Jean-Paul II a tenté par tous les moyens d’empêcher la diffusion par France 2 du reportage de Jacques Cotta et Pascal Martin "IVG, les croisés de l’ordre moral", diffusé le 16 novembre dernier. S’appuyant sur les travaux et documents du Réseau Voltaire (1), les deux journalistes ont mis en image la responsabilité personnelle de Jean-Paul II dans les commandos anti-IVG qui violent les lois de la République.

Le cardinal Alfonso Lopez-Trujillo, qui devait se rendre en France fin octobre pour rencontrer les leaders du mouvement villiériste, a mis à profit sa visite pour mobiliser ses troupes : deux ministres, Hervé Gaymard et Colette Codaccioni (démissionnée depuis), ont publié un communiqué de désapprobation et six référés ont été introduits devant la justice pour interdire l’émission, en totalité ou partiellement. Les plaignants n’étaient autres que l’hebdomadaire de l’ordre moral Famille chrétienne, le mouvement néo-pétainiste Familles de France, le révisionniste Henri Fontana (époux de Claire Fontana, fondatrice de la Trêve de Dieu), la Militia Sanctæ Mariæ (qui cacha le "chevalier" Paul Touvier), et Jacques Trémollet de Villers (avocat de Touvier et président d’Ictus).

La glaire n’est pas catholique !

Le 14 novembre, un vif incident a émaillé les questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale. Le très catholique Pierre Bernard (député, maire de Montfermeil) a sommé Philippe Douste-Blazy de censurer l’émission. Le ministre de la Culture lui ayant répondu qu’il n’en était pas question, Alain Griotteray et une centaine de parlementaires en ont directement appelé au président de la République.

La mise au placard semblait certaine lorsque le télécopieur de Jean-Pierre Elkabbach s’est trouvé saturé de fax d’organisations de gauche soutenant "l’indépendance du service public face aux pressions politiques et religieuses". Du coup la présidence de France Télévision s’est empêtrée dans des communiqués contradictoires avant d’autoriser la diffusion du reportage. L’Agence France Presse, quant à elle, s’est abstenue de rendre compte pendant trois jours de cette vague de protestation.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les personnes et organisations mises en cause par l’enquête de la rédaction de France 2 s’adonnent maintenant aux "tribunes libres" et autres interviews. Christine Boutin déclare ainsi au Parisien : "Non, je ne suis pas à la tête de doux dingues ni de fous furieux", tandis qu’Hervé Gaymard répond au Dauphiné libéré : "Aucune intolérance ne m’intimidera."

Viennent alors les mesures de rétorsion : convocation du président Elkabbach par la commission des Affaires culturelles du Sénat, et coupe sur le budget de France Télévision. Jadis, la télévision publique était "la voix de la France". Nos impôts servaient à payer la propagande gouvernementale que nous devions subir. Les chaînes privées ont cassé ce système. Elles sont à la botte des grands intérêts économiques. Si nous continuons de payer une redevance, c’est pour garantir l’indépendance du service public. Mais en Chiraquie, la liberté d’expression a ses limites.

Thierry Meyssan


1. Cf. "Le lobby pontifical contre le droit à l’avortement", 30 F port inclus. Diffusion : Réseau Voltaire, 8, rue Auguste-Blanqui, 93200 Saint-Denis.