à l’enrichissement personnel des syndicalistes.

L’argent a bien existé. Où est-il allé ? A quoi a-t-il servi ?

Les DPS ont beaucoup d’argent. Lorsque l’on connaît le Front National de l’intérieur, l’on sait qu’il est peu enclin à donner de l’argent à ses adhérents et à ses militants. C’est un parti qui attend beaucoup de ses militants qu’ils subviennent à leurs besoins. Pourtant, la DPS a beaucoup d’argent, peut trouver une salle assez facilement, des salles d’entraînement alors que cela n’est pas si aisé en banlieue parisienne. J’ignore d’où vient l’argent. Mes enquêtes ne sont pas parvenues à le déterminer. Tel n’était d’ailleurs pas leur but.

J’ai poursuivi mon enquête en décembre-janvier. En février 1997, j’ai interviewé une personne qui avait été suivie par un journaliste du sud de la France et qui déclarait être un transfuge du Front National. Je vais vous faire part de son témoignage, en vous indiquant à quel moment il ne me semble pas véridique, dans la mesure où je pense qu’il essaye de se dédouaner d’un certain nombre de choses.

J’ai pris rendez-vous avec lui et ses amis dans une gare à Grenoble en février 1997. Son témoignage a été enregistré au début, mais le magnétophone a été détruit par les quatre personnes de l’ex-DPS. Je ne dispose donc pas des cassettes de cet entretien.

Le principal intéressé, parmi les quatre personnes présentes, s’appelait Bob. Il m’a paru nettement moins politique que les DPS parisiens que j’ai rencontrés, véritables militants politiques d’extrême-droite.

Il avait à l’époque trente-quatre ans, mesurait un mètre quatre-vingt dix. Il avait un casier judiciaire, puisqu’il avait jeté une personne du troisième étage après s’être fâché avec elle. Il n’avait aucune connaissance du close-combat, ce qui est assez surprenant, mais vu son gabarit l’on peut supposer que ce n’était pas un handicap. C’est une personne physiquement impressionnante, j’ai rarement vu quelqu’un de ce gabarit. Dans le civil, il est employé dans une société de gardiennage. En 1997, il m’a raconté de façon assez détaillée la manière dont le couple Le Chevallier était arrivé au pouvoir à Toulon, distribuant assez généreusement des postes aux militants qui le souhaitaient : gardien de cimetière, agent de la circulation... Il a confirmé mes doutes sur le port des uniformes. Il prétend que ceux-ci sont strictement similaires ; je n’ai pas trouvé qu’ils l’étaient lorsque j’en ai vu dans la région parisienne.

Il explique être arrivé au Front National en 1995, où il a très vite été remarqué, et indique qu’on leur a prêté une salle de gymnastique pour rapatriés de l’Algérie. Il affirme qu’en août 1995, la veille du jour où M. Jean-Claude Poulet-Dachary a été assassiné, plusieurs militants DPS plus âgés et plus gradés que lui sont venus inspecter chez lui pour vérifier qu’il n’avait pas d’armes. J’essaye d’enquêter sur le meurtre de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, ce qui est extrêmement difficile, dans la mesure où l’enquête policière piétine lamentablement.

Bob participe en mai 1995 au DPS à Paris. C’est à ce moment qu’il fonde les UMI de Toulon, mais je pense que c’était deux ans avant, sinon il n’aurait pas eu le poste qu’il semble avoir obtenu à la mairie de Toulon.

Les UMI, unités mobiles d’intervention, seraient la face cachée du DPS, que je n’avais pas vue à Paris. Je pense, en effet, qu’il existe trois DPS : un premier diplomatique et assez présentable ; un deuxième, dans le cadre duquel on peut participer à des opérations un peu plus coups de poing - collages d’affiches ou règlements de comptes individuels - et de sociabilité ; le troisième, les UMI. Dans ce cadre, l’utilisation des matraques électriques est très utile, car, on se demande bien à quoi peuvent servir des matraques électriques si le but consiste simplement à orienter les journalistes. Cela dit, les matraques électriques existent déjà au sein du deuxième DPS, celui des filles-garçons.

Bob dit s’être chargé des UMI à Carpentras et indique qu’une matraque est très utile, car elle permet d’immobiliser un adversaire pendant quelques secondes en le matraquant à la cuisse. Il tombe et on peut alors l’expulser de la manifestation. Cela ne nécessite pas la constitution de fichiers ; on repère rapidement dans une manifestation les membres plus ou moins désirables ou plus ou moins connus. L’OEuvre française doit pouvoir les aider, mais ils connaissent par photos les personnes indésirables.

Les membres des UMI auraient, selon lui, un sigle UMI et un numéro reconnaissable par les DPS à l’intérieur du blouson.

Lorsque j’ai été formée par les DPS, personne ne m’a parlé des UMI, mais je n’y suis restée qu’un mois et demi. Les réseaux de sociabilité étaient ce qui m’intéressait et je ne pense pas que l’on m’aurait proposé dans un temps aussi court de participer à une unité mobile, d’autant que je ne crois pas que les filles y soient bienvenues, même si elles font du close-combat.

M. le Président : Vous vous êtes donc intéressée au DPS pendant trois mois ?

Mme Fiammetta VENNER : J’ai commencé le 5 ou 6 décembre et terminé vers le 20 janvier.

M. le Président : Comment s’est passé votre " recrutement " ?

Mme Fiammetta VENNER : Je me suis présentée. On m’a demandé mon nom ; j’ai donné un faux nom. On m’a ensuite réclamé un extrait de casier judiciaire. Heureusement, le nom que j’avais utilisé était assez commun ; je l’ai fourni quelque temps après. Je m’étais teint les cheveux. Je pense qu’il était très facile de s’engager au DPS en décembre 1996 ; on ne subissait pas d’examen de passage, on ne vous demandait pas ce que vous aviez fait avant. Je pense que le fait d’être une fille facilitait les choses.

M. le Président : Quelle fut votre formation ?

Mme Fiammetta VENNER : Une formation militante, à moitié idéologique. Par exemple, on me demandait : " Il y a trop d’étrangers ici ; comment répondrais-tu à une telle affirmation ?... Non, tu ne devrais pas répondre de telle manière. Au lieu de dire "Il y a trop d’étrangers", il faudrait plutôt dire : "Chacun est différent et les gens sont bien chez eux." ". C’est-à-dire un discours assez policé et assez agréable, mais qui ne change rien sur ce que l’on sait déjà du Front National. Tous les militants sont incités à ce type de discours, ce qui ne les empêche pas de craquer dès qu’il y a une occasion publique.

L’entraînement physique était absent les premiers jours. Il s’organise par réseaux de sociabilité. Des gens connus au DPS lancent : " Ce soir, justement je vais faire ceci ou cela, veux-tu venir avec moi ? " C’est à travers ces réseaux de sociabilité que l’on m’a proposé de participer à des collages d’affiches.

M. le Président : Vous faisiez donc des entraînements physiques ?

Mme Fiammetta VENNER : Oui, mais l’on ne peut dire réellement que c’était à l’intérieur des DPS ; c’était avec les DPS mais l’organisation relevait simplement de réseaux de sociabilité. Tel est l’intérêt principal des DPS, c’est-à-dire que, d’une certaine façon, tout DPS peut être lâché. Officiellement, personne n’a demandé à un DPS d’utiliser une matraque électrique ; en revanche, tout l’y incite.

M. le Président : Comment en êtes-vous sortie ?

Mme Fiammetta VENNER : Je n’ai donné ni mon adresse ni mon numéro de téléphone et, au bout de quelques semaines, je suis partie. J’étais à un endroit de l’Ile-de-France assez éloigné de Paris.

M. le Président : Avez-vous été inquiétée depuis ?

Mme Fiammetta VENNER : Pas directement par les DPS, mais la DPS est un groupe qui a recruté beaucoup de gens. Considérez-vous que Holeindre fait partie des DPS ? Il a fait partie de la structure qui a créé le DPS.

Oui, j’ai été inquiétée par des membres du Front National, mais sur d’autres enquêtes que j’ai pu mener ou publier, soit dans mon journal, soit dans d’autres. On ne sait jamais pourquoi les gens peuvent vous inquiéter.

M. le Rapporteur : Si l’on vous montrait des matraques électriques destinées au gros bétail, seriez-vous en mesure de les reconnaître ?

Mme Fiammetta VENNER : Je ne savais même pas que l’on pouvait utiliser des matraques électriques pour gros bétail !

M. le Rapporteur : C’est en général un petit instrument tenu au bout d’une perche.

Mme Fiammetta VENNER : C’est un peu plus grand qu’une cassette audiovisuelle, moins large, cela tient dans une main1.

M. le Rapporteur : Vous évoquez les relations entre le DPS et l’OEuvre française, qui regroupe tous les avatars de l’extrême-droite fasciste.

Mme Fiammetta VENNER : Ils ne sont pas fascistes, plutôt néo-nazis.

M. le Rapporteur : Effectivement, avec la famille Sidos et ses différents avatars.

Quelles sont ces relations ? Organiques ?

Mme Fiammetta VENNER : Non, en revanche, j’ai vu des militants de l’OEuvre française dans des réunions régionales des DPS. En outre, j’ai noté les mêmes assurances d’impunité de certains lieux de la part de la police, impunité aussi si l’on agissait entre telle et telle heure, parce que tel policier ne ferait rien. J’avais déjà entendu de telles phrases au sein de l’OEuvre française, dont j’avais essayé d’interviewer les membres quatre ans auparavant.

M. le Président : Qu’entendez-vous par " tel policier ne ferait rien " ?

Mme Fiammetta VENNER : Il en va de même des commandos anti-avortement : vous ne pouvez savoir s’il s’agit de sentiments ou d’une réalité. Pour les commandos anti-avortement, Xavier Dor déclare : " Dans tel commissariat, je suis très bien reçu, dans tel autre très mal. ". C’est là le sentiment d’une personne suite à la façon dont ses interlocuteurs la reçoivent.

Dans le cas précis, il semblait que c’était des alliés à l’intérieur de la police ou au sein de rondes de policiers. Mais l’on sait que la présence de l’extrême-droite chez les policiers, si elle n’est pas totale, est importante. Je suppose donc qu’ils ne font pas que voter. En tout cas l’OEuvre française, au moment où j’y suis allée, en 1991 ou 1992, revendiquait parmi ses membres environ 65 % de policiers et jamais l’OEuvre française n’a eu la prétention de représenter les policiers d’extrême-droite. Ce n’est pas la FPIP ni le Front National de la Police, qui est complètement minoritaire et n’existe qu’électoralement. Il ne comprend que vingt ou trente personnes ; ce sont juste les déçus de la FPIP, qui n’ont pas eu le pouvoir qu’ils estimaient leur être dû au sein d’un syndicat de police.

M. le Président : Pendant que vous étiez au DPS, avez-vous participé à des actions ?

Mme Fiammetta VENNER : Oui, des actions de protection dans le cadre de collages d’affiches, mais rien de semblable en violence avec ce que l’on pouvait connaître à Marseille, par exemple.

On associe assez fréquemment la DPS à l’assassinat de Ibrahim Ali à Marseille. Il semble que ce ne soit pas le cas, dans la mesure où les DPS ont vraiment essayé d’éviter la présence d’armes, mais il aurait pu y avoir des matraques, des instruments plus contondants, tout le matériel de camping dont je vous ai parlé tout à l’heure.

M. le Président : Vous dites " la DPS ".

Mme Fiammetta VENNER : Ce sont là des initiales qui peuvent se traduire par le " Département police et sécurité " ou la " Division protection, sécurité ". Ce qui amuse les personnes de la ou du DPS consiste à changer les noms suivant ce qu’elles ont envie d’en faire.

M. le Président : Vous disiez que le DPS disposait de moyens importants. Vous avez cité la possibilité de louer des salles d’entraînement.

Mme Fiammetta VENNER : Le témoignage de Bob montre qu’à Toulon, c’est la mairie qui leur prête la salle. Là où je suis allée mener mon enquête, le DPS louait des salles d’entraînement à des entreprises du genre " gymnase club " pour la soirée ou pour la nuit.

M. le Président : Pour l’entraînement des membres du DPS ?

Mme Fiammetta VENNER : Pour l’entraînement. Je ne pense pas que les personnes qui louaient les salles d’entraînement connaissaient l’utilisation qui allait en être faite. La location était réglée en liquide.

M. le Président : C’est ce que vous appelez de la sociabilité ?

Mme Fiammetta VENNER : En effet.

M. le Rapporteur : Vous avez parlé du journal Police et sécurité magazine. Avez-vous eu connaissance d’une société de publicité collectant la publicité pour ce journal ?

Mme Fiammetta VENNER : Officiellement, la société avait une société de presse qui ramassait les pourcentages qu’elle gardait pour elle ; c’est ce que prétendent les dirigeants. Or, quand on regarde les comptes de la société de presse, on s’aperçoit que 90 % des sommes reçues sont renvoyés en frais divers. Je ne crois donc pas une seconde que Police et sécurité magazine ait offert sur un plateau à une société de presse indépendante la possibilité de s’enrichir, d’autant que si l’on se réfère aux chiffres que l’on peut trouver sur le serveur 3617Verif, cette société a rendu l’argent.

Tout le monde s’est trompé sur la loi portant financement des journaux syndicaux de police. Police et sécurité représentait à l’époque environ 7 % d’électeurs, ce qui n’est pas négligeable. Il prétend distribuer le journal à 40 000 exemplaires, ce qui est totalement exagéré ; il est publié à 1 000 ou à 2 000 exemplaires.

A l’époque, tous les syndicats vivaient de la publicité. Lorsqu’ils sont nterviewés, les syndicalistes de droite et de gauche éclatent de rire et déclarent : " Un syndicat policier ne peut céder la totalité de ses bénéfices à une société de presse indépendante. C’est de la pure fiction ! "

On s’aperçoit - c’est pourquoi ils ont été condamnés - que les membres de la société de presse bénéficiaient de cartes de police. Peut-être étaient-ils commerciaux, mais plusieurs ont été interpellés avec des cartes de policiers prêtées par les membres de la FPIP. Peut-être faudrait-il interroger ces derniers sur la question. Je pense qu’il serait intéressant de les entendre au sujet des prêts de matériels policiers auxquels ils procèdent.

M. le Rapporteur : A quelle époque cela se situait-il ?

Mme Fiammetta VENNER : La FPIP a arrêté son journal polycopié en 1989. Le premier exemplaire de Police et Sécurité Magazine est paru le 1er janvier ou mars 1991. Quoi qu’il en soit, fin 1990-début 1991. C’est à partir de ce moment que les publicités paraissent et cela jusqu’en 1995-1996 et que la FPIP est interdite. Aujourd’hui, seules paraissent quelques publicités, tout à fait légales. Il s’agissait d’une pratique courante dans ces années-là, mais ce qui est plus étonnant est qu’EDF n’a jamais financé la CUP, Alliance ou un syndicat de droite. La FPIP était le syndicat qui recevait le plus de publicités. Or, quand on lit Police et Sécurité Magazine, on est impressionné par le nombre de pages incitant à la haine.

M. Jacky DARNE : Etiez-vous au sein du DPS lorsque vous avez interviewé celui que vous appelez Bob ? En quelle qualité l’avez-vous interrogé ?

Mme Fiammetta VENNER : Non, je n’étais plus au DPS ; je l’ai interviewé en tant que journaliste.

M. Jacky DARNE : C’était donc postérieur à votre participation au DPS. Lui-même était-il alors au DPS ?

Mme Fiammetta VENNER : Non, c’était un transfuge, il avait été renvoyé du DPS après avoir postulé auprès de M. Jean-Marie Le Chevallier du fait que des personnes armées faisaient partie des DPS. C’est pourquoi je pense que les dates qu’il livre sur son appartenance à l’UMI sont fausses.

M. Jacky DARNE : A quel moment a eu lieu cet entretien ?

Mme Fiammetta VENNER : En février 1997.

M. Jacky DARNE : Le matériel d’enregistrement a été cassé. Pourquoi ? Parce que l’entretien s’est mal passé ? Est-il tombé en panne ? Quelles ont été les circonstances ?

Mme Fiammetta VENNER : Le matériel a été cassé par un membre du DPS, autre que Bob, qui s’est énervé à un moment sur mon magnétophone.

M. Jacky DARNE : A cause de vos questions ?

Mme Fiammetta VENNER : Non, à cause des réponses. L’entretien a duré quasiment cinq heures. C’est pourquoi je ne puis en parler précisément si ce n’est évoquer les grands thèmes.

M. Jacky DARNE : Vous avez indiqué qu’il avait été recruté par la municipalité de Toulon. A quel moment ?

Mme Fiammetta VENNER : Son témoignage n’est pas clair sur le sujet. Il déclare avoir été recruté à l’arrivée de M. Le Chevallier. Il ajoute : " A partir du moment où l’on est arrivé au pouvoir, on a donné des postes à qui on voulait. " Il était donc forcément là avant.

M. Jacky DARNE : Que fait-il actuellement ?

Mme Fiammetta VENNER : Je l’ai interviewé en 1997. J’ai vérifié son témoignage en 1998 au moment où Libération a publié un article, afin de mieux comprendre les questions soulevées par les journalistes. Il travaillait toujours dans une société de gardiennage pour des entreprises, à l’autre bout de la France. Je l’avais rencontré à Grenoble la première fois.

M. Jacky DARNE : Vous êtes restée peu de temps au DPS. Vous avez indiqué que vous aviez créé un centre d’études et d’observations. Le DPS est-il resté dans votre champ d’observation ou avez-vous abandonné, après parution de l’article dans Charlie Hebdo, le suivi de l’activité DPS ?

Mme Fiammetta VENNER : A priori, je ne sais pas grand-chose de l’activité de la DPS aujourd’hui. Je m’y intéresse en tant que citoyen un peu plus informé que les autres, certes, mais je n’ai pas mené d’autres enquêtes. La mienne s’est achevée en mars lors du Congrès de Strasbourg.

Ce qui me paraissait dangereux était le port d’uniformes permettant aux DPS d’interroger des gens dans la rue, d’intervenir face à des personnes qui ne leur paraissaient pas françaises. Cela s’est avéré exact au mois de mars, puisque quatre personnes ont été arrêtées, dont trois DPS. A ce moment-là, mon enquête était, d’une certaine façon, terminée. Mon hypothèse s’est révélée juste et vraie.

Je ne suis pas informée des buts de votre Commission, mais c’est en mars 1997 que la DPS aurait dû être dissoute. Aujourd’hui, où est la DPS ? M. Bernard Courcelle a démissionné. A l’heure actuelle, la DPS qui me semble dangereuse est celle de M. Bruno Mégret. On a d’ailleurs pu le constater à la télévision il y a quelques jours, s’agissant des personnes qui protègent M. Bruno Mégret en province. Mais ce n’est pas le résultat de l’enquête, plutôt une impression.

Il sera difficile de parler du DPS aujourd’hui, dans la mesure où les principaux commanditaires ne sont plus là où ils devraient.

M. le Président : Lors de votre passage au DPS, des règles disciplinaires présidaient-elles au fonctionnement du groupe ?

Mme Fiammetta VENNER : Concernant le langage essentiellement, mais là encore, sans doute est-ce dû au fait qu’il s’agissait du DPS féminin. Il convenait de dire certaines choses et pas d’autres, d’apprendre à être cohérents dans le discours à tenir face aux médias. Quant à la hiérarchie, je l’ai perçue dans les souvenirs évoqués par les garçons. Les plus jeunes expliquaient qu’ils étaient directement redevables à M. Bernard Courcelle, les plus vieux à M. Jean-Marie Le Pen. C’est plutôt de l’extérieur que j’ai perçu la hiérarchie du DPS, c’est-à-dire la répartition en zones, à l’instar d’une petite armée, la hiérarchie entre chefs départementaux, régionaux et nationaux. Au niveau local et à celui d’une petite cellule, ce n’était pas aussi net, mais je ne suis pas restée suffisamment longtemps. Ce type de définition hiérarchique doit transparaître davantage au moment des grandes manifestations, des grands meetings, des BBR ou à l’arrivée de M. Jean-Marie Le Pen dans une ville et doit être davantage perceptible quand on est un garçon.

M. Robert GAÏA : Disposez-vous d’un organigramme du DPS féminin ?

Mme Fiammetta VENNER : Non.

M. Robert GAÏA : Connaissez-vous Mme Itoiz ?

Mme Fiammetta VENNER : Non. Mon premier contact est plutôt " mixte ". Je ne suis pas restée suffisamment longtemps pour percevoir toutes les réalités du DPS. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas un organigramme et une hiérarchie.

M. Robert GAÏA : A votre entrée au DPS, vous a-t-on fourni un vade-mecum du DPS ?

Mme Fiammetta VENNER : Non, on m’en a parlé, mais de l’extérieur.

M. Robert GAÏA : Vous n’avez rien vu d’écrit.

Mme Fiammetta VENNER : Non, excepté un organigramme o le DPS apparaît directement responsable auprès du Président et non auprès du bureau.

Quant au recrutement des personnes du DPS, l’utilisation d’écrits me semble fort peu répandue.

M. le Président : La dimension raciste et xénophobe du Front National se percevait-elle au sein de votre groupe ?

Mme Fiammetta VENNER : Oui, tout à fait, de la même façon que dans les groupes de skinheads. Ce n’était pas un racisme construit comme il peut l’être dans les réunions de militants mais d’un racisme plus ancré et plus radicalisé par la présence des skins filles.

M. André VAUCHEZ : Sans doute n’avez-vous pas vu de papiers, parce qu’ils craignaient quelque chose de vous.

Mme Fiammetta VENNER : C’est possible.

M. André VAUCHEZ : Il ne doit pas être facile de vivre une telle situation. Vous avez dû totalement changer de personnalité.

Mme Fiammetta VENNER : C’est vrai. Je ne mène plus ce type d’enquête.

M. André VAUCHEZ : Vous avez précisé que l’on aurait pu avoir une action contre le DPS en 1997. C’est pourquoi nous nous interrogeons.

Selon vous, quelles sont les facettes du DPS qui tombent sous le coup de la loi de 1936 ?

Mme Fiammetta VENNER : Essentiellement le port de l’uniforme appartenant à la fonction publique.

J’ai étudié en détail la loi de 1936. Je ne suis ni législateur ni spécialiste en droit. Il me semble toutefois que l’utilisation par un certain nombre d’individus d’uniformes et d’instruments relevant officiellement de la force publique est répréhensible.

S’agit-il de la milice privée d’un parti ? Oui, mais comment le prouver, hormis sur la base de témoignages privés ? J’ignore qui vous avez auditionné. Je suppose que vous avez entendu les trois personnes arrêtées à Strasbourg.

Le sentiment d’appartenance à un groupe organisé me paraît un élément à approfondir. On relève dans les entretiens avec les membres du DPS qu’ils ont le sentiment d’appartenir à une classe plus armée, plus organisée et plus apte au " coup de poing ", ce qui constitue la preuve qu’il existe une milice.

Y a-t-il des armes ? Non.

M. André VAUCHEZ : Le sentiment d’appartenance ?

Mme Fiammetta VENNER : En cela, je pense que des entretiens avec des anciens du DPS peuvent se révéler utiles.

La définition d’une milice au sens de la loi de 1936 est, en effet, compliquée. Dès lors qu’est organisé un service d’ordre, qu’il est musclé, il tombe quasiment sous le coup de la loi - en tout cas, vous pouvez l’utiliser. Que vous ayez envie de le faire ou non est une autre question. On l’utilise quand on veut dissoudre Ordre nouveau ou la LCR. Il n’est guère difficile de prouver que c’est un service d’ordre, qu’il est musclé. Mais vous pouvez aussi utiliser la loi à l’encontre de services d’ordre autres que ceux situés à l’extrême-droite. Après, la décision de dissoudre ou non ce service d’ordre est politique. Quant à considérer qu’il s’agit d’une milice... J’ai été élevée au Liban pendant la guerre. Il est vrai que cela ne ressemble pas à une milice de 1975, armée jusqu’aux dents, au Liban. Mais mon critère de référence n’est pas forcément un critère démocratique. Il n’en reste pas moins que c’est plus impressionnant qu’un service d’ordre normal d’un parti conventionnel, habilité à aller jusqu’à l’Assemblée nationale. Il vous appartient en tant que pouvoir politique de le déterminer. En 1997, l’Etat disposait de suffisamment d’éléments pour faire ce qu’il voulait du DPS.

M. André VAUCHEZ : Vous paraît-il dangereux pour la société ? Vous avez dit que ses membres avaient conscience de se défendre, que les armes étaient prohibées, y compris dans le troisième groupe. Imaginez que les armes soient distribuées ; pourraient-ils devenir très dangereux ?

Mme Fiammetta VENNER : Evidemment. Il faudrait y ajouter les membres du Parti nationaliste français européen et les résidus de L’OEuvre française. En revanche, je n’y intègre pas les skinheads.

M. Robert GAÏA : Et le GUD ?

Mme Fiammetta VENNER : C’est assez compliqué. Le GUD est davantage porté aux actions " coups de poing ". Le recrutement étant annuel, cela dépend, mais ce sont davantage des gamins-adultes révoltés qui font le coup de poing ; dans vingt ans, ils seront avocats ou ministres !

Il est tout à fait différent d’être éduqué au Parti nationaliste français européen et d’être au GUD. Les membres du GUD sont étudiants ; ils sont dans une université, non dans un château, en province, en train de tirer sur des pigeons toute la journée !

Pour répondre clairement à votre question : oui, ils sont dangereux, même sans armes, d’où l’intérêt pour eux du close-combat.

M. le Président : Vous disiez que l’on pourrait dissoudre d’autres services d’ordre de partis. Avez-vous eu des contacts avec eux ?

Mme Fiammetta VENNER : Quand on sait que certains membres de la DPS sont momentanément engagés par d’autres services d’ordre de syndicats ou de partis, on se doute qu’ils n’oublient pas leurs matraques, leurs gants plombés, ou leurs coups de poing américains au placard !

Si vous suiviez un service d’ordre d’un parti quelconque sur un an et que vous procédiez à un contrôle de " dopage aux armes ", vous finiriez par trouver des éléments qui ressemblent au DPS, puisqu’il s’agit des mêmes personnes, certes pas toujours ; mais c’est le cas de certaines, pour lesquelles, être engagées, à un moment donné, pour assurer la sécurité d’un lieu, est un moyen de gagner leur vie.

M. le Rapporteur : Les chaînes de vélo sont-elles toujours en usage au DPS ?

Mme Fiammetta VENNER : Je n’en ai pas entendu parler lorsque j’ai fait récapituler à Bob les accessoires de matériel de camping. Les seules armes me paraissant étrangères à du matériel de camping étaient la matraque électrique et la batte de base-ball - quoique l’on puisse faire du base-ball au camping !

M. le Président : Madame, je vous remercie. Nous sommes preneurs de tous documents que vous pourriez nous laisser aujourd’hui ou nous faire parvenir plus tard.

M. le Président : Madame, nous vous remercions.