Le problème des drogues n’était pas jusqu’en l994 une priorité pour le gouvernement indien dans le Jammu et Cachemire, Etat du nord, déchiré, depuis cinq ans, par le soulèvement armé de groupes musulmans. Mais les autorités indiennes ayant construit des clôtures électrifiées le long de sa frontière avec le Pakistan au niveau de l’Etat du Pendjab et d’une partie de celui du Rajasthan, les trafiquants d’héroïne, de haschisch et d’anhydride acétique se sont tournés vers celle du Jammu et Cachemire (en particulier dans les zones de Ranbirsingh pura, Samba et Akhnoor) qui n’est pas protégée. La dispute sur le droit à l’autodétermination des populations de cet Etat dont le Pakistan occupe 40 % du territoire, reste la principale pomme de discorde entre les deux pays qui se sont livrés trois guerres depuis l947. Les Pakistanais accusent les Indiens de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des populations musulmanes. Les Indiens rétorquent que les Pakistanais y fomentent des actions terroristes. Un responsable de la police des stupéfiants à New Delhi a déclaré au correspondant de l’OGD que les saisies d’héroïne durant les six premiers mois de l’année étaient passées de 2 kilos en l994 à 151 kilos durant la même période de l995, et celle de haschisch de pratiquement rien durant les huit premiers mois de l994 à 529 kilos en l995. L’anhydride acétique, utilisé pour transformer la morphine base en héroïne et dont le commerce est en Inde sévèrement puni, introduit en contrebande au Pakistan (où la demande et très forte et génère d’énormes profits) à partir du Rajasthan, emprunte également la frontière du Jammu et Cachemire. Les autorités craignent également que par cette frontière ne soient introduites des armes en grande quantité comme cela était le cas avant au Pendjab et au Radjastan. Selon le responsable de la police "il n’existe pas jusqu’ici de liens démontrés entre les trafiquants de drogues et les militants musulmans du Cachemireç. Cependant, des armes ont été saisies sur des gens qui sont utilisés également comme passeurs de drogues par des trafiquants opérant à partir du Pendjab pakistanais. La police indienne estime que les passeurs de drogues sont obligés par leurs commanditaires de transporter des armes. Durant la première semaine d’octobre, la police a déclaré avoir arrêté quatre personnes, dont un Pakistanais, à Verta, sur l’autoroute entre les villes d’Amritsar et de Jammu, qui transportaient 49 kilos d’héroïne et différents types d’armes et de munitions. Cette situation a poussé les autorités indiennes à mettre en place une barrière électrifiée également le long de la frontière du Jammu et Cachemire. Les travaux ont commencé dans le secteur de Ranbirsingh pura, à 30 kilomètres de la frontière pakistanaise. Mais la topographie de la région (en particulier l’existence de nombreuses petites rivières) ainsi que le fait que la frontière disputée entre les deux pays ne soit pas toujours bien définie, rendent la tâche particulièrement ardue. Elle est encore compliquée par le fait que les tribus connues comme les Gujjars se répartissent sur les deux côtés de la frontière et ont des terres dans le no man’s land entre les deux pays. Ils bénéficient d’un laissez - passer pour la journée et sont fouillés à leur retour. Les autorités ont mis à jour l’existence d’une nouvelle route lorsque de la drogue a été découverte sous des monceaux de fourrage transporté par des chars à boeufs. Mais elles pensent que les Gujjars ne sont que de simples passeurs qui présentent l’avantage de pouvoir communiquer avec les trafiquants à travers des signes et un langage codé. La lutte contre le trafic des drogues est un des rares domaines dans lesquels ont pourrait espérer que les deux "frères ennemis" coopèrent. Deux rencontres annuelles ont lieu sur ce thème à Islamabad et New Delhi. Mais la méfiance existant de part et d’autre fait qu’il est douteux que des informations de grande importance soient échangées. Tandis que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Nouvelle - Zélande ont des agents des stups à New Delhi, le Pakistan, lui, n’y dispose d’aucun officier de liaison en matière de drogues bien que 93 % des saisies de drogues, en l995, aient été opérées par les Indiens le long de sa frontière (correspondant de l’OGD en Inde).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 49