Présent du 12/09/97 publie l’intégralité d’une lettre de Le Chevallier adressée aux membres du FN de la fédération du Var. Cette lettre avait déjà été expédiée aux fédérations et aux municipalités frontistes :

" Chers amis du Front national, je vous mets en garde contre la stratégie menée par nos adversaires (type François Léotard) qui visent à nous confondre avec ceux qui ont appartenu au début du siècle au régime nazi.

Pour mieux nous atteindre, tous les moyens sont bons y compris le comportement pervers de certaines librairies, comme à Toulon, la librairie "Antinéa" où l’on mélange à la vente les ouvrages de grande qualité (Histoire de France de Jacques Bainville, Jean Madiran, etc.) à d’autres qui visent à nuire au Front national [Brigade Frankreich et Un SS en France de Jean Mabire, Ndlr.].

Il n’est pas impossible que certains éléments relevant de la police de la pensée ne soient également à l’origine de la création de ce genre de librairie.

Je rappelle qu’il n’est pas dans les attributions d’un maire d’interdire ce genre de commerce pas plus qu’il ne le peut pour les sex-shops.

Je vous invite donc à ne pas répondre à ces provocations en ne donnant pas suite aux invitations que vous pourrez recevoir. "

Le maire de Toulon est bien mal informé.

 Au début du siècle, le nazisme n’existait pas.

 Il n’y a pas de librairie " Antinéa ", mais une librairie " Anthinéa ", dont voici l’histoire. Il existe à Paris une librairie " L’Æncre ", d’orientation néo-nazie, antisémite et révisionniste. À la faveur du changement de municipalité à Toulon, cette librairie parisienne avait jugé bon d’y ouvrir une filiale, la librairie Alaïs, essentiellement de même teneur, via un sombre imbroglio juridique et commercial. Un peu plus tard cependant, le gérant de cette librairie (Éric Miné) mettait la clef sous la porte, pour aussitôt céder une partie de son stock et de ses factures à un militant FN local, Frédéric Boccaletti, légèrement plus modéré (Franco, oui, Hitler, non ; Garaudy, mais pas Faurisson) et soucieux de respecter les différentes composantes du FN, ce qui ne saurait déplaire à Le Chevallier. Ainsi naquit la librairie " Anthinéa ".

 Les rapports avec la mairie, sans être officiels, n’en étaient pas moins fort bons : Boccaletti avait pour client de nombreux adjoints, militants du FN et proches du maire. Les ouvrages des éditions nationales (FN) y figuraient en bonne place, et les séances de dédicaces étaient annoncées dans la presse frontiste.

 Le jour même de la parution dans Présent de la lettre du maire de Toulon, Rivarol signalait par exemple dans son agenda que le 20 septembre, Jacques Bompard et Laurent Wetzel dédicaceraient leurs ouvrages à la librairie Anthinéa. Le maire FN d’Orange suivra-t-il les injonctions de son homologue de Toulon ?

 Et le lendemain, samedi 13 septembre, Le Chevallier pouvait passer saluer le journaliste de Présent, Alain Sanders, au stand de la librairie Anthinéa, invité par ses propres services à participer aux journées de " commémoration du 35e anniversaire de l’arrivée en métropole des Français d’Algérie du Maroc et de Tunisie ", organisées à grand renfort de publicité par la mairie de Toulon.

De nombreux adhérents du FN ayant fait part de leur amitié et de leur soutien à la librairie toulonnaise " au comportement pervers ", cette polémique ne devrait pas rester sans suite. D’autant plus que le gérant d’Anthinéa, Frédéric Boccaletti devrait adresser prochainement un droit de réponse à Présent. Or, Frédéric Boccaletti est un proche de Philippe de Beauregard, qui conduisait la liste FN à Hyères où il était candidat, et qui est aujourd’hui adjoint de Jean-Marie Le Chevallier.