R A P P O R T

Général d’armée CAPDEPONT, inspécteur général des armées - gendarmerie

O B J E T :

Enquête administrative effectuée à la légion de gendarmerie départementale de CORSE

REFERENCES :

* Décret n° 91-678 du 14 juillet 1991 fixant les attributions des inspécteurs généraux des armées

* Lettre n°14755 du ministre de la défense en date du 28 avril 1999

PIECES JOINTES :

Sept annexes (non reproduites ici)

DESTINATAIRE :

Monsieur le ministre de la Défense

A la suite du mandat reçu le 28 avril 1999, l’inspecteur général des armées gendarmerie se déplace en Corse du 29 avril au 2 mai 1999 selon l’emploi du temps joint en annexe 1. Préalablement à toutes démarches, contact est pris dès l’arrivée avec l’autorité judiciaire concernée et le préfet de la région qui ont été prévenus par le cabinet du ministre de la défense.

De l’entretien avec monsieur CAMBEROU, juge d’instruction saisi de l’affaire, il ressort que l’enquête devra se limiter aux conditions de mise sur pied, d’emploi et de contrôle du groupe de pelotons de sécurité (GPS). En effet, l’information judiciaire en cours interdit d’enquêter sur les faits survenus dans la nuit du 19 au 20 avril et, par ailleurs il n’est pas possible d’entendre les personnes mises en cause dans le cadre d’une enquête disciplinaire. En tout état de cause, l’inspecteur général des armées ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire. Les autorités hiérarchiques qui ont ce pouvoir devront donc effectuer les enquêtes disciplinaires dès qu’elles seront réalisables.

La mission composée du général d’armée CAPDEPONT, inspecteur général des armées gendarmerie, assisté du colonel MADER et de l’adjudant-chef GAND de son état-major, a consisté :

1 - tant en Corse que sur le continent à s’entretenir avec un certain nombre de personnes susceptibles d’apporter des éléments nécessaires- à la conduite de l’enquête administrative (annexe 2) ;

2 - à recueillir copie de documents administratifs (notes de service, notes express, fiches, plannings des missions des pelotons du GPS, bilans d’activités, comptes rendus de missions, ...) permettant de mieux apprécier les conditions de mise en œuvre et de contrôle du GPS.

En conséquence, l’enquête administrative porte, dans une première partie, sur les conditions de la création du GPS et son positionnement dans la légion de gendarmerie départementale de Corse et, dans une deuxième partie, sur le cadre d’emploi de cette unité. La conclusion précise les perspectives possibles d’aménagement, les missions dévolues au GPS paraissant en dernière analyse comme devant être nécessairement effectuées.

I- LES CONDITIONS DE LA CREATION DU GPS ET SON POSITIONNEMENT DANS LA LEGION DE GENDARMERIE DEPARTEMENTALE DE CORSE

Dés la fin de l’année 1997, le devenir de l’escadron 31/6 d’AJACCIO est examiné à la direction générale de la gendarmerie nationale. En effet, cet escadron, qui n’effectue aucun déplacement, sert essentiellement de réserve de personnels pour permettre au commandant de légion de répondre à des besoins ponctuels des unités territoriales ou de recherches. Il participe parfois, avec son équipe légère d’intervention, à des missions d’interpellation, mais n’est pas en mesure de remplir certaines missions particulières (observation par exemple) obligeant le commandant de légion à faire souvent appel à des unités venant de MARSEILLE.

L’assassinat du préfet ERIGNAC précipite cette réflexion et, dès le 12 février 1998, le colonel QUENTEL, commandant la légion, propose un renforcement du dispositif qui prévoit des effectifs supplémentaires à la section de recherches et dans les cellules renseignement ainsi que la création d’une unité d’observation et de surveillance et de trois pelotons de surveillance et d’intervention (annexe 3). Le préfet BONNET, dès son arrivée, demande expressément le renforcement de la section de recherches d’AJACCIO et le remplacement de l’escadron par une unité mieux adaptée. Après une mission de validation effectuée le 7 mai 1998 par le général MARCILLE, major général, et le général LALLEMENT, chef du service des opérations et de l’emploi de la DGGN, le groupe de pelotons de sécurité est créé le 1er juin 1998 (annexe 4) corrélativement à la dissolution de l’EGM 31/6, le ministre de la défense ayant avalisé cette création et le ministère de l’intérieur - direction générale de la police nationale - ayant été informé.

11 - Organisation du GPS (annexe 5)

Le GPS est directement rattaché à la légion. A ce titre, son engagement relève du commandant de légion. Ce dernier, lorsque la dangerosité des objectifs ou la difficulté des investigations à effectuer dépassent, à son avis, les capacités du GPS, demande à la DGGN d’engager le GSIGN.

L’effectif du GPS qui s’élève à 95 militaires (4 officiers - 1 capitaine et 3 lieutenants - et 91 sous-officiers) est réparti ainsi :

 un capitaine, commandant de groupe,

 un groupe de commandement : 3 sous-officiers,

 un peloton hors rang : 1 major + 26 sous-officiers,

 un peloton VBRG/protection : 1 lieutenant + 20 sous-officiers,

 un peloton d’intervention : 1 lieutenant + 18 sous-officiers,

 un peloton de renseignement et d’observation : 1 lieutenant + 19 sous-officiers.

12 - Missions du GPS

Le groupe de commandement et le peloton hors rang assurent des tâches de secrétariat, d’administration et de soutien, au profit du GPS et au profit d’autres unités de la résidence d’AJACCIO (vaguemestre, cercle-mess, etc ...).

Les missions des trois pelotons de marche sont développées au paragraphe 211, ci-après.

13 - Le personnel

131 - Les officiers

1311 - Recrutement, sélection et formation

Les quatre officiers qui servent au groupe de pelotons de sécurité, sont ceux qui ont été mis en place en 1998, au moment de la création de l’unité.

C’est le général sous directeur du personnel qui, sur proposition du bureau des personnels officiers, a procédé à leur sélection puis à leur affectation, en retenant des critères de gestion pour ce qui concerne les grades et l’ancienneté dans les grades, mais également des critères de valeur et de qualification.

C’est ainsi que le capitaine Norbert AMBROSSE âgé de 31 ans, a été sélectionné pour son dynamisme, son potentiel élevé et ses qualifications dans les techniques d’intervention. Commandant le peloton motorisé du groupement des Landes depuis le 16 octobre 1996, il est affecté en qualité de commandant du groupe le 1 er septembre 1998.

Provenant de diverses origines, les trois lieutenants ont tous été sélectionnés en raison de leurs états de service et de leurs compétences particulières.

Le lieutenant Franck PESSE, âgé de 43 ans, est déjà affecté à l’escadron 31/6 de gendarmerie mobile où il commande un peloton avec le grade de major. Dés sa nomination au grade de lieutenant, il est placé, le 1er août 1998, à la tête du peloton de protection. C’est un ancien du groupe de sécurité de la présidence de la République, unité au sein de laquelle il a acquis des qualifications et une solide expérience dans les techniques de protection de personnalités.

Le lieutenant Lionel DUMONT, âgé de 41 ans, est déjà affecté à l’escadron 31/6 d’AJACCIO où il commande le peloton léger d’intervention. Possédant une certaine connaissance de l’environnement de l’île, il se voit donc confier le peloton de renseignement et d’observation à compter du 1 er juin.

Le lieutenant Denis TAVERNIER, âgé de 35 ans, sort du cours supérieur de l’école des officiers de la gendarmerie nationale, où un poste a été offert au choix des officiers de son recrutement nouvellement promus en 1998, afin de diversifier le recrutement du groupe de pelotons de sécurité. Ses qualifications de moniteur de sport et de tir le prédisposent à prendre la tête du peloton d’intervention lors de son affectation, le 16 août 1998.

132 - Les sous-officiers

1321 - Recrutement et sélection

A la dissolution de l’escadron 31/6 d’AJACCIO, le 1 er juin 1998, 59 sous officiers de cette unité sont aussitôt affectés au GPS, dont 30 au peloton hors-rang et 29 dans les pelotons de marche. L’appel à volontaires destiné à pourvoir les 32 postes vacants est lancé dès le 15 juin et permet de recueillir 807 candidatures dans toutes les formations de l’arme.

Les critères de sélection diffèrent selon la subdivision dont proviennent les volontaires :

* Les sous-officiers de gendarmerie mobile et de la garde républicaine doivent être affectés dans une équipe légère d’intervention de leur unité d’appartenance.

* Les sous-officiers de gendarmerie départementale peuvent être indifféremment OPJ ou APJ, masculins ou féminins, mais ils doivent être en excellente condition physique et posséder si possible une expérience au sein d’un groupe d’observation et de surveillance, et pour l’un d’entre-deux la qualification de maître de chien.

Ayant reçu le 1er juillet 1998. les dossiers des candidats, la légion de gendarmerie de Corse sélectionne les volontaires dont elle a immédiatement besoin, et agrée sur une liste d’attente la candidature de 21 autres sous-officiers.

Au cours des mois de juillet et août 1998, les sous-officiers provenant de toutes les formations de la gendarmerie font affectés au GPS.

1322 - Formation

En raison de leur sélection très sévère, les sous-officiers provenant de l’extérieur de l’île ont un niveau de sélection bien supérieur à celui de leurs camarades provenant de l’escadron 31/6 et qui ont été maintenus dans leur affectation à AJACCIO.

Les sous-officiers, provenant de la gendarmerie mobile sont titulaires de deux voire trois diplômes de moniteur d’éducation physique et sportive, de techniques commando, ou de combat au corps à corps. Tous possèdent une expérience des équipes légères d’intervention.

Les sous-officiers issus de la gendarmerie départementale ont presque tous suivi un stage de filature-observation et possèdent une expérience des groupes d’observation et de surveillance, en section de recherches.

Le sous-officier maître de chien, qualification "explosifs", provient du centre de formation de GRAMAT.

Parmi les sous-officiers issus de l’escadron d’AJACCIO dissous, les plus qualifiés ne possèdent qu’un brevet d’alpinisme de montagne. C’est la raison pour laquelle ils ont été inscrits dès l’été 1998 et dans la limite des places disponibles, pour suivre des stages destinés à leur faire acquérir les qualifications requises par leur nouvel emploi. Ces stages effectués dans différents centres de formation ont permis en priorité à ces sous-officiers d’acquérir une première spécialité, en même temps que les plus chevronnés ont suivi des stages de formation technique qui leur ont permis de parfaire leurs compétences.

Il - LE CADRE D’EMPLOI DU GPS

Avant d’examiner le contexte dans lequel le GPS était mis en œuvre il convient de préciser les dispositions réglementaires relatives à son fonctionnement.

21 - Cadre réglementaire

211 - Au niveau de la DGGN

Le GPS est créé officiellement le 1er juin 1998 (annexe 4). Les dispositions relatives à son emploi sont contenues dans l’annexe 1 de la dépêche 4928 DEF/GEND/OE/EMP/ORG du 27 juillet 1998 (annexe 5) :

"Peloton VBRG/Protection

Ce peloton remplira les missions suivantes :

* missions d’un peloton VBRG au MO (articulation ternaire - 1 engin en maintenance ) ;

* missions de protection de personnalités : sécurisation de site (recherche d’explosifs avec équipe cynophile), - protection éloignée (tireurs d’élite) et rapprochée de personnalités.

La prise en compte de la protection rapprochée de personnalités sera effectuée :

* à l’initiative du commandant de la légion de gendarmerie départementale de Corse, s’agissant des autorités militaires y compris celles de la gendarmerie ;

* après décision de la DGGN pour ce qui concerne des personnalités civiles dont la sensibilité sera étudiée pour déterminer s’il y a lieu d’engager le GSIGN

Peloton d’intervention

Ce peloton remplira les missions suivantes : renfort de la gendarmerie départementale : capture de forcenés, arrestation de malfaiteurs, participation à des opérations de recherche de malfaiteurs, escorte et surveillance de détenus dangereux, renforcement de la protection rapprochée de personnalités.

Dans l’hypothèse de l’intervention du GIGN, ce peloton mettra en œuvre les mesures conservatoires à l’intervention de cette unité à laquelle il ne substituera d’urgence qu’en cas d’absolue nécessité lorsque la vie de tiers sera directement et immédiatement menacée.

Dans tous les autres cas, la DGGN sera sollicitée, selon les dispositions en vigueur pour la mise à disposition d’un élément du GSIGN selon la nature de la mission à exécuter.

Maintien de l’ordre : ce peloton est constitué en peloton léger d’intervention dont les missions et les modes d’action ainsi que les conditions d’engagement font l’objet d’un texte particulier.

Peloton de renseignement et d’observation

Ce peloton remplira les missions suivantes :

* observations statiques de personnes, de points ou de sites, en vue de

recueillir un maximum d’éléments d’ordre judiciaire ou administratifs ;

* filatures pédestres ou embarquées ;

* mise en place de moyens dissimulés de prise de vues ou de sons ;

* intrusions dans les réseaux radioélectriques non protégés ;

* couverture et appui d’autres personnels de la, gendarmerie pour des interpellations en milieu ouvert pour lesquelles la discrétion est garante du succès des opérations.

L’engagement de ce peloton relève de la responsabilité du commandant de légion de gendarmerie départementale de Corse qui jugera, eu égard à la dangerosité des objectifs ou à la difficulté des investigations à effectuer, s’il y lieu d’engager le GSIGN".

Il convient de noter que le recours au G.I.S.G.N. est prescrit, pour les trois pelotons, dès que l’exécution de la mission dépasse les possibilités et les compétences de ces unités.

212.- Au niveau de la circonscription de gendarmerie de Marseille

La lettre de mission n° 912 DEF/Gend.Cab en date du 5 février 1999 adressée par le directeur général de la gendarmerie nationale précise dans le paragraphe relatif à l’emploi que : "les orientations concernant les groupements de la Corse sont à situer dans un contexte différent eu égard principalement au rôle opérationnel tenu par le commandant de légion. Il vous appartient dans ce cadre de vous tenir en mesure de fournir à la DGGN les évolutions de situation nécessitant à la fois une bonne connaissance du milieu et un certain recul sur l’événement".

Ces dispositions sont en cohérence avec les particularités de la Corse où le commandant de légion a conservé des attributions opérationnelles alors qu’une récente réforme les a supprimées pour les autres légions. Cette exception est justifiée par le rôle particulier joué par le préfet de région et par la nécessité de coordonner l’action des deux groupements.

Mais il doit être possible d’appliquer le droit commun à la Corse, à condition toutefois que le préfet de la Corse-du-Sud considère que son correspondant naturel est le commandant de groupement d’AJACCIO, les éventuelles mesures de coordination entre les deux départements étant alors réglées au niveau des autorités administratives.

De toutes façons en Corse, comme sur le continent, le commandant de circonscription pourra toujours, en cas de besoin, déléguer au commandant de légion la coordination opérationnelle entre les deux groupements pour une opération particulière. Mais, déchargé de cette responsabilité permanente, le commandant de légion pourra mieux se concentrer sur son rôle de contrôle et d’évaluation (en plus, évidemment, de ses charges permanentes dans le domaine des soutiens).

213 - Au niveau de la légion de gendarmerie départementale de Corse

Dans chacun des deux groupements, une réunion des officiers et des commandants des brigades de recherches a été organisée dans le courant du mois d’octobre 1998, avec la participation des officiers du GPS. Cette unité a été présentée ainsi que ses matériels et ses qualifications techniques. Les conditions de son engagement ont été définies.

En particulier, et cela a pu être vérifié par l’inspecteur général, toutes les demandes de concours du GPS sont établies au niveau du groupement sous la forme d’un message (annexe 6) précisant les points suivants :

1 - Support juridique - référence de la procédure,

2 - Intitulé de la mission,

3 - Durée de la mission - date de début et de fin,

4 - Moyens en personnel et matériel à mettre en œuvre,

5 - Support logistique,

6 - Nom du directeur d’enquête ou du responsable du dossier,

7 - Points particuliers ou difficultés prévisibles,

8 - Localisation géographique du lieu d’emploi.

Cette demande est soumise à l’accord du commandant de légion en personne.

A la lumière des premiers mois de fonctionnement, un projet de note de service a été élaboré (annexe 7). La note n’était pas signée au moment du passage de l’inspecteur général mais la procédure de mise en œuvre, qu’elle ne faisait qu’entériner, était connue et appliquée par toutes les unités.

22 - Contexte d’emploi

221 - L’organisation administrative de la Corse

L’organisation administrative de la Corse présente deux particularités, par rapport aux autres régions :

* un seul préfet adjoint pour la sécurité est à la disposition des deux préfets de département ;

* le ministre de l’intérieur peut désigner le préfet de région afin de coordonner l’action des deux départements "en vue de prévenir ou de faire face aux événements troublant l’ordre public", (article 5-1 du décret 82-389 relatif aux pouvoirs des préfets).

L’ambiguïté de cette situation et la personnalité du préfet de région, comme celle du commandant de légion de gendarmerie, placent les commandants de groupement dans une situation inconfortable.

L’inspecteur général des armées a pu constater que le commandant de légion était amené à sortir de son rôle, en se substituant aux commandants de groupement et donc sans conserver le recul nécessaire à l’exercice de ses attributions.

222 - Le suremploi du GPS

Créé le 1er juin 1998, le GPS monte progressivement en puissance pour avoir la totalité de ses effectifs en septembre 1998.

D’emblée le commandant de légion est contraint de l’employer de façon intensive, surtout en ce qui concerne le peloton de renseignement-observation, alors que la formation des personnels n’est pas achevée et que l’unité n’a pas encore trouvé toute sa cohésion.

Cet état de fait est souligné par une mission d’évaluation du GSIGN composée du colonel commandant cette unité et des deux officiers commandants le GIGN et l’EPIGN. Dans la note rédigée à l’issue de sa visite, le 3 décembre 1998, le colonel GIORGIS propose, hors missions urgentes, un "gel à l’instruction" du GPS sur une base d’une semaine par mois afin de réaliser des exercices collectifs et d’améliorer les capacités en cours d’acquisition. Il déplore, par ailleurs, le manque de moyens.

Mais cette situation avait déjà été prise en compte par la DGGN qui, à l’issue de plusieurs réunions concernant l’équipement du GPS constate, dans une note du 10 novembre 1998 :

" Le GPS sera donc en mesure de débuter dans l’ensemble de ces missions avec le minimum de moyens nécessaires dès le début de l’année 1999. Pour autant ce n’est qu’au début de l’année 2000 qu’il pourra envisager de s’engager pleinement à un niveau opérationnel satisfaisant dans celles-ci (1).

(1) Pour l’exécution de certaines missions, le GPS a dû emprunter à la section de recherches des matériels qu’il n’avait pas en dotation. Par contre, des vérifications effectuées auprès de l’IRCGN et du GSIGN permettent d’affirmer que ces organismes n’ont jamais fourni un renfort technique au GPS dans l’exécution d’une opération et ne lui ont prêté aucun matériel.

L’année 1999 doit donc logiquement consister en une montée en puissance technique et tactique de cette unité tant à l’entraînement que dans son engagement missionnel ".

Pour ne citer qu’un exemple, on peut également lire, à propos des moyens de transmissions :

" Le matériel envisagé, en raison de son coût, nécessite le passage par une procédure de marché. Sa mise en place peut être envisagée au mieux pour la fin de l’année 1999. En attendant, ce matériel sera remplacé par des moyens moins performants mais disponibles ".

Un premier bilan des missions effectuées par le GPS fait apparaître que leur nombre est très important. Le rattachement direct au commandant de légion et le suremploi ne laissent au capitaine aucune marge d’initiative pour planifier une part de l’activité à l’entraînement et à la formation des personnels.

Ainsi, depuis le 1 er septembre 1998 :

* le peloton d’intervention a effectué 36 missions (2) ;

* le peloton de renseignement et d’observation 80 missions.

(2) Le peloton d’intervention, dont l’action était directement liée aux nécessités du moment, avait une activité variable. Il pouvait donc, à certaines périodes, renforcer le peloton de protection.

Quant au peloton de protection, il assure, à la date de rédaction du présent rapport, la protection permanente de quatre personnalités. Il doit donc fréquemment être renforcé par des éléments du peloton d’intervention dés que des besoins inopinés et importants sont exprimés.

223 - Le contrôle du GPS

Le contrôle permanent est assuré directement par le commandant de légion qui décide de la suite à donner aux concours demandés.

Par ailleurs, comme toutes les unités de gendarmerie, le GPS fait l’objet d’une "inspection annoncée" annuelle. Elle a été faite en 1999, toujours par le commandant de légion en personne.

Quant au général commandant la circonscription de Marseille, ses déplacements à AJACCIO (environ une fois par mois) lui donnaient l’occasion de contrôler l’activité du GPS. Il pouvait ainsi prendre connaissance des conditions de fonctionnement de l’unité et, éventuellement, opérer les redressements nécessaires.

Mais, et si tel était le cas, le général était pratiquement dans l’impossibilité de découvrir des actions qui lui auraient été volontairement dissimulées par le commandant de légion.

Enfin, le service des opérations et de l’emploi de la direction générale de la gendarmerie nationale était en relation fréquente avec le colonel commandant la légion. Dans les domaines liés aux missions du GPS :

* Il avait piloté les six réunions destinées à définir la dotation en matériel du GPS ;

* Il avait piloté la mission d’évaluation du GPS effectuée par le GSIGN à la fin de l’année 1998 (3) ;

* Il avait accordé, après étude, au commandant de légion, les neuf missions du GSIGN demandées par ce dernier. Par ailleurs, ces passages du GSIGN étaient, chaque fois que possible, mis à profit pour procéder à une évaluation des capacités du GPS ou à parfaire la formation des personnels de cette unité.

(3) A noter qu’une mission analogue était programmée pour la deuxième quinzaine de mai 1999.

Ces contacts nombreux donnaient au général, chef du service des opérations et de l’emploi, une bonne connaissance des aptitudes du GPS, sans, pour autant permettre un contrôle de son action aussi précis que des visites sur place, en particulier quant aux dérives liées à la surcharge de l’unité.

L’inspecteur général a pu de son côté consulter des dossiers de mission du GPS et constater que chacun d’entre eux comportait, en particulier, le message de demande de concours, la saisine juridique dans lequel elle s’inscrit et la pièce de procédure relatant l’exécution de la mission. De l’examen de ces pièces et des déclarations reçues des personnels, il ressort que la quasi-totalité des missions résultait d’une demande de concours d’une unité et que très peu d’entre elles étaient déclenchées sur la seule initiative du commandant de légion (4).

(4) En particulier le commandant de légion avait ordonné douze contrôles routiers effectués par le peloton d’intervention depuis le début de l’année 1999, dans le but de renforcer des unités territoriales et d’assurer une présence continue sur les axes, dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

En résumé, la faiblesse du système résidait dans le double rôle assuré par le commandant de légion, à la fois très directif dans l’emploi du GPS et chargé de le contrôler au quotidien. Une réflexion devra être engagée pour pallier ce type de dysfonctionnement.

En première analyse, la proposition formulée plus haut d’appliquer à la Corse la même répartition des attributions que sur le continent pourrait être une solution : elle permettrait d’avoir sur place un échelon opérationnel (les groupements et la section de recherches) et un échelon de contrôle (la légion).

En conclusion, le GPS était une unité constituée depuis peu, dont la plupart des membres étaient encore en cours de formation et dont le matériel prévu n’était pas réalisé. Il n’avait certainement pas les caractéristiques d’une unité "spéciale" de "super gendarmes" dotée de moyens sophistiqués.

Il a correctement rempli les missions de base qui lui ont été confiées grâce à la compétence de quelques-uns uns de ces personnels et à l’engagement de tous.

L’examen des dossiers détenus par l’unité et les entretiens effectués semblent indiquer que ces missions ont été accomplies régulièrement et dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Toutefois d’éventuelles infractions aux règles d’emploi peuvent être restées totalement dissimulées et ne pas apparaître à la consultation de ces dossiers.

Cette unité a été vite, trop vite, engagée et soumise à une forte pression du commandant de légion, lui-même sous la coupe d’un préfet exigeant et souvent engagé dans l’activité des unités au-delà des usages en la matière. A l’évidence, cette course aux résultats n’est pas toujours compatible avec la sérénité qui doit prévaloir dans les opérations judiciaires.

Ce suremploi, conjugué avec le souci du personnel de donner satisfaction et, il faut le dire, les bons résultats obtenus, a entraîné une exceptionnelle solidarité entre les membres du GPS.

A la suite de la présente enquête administrative, aucun élément factuel ne permet d’affirmer que des "dérapages" éventuels aient été commis avant le 19 avril. Mais il faut encore souligner la limite à ce constat qui peut venir du choix d’une action totalement dissimulée.

En ce qui concerne l’affaire de la paillote de CALA D’ORZU, et dans la mesure où plusieurs officiers et gradés étaient au courant de l’opération projetée, leur silence et le fait qu’aucun d’entre eux ne se soit ouvert de ses éventuelles réticences à un supérieur peuvent s’expliquer, notamment, par la solidarité au sein du groupe, le climat particulier dans lequel les unités étaient employées et, peut-être, l’absence du chef d’état-major de la légion en qui beaucoup de membres du GPS plaçaient leur confiance.

Par ailleurs, et le rédacteur du présent rapport ne peut ici que faire une supposition, il reste à savoir comment et dans quelles conditions la mission leur a été présentée. L’enquête judiciaire devrait éclaircir ce point.

En tout état de cause, les missions de protection, d’intervention et de renseignement devront toujours être assurées, en Corse comme ailleurs. Mais elles doivent pouvoir l’être, sans grandes difficultés, par des personnels mis en place dans des unités traditionnelles de gendarmerie.


Source : Ministère de la Défense. http://www.defense.gouv.fr