En mai dernier, les quotidiens communistes " La Marseillaise " et " L’Humanité " signalaient en quelques lignes une mutinerie sur le porte-avions français, Foch. Cette nouvelle ne fit l’objet d’aucun démenti.

Par la suite, une rumeur - beaucoup plus détaillée - s’est répandue dans la marine nationale selon laquelle une soixantaine de jeunes engagés volontaires auraient pris en otage leur officier d’armes pour protester contre le traitement dont ils faisaient l’objet. Après s’être retranchés deux jours durant dans la cafétéria du porte-avions, ils auraient été délogés par un commando de fusiliers-marins venus spécialement de Lorient pour les mâter. La rumeur précise que les mutins, tous de parents maghrébins, étaient de fortes têtes que l’amirauté de Toulon aurait voulu sanctionner en les cantonnant dans des conditions inhumaines sur le Foch. Elle ajoute que cette révolte prévisible s’étant déroulée en temps de guerre sur un théâtre d’opérations, des méthodes particulièrement dures purent être utilisées pour la réprimer sous l’autorité d’un des principaux officiers français, venus spécialement sur place superviser les opérations.

Interrogé par de nombreux journalistes, le ministère de la Défense a démenti en bloc ces imputations et les a découragé de publier quelque article que ce soit . Pourtant la rumeur persiste et s’étend. Elle laisse croire que la marine française aurait connue une rébellion sans précédent depuis la mutinerie de la mer noire. Surtout, elle laisse entendre que, contrairement aux discours publics, les beurs n’auraient pas leur place dans " la royale ", et qu’un officier prestigieux aurait dirigé une ratonnade comme aux heures les plus noires des armées coloniales.

Si cette rumeur est fondée, des sanctions en cascade devraient affecter l’état-major. Si elle est mensongère, le ministère de la Défense devrait prendre des mesures symboliques manifestant son refus du racisme.

Si le silence officiel devait se prolonger, la rumeur compromettrait le caractère républicain de la professionnalisation de la marine.

Thierry Meyssan