Un ressortissant turc de quarante ans, détenu à la 3e division nord de la maison d’arrêt de Fresnes (94), a trouvé la mort dans la nuit du 21 au 22 août dans sa cellule. Ce détenu a été pris d’un malaise cardiaque pendant la nuit. Ses codétenus ont appelé au secours sans succès pendant plus de une heure avant l’arrivée d’un surveillant. Lorsque le médecin est intervenu, il a assisté aux derniers instants du détenu. Ce fait est à rapprocher d’une mort similaire survenue à la maison d’arrêt de la Santé dans la nuit du 15 au 16 février.

 Adel Saadallah, détenu au centre pénitentiaire Maurice-Barrès (Metz) et malade du sida, a écrit à deux reprises, les 27 septembre et 2 octobre, à la correspondante de l’OIP à Metz pour l’informer de l’absence du traitement à l’AZT promis et de la suppression de son travail à l’atelier. Ses lettres ne sont pas parvenues à leur destinataire mais, dès le 28 septembre, l’administration lui proposait un travail et le faisait soigner à l’hôpital le 6 octobre. Une plainte a été déposée auprès du procureur de la République de Metz pour non-acheminement de correspondance personnelle.

 La direction régionale de l’administration pénitentiaire d’Ile-de-France a organisé, mardi 17 octobre, un colloque sur le travail en prison (qui n’est plus obligatoire depuis 1987). Selon elle, 22.000 détenus exercent une activité rémunérée, 12.000 sont en stage de formation et 10.000 en activité de production.

 Les salaires proposés aux détenus ne dépassent pas 50% du SMIC et aucun contrat ne les lie à leurs employeurs. Si le travail est souvent perçu comme un outil d’insertion pour les personnes incarcérées, on peut déplorer que la prison reste un espace de non-droit en matière de travail. Les détenus travaillent pour des entreprises privées, sous forme de concession (l’administration pénitentiaire met à la disposition de l’entreprise la main-d’oeuvre et les locaux) ou de sous-traitance.

En outre, la possibilité de travailler reste trop souvent soumise à la bonne volonté de l’administration. L’article D 250 du code de procédure pénale pose que le déclassement d’emploi est une sanction encourue pour une infraction disciplinaire commise au cours ou à l’occasion du travail.

 Le ministère de la Justice étudie, sur proposition d’un sénateur de l’Isère, la possibilité d’introduire une forme de détention à domicile avec surveillance par bracelet électronique. Cette alternative à la prison, apparemment séduisante, n’est pas sans rappeler une forme de détention usitée au Moyen Âge. Elle présentera, à l’avenir, l’avantage incontestable de pouvoir reléguer chez elles un certain nombre de personnes, sans limitation, à la charge de leur propre entourage.

M. Jacques Toubon, ministre de la Justice, a déclaré mercredi 18 octobre à Dijon que les méthodes alternatives à la prison qu’il propose seront "tout aussi répressives" que le système actuel. Elles sont simplement jugées plus économiques.

 La Cour constitutionnelle italienne a mis fin à l’impunité dont bénéficiaient les délinquants atteints du sida. La loi 222/93 établit l’incompatibilité de la prison avec un certain niveau de sida : "L’immunité est calculée en fonction du pourcentage de lymphocytes. En dessous de cent lymphocytes CD4 - ou sida déclaré -, le détenu a droit d’être libéré de prison sur décision du juge." Cette loi n’établit pas d’automatisme, mais le cas des détenus libérés pendant l’été dernier, après avoir effectué une série d’attaques à main armée à Turin, a relancé la polémique. Les juges apprécieront désormais au cas par cas.


Dehors

Vingt ans après la publication de Surveiller et punir de Michel Foucault, la revue Esprit consacrait son numéro d’octobre aux "prisons à la dérive". Constatant le désintérêt des intellectuels pour le sujet, les auteurs analysent la composition sociologique d’une "prison en passe de devenir un grand dépotoir destiné à enfermer bien des laissés-pour-compte" et réactualisent le débat ouvert par Foucault sur l’humanisation de la prison, "alibi pour pérenniser et consolider l’asile pénitentiaire".

Jean-Paul Jean s’appuie sur l’exemple américain pour démontrer que "l’inflation carcérale" révèle l’impuissance du législateur et du juge à gérer les problèmes de société et "la dégradation des situations économiques et sociales". La prison devient alors une "machine à exclure" et les peines s’aggravent. Insistant sur la surpopulation carcérale, Claude Faugeron analyse la manière dont les "fonctions pratiques de l’enfermement se sont progressivement renforcées au sein des systèmes démocratiques".

Pour Antoine Garapon et Denis Salas, la prison "se doit de renverser la vapeur et d’ouvrir des portes de sortie à ceux qu’on y envoie sans esprit de retour". Le propos est toujours pertinent. Un regret : la société civile n’est pas appelée à la rescousse et ces experts semblent ignorer le mouvement associatif.

Esprit, "Prisons à la dérive", octobre 1995, 80 F.

Théâtre. Le spectacle Le Sas, de Michel Azama, mis en scène par Olivier Maurin, continue sa tournée. Cette coproduction des compagnies Libellule et La Poursuite est née des paroles de douze détenues de la prison de Rennes, recueillies par Michel Azama, alors animateur-comédien à Rennes. La pièce relate la situation paradoxale d’une femme qui, à la veille de sa sortie attendue depuis seize ans, a encore plus peur du dehors que de la prison. Interprétée avec talent par Raymonde Palcy, cette pièce a donné lieu, depuis 1991, à de nombreuses rencontres sur le thème de la prison.

Contact : André Gintzburger, 47, rue Richelieu, 75001 Paris.

Tél. : 42 97 45 36.


Le guide des droits du détenu

Quels sont les moyens utilisés pour le maintien de l’ordre et de la sécurité ?

La force

Art. D 174 du code de procédure pénale : le personnel ne doit utiliser la force envers les détenus que dans trois cas, à savoir : la légitime défense, la tentative d’évasion, la résistance aux ordres donnés (par la violence ou inertie physique). Il ne peut le faire qu’en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.

Les moyens de contrainte

Menottes, entraves, camisoles, médicaments (les fers et les chaînes ne doivent pas être utilisés).

Art. D 172 : ces moyens de contrainte ne peuvent être utilisés que sur prescription médicale ou sur ordre du chef d’établissement et s’il n’est d’autre possibilité de maîtriser un détenu, de l’empêcher de commettre des dommages ou de porter atteinte à lui-même ou à autrui. Le chef d’établissement doit faire visiter d’urgence le détenu par le médecin qui décide de maintenir ou de faire cesser la contrainte.

Art. D 173 : par mesure de précaution contre une évasion, le détenu peut être soumis au port des menottes et des entraves pendant un transfèrement ou une extraction ou lorsque les circonstances ne permettent pas d’assurer efficacement sa garde d’une autre manière. Aucun lien ne doit être laissé à un détenu au moment de sa comparution devant une juridiction.

NB :

Aucun moyen de contrainte ne doit être employé à titre de sanction disciplinaire.

Il arrive que les menottes, les médicaments soient utilisés de façon abusive ; les fers, les chaînes soient encore utilisés.