Nommé en septembre 1992 pour "nettoyer" la ville de Tanger notoirement gangrenée par les réseaux de trafic de drogue, le commissaire Miloudi Hamdouchi, surnommé "Colombo" par la rumeur populaire, a été discrètement limogé au début de l’été 1993. Placé à la tête de la police judiciaire de la principale ville du Nord du Maroc, "Colombo" ne pouvait ignorer combien sa tâche serait ardue. Tanger, depuis l’Antiquité, a toujours été un carrefour propice à tous les échanges ; et depuis une décennie, en raison du développement de la culture du cannabis dans les provinces limitrophes, est devenu une plaque tournante du trafic de haschisch vers l’Europe. Plus récemment Tanger est devenu un lieu de consommation et de trafic de drogues "dures", cocaïne et héroïne, ainsi que d’amphétamines et de barbituriques. Les déboires du commissaire ont très vite commencé : ses démarches, ses enquêtes n’aboutissent pas quand elles touchent les "pouvoirs parallèles" qui bénéficient d’innombrables appuis au sein même de la police, de la justice, de la douane, de l’administration en général. Cette situation éclaire le poids prépondérant pris par l’économie souterraine dans le nord du Maroc. Les masses financières provenant du commerce du haschisch sont sans commune mesure avec les capitaux d’origine licite. La plupart des secteurs économiques : immobilier, industries de transformation, transport et tourisme sont irrigués ou servent de paravent aux narco-capitaux. Colombo, dès le mois de mai, avait commencé à prendre du recul grâce à un long congé de maladie ; il semble avoir choisi le moment et les circonstances de sa chute. Il n’a pas hésité à interpeller et incarcérer pour détention et/ou trafic de drogue l’enfant majeur d’une personnalité d’envergure nationale. Dans cette opération qu’il voulait exemplaire, mais qui n’a donné lieu à aucune inculpation, "Colombo" n’a tenu aucun compte des conseils de prudence qui lui ont été abondamment prodigués, comme s’il voulait en finir rapidement. Il vient d’être mis au "placard" de l’administration centrale à Rabat. Fin août, les réseaux de trafiquants poursuivaient à Tanger sans encombre leurs lucratives activités (correspondants de l’OGD au Maroc).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 24