Après avoir soutenu le régime oustachi (1941-45), le Saint-Siège a activement promu l’indépendance de la Croatie (1991). La béatification (1998) par S. S. Jean-Paul II d’un dignitaire oustachi et criminel contre l’humanité, Mgr Alojzije Stepinac, manifeste cette continuité de la politique pontificale depuis Pie XII (cf. RV 98/0149). Elle n’a pas été interprétée par Belgrade comme un défi, mais au contraire comme la bénédiction du principe d’identité ethnique des nations. Aux catholiques la Croatie, aux orthodoxes la Serbie, aux musulmans la Bosnie-Herzégovine.

Si le Saint-Siège a exigé en ex-Yougoslavie et souvent obtenu la restitution des biens de l’Église catholique qui avaient été confisqués aussi bien par l’Église orthodoxe que par le régime titiste, il a reconnu les prétentions serbes sur les lieux saints orthodoxes du Kosovo, notamment le monastère de Pec, siège du patriarcat (cf. RV 98/0444).

Dans cet état d’esprit, le Saint-Siège a déployé une diplomatie parallèle, par l’entremise de la Communauté de Sant’Egidio. Elle a réussi à négocier un accord sur l’enseignement et la culture kosovare entre les autorités serbes et le LDK (déjà officieusement soutenu par les États-Unis). Cet accord a fait l’objet d’un Mémorandum cosigné par le président Slobodan Milosevic et Ibrahim Rugova, le 1er septembre 1996. Il a été approuvé par toutes les organisations intergouvernementales, y compris le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Cet accord a donné lieu à de nombreux litiges. La version du Mémorandum en serbo-croate comporte des écarts par rapport à la version en albanais. L’interprétation renvoie à des annexes secrètes, ultérieurement identifiées sous le nom de " Document de Rome ". Celles-ci visaient à instituer une sorte d’apartheid des communautés. Elle a connu un début d’application : les bâtiments scolaires étant employés le matin par les serbophones et l’après-midi par les albanophones.

Le suivi des accords était confié à S. Exc. Mgr Vicenzo Paglia, Roberto Morozzo della Rocca et Paulo Rago. De nouvelles clauses secrètes furent adoptées le 23 mars 1998, mais le processus fut suspendu au moment de l’opération " Faucon déterminé ", en juin 1998.

Au moment où nous mettions sous presse, S. Exc. Mgr Jean-Louis Tauran, secrétaire d’État du Saint-Siège chargé des relations avec les États, était attendu à Belgrade. Le président Milosevic pourrait alors inviter le pape à se rendre en RFY de sorte qu’il s’interpose face aux frappes de l’OTAN.