Hôpital de Bonifacio

Monsieur le Directeur,

Par lettre du 26 janvier 1998, j’ai porté à votre connaissance les observations provisoires formulées par la chambre régionale des comptes de CORSE dans sa séance du 10 décembre 1997, relatives à la gestion de l’hôpital local de BONIFACIO pour les exercices 1988 à 1994. Certaines de ces observations ont également fait l’objet d’une transmission aux divers personnes, services ou organismes mis en cause.

Après avoir pris connaissance des réponses qui lui ont été apportées, la Chambre a arrêté le 29 avril 1998 les observations définitives qu’elle me prie de vous notifier au sens des dispositions de l’article 116 du décret n° 95-945 du 23 août 1995 relatif aux chambres régionales des comptes.

Aux termes de l’article L. 241-11 du code des juridictions financières, il vous appartient désormais de les communiquer au conseil d’administration de votre établissement dès sa plus prochaine réunion. Dans ce but, elles feront l’objet d’une inscription à l’ordre du jour de celle-ci et seront jointes à la convocation adressée à chacun des membres de cette assemblée délibérante.

Je vous remercie de bien vouloir me faire connaître la date du plus prochain conseil d’administration qui aura à connaître de cette lettre d’observations définitives.

C’est à compter de cette date qu’elles seront communicables aux tiers ainsi qu’en dispose l’article 117 du décret précité.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de ma considération distinguée.

Signé : André VALAT Conseiller référendaire à la Cour des comptes

Président de la chambre régionale des comptes de CORSE

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Par lettre du 20 février 1995, le président de la chambre régionale des comptes de CORSE a informé le directeur de l’hôpital local de BONIFACIO de l’engagement de la procédure d’examen de la gestion, en application de l’article L. 211-8 du code des juridictions financières

S’agissant d’un établissement public hospitalier local, la chambre régionale des comptes de Corse est compétente pour procéder à cet examen au sens des dispositions de l’article L. 211-1 du code des juridictions financières.

L’entretien préalable prévu à l’article L. 241-7 du code des juridictions financières et de l’article 113 du décret précité a eu lieu le 27 août 1997 par téléphone.

Après avoir pris connaissance des conclusions du commissaire du gouvernement, la Chambre, réunie le 10 décembre 1997 a adopté ses observations provisoires.

En application des dispositions de l’article 114 du décret du 23 août 1995 précité ces Observations ont été transmises dans leur intégralité, le 26 janvier 1998 au directeur de l’hôpital de Bonifacio. Des extraits ont été par ailleurs transmis, à la même date, à d’autres personnes concernées, parmi lesquelles le maire de Bonifacio, président du conseil d’administration de l’hôpital.

En outre, dans le cadre des dispositions de l’article 128 du décret du 23 août 1995 précité, des communications ont été faites le 26 janvier 1998 au Préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, ainsi qu’au trésorier payeur-général de la CORSE-DU-SUD.

Les réponses qu’appelaient ces différentes transmissions sont parvenues à la Chambre, à l’exception de celles de deux personnes mises en cause qui n’ont pas souhaité retirer le courrier recommandé que la juridiction leur avait adressé.

Par ailleurs, aucune demande d’audition n’a été enregistrée par la juridiction, aussi bien de la part de la direction de L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO que des personnes mises en cause ; de même, aucune consultation des pièces sur lesquelles les observations provisoires étaient fondées n’a été demandée.

Après avoir examiné les réponses apportées et entendu son rapporteur, la Chambre a, dans sa séance du 29 avril 1998 arrêté les Observations ci-après dans la formation suivante : M. VALAT, président, Melle VESCOVALI conseiller et M. CORMIER conseiller-rapporteur.

Ces observations, qui ont désormais un caractère définitif, devront, en application des dispositions de l’article L. 241-11 du code des juridictions financières, être communiquées par le directeur de l’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO au Conseil d’administration de cet établissement dès la plus proche réunion suivant leur réception. Elles feront l’objet d’une inscription à l’ordre du jour de ce conseil et seront jointes à la convocation adressée à chacun de ses membres.

A compter de la date de cette réunion, dont la juridiction devra être tenue informée, ces observations auront un caractère public, chacun pouvant alors en prendre connaissance.

A) UNE SITUATION FINANCIERE DURABLEMENT ET FORTEMENT DEFICITAIRE MALGRE UNE DOTATION FINANCIERE EN CONSTANTE AUGMENTATION

OBSERVATION n° 1 - Selon les comptes de gestion de l’hôpital concernant les exercices sous revue, la situation financière de cet établissement s’est brutalement dégradée en 1991 avec un déficit de 3,1 MF alors que l’exercice 1990 était bénéficiaire de 2,4 MF. A partir de 1991 le déficit annuel s’aggrave et dépasse, en moyenne, les 7 millions de francs. Les résultats des exercices 1992 (déficit de 14,1 MF) et 1994, (bénéfice de 9,9 MF), dont l’origine se situe dans d’importants décalages dans le temps, relatifs aussi bien aux recettes qu’aux dépenses, ne modifient pas l’appréciation d’une situation continûment déficitaire de cet hôpital local.

La section d’exploitation présente sur la période un solde cumulé négatif de 0,676 MF, et la section d’investissement est, à elle seule, déficitaire de près de 6,5 MF Ce montant est cependant minoré de 8 MF, somme correspondant à une ligne de trésorerie contractée en 1991 auprès d’une banque, budgétée, à tort, par l’hôpital en recettes d’emprunt. Au 30 juin 1997, le montant en capital de cette dette n’était pas encore remboursé.

Dès lors, le déficit réel de la section d’investissement est estimé, à la fin 1994, à 14 MF Dans cette situation, il est compréhensible que les autorités de tutelle se soient inquiétées de la capacité de l’hôpital à poursuivre ses activités. Deux enquêtes ont dès lors été diligentées.

En 1995, une première enquête a été suscitée par le directeur de l’hôpital et menée par la DDASS. Composée des chefs des administrations locales de tutelle dans les conditions de l’article R714-3-27 du code de la santé publique, cette mission a remis son rapport définitif à la fin de 1996.

Au début de 1997, une seconde enquête a été confiée à l’inspection générale de l’action sociale (IGAS) par le ministre du travail et des affaires sociales. Le rapport correspondant a été remis en mars 1997.

Un attentat ayant complètement détruit la trésorerie de BONIFACIO à la fin août 1996, les investigations à caractère financier de cette dernière enquête ni, a fortiori, celles postérieures de la juridiction financière, n’ont pas été facilitées.

Dans ses conclusions, la mission d’enquête locale s’appuie notamment sur cet évènement pour indiquer qu’elle a été dans l’impossibilité de rétablir les comptes de l’hôpital et de déterminer l’origine du déficit de trésorerie. Par ailleurs, l’examen, par cette mission, des conditions financières et de réalisation des travaux d’aménagement, n’appelle de sa part aucune observation. Enfin, elle exonère la tutelle locale d’une quelconque responsabilité dans la situation financière de l’hôpital.

La juridiction financière montrera, dans les développements qui suivent, les limites de ces analyses.

Pour l’IGAS, le diagnostic est plus sévère en ce qui concerne la part de responsabilité prise dans la situation financière de l’établissement par la direction de l’hôpital et la tutelle locale, notamment la DDASS, Les conclusions du rapport soulignent, par ailleurs, le manque d’objectivité de la première mission d’enquête, et les dysfonctionnements du poste comptable antérieurement à l’attentat.

Les errements du poste comptable, soulignés par l’IGAS, sont également apparus à la juridiction financière dès avant l’attentat. En effet, en 1990, devant le désordre des comptes relatifs aux exercices 1983 à 1987 transmis par la trésorerie générale, la juridiction demandait à cette dernière de procéder à leur mise en état d’examen, ainsi que les textes le prescrivent pour cette administration.

Ces comptes ont cependant été retournés à la Chambre sans que la mise en ordre demandée ait été réalisée.

La présente enquête de la juridiction sur les comptes des exercices suivants (1988-1994) a malheureusement constaté que la situation ne s’était pas améliorée. L’absence de pièces de dépenses est particulièrement à souligner, avant même que l’attentat de 1996 achève de rendre les comptes inexploitables.

Il apparaît ainsi, que la mission de contrôle de la Trésorerie générale de Corse-du-Sud sur le poste comptable a été défaillante, cette direction départementale mettant, en outre, peu d’empressement à en corriger les errements. Ainsi, la responsabilité des désordres constatés dans la tenue du poste comptable de Bonifacio est pour le moins partagée entre le comptable et sa direction départementale.

Dès lors, non sincères, les comptes de l’hôpital n’ont pu permettre à la juridiction de déterminer avec précision l’origine des déficits de l’établissement et d’en indiquer tout aussi précisément le montant. En outre, l’absence de pièces ou, quand elles existent, leur classement aléatoire, tant chronologique que comptable, a empêché toute appréciation sur le coût et l’efficacité des actions menées.

La gestion de certaines activités de l’hôpital n’a pu être examinée par la Chambre.

En raison de ce désordre comptable, les dépenses engagées n’ont pas été maîtrisées, ce que reconnaît le directeur de l’hôpital dans sa réponse, confirmant ainsi les observations de la Chambre.

Cependant, même en l’absence de l’intégralité des informations comptables, les données existantes validées par une série de recoupements issus de l’examen des opérations les plus importantes, permettent d’avancer que le déficit de trésorerie de l’hôpital local de Bonifacio peut être évalué aux environs de 15 MF pour 1997.

Tout aussi vraisemblablement, ce déficit serait la conséquence, à la fois, d’un déficit conjoncturel consécutif à des travaux de rénovation de l’établissement, à la reprise de la maison de retraite de PORTO-VECCHIO et à l’absence de diligences dans le recouvrement de créances, et d’un déficit structurel, lié à une politique de recrutement démesurée et une absence de contrôle des coûts de fonctionnement de l’établissement.

Les observations de la présente lettre vont s’attacher à démontrer le bien-fondé de ces appréciations.

Enfin, au regard des désordres constatés dans la comptabilité de l’établissement, la chambre des comptes a vérifié si I’hypothèse d’une erreur de virement de recettes sur une autre collectivité que l’hôpital local, ou celle d’un éventuel détournement de fonds, avaient un fondement.

Réalisé sur les mouvements de caisse du poste comptable de BONIFACIO à partir essentiellement des données comptables conservées par les partenaires financiers de l’hôpital, cet examen n’a pas permis, dans la limite des investigations menées, de confirmer ces hypothèses.

OBSERVATION n° 2 - Cependant, les difficultés financières de l’hôpital apparaissent et se développent alors que la dotation de fonctionnement ne cesse de s’accroître au cours de la même période :

1989 1990 1991 1992 1993 1994 10,6 11,7 13,4 20,4 26,7 29,5 - +10,4 +14,5 +52,2 +30,9 +10,5

Montant variation n/n-1 en %

Ces crédits complémentaires ont été principalement octroyés pour couvrir les charges de personnel liées aux recrutements accompagnant l’opération de transfert d’un service de Bonifacio vers les locaux de la maison de retraite de Porto-Vecchio.

L’analyse de cette opération va montrer que, malgré ces financements, les dérives qui lui sont liées ont généré des coûts allant bien au-delà de ce que l’hôpital pouvait supporter.

B) DES TRAVAUX IMMOBILIERS IMPORTANTS, EVOLUTIFS, ENGAGES SANS LES MOYENS FINANCIERS CORRESPONDANTS

1) Un projet immobilier insuffisamment défini et des appels d’offres infructueux, favorisant la passation de marchés avec un très petit nombre d’entreprises

OBSERVATION n° 3 - Au cours de l’année 1981, le conseil d’administration de l’hôpital a adopté le principe de la rénovation et de l’extension de l’établissement. Définies en 1986, deux phases de travaux ont été chiffrées à 26 MF. En 1991, le projet a fait l’objet d’une première révision portant le nombre de phases à trois pour un coût de 41 MF. En 1992, un seconde révision du projet fait passer ce chiffre à 63 MF, malgré une situation financière de l’hôpital récemment déficitaire.

Ce n’est qu’en 1993 que cette situation semble avoir été prise en compte par la direction de l’établissement hospitalier, une nouvelle révision des travaux ramenant, en effet, le chiffrage du projet à 41 MF. Ce montant est encore très élevé pour une situation déficitaire. Le volume des travaux ainsi arrêté correspondait à la première phase du projet de 1992, et leur coût de réalisation a été de 39,5 MF.

Mais au-delà d’une décision de réaliser des travaux de plus en plus importants alors que la situation financière de l’hôpital aurait dû conduire sa direction à la prudence, ce sont les conditions mêmes des marchés passés pour les réaliser qui appellent la critique.

OBSERVATION n° 4 - Le montant du marché de maîtrise d’ouvre (études et contrôles) signé le 21 septembre 1987, pour 1 377 657,40 F, avec un cabinet de PORTO-VECCHIO, mandataire commun d’une équipe de concepteurs, a été presque doublé passant, en définitive, à 2 049 376,53 F. En effet, compte-tenu des extensions et révisions successives du projet demandées à cette équipe, la direction de l’hôpital a été conduite à accepter, en 1993, de modifier la portée du contrat par avenant.

L’examen de la procédure d’appel d’offres montre qu’une absence de définition précise des travaux à réaliser a amené cette direction, pourtant assistée par la DDE dans sa mission de délégué aux travaux d’équipement sanitaire et social, à engager des dépenses de conception nettement supérieures à ce qu’elles auraient été s’il y avait eu une meilleure maîtrise du projet.

OBSERVATION n° 5 - La procédure retenue a été l’appel d’offres restreint précédé, comme en dispose l’article 298 bis du code des marchés publics, d’un appel de candidatures dans différentes publications. Les travaux à réaliser pour ce projet, ont été divisés en 25 lots et les critères de sélection des entreprises retenus mettaient en exergue la compétence, la technicité, la proximité, et la notoriété.

C’est en juillet 1989, soit deux ans après la conclusion du marché de maîtrise d’oeuvre, que la commission d’ouverture des plis recense 63 plis pour ne retenir que 35 offres en octobre suivant. Parmi celles-ci, des entreprises qui n’avaient pas soumissionné ont été retenues ainsi que l’article 299 bis du code précité en ouvre la possibilité.

Dans sa séance du 14 novembre 1989, la commission compétente a déclaré infructueux les offres correspondant à 16 des 25 lots du marché, sans véritablement motiver sa position.

De fait, cette situation résulte d’une mauvaise définition des besoins définis à l’origine comme en apporte la preuve l’examen du lot no 2, relatif aux fondations et dont l’appel d’offre a été déclaré infructueux. Celui-ci ne pouvait, en effet, répondre aux impératifs techniques résultant de l’étude géotechnique qui lui a été postérieure et sur laquelle se fonde le rejet de l’offre.

A la suite de l’étude, la refonte du cahier des charges techniques de ce lot a été toutefois réalisée, sans avoir eu pour conséquence le lancement d’un nouvel appel d’offre.

Devant l’échec de la procédure d’appel d’offres, des marchés négociés ont été passés avec les entreprises ainsi que l’article 104 du code des marchés publics en ouvre la possibilité.

OBSERVATION n° 6 - Les entreprises choisies pour bénéficier de ces marchés négociés n’ont été que quatre à se partager les seize lots déclarés infructueux.

En outre, sur ces quatre entreprises, trois sont de PORTO-VECCHIO, montrant ainsi que, parmi les critères de sélection définis, celui de la proximité semble avoir été privilégié.

Lors de la conclusion de ces marchés négociés, ces quatre entreprises devaient bénéficier de 11,4 MF soit 67% du montant initial des travaux évalué à 17,1 MF. Mais, l’étalement des travaux dans le temps et les rectifications techniques se sont traduits par des avenants, actualisations contractuelles et intérêts moratoires, majorant de plus de 4 MF l’enveloppe initiale.

Au total, ces entreprises ont reçu 15,7 MF soit 73 % du montant définitif des travaux arrêté à 21,4 MF et ont été bénéficiaires de plus de 90 % des majorations.

De plus, les trois entreprises de PORTO-VECCHIO ont également bénéficié d’autres marchés négociés relatifs à la réalisation des travaux de réaménagement de l’ancien bâtiment pour plus de 0,6 MF. Ces marchés négociés sont également consécutifs à des appels d’offres déclarés infructueux.

Ainsi, les textes régissant les marchés publics semblent avoir été formellement respectés pour les travaux engagés. Mais les insuffisances techniques des appels d’offre ont, dans les faits et quelle que soit l’opération en cause, permis de privilégier un petit nombre d’entreprises nettement localisées, bénéficiant de l’essentiel des ordres de travaux en dehors de toute mise en concurrence réelle.

Selon la réponse du directeur de l’hôpital, la bonne foi des parties ne peut être mise en doute. Mais les raisons que ce responsable avance à l’appui de ses dires, à savoir l’absence de recours de la part, soit des autorités de tutelle, soit des entreprises concurrentes, ne paraissent pas devoir amoindrir la portée de l’observation de la Chambre.

Par ailleurs, ces mêmes entreprises ont également bénéficié d’ordres sur divers autres travaux, pour lesquels plus de 2,5 MF de mandats ont été retrouvés dans les pièces comptables de l’hôpital. Les insuffisances déjà soulignées de la comptabilité ne permettent pas, cependant, de considérer que ces mandats retracent l’exhaustivité des opérations.

2) Un financement insuffisant dont la recherche du complément s’est avérée aléatoire et coûteuse

OBSERVATION n° 7 - Malgré une évolution du coût du projet qui est passé de 26 MF à 63 MF, pour se fixer, en définitive à 39,5 MF, l’établissement n’a jamais mis en place les financements correspondant aux travaux engagés. En effet, I’hôpital a, dès l’origine, estimé que le coût de ces travaux devait être financé par des subventions à hauteur de 90% dans un premier temps puis de 70% dans un second temps, Ie reliquat devant provenir, pour la plus grande part, de la vente d’une partie de son patrimoine.

Or, les subventions obtenues et versées de 1989 à 1992 n’ont été, en définitive, que de 9,8 MF soit moins de 25 % de la dépense, laissant à la charge de l’établissement la plus large fraction du financement des travaux.

Le versement échelonné des subventions et l’absence d’autofinancement ont conduit l’hôpital a recourir à l’emprunt.

En 1990, un emprunt bancaire de 7,2 MF est mobilisé pour couvrir les coûts des travaux engagés. En 1991, une ligne de crédit de 8 MF, qualifiée de crédit-relais, est négociée avec la banque de référence de l’établissement. En 1994, un nouveau crédit de 11,2 MF est octroyé par une banque de Marseille alors que les travaux sont terminés.

Or, dans l’attente de ces financements, c’est par la dotation annuelle que l’hôpital a couvert le coût des travaux.

De tout ceci, il est résulté une forte tension sur la trésorerie de l’établissement, dont une des manifestations les plus notables est le non-remboursement du crédit-relais de 8 MF, la dette restant encore entière à la mi-1997 après avoir coûté 3,6 MF d’intérêts. Cette situation est vraisemblablement à l’origine du déficit désormais structurel de L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO.

Dès lors, la Chambre ne peut que constater la légèreté de la direction de l’hôpital et de son conseil d’administration. Parfaitement informés de la situation financière de leur établissement, du coût des financements extérieurs, qu’ils n’ont pas cherché à réduire, et du niveau des subventions réellement obtenu, ces dirigeants n’ont pas hésité, dans le même temps, à redéfinir leurs projets de travaux à la hausse et à les engager.

Les administrations de tutelle, nécessairement informées des projets et de la situation financière de l’hôpital, n’ont pas présenté d’observation et ont même financé une partie des travaux, accréditant ainsi l’existence de leur accord formel.

OBSERVATION n° 8 - Cependant, en raison de sa situation financière, il n’ a pas été aisé pour l’établissement d’obtenir ces emprunts bancaires, puisqu’il n’a pas fallu moins de trois ans pour mobiliser les sommes nécessaires.

L’action des différents conseillers financiers extérieurs, auxquels l’hôpital a eu recours pour y parvenir, n’a pas toujours été efficace mais elle a, en revanche coûté fort cher, les honoraires et indemnités diverses versés à ces conseils, se montant au total à plus de 800 000 francs.

Tout d’abord et par deux conventions signées, notamment, en 1988 et 1989, l’hôpital local a eu recours à un premier conseil, se présentant comme expert financier et consultant en gestion, dont la mission avait pour but la recherche du financement des travaux et la rationalisation de la situation de trésorerie.

Le coût de ces conventions était de 160 110 F pour la première et de 175 000 francs pour la seconde, sans résultat, l’établissement restant toujours aussi financièrement démuni malgré l’intervention coûteuse de ce conseiller.

A la suite de cet échec, une convention est passée, fin 1992, avec un cabinet financier du continent, dans le but d’obtenir auprès d’une banque un emprunt de 11,2 MF. Rémunérée 114 500 F T.T.C., l’action de ce cabinet a été efficace, un établissement bancaire de Marseille ayant favorablement répondu en mars 1994.

En revanche, la nouvelle convention, conclue pour 71 432 F avec ce même cabinet en octobre 1993, présente la même finalité que la première.

Sans résultat, cette convention dont aucune justification n’a pu être apportée, apparaît comme largement artificielle.

Ce cabinet financier n’ayant pas souhaité retirer l’envoi recommandé que lui avait fait la Chambre, celle-ci ne peut que maintenir ses observations.

En janvier 1994, le premier conseiller financier est à nouveau sollicité. Il signe alors à cette date une convention avec l’hôpital, soit seulement deux mois avant la finalisation du prêt obtenu de l’établissement de Marseille par le cabinet financier. La mission ainsi confiée consistait à obtenir " auprès de tout prêteur " un financement de 28 MF.

Cette convention ne fixe aucune obligation de résultat ni aucune limite aux conditions financières de l’emprunt à obtenir. Par ailleurs, la rédaction des articles traitant de la rémunération du conseil est ambiguë. Elle laisse, en effet à penser que ce dernier aurait, à la fois perçu 263 885 F au titre des honoraires et frais afférents à son intervention et la même somme au titre d’une commission proportionnelle au montant de l’emprunt, soit au total 527 770 F.

Ainsi, en recherchant un emprunt d’un montant une fois et demie supérieur à celui de l’emprunt de 11,2 MF déjà obtenu, la direction de l’hôpital montre qu’elle avait pour projet, à la fois de refinancer l’établissement qu’elle gère, à n’importe quel prix, et de poursuivre, contre toute raison, ses opérations immobilières.

La situation financière très préoccupante de l’établissement, ne pouvait évidemment pas alors être ignorée de la direction qui a, malgré tout, confortablement rémunéré un intermédiaire sans fixer des limites à la mission qui lui a été confiée. De même, elle ne s’est pas davantage souciée des moyens avec lesquels l’hôpital ferait face à la charge financière additionnelle occasionnée par le nouvel emprunt.

Une nouvelle fois, la Chambre est étonnée de l’absence de sérieux de l’équipe dirigeante de l’hôpital de Bonifacio. Ses initiatives brouillonnes et coûteuses dans le but de rechercher des financements ou refinancements improbables pour couvrir des charges trop lourdes du fait de décisions imprudentes, s’analysent comme une fuite en avant qui ne cesse pas de surprendre.

Il apparaît aussi clairement que la tutelle a laissé se développer les projets sans présenter ses observations ou attirer l’attention de l’hôpital sur les risques que ses décisions faisaient peser sur sa trésorerie.

OBSERVATION n° 9 - Enfin, la Chambre note que, lors du contrôle des comptes de l’établissement, ce conseiller financier, présent physiquement, est intervenu fréquemment, semblant remplir une autre mission de conseil autre que strictement financière, pour laquelle la juridiction n’a disposé ni de la convention correspondante, ni des modalités de financement.

Cette personne n’ayant pas retiré l’envoi recommandé, par la Chambre, de l’extrait des observations provisoires le concernant, la juridiction ne peut que confirmer l’ensemble de ses observations à son égard.

Dans sa réponse relative au financement des projets immobiliers de l’hôpital, le directeur reconnaît que les observations correspondantes de la Chambre sont faites à juste titre. Il prend acte de ces remarques et entend, à l’avenir, adapter les objectifs de l’établissement aux moyens financiers dont il dispose.

La Chambre prend acte de cette volonté et ne manquera pas de s’assurer, à l’occasion d’un futur examen, si les faits ont été au niveau des intentions.

En revanche, le responsable de l’hôpital n’apporte aucune information sur les rémunérations du premier conseil ou sur sa présence dans l’établissement. Il se borne à indiquer qu’il a été mis fin à la mission de ce conseil à compter du 1er février 1998.

Les opérations immobilières n’ont pas été les seules à peser sur la situation financière de l’hôpital.

C) UNE MAISON DE RETRAITE GRAVEMENT DEFICITAIRE, ENDETTEE ET FONCTIONNANT DANS DES CONDITIONS DE SECURITE PRECAIRES, REPRISE SANS JUSTIFICATION

1) Une opération de transfert servant de prétexte au sauvetage d’une association financièrement exsangue

OBSERVATION n° 10 - Pour permettre de mener à bien les travaux de restructuration et de rénovation dont les conditions de réalisation viennent d’être exposées, la direction de l’hôpital a transféré, sur la plus vaste des deux ailes d’un logement-foyer situé à PORTO-VECCHIO, trente deux pensionnaires de l’hôpital dont seize dits de "long séjour", ainsi que les personnels et les matériels nécessaires au bon fonctionnement de ce service.

Motivé par l’inexistence de locaux similaires à BONIFACIO, ce transfert, qui devait être temporaire, s’est effectué dans le cadre d’une convention , annuelle et renouvelable, signée le 1er avril 1990, moyennant un prix mensuel de location de 38 786,76 F, porté à 39 495,84 F en août de la même année.

A cet égard, on note que la délibération du conseil d’administration de l’hôpital autorisant le directeur à signer cette convention n’a été prise que le 22 octobre 1990, soit près de sept mois après la signature effective de la convention. Par son caractère tardif, cet acte relève plus de la régularisation a posteriori que de la décision.

Avant ce transfert, ce logement-foyer pour personnes âgées retraitées bénéficiant de l’aide sociale, était composé de soixante huit logements. Il était géré par l’association familiale de la région de PORTO-VECCHIO, locataire de l’OFFICE DEPARTEMENTAL DES HLM DE LA CORSE-DU-SUD.

Le directeur de L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO figurait alors parmi les membres du conseil d’administration de cette association.

OBSERVATION n° 11 - Or, au moment même où L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO s’apprêtait à contracter avec elle, cette association, créée en 1987, présentait une situation financière extrêmement fragile. Endettée auprès de l’OPHLM pour près de 1,8 MF, ses comptes faisaient également apparaître, à la fin de 1988, un déficit cumulé de plus de 2 MF. dont l’origine semble résider dans le faible taux d’occupation des locaux, malgré le conventionnement de 30 lits.

Ces caractéristiques financières étaient rappelées dans un rapport de contrôle établi, en janvier 1990 pour le Conseil général de la CORSE-DU-SUD. Ce rapport présentait également les propositions des responsables de l’association tendant à résoudre ce désordre financier. Selon elles, seule l’opération de transfert envisagée par l’hôpital de Bonifacio pouvait atteindre ce but.

Aucune autre solution n’était proposée et, sans alternative, la commission de l’action sociale et de la protection sanitaire du Conseil général de la Corse-du-Sud acceptait cette solution.

Dans le même temps, il est apparu aux différents protagonistes de cette affaire, que le statut de l’hôpital de Bonifacio, établissement public de santé, lui permettait de gérer l’hébergement spécialisé de personnes âgées.

De fait, le 20 octobre 1990, l’association de Porto-Vecchio demandait que l’hôpital de Bonifacio prenne la gestion de la partie du logement-foyer non conventionnée. Le 22 octobre 1990, le conseil d’administration de l’hôpital autorisait le transfert du service " long séjour " vers PORTO-VECCHIO (voir ci-avant).

Pour sa part, le 28 janvier 1991, trois mois après, le Conseil général de Corse-du-Sud autorisait l’association à transformer le logement-foyer en une maison de retraite sur la totalité de ses locaux. Enfin, peu de temps après, par délibération du 18 février 1991, l’hôpital de Bonifacio décidait de se substituer à l’association dans la gestion de la maison de retraite nouvellement créée.

Le 17 mai suivant, une convention passée entre l’OPHLM de la CORSE-DU-SUD et L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO, fixait les conditions de location des locaux.

OBSERVATION n° 12 - Au total, il apparaît que, prenant prétexte du transfert provisoire de lits de long-séjour de l’hôpital dans l’attente de la réfection des locaux à Bonifacio, les décisions arrêtées par les différents partenaires ont pérennisé la présence de l’hôpital de Bonifacio dans les locaux de PORTO-VECCHIO.

Elles ont également permis de sauver une association financièrement en péril, opération favorisée par l’appartenance du directeur de L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO aux conseils d’administration des deux établissements et par la nécessaire concertation entre les services de l’Etat et du département pour la mener à bien.

En effet, hors cet objectif, qu’un établissement public, ne disposant d’aucun financement spécifique, prenne la responsabilité d’une structure privée défaillante dont le règlement du passif est légalement susceptible d’être à la charge de ses administrateurs, apparaît aller contre toute logique.

Autant l’opération de transfert provisoire d’un service de BONIFACIO vers PORTO-VECCHIO peut être admise pour la durée des travaux de rénovation, autant la prise de responsabilité dans la gestion de la maison de retraite, coûteuse pour l’hôpital, n’est justifiable, ni dans son principe ni dans son contenu.

Par ailleurs, cette opération ne s’est pas traduite par un assainissement financier de la maison de retraite, toujours déficitaire, quel que soit le responsable de sa gestion, de 0,868 MF en 1993 et de 0,618 MF en 1994.

Certes, la Chambre prend en compte la position du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, exposée dans sa réponse, selon laquelle il convenait de maintenir " l’offre en faveur des personnes âgées de cette micro-région déficitaire en ce domaine ".

Mais il s’avère que les moyens pour maintenir cette offre, ont été mal appréhendés. Ils se sont, en outre, avérés coûteux, sans que la solution retenue ait pu répondre, de surcroît, aux impératifs de sûreté et de sécurité liés à ce type d’établissement.

2) Des travaux non financés et des règles de sécurité ignorées

OBSERVATION n° 13 - Le 26 juillet 1991, le conseil d’administration de L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO, approuve le principe de la réalisation de travaux d’aménagement évalués à 4,49 MF en raison du manque d’hygiène et de l’obsolescence de certaines installations de la maison de retraite (cuisines, chauffage, eau chaude...). Il est précisé, toutefois, que le financement de ces travaux "...sera supporté en totalité par l’hôpital, sans majoration du prix de journée de la maison de retraite".

Ainsi, en choisissant de ne pas intégrer les coûts des travaux dans le prix de journée, l’hôpital évite le refus des services départementaux d’accepter un prix de journée excessif. Mais il masque ainsi volontairement le coût réel des services, faisant peser la charge de ses décisions injustifiées sur sa dotation annuelle déjà exagérément sollicitée.

Cependant, aucune démarche pour réunir le financement nécessaire à ces travaux n’ayant été engagée, comme le souligne le directeur de l’hôpital dans sa réponse, ces derniers n’ont pas été réalisés.

Contrairement donc aux pratiques de gestion qui avaient été déjà les siennes, l’hôpital n’a donc pas engagé les travaux sans avoir le financement correspondant, ce qui doit être souligné.

Ce retour de vertu a donc conduit l’hôpital à ouvrir un centre d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sans que les désordres du bâtiment en matière d’hygiène et d’aménagements aient été corrigés.

Mais, plus grave, la Chambre a constaté, de surcroît, que les nécessaires travaux de sécurité n’avaient pas été réalisés.

OBSERVATION n° 14 - En effet, deux ans après l’ouverture de la maison de retraite sous la responsabilité de l’hôpital de Bonifacio, la commission de sécurité de l’arrondissement de Sartène, émettait, le 28 janvier 1993, un avis défavorable à cette ouverture, l’établissement n’ayant "...jamais fait l’objet de visite de la commission de sécurité..." et que "...le changement d’activité s’est effectué sans demande d’aménagement ni de consultation de la commission de sécurité...", alors que "...la réglementation relative aux établissements de santé lui devient dès lors applicable."

Cette commission constatait en outre, la non conformité de l’installation électrique, le dysfonctionnement du système d’alarme et son inadaptation au type de bâtiment, aucun système de détection automatique d’incendie n’existant, de surcroît, dans l’établissement.

L’association qui gérait la maison de retraite avant sa reprise par l’hôpital de Bonifacio, ne s’était donc pas préoccupée de cette situation, grave pour un établissement aussi sensible.

Pour sa part, l’hôpital a attendu le passage de la commission de sécurité, deux ans après sa prise de responsabilité de l’établissement pour décider, le 16 avril 1993, de réaliser les travaux de sécurité. La convention du 17 mai 1991 passée entre l’hôpital et l’OPHLM, propriétaire des constructions, mettait en effet ces travaux à la charge de l’hôpital. Mais ceux-ci n’ont été étudiés et sommairement estimés à 1,8 MF qu’en février 1994.

Aucune réalisation n’a suivi.

Cette situation n’a pas empêché l’ouverture de la maison de retraite, sans que la tutelle (administration de la santé et administration préfectorale) ou le Maire de Porto-Vecchio, aient émis la moindre observation.

Devant l’étonnement de la Chambre, la direction de l’hôpital a enfin, mais récemment, réagi en réunissant le financement nécessaire. Par arrêté n° 97-661 du 10 décembre 1997, la préfecture de la Corse-du-Sud octroyait 424 871 F de subvention sur les crédits du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, soit 40 % du coût des travaux de sécurité arrêtés à 1 062 176 F.

Le complément, 640 000 F, est financé par un emprunt auprès d’un établissement de crédit de Marseille, signé par les parties les 21 octobre et 18 décembre 1997. Cet emprunt est garanti à 100 % par la commune de PORTO-VECCHIO.

La commission de sécurité a visité les locaux le 4 mars 1998 et l’avis d’appel d’offres n’a été publié dans la presse que le 6 février 1998.

Les travaux n’étaient toujours pas réalisés à la date de rédaction de la présente lettre d’observations.

On reste confondu devant la légèreté et l’irresponsabilité des dirigeants de L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO exploitant un établissement ne répondant pas aux impératifs de sécurité. La maison de retraite abrite en effet, avec les pensionnaires retraités, des malades en long séjour hospitalier généralement âgés, dépendants et à mobilité réduite, temporairement installés dans les locaux de PORTO-VECCHIO du fait du transfert de Bonifacio du service correspondant.

Dans ces conditions, il est clair que la maison de retraite n’aurait pas dû être mise en activité.

Cet établissement a pourtant fonctionné depuis plus de sept ans sans qu’il soit mis un terme à cette situation.

Devant autant d’approximations, la juridiction ayant constaté que les tutelles n’ont en fait jamais présenté la moindre observation sur les conditions de réalisation de cette opération et n’ont rien trouvé à redire à l’ouverture d’un établissement de santé dépourvu des dispositifs de sécurité, il lui apparaît que la responsabilité de l’hôpital, dans ses errements, est à partager avec elles.

OBSERVATION n° 15 - Par ailleurs, l’instruction a permis de mettre en évidence un système de compensation financière irrégulièrement mis en place par le payeur départemental entre l’hôpital, l’OPHLM et le département de la Corse-du-Sud. Ce mécanisme permettait de retenir les sommes dues par le département à l’hôpital au titre de l’aide sociale, afin de payer directement à l’OPHLM les loyers de la maison de retraite dus par l’hôpital.

Outre son irrégularité au regard des dispositions du code civil (articles 1289 et 1291), les parties ne figurant pas en la même qualité, cette procédure a eu pour conséquences, en l’absence d’un suivi rigoureux des flux financiers par le poste comptable de BONIFACIO, de produire des états de développement de solde peu explicites et ne permettant aucun contrôle.

D) UNE GESTION COURANTE DESORDONNEE ET DISPENDIEUSE

1) Des dépenses non maîtrisées et sans contrôle

Malgré ses difficultés financières, L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO n’a pas jugé utile de procéder à une adéquation entre l’effectif de ses agents et ses besoins réels. Il n’a pas, non plus, jugé utile de contrôler ses dépenses courantes, ni de gérer correctement son patrimoine.

OBSERVATION n° 16 - Les dépenses de personnel se sont ainsi accrues de 268% entre 1988 et 1994, l’effectif de l’hôpital passant de 61 à 147 agents soit un accroissement de 140%. La structure de l’établissement lui-même n’avait pas pourtant notablement évolué. En revanche, la reprise de la maison de retraite, qui a accru de 68 lits sa capacité de soins ou d’hébergement, a également augmenté de 12 agents l’effectif de l’hôpital par la reprise du personnel de l’association.

L’opération de transfert vers PORTO-VECCHIO a également été, entre 1991 et 1994, à l’origine d’un recrutement exceptionnel de 20 personnes. Cet effectif s’est cependant très légèrement résorbé en 1995 et 1996 (18) et a brutalement décru en 1997, puisque deux personnes seulement restaient en poste.

L’éclatement en deux sites a donc généré des coûts de fonctionnement hors de proportion avec la charge que l’hôpital pouvait réellement supporter. Mais, ces recrutements ont été financés depuis 1992 par la tutelle, grâce à une aide spécifique de 4 MF par an.

Cette opération a donc été engagée et poursuivie avec l’aval de la tutelle. Celle-ci a ainsi directement financé la charge récurrente qui est aussi la plus lourde.

Les contrôles internes de dépenses sont par ailleurs défaillants.

OBSERVATION n° 17 - Ainsi, l’hôpital n’a jamais passé de marché pour l’achat de produits pharmaceutiques, mais a recours à de multiples fournisseurs (au moins 48 en 1994), chaque facture n’excédant pas 3.000 F. L’utilisation d’une telle procédure ne permet pas l’approvisionnement au meilleur prix.

Les bons d’essence sont utilisés sans limite et sans contrôle, alors qu’un simple suivi aurait permis de corriger les errements constatés lors de l’instruction. Celle-ci a ainsi relevé des pleins de carburants à intervalles très rapprochés de même que des pleins d’un litrage supérieur à la capacité des véhicules, assez souvent de plus du double.

De même, au titre des frais généraux, l’hôpital a continué à vivre sur un train de vie dispendieux, les dirigeants utilisant, pour leurs déplacements et repas d’affaires, des prestataires de services de luxe. C’est ainsi que, bien que la réglementation l’interdise, I’hôpital n’hésitait pas à recourir à l’utilisation d’un avion-taxi pour des voyages de FIGARI à AJACClO.

Dans sa réponse, le directeur de l’hôpital indique qu’il a été mis fin aux pratiques relevées par la Chambre. L’avion-taxi n’a plus été utilisé, les bons d’essence contrôlés depuis fin 1997 et une gestion prévisionnelle des emplois a été mise en place à compter du 1er janvier 1998.

En condamnant de telles pratiques, la Chambre prend toutefois bonne note des mesures de correction que la direction entendait mettre en place. Elle ne manquera pas d’en examiner les effets lors d’un prochain contrôle.

2) Des recettes propres insuffisantes ou abandonnées sans raison apparente au profit de la ville de Bonifacio

OBSERVATION n° 18 - L’HOPITAL LOCAL DE BONIFACIO est propriétaire d’un important patrimoine foncier dont il ne tire que peu de recettes d’exploitation. Ainsi le montant des loyers n’excède jamais 20.000 francs annuels. C’est ainsi qu’il loue à la commune de BONIFACIO, pour un loyer annuel de 12.700 francs, des terrains d’une superficie de près de 28 hectares en vue de la création d’un camping, d’un complexe omnisports et d’une zone industrielle complétée par des logements sociaux.

La faiblesse des revenus tirés de l’exploitation du patrimoine foncier privé de l’hôpital face à des besoins financiers sans cesse en augmentation, a très certainement été à l’origine de la vente d’une grande partie de ses terrains et notamment ceux de MUCCHIO-BIANCO et PIANTARELLA.

OBSERVATION n° 19 - Pour permettre un développement plus harmonieux de la vieille ville de BONIFACIO et l’aménagement du quartier historique de la Citadelle à des fins essentiellement culturelles et touristiques, la commune de BONIFACIO a obtenu de l’hôpital local la cession d’un terrain de prés de 52 ha pour une valeur de 2,1 MF.

La vente a été constatée par acte administratif du 2 février 1982, signé par le maire et le président de la commission administrative de l’hôpital, alors que le signataire de cet acte aurait dû être le directeur, ordonnateur des recettes et dépenses de l’établissement. Mais, plus grave, aucun titre de recettes n’a été émis par l’hôpital et la commune ne s’est pas acquittée du prix d’achat de ce terrain.

A la date de la présente lettre, la commune ne s’est toujours pas libérée de sa dette envers l’hôpital, et les échanges de terrains qui avaient été décidés entre les deux partenaires en 1987 et 1994, et qui auraient permis de désintéresser l’hôpital, n’ont toujours pas été réalisés.

Que se soit donc lors d’opérations de locations ou lors d’opération d’achat, il apparaît que Ia commune de BONIFACIO bénéficie des biens privés de l’hôpital au détriment des intérêts de ce dernier. Le maire de Bonifacio, président du conseil d’administration de l’hôpital, est pourtant informé, de manière très précise, des graves difficultés financières que connaît l’hôpital.

Dans sa réponse, le directeur de l’hôpital indique sa volonté d’émettre un titre de recette de 2,1 MF si l’échange n’est pas réalisé d’ici la fin de 1998. Dans la sienne, le maire de Bonifacio indique que cet échange " ne devrait poser aucun problème ".

L’absence de contrepartie à cette vente réalisée voici plus de seize ans, est injustifiable. La Chambre invite donc le directeur de l’hôpital comme le maire de BONIFACIO, comptables des intérêts de cet établissement public, à y mettre un terme sans délai.

OBSERVATION n° 20 - Le 26 août 1996, l’hôpital vendait le terrain de PIANTARELLA, d’une superficie de 4 ha 20 a et mitoyen de l’étang et du golf de Sperone. Classé inconstructible aux documents d’urbanisme de Bonifacio, ce terrain n’en a pas été moins vendu à une société civile immobilière ayant comme objet la construction d’immeubles. Il est vrai que la situation de ce tènement est riche de possibilités futures.

La Chambre s’étonne de la cession d’un bien dont le classement en matière d’urbanisme est en contradiction avec l’objet de la société acquéreur. Cette contradiction avait été d’ailleurs relevée, en son temps, par le préfet de la Corse-du-Sud. Dans une lettre du 9 avril 1991 relative à la délibération du conseil d’administration de l’hôpital décidant de la cession, le préfet indiquait en effet que " sauf le cas justifié d’une oeuvre de mécénat de la part du promoteur, j’ai l’honneur de vous faire connaître que je ne peux en l’état revêtir cette délibération de mon approbation. "

Le cas de mécénat fut justifié.

Dix jours après, en effet par lettre datée du 19 avril 1991, l’acquéreur se reconnaît mécène, car en indiquant être informé de l’inconstructibilité du terrain il ajoute que " la valeur du terrain acquis...ne répond en rien au prix que j’ai décidé de payer, mais il m’est apparu que cette participation au financement des dépenses de votre administration correspond mieux à ma nature car elle s’inscrit dans les conditions d’un contrat, moyen plus élégant à mes yeux de soutenir votre effort. "

On peut apprécier ce geste de mécénat " d’investissement " en le rapprochant du prix alors à payer, soit 2,5 MF.

3) Des coûts de fonctionnement indéterminés

OBSERVATION n° 21 - La lecture des comptes de gestion ne permet pas de connaître avec précision le coût exact des différents services de l’hôpital.

En effet, les loyers de l’aile du logement foyer de PORTO-VECCHIO affectée aux lits de long séjour sont imputés sur le budget général. Cette pratique a notamment pour conséquence de faire supporter par la dotation globale le coût du logement, compris dans le forfait hébergement payé par le département.

De même, en 1993, le directeur a annulé pour 1 086 028,91 F de mandats du budget long séjour pour les réémettre sur le budget général et la maison de retraite. S’agissant d’une annulation ayant pour origine le paiement de factures en dépassement de crédits, elle revêt un caractère irrégulier, ce type de procédure budgétaire ne pouvant être utilisée que dans les cas d’erreur d’imputation. Elle contribue, en outre, à la méconnaissance précise du coût exact du service de long séjour.

Enfin, l’hôpital dispose d’un SMUR relevant du SAMU d’Ajaccio. Les dépenses du SMUR de BONIFACIO sont à la charge du Centre Hospitalier d’AJACCIO qui rembourse les frais engagés au titre du fonctionnement médical du SMUR. L’hôpital de BONIFACIO met à la disposition du SAMU 2A ses propres moyens et deux véhicules d’intervention.

Il est notable que l’hôpital bénéficie de ce service d’urgence depuis 1990, sans qu’aucune convention ne régisse les modalités de financement d’une telle structure. La convention n’a été signée qu’en 1996.

De plus, l’absence d’une comptabilité spécifique ne permet ni à l’hôpital, ni au centre hospitalier d’AJACCIO, et par voie de conséquence, ni aux services de tutelle chargés d’allouer les moyens financiers, de connaître avec précision le coût exact de ce service.

Dans sa réponse, le directeur de l’hôpital dit avoir régularisé ces différentes situations dès qu’il a pris connaissance des observations de la Chambre.

Tous ces errements, même si certains sont corrigés depuis, ne sont en fait que la confirmation de la gestion approximative de l’hôpital local de Bonifacio, abondamment soulignée au cours des observations qui précèdent.

Il apparaît enfin que l’importance de certains d’entre eux (engagement de dépenses sans financement, prise de contrôle de la maison de retraite de Porto-Vecchio, ouverture et exploitation de cette maison pendant plusieurs années en l’absence de dispositifs adéquats de sécurité, non-recouvrement d’un prix de vente d’un terrain 16 ans après sa vente...) sont au-delà de simples maladresses.

Certes, ce caractère peut être reconnu à quelques dysfonctionnements relevés, mais le revendiquer pour l’ensemble comme le fait le directeur de l’hôpital, ne semble pas procéder, de sa part, comme de celle du conseil d’administration, d’une claire vision de la responsabilité des dirigeants d’un établissement public.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc