"Le régime idéal est celui où Dieu est au centre et où la loi naturelle remplacera la Déclaration des droits de l’homme où les devoirs sont exclus."

L’université d’été du Mouvement pour la France fut l’occasion pour ses membres de réaffirmer les thèmes traditionnels du fascisme français (travail, famille, patrie...) et d’évoquer à mots plus ou moins couverts la chasse aux francs-maçons, aux homosexuels et aux juifs.

Le choc des élections européennes nous l’a appris : l’extrême droite française est la plus forte d’Europe, avec un quart des votants. Elle se divise entre deux grandes sensibilités, le Front national (11%) et le Mouvement pour la France (13%). Cette donne reste inchangée malgré l’effet déformant de l’élection présidentielle. Lors de ce scrutin, en effet, l’électorat de Philippe de Villiers s’était dispersé, se répartissant entre le vote utile (Balladur) et le vote de rupture (Le Pen). Pourtant, rares sont les politologues qui ont pleinement intégré dans leur raisonnement la force du MPF, et plus rares encore sont ceux qui en ont compris la signification.

Le 2 septembre dernier, le vicomte Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon réunissait les 900 cadres de son Mouvement au Palais des congrès à Paris. Ce fut pour lui une occasion de redéfinir sa doctrine hors de toute échéance électorale. Pierre Bernard (1), député-maire de Montfermeil, s’est longuement exprimé, devant une salle enthousiaste où la vieille France et les Versaillaises en jupe bleue plissée, debout, ne cessaient d’applaudir. "Quel régime politique espérons-nous pour demain ?", s’interrogea-t-il. La Révolution française, c’est la Terreur de 1793 et le massacre des Vendéens, préludes aux atrocités du national-socialisme. Le communisme, c’est le goulag.

Quant à la démocratie libérale, où est passée la vertu dont elle se targuait ? La voilà "déconsidérée par des vices gays... souvent tristes" (rires). Aussi ne convient-il pas de changer tout de suite de régime, mais d’hommes et de valeurs : "Même les communistes disent avoir des valeurs, pourquoi pas les francs-maçons et les homosexuels ?" (longs applaudissements). Mais "où est la source des valeurs ?", demande l’orateur, un instant silencieux. Et, levant la tête, le regard perdu dans le plafond lointain : "En Dieu !" (ovation debout). "Car, lorsque l’on croit en Dieu, ce qui doit être le cas de tous ici, poursuit-il, ce que je crois..., ce que j’espère, on croit aussi au diable qui enchaîne la raison." Et l’orateur de conclure : "Le régime idéal est celui où Dieu est au centre et où la loi naturelle remplacera la Déclaration des droits de l’homme où les devoirs sont exclus." Transportée d’émotion, la salle reste debout, applaudit à tout rompre.

Une fois défini le principe théocratique de la contre-révolution, restait à décliner les trois thèmes traditionnels du fascisme français. Cinq débats furent organisés sur l’"emploi". Qu’on ne s’y trompe pas, ce vocable respectable ne fait pas référence à la lutte contre le chômage, mais au travail. C’est-à-dire à l’activité par laquelle un individu prend une part utile à la société et acquiert des droits. De ce point de vue, l’activité domestique des mères au foyer est pourvue d’utilité sociale. Elle est donc source de droits. C’est pourquoi, citations de Jean-Paul II à l’appui, l’eurodéputée Françoise Seillier (2) a réclamé l’évaluation du travail domestique et son inscription dans la comptabilité nationale.

Ainsi la Famille apparaît comme productrice de richesses au même titre que la petite entreprise. C’est pourquoi le MPF souhaite le développement d’entreprises artisanales ou commerciales gérées en famille. A ce titre il demande la suppression de la taxe professionnelle.

Quant à la patrie, elle exige d’abord que ses frontières soient bien gardées (abrogation des accords de Schengen). Mais, surtout, elle exige la fin de la politique d’intégration. "Les immigrés doivent être assimilés ou partir", a affirmé Philippe de Villiers, demandant solennellement au gouvernement de faire voter d’urgence une loi réprimant la polygamie.

Dernière clarification : monsieur le vicomte a pris un soin particulier à réfuter les accusations dont il fait l’objet : non, il n’est ni antisémite, ni raciste. Et pour preuve, fils de résistant, il ne saurait être assimilé à la politique de collaboration avec l’occupant allemand et donc avec les crimes nazis. La France ne saurait être reconnue collectivement coupable, comme a tenté de le faire croire Jacques Chirac au Vel d’hiv. Comment pourrait-il en être autrement puisque depuis quinze siècles, depuis le baptême de Clovis, "la France est un acte d’amour !" (après un instant d’hésitation, tonnerre d’applaudissements)...

Ce discours subtil doit être décrypté. Philippe de Villiers dénonce la politique de collaboration de l’ex-maréchal Pétain, mais il s’abstient de toute critique du fascisme français et de sa "Révolution nationale". Ainsi, il condamne sans ambiguïté l’anéantissement des juifs par les nazis, mais il ne dit rien de la privation de leurs droits par le statut spécial que l’Etat français édicta à leur encontre. Son public boit du petit lait.

Thierry Meyssan


1. Pierre Bernard est un ancien commandant d’infanterie de marine, élu maire divers droite de Montfermeil en 1983. C’est un collaborateur régulier du SICLER, une officine d’élus locaux liée par l’intermédiaire d’ICTUS à l’Opus Dei (cf. "Maintenant" numéro 3 p. 4). En 1985, il fonda "France debout", une association dévouée au "respect des valeurs qui, depuis Clovis, ont fait la France chrétienne". En 1991, il consacra sa commune au Sacré Coeur de Jésus (cf. "Golias" numéro 27, p. 172). Il fut condamné par deux fois en correctionnelle pour discrimination raciale après avoir refusé l’inscription d’enfants étrangers dans les écoles de sa commune. Suppléant d’Eric Raoult aux élections législative, il siège désormais à l’Assemblée nationale. Il s’est illustré le 26 juillet dernier en intervenant en faveur de l’amnistie des commandos anti-IVG, au nom de la "loi naturelle" révélée par le christianisme, opposée à la tolérance maçonnique.

2. Françoise Seillier fut vice-présidente de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (cf. "Les Associations familiales", éd. Dagorno, pp. 91-127). Membre de l’Opus Dei (cf. "Maintenant" numéro 3, p. 3) et du "groupe de spiritualité des assemblées parlementaires", elle est l’épouse du sénateur de l’Aveyron, Bernard Seillier.