Sujet : DPS

Audition de : Jean-Marie Lebraud

En qualité de : ancien responsable du DPS de Bretagne

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 6 avril 1999

Présidence de M. Michel SUCHOD, Vice-Président

M. Jean-Marie Lebraud est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Jean-Marie Lebraud prête serment.

M. Jean-Marie LEBRAUD : J’ai pris des responsabilités au sein du DPS, car, j’appartenais au Front National depuis 1984. On m’a demandé de trouver, parmi les militants, des volontaires pour accompagner, soit les meetings, soit des réunions.

Je suis passé responsable DPS départemental, du département du Finistère, où j’habitais et suis ensuite devenu responsable régional. Telle est l’évolution que tout un chacun peut connaître au sein de notre mouvement.

Nous sommes toujours entourés de militants bénévoles qui viennent nous aider dans nos missions de maintien de l’ordre des meetings ou des réunions, de même que celles plus importantes qui accueillent le Président ou des élus départementaux.

M. le Président : L’actuel responsable de la DPS est officiellement M. Marc Bellier ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Il assure une autre responsabilité près du Président. Il est dernièrement entré au cabinet du Président et en dépend directement. Nous avons un directeur national, M. Jean-Pierre Chabrut.

M. le Président : Il est tout nouvellement venu.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Oui, il remplace M. Bernard Courcelle.

M. le Président : On considère que vous êtes, de facto, le nouveau n°1 de la DPS.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Ce serait avec plaisir, mais ce n’est pas le cas. Depuis le début du mois de février, j’ai obtenu un contrat à durée déterminée en qualité de responsable de sécurité du siège du Front National à Saint-Cloud.

M. le Président : Quelles sont vos relations avec M. Jean-Marie Le Pen dans ces activités ? Lui rendez-vous compte directement ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Pas du tout, nous passons toujours par le directeur national. De même au niveau du siège : tout ce qui touche à la sécurité du siège fait systématiquement l’objet d’un rapport à la direction nationale.

M. le Président : Le CDD que vous avez évoqué est conclu avec l’entité " Front National " en tant que parti ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Bien sûr. Le DPS et le Front National forment un tout ; le DPS n’est pas à part. C’est un service comme un autre, au même titre qu’il existe un service de comptabilité.

M. le Président : Qu’est-ce qui, dans votre parcours personnel, dans les activités professionnelles que vous auriez exercées ont conduit les responsables à vous demander à vous personnellement d’occuper ces fonctions, tant il est vrai que l’on aurait pu vous appeler à d’autres services, à d’autres secteurs. Or, on vous a appelé au service de sécurité. Comment l’expliquez-vous ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : D’une part, parce que je suis là depuis 1984, date à laquelle j’ai adhéré au Front National. D’autre part, à Brest, j’étais commerçant et j’avais la chance de connaître beaucoup de monde. Cela a aidé. Je n’avais pas l’âme ni les compétences pour me lancer dans la politique.

M. le Président : Vous vivez la scission. Quelle est la situation actuelle de la DPS ? On nous a indiqué que beaucoup de cadres, voire de membres, s’étaient ralliés au DPA. Quels sont les effectifs : combien y a-t-il de permanents, d’occasionnels ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Il n’existe que peu de permanents ; je suis quasiment l’un des seuls. Les autres sont des bénévoles qui gravitent dans tous les départements. Dès que j’ai besoin de quelqu’un, j’appelle dans la région parisienne pour contacter un tel qui est au chômage. Les bénévoles sont tous des personnes qui ont du temps à nous consacrer à un moment donné. C’est ainsi que j’arrive à gérer le siège, avec des bénévoles uniquement

 du moins pour l’instant, car, comme vous devez le savoir, nos comptes sont bloqués, ce qui nous empêche d’embaucher.

M. le Président : Cela n’a pas empêché quelques contrats, dont le vôtre.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Oui, le mien au mois de février.

M. le Président : Considérez-vous l’information selon laquelle beaucoup de membres du DPS seraient passés au DPA comme exacte ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Beaucoup de cadres, oui, c’est vrai.

M. le Président : Comment l’expliquez-vous ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je ne sais pas. Il en reste tout de même encore quelques-uns au DPS !

M. le Président : Parlez-nous des responsables par zone. Qui sont vos homologues ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Des responsables régionaux et départementaux. Il existe trois ou quatre personnes par département. Nous faisons appel, si possible, à des personnes qui sont libres en cas de besoin.

M. le Président : Pourriez-vous nous tracer le parcours professionnel de quelques-uns de vos collègues ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : La personne qui m’a remplacé en Bretagne est un ancien capitaine de corvette à la retraite.

Un ouvrier est responsable du département de l’Ille-et-Vilaine, un routier du département du Morbihan, un gardien de la sécurité chez Leclerc des Côtes d’Armor. Les professions sont diverses. Ceux qui travaillent ne sont pas toujours libres.

M. le Président : Vous faites donc appel aux personnes disponibles. Mais l’on pourrait également considérer qu’il existe un recrutement spécialisé. On a évoqué les skinheads, d’anciens " para ", des gens du GUD, d’anciens policiers ou gendarmes en activité - vous avez parlé d’un capitaine de corvette à la retraite. Comment procède-t-on au recrutement ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Des militaires à la retraite, je veux bien le concevoir ; en activité, je ne le pense pas, du moins, il n’y en a pas à ma connaissance.

M. le Président : Le profil que j’ai évoqué de skinheads, d’anciens " para "... ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Oui, bien sûr, il y a des anciens militaires, comme il y a d’anciens ouvriers, d’anciens employés. C’est hétéroclite, toutes les professions sont représentées.

M. le Président : Nous avons reçu M. Bernard Courcelle. Il nous a indiqué que les membres du DPS recevaient une formation relative à la réglementation des lieux accueillant du public ; il a évoqué la collaboration d’un ingénieur de la sécurité civile, M. Marcel Peuch. Est-ce toujours le cas ? Quelles sont les formations dispensées ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Il s’agit de formations de base à la lutte contre l’incendie. Nous avons été formés dans le cadre du ERP1 (établissements recevant du public), éléments de base destinés à apprendre à éteindre un incendie.

M. le Président : En Basse-Normandie, des policiers ont fait l’objet d’une agression en janvier 1992. Sur les quarante-cinq militants du DPS interceptés ce jour-là, on a retrouvé des casques, des foulards, des tenues militaires, des masques à gaz, des bâtons, des manches de pioche, des bombes de gaz lacrymogène, des matraques à pulvérisateur gaz. C’est là un équipement étonnant de lutte contre l’incendie !

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je ne suis pas informé de cette affaire. Par ailleurs, nous interdisons formellement ce genre de choses. Des notes de service le spécifient. Mais il est vrai que l’on ne peut pas tout contrôler. Avec des bénévoles...

En Bretagne, en tout cas, cela n’existe pas.

M. le Président : Pourrions-nous avoir communication de ces notes de service ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Si vous me les demandez, je vous les fournirai.

M. le Président : Nous vous les demandons officiellement.

On nous a parlé d’entraînements réguliers des membres du DPS, au moins du coeur du DPS, de certains groupes - je ne parle pas de tous les bénévoles - au château de Neuvy-sur-Barangeon.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non. Il y a des réunions de préparation des meetings du 1er mai ou des fêtes " Bleu Blanc Rouge ". Elles rassemblent les cadres, à savoir les responsables régionaux et dpartementaux. Il n’y a pas d’entraînement. Il convient de savoir que certains de nos responsables ont soixante-cinq ans, soixante-dix ans.

M. le Président : On nous a parlé également de tenue n° 1 et de tenue n° 2.

M. Jean-Marie LEBRAUD : La tenue n° 1 est constituée d’un blazer, d’une chemise, cravate, pantalon gris, une tenue correcte, que l’on porte lors des meetings où le Président est présent. La tenue n° 2 est la tenue de ville.

M. le Président : Il s’agit également de reconnaître les personnes ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Egalement.

M. le Président : La scission a obligatoirement engendré une fonte des effectifs. Une campagne électorale est en cours. Etes-vous amené à demander le renfort de sociétés de sécurité ou de gardiennage privées ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non. A ma connaissance, il n’y a jamais été fait appel.

M. le Président : Vous avez évoqué votre CDD. Qu’en est-il de la rémunération des chefs de zone ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Personne n’est rémunéré pour remplir des responsabilités régionales ou départementales.

M. le Président : Vous seriez donc le seul membre du DPS rémunéré ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non, le directeur national l’est également. Je suis rémunéré en tant que gardien du siège.

M. le Président : Outre les circulaires auxquelles vous faisiez référence, il existe, paraît-il, des manuels à l’intention des membres du DPS destinés à leur communiquer les instructions et les procédures à suivre.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Pour les contacts que nous pouvons avoir avec les forces de l’ordre ?

M. le Président : Ou d’éventuelles personnes qui viendraient troubler vos manifestations. Je veux parler d’un règlement de comportements face aux problèmes qui peuvent surgir, dans la mesure où un service d’ordre peut y être confronté.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Cela ne prend pas la forme de manuels. Nous avons des contacts systématiques avec les renseignements généraux et la police urbaine avant chaque manifestation. Suivant la façon dont pratiqueront les forces de l’ordre, nous gardons les sorties de secours par exemple. Les forces de l’ordre gardent l’extérieur ; nous sommes un peu responsables de l’intérieur du site.

M. le Président : Plusieurs incidents ont été portés à notre connaissance, ce qui, du reste, a justifié la création de notre commission d’enquête.

Le 11 novembre 1995, à Carpentras, des membres de la DPS interpellaient, fouillaient, menottaient et remettaient eux-mêmes un punk à la police avec ses papiers d’identité.

A Strasbourg, en mars 1997, trois membres du DPS procédaient à une interpellation avec contrôle d’identité.

Nous voudrions savoir si l’interpellation et le contrôle d’identité font partie des méthodes habituelles, par exemple à l’entrée d’un meeting, à l’abord d’une manifestation ou avant l’arrivée de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non.

M. le Président : Vous considérez donc qu’il s’agit de débordements ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Oui. C’est arrivé une fois en quinze ans. C’est une erreur.

M. le Président : Comment concevez-vous vos rapports dans le cadre d’une manifestation quelconque avec les forces de l’ordre sur le terrain : gendarmerie, police ? Quels rapports entretenez-vous ? Comment procédez-vous ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je prends rendez-vous et je les rencontre avant l’organisation du meeting. Par exemple, nous étudions ensemble les itinéraires, soit avec les renseignements généraux, soit avec la police urbaine. Toujours. Telle est ma pratique. Je pense que les autres responsables procèdent de même.

M. le Président : Comment jugez-vous le résultat organisationnel ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : La police fait son métier dans la rue. Nous, à l’intérieur, connaissons moins de problèmes. Si un incident survient, nous amenons la personne intéressée à l’officier de police judiciaire. Cela dit, c’est rare. Avec les forces de l’ordre, nos relations sont bonnes et courtoises.

M. le Président : N’avez-vous pas le sentiment, lorsque se déroule une manifestation, que la DPS pourrait se substituer à ce qui serait normalement le travail des forces de l’ordre ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Elle en serait bien incapable. Les personnes généralement présentes sont âgées. Peut-être sont-elles plus jeunes en région parisienne, mais en Bretagne la moyenne d’âge est de quarante ou cinquante ans, voire davantage. En outre, ce ne sont pas des professionnels de la sécurité.

M. le Président : Lorsque nous avons reçu M. Bernard Courcelle, nous avons eu le sentiment qu’il était un technicien des questions de sécurité.

M. Jean-Marie LEBRAUD : J’étais en Bretagne, lui à Paris. Nous nous voyions deux fois par an...

M. le Président : Nous sommes confrontés au même problème avec plusieurs responsables de votre organisation qui nous expliquent que la DPS est composée de beaucoup de personnes qui ne sont plus de la prime jeunesse. Comment expliquez-vous que des gens qui sont à la tête de cette organisation, parfois comme M. Bernard Courcelle pendant quatre ans, n’aient pas tenté de la rendre plus opérationnelle ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Peut-être l’a-t-il tenté, mais cela ne peut réussir avec des personnes issues d’horizons professionnels divers. Nous n’avons pas affaire à des professionnels de la sécurité. Même d’anciens officiers, comme M. Jean-Pierre Chabrut, n’y parviendraient pas s’ils essayaient. Ce n’est pas possible.

M. le Président : Des journalistes nous ont indiqué que la pratique s’était répandue de prendre systématiquement en photo les contre-manifestants, en un mot les adversaires du Front National, voire que des fichiers avaient été constitués. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : C’est faux. Des photos ont certainement été prises, mais quant à constituer des fichiers, non.

M. le Président : Ne pensez-vous pas que des journalistes qui auraient écrit des articles hostiles au Front National auraient été filés, intimidés, reçu des coups de téléphone ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je ne le pense pas. Je ne vois pas l’intérêt.

M. le Président : Ces actions auraient pour but l’intimidation afin que le journaliste n’écrive pas un second article.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Il ne faut pas tomber dans la paranoïa !

M. André VAUCHEZ : On nous explique depuis un certain temps que le DPS est formé de personnes relativement âgées. Malgré tout, ce système a été mis en place pour la sécurité. De qui ? Des membres du Front National, je pense. On les forme pour lutter contre l’incendie alors que dans les salles que, je suppose, vous louez, des mesures sont prises par la municipalité et le service départemental d’incendie et de secours.

On nous indique que ces braves gens, dont vous faites partie, ne sont pas dangereux, mais que surviennent des débordements que l’on ne sait trop comment expliquer. D’aucuns nous ont déclaré que l’on voyait l’ennemi partout - vous avez utilisé le terme de " paranoïa " - mais il existe une certaine paranoïa à vouloir conserver un groupe, dont les membres ne sont pas toujours en blazer. En effet, leurs habits sont parfois comparables, surtout la nuit, à celui des gendarmes mobiles, par exemple ! Ils vont même jusqu’à se couvrir de casques, qui ressemblent étrangement à ceux que peut posséder la police. On a l’impression que l’on est face à un groupe d’interposition. D’après ce que l’on comprend, il ne s’interpose pas ou n’est pas en mesure de le faire ; de temps à autre, il provoque des débordements. Cela peut se traduire par des coups très durs. On nous explique alors que le DPS n’est pas impliqué. La justice tranche. Je pense en particulier à ce qui s’est passé sur Paris.

Ne croyez-vous pas que le DPS est un outil dépassé et qu’il serait préférable de faire confiance au préfet, à la police, dont le rôle est de s’interposer si nécessaire, car, dans un pays républicain, il est possible que se côtoient manifestations et contre-manifestations sans agressions, bien que cela puisse arriver en paroles ?

Dans vos meetings, avez-vous constaté une incapacité notoire des forces de police ou de gendarmerie selon les zones d’intervention ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Effectivement, selon les zones d’intervention ; dans certains endroits, la police n’intervient pas. Et quand vous avez cinq cents ou six cents manifestants qui jettent des pierres... Je suis sourd d’une oreille. Peut-être y a-t-il une raison, liée aux manifestants d’en face.

Dans certains endroits, effectivement, la police ne fait pas son travail.

M. André VAUCHEZ : Pourquoi cette insistance à porter cet accoutrement paramilitaire, para-police, pourquoi ne pas s’habiller, comme je le dis souvent, avec l’habit fluo du jardinier ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Vous ne parlez pas du blazer, j’espère. Vous parlez de la tenue des personnes qui travaillent pour la sécurité.

M. André VAUCHEZ : Je parle de ceux qui peuvent se confondre avec des gendarmes.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Donc des personnes qui travaillent dans le domaine de la sécurité, qui, vous pouvez le constater, portent des blousons ou des combinaisons noires ou bleu marine. Les maîtres-chiens également. Certains d’entre eux viennent nous aider bénévolement.

M. André VAUCHEZ : Tenez-vous vraiment à cette couleur ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non. Personnellement, j’aime bien le bleu marine - sans doute par nostalgie de l’aviation.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Les forces de sécurité de votre service d’ordre subissent-elles un encadrement particulier ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non, pas du tout.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Les membres du DPS sont-ils en majorité des retraités ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Peut-être pas une majorité, mais il y en a beaucoup, surtout parmi les cadres même si des jeunes viennent nous rejoindre.

M. André VAUCHEZ : Sur le terrain ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Il y a aussi des anciens.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : De quels milieux socio-professionnels sont issus ces retraités ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : D’horizons très divers. Ce peut être des anciens salariés. D’autres sont à la retraite à quarante ans, en l’occurrence, d’anciens militaires.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Ceux-là ont une certaine formation ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Oui, bien sûr.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Ces retraités sont-ils des militants du Front National ou des sympathisants ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Les deux, ils peuvent être militants et sympathisants.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Quels sont les frais engagés à l’occasion de grandes manifestations ou de meetings engendrant le déplacement des membres ? Ont-ils besoin d’avoir la carte du Front National pour pouvoir faire partie de la sécurité du Front National ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Depuis la scission, il est demandé que ce soit des militants et non plus seulement des sympathisants.

M. le Président : Quel avenir voyez-vous pour la DPS ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Toute manifestation, de droite, de gauche, quel que soit le mouvement, nécessite un encadrement.

En 68, j’étais très à gauche, je donnais des coups de main dans les manifestations. Je pense que le DPS restera, de même que les autres mouvements ont des services d’ordre.

M. le Président : Ne pensez-vous pas que la DPS présente des spécificités par rapport aux forces d’encadrement des autres partis politiques ou des forces syndicales - d’autant plus si vous avez l’expérience de mai 68 ? Percevez-vous une différence ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Non. L’organisation des syndicats de gauche est plus structurée que la DPS, qui a seulement une apparence de structure.

M. le Président : Autrement dit, le Front National aurait des leçons à prendre sur l’organisation !

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je le pense sérieusement, surtout en matière d’encadrement des manifestations.

M. le Président : Que pensez-vous de l’organisation naissante du DPA ? La considérez-vous calquée sur l’organisation de la DPS ou comme quelque chose de très différent ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : J’ignore ce que veulent faire les responsables du DPA. Les cadres qui sont partis du DPS sont, pour la plupart beaucoup plus jeunes que ceux qui sont restés. Je pense qu’ils vont calquer leur organisation sur celle du DPS avec un niveau régional et départemental.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Vous avez dit que vous ne compreniez pas vraiment pourquoi on venait " attaquer " les manifestations du Front National, qu’après tout, les autres services d’ordre n’en faisaient pas autant.

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je n’ai pas dit cela.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Nous avons auditionné les services d’ordre des autres partis. Ils ne sont pas obligés de porter un uniforme, de manipuler certaines armes dissuasives. Ils ne procèdent pas à des fouilles à corps, y compris à l’entrée des meetings. J’ai eu le sentiment que c’était des services d’ordre " bon enfant ". Au contraire, le service d’ordre du Front National me semble un service musclé. Vous avez donc l’air de penser que le Front National est un parti démocratique comme les autres. Vous dites avoir appartenu à la gauche, voire à l’extrême-gauche. Que ressentez-vous d’appartenir à un parti dont les chefs véhiculent des idées comme l’inégalité des races, emploient des expressions, certes médiatiques et destinées à faire réagir, mais que je n’ose même pas répéter ici, qui passe pour assez violent, animé d’idées fascistes, voire nazies. J’avoue que venant d’une personne ayant appartenu à la gauche, cela me gêne.

Finalement, pourquoi existe-t-il un Département protection et sécurité du Front National si, ma foi, vous ne voyez pas pourquoi ?

M. Jean-Marie LEBRAUD : Je ne me sens pas compétent pour faire moi-même de la politique. On m’a confié une mission de gardien, donc je garde. Ma profession de commerçant m’a permis de connaître beaucoup de monde dont des personnes du Front National parmi lesquelles j’ai " puisé " quelques bénévoles pour les faire entrer sous mes ordres. Vous ne m’amènerez pas sur un plan très politique, car je n’en fais pas. Cela ne m’intéresse pas beaucoup.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Sans faire de politique ! Lorsque l’on me demandait de venir encadrer des manifestations, j’y allais avec des ballons rouges plus qu’avec autre chose !

M. Jean-Marie LEBRAUD : Ce que j’ai reçu sur la tête, ce n’était pas des ballons rouges !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Justement, si vous prenez des choses sur la tête, c’est que vous encadrez un parti qui a certaines idées. On n’a pas besoin de forces de sécurité importantes lorsque les choses se passent bien.

M. Jean-Marie LEBRAUD : C’est bien depuis qu’il existe que nous avons des manifestants en face.

Je pense par ailleurs que vous sortez quelques phrases de leur contexte. Je n’irai pas plus loin.

M. le Président : Je vous remercie.