1- UN EFFECTIF COUTEUX ET ABONDANT, TARDIVEMENT ORGANISE ET MARQUE PAR L’ABSENTEISME.

OBS n° 1 - Ainsi que cela a été rapidement présenté dans l’introduction, les charges de personnel prélèvent une part très importante des recettes de fonctionnement comme le rappellent les données extraites des comptes administratifs :

Elles représentent, continûment sur la période, de 59,9 % à 63,5 % des dépenses de fonctionnement, le niveau affiché au budget primitif de 1998 ramenant toutefois ce taux à celui de 1989. Même en tenant compte de cette amélioration intentionnelle qui doit être signalée, le taux présenté par Ajaccio est toujours compris entre 17 et 21 points de plus que celui qui ressort, en moyenne et au plan national, de la gestion des communes de même importance (49,3 % en 1996, mais 42 % en 1998).

Le rapprochement des dépenses de personnel avec le seul produit des quatre impôts directs (Taxe foncière bâtie et non bâtie, taxe d’habitation et taxe professionnelle) montre que ce produit ne suffit pas à assurer la couverture de ces charges. De plus, depuis 1993, ces deux paramètres évoluent à des niveaux fort éloignés : en 1997 la charge de personnel était de 218,2 MF pour une recette des quatre taxes de 155,2 MF.

Certes, dans sa réponse, le maire d’Ajaccio indique que, en 1998 et 1999, la charge globale de personnel s’est ralentie, sous l’effet notamment de la réduction de l’effectif de 100 personnes en 1996 et 1997 et ce, malgré l’impact négatif des promotions, de l’augmentation du SMIC ou de la mise en application de la NBI (nouvelle bonification indiciaire). La départementalisation du service de secours et d’incendie en 1997 a fortement participé à cette décrue.

Il n’en demeure pas moins que, en prenant en compte ces données, la charge globale du personnel se situe au tour de 55% des charges totales de la collectivité, soit encore à un taux très supérieur à ce qu’il est dans les communes de même catégorie. Le coût global du personnel, autour de 220 MF, reste ainsi quasiment identique à l’ensemble des recettes fiscales de la commune (les quatre taxes ci-dessus augmentées des autres taxes telles que la taxe sur les ordures ménagères, les droits de place, la taxe sur l’électricité ou encore les droits de stationnement).

Coûteux, le personnel l’est essentiellement du fait de l’importance de son effectif : pour 1990 le compte administratif fait état de 1649 personnes, cet effectif passant à 1578 en 1995, mais ramené à 1374 à la fin de 1997, soit 1 employé municipal pour 38 habitants (recensement de 1999).

Abondant, le personnel est également administré de façon peu convaincante.

En effet, un organigramme des services municipaux n’a été, pour la première fois, établi qu’en septembre 1996, alors que dans une commune comptant plus de 1500 agents, un tel document est nécessaire pour une organisation rationnelle et efficace des services, donc moins coûteuse pour le contribuable.

Cette inorganisation, qui ne permet pas le suivi des activités des personnels, se traduit, notamment, par un fort absentéisme, caractérisé aussi bien par un audit réalisé à la demande de la commune en 1995 par la Caisse Nationale de Prévoyance, que par les données du Bilan social 1997 établies par la commune.

Les deux sources d’informations confirment non seulement la réalité de l’absentéisme d’un certain nombre d’agents communaux, mais l’aggravation de cette situation au fil du temps.

Ainsi, de 1994 à 1997, le nombre de jours d’absence pour raisons médicales a augmenté de 33%. Les arrêts de travail ont représenté en 1997 l’équivalent de 184 agents sur l’année, soit 13,4 % de l’effectif total. Selon la CNP, cette situation est le fait d’une minorité d’agents. Elle note, également, que la durée moyenne des arrêts relatifs aux accidents de travail est, avec 79 jours, anormalement longue puisqu’elle est le double de celle couramment relevée dans d’autres collectivités.

Dans sa réponse, le maire affirme que l’absentéisme est en régression depuis 1998 à la suite d’actions menées par la direction municipale. Par exemple, des retenues sur les indemnités ont été pratiquées et étendues aux absentéismes consécutifs aux accidents du travail ; une action, ciblée vers les accidents de travail ayant entraîné une absence de plus d’un an a, en outre, été mise en œuvre.

La juridiction prend acte de ces actions correctrices, mais observe qu’il aura fallu plus de trois ans pour que la commune commence à tirer les conséquences des conclusions du rapport d’audit précité et à prendre des mesures concrètes pour mettre un terme à une situation qu’elle avait laissé perduré.

L’absence de réactivité qui caractérise la direction municipale est ici patente.

Cet effectif municipal, coûteux, abondant et parfois peu assidu, est de surcroît, dans certains domaines, peu ou mal utilisé et quelques fois irrégulièrement recruté.

II - UN EFFECTIF PARFOIS PEU OU MAL EMPLOYE ET RECRUTE, DANS CERTAINS CAS, DE FAÇON IRREGULIERE.

OBS N° 2 - La Chambre a constaté que la commune ne tire pas pleinement parti de certains de ses agents, d’autres étant insuffisamment sollicités (1) ; de même, ses consultants rémunérés par conventions annuelles, sont souvent dessaisis de fait (2).

1 - Des agents communaux insuffisamment sollicités.

Le faible montant des travaux en régie (pour 1997, moins de 2 MF pour un montant de travaux de 25 MF) dans une commune où la direction générale des services techniques employait au 1er janvier 1998 quelque 518 agents, témoigne en effet de l’insuffisante contribution de certains personnels techniques à la maintenance et à la constitution, donc à son enrichissement, du patrimoine communal.

Ce constat, partagé par le maire (cf. en ce sens les termes du débat d’orientation budgétaire pour 1994), est en l’espèce d’autant plus regrettable, que la réalisation en régie d’immobilisations (au sens de la nomenclature budgétaire et comptable M14 -ex M12-) permettrait d’accroître, par la réduction des dépenses de fonctionnement, l’autofinancement des budgets de la commune, singulièrement négatif sur la période examinée.

S’agissant d’agents administratifs, il apparaît, par exemple, que le montant total des recettes perçues au titre de l’exercice 1996 par la " régie communale de recettes des halles et marchés " chargée, notamment, du recouvrement des recettes du stationnement payant de voirie, s’élevait à 1 217 412 F, alors que le seul coût du personnel affecté à ladite régie, soit 13 agents, était de 2 426 064 F.

Un tel décalage, qui induit un coût de recouvrement de certaines recettes locales exorbitant (soit 200% du montant des recettes perçues), constitue une anomalie de gestion que la direction municipale devrait s’efforcer de corriger. Si le montant des recouvrements effectués était sincère, il conviendrait de procéder à un ajustement substantiel du nombre d’agents affectés à la régie. Toutefois, en ce qui concerne plus particulièrement le stationnement de voirie, il a été constaté que le faible niveau des recettes recouvrées résultait en l’espèce d’un certain nombre de négligences (cf. infra).

Par ailleurs, alors que l’ordonnateur souligne que " la ville consciente que ses moyens financiers ne l’autorisent plus à conduire une politique libérale en matière de mise à disposition de personnel communal ", une trentaine d’agents est encore à ce jour mise à la disposition d’administrations et d’associations sportives. La commune se prive ainsi volontairement, sans compensation financière (coût pour la commune en 1997 : 3 823 714 F), des compétences correspondantes.

2 - Des consultants extérieurs parfois dessaisis de fait.

Dans sa réponse, le maire d’Ajaccio justifie le recours aux consultants extérieurs par l’insuffisance de l’encadrement intermédiaire (agents de catégories A et B) au sein des effectifs municipaux. Selon le premier magistrat, ce recours est également un moyen judicieux d’amélioration de la gestion de la collectivité.

Les modalités de la mise en œuvre et l’exploitation, par la commune, de ces consultations sont, cependant, contestables. En effet, les recommandations du conseil financier sur la gestion du port Charles ORNANO comme celles du conseil juridique dans les dossiers de délégation des services publics du stationnement payant et des transports urbains n’ont pas été prises en compte.

Les conseils se trouvent ainsi dessaisis de fait par la commune malgré le caractère significatif des rémunérations versées à ces consultants : près de 290 000 F pour l’un d’entre eux en 1997 et près de 900 000 F pour un autre entre 1994 et 1998.

La Chambre observe que ce dessaisissement de fait des consultants extérieurs est peu propice à l’amélioration de la gestion que la direction municipale appelle, par ailleurs, de ses vœux en justifiant du recours à ces consultants.

Cette absence de cohérence dans la gestion des ressources humaines internes ou externes à la collectivité a, parfois, conduit à l’irrégularité dans le recrutement et l’administration de certains agents non titulaires.

OBS N° 3 - Ces situations de non-droit, entretenues par l’ordonnateur pendant plusieurs années, ont comme origine des recrutements, sans délibération préalable, du conseil municipal, donc sans titre.

Une lettre du 15 octobre 1998 du Préfet de la Corse-du-Sud attirait l’attention du maire d’Ajaccio sur cette situation en lui demandant d’y mettre fin. Elle précisait que 194 agents non titulaires avaient été ainsi recrutés, les contrats de seulement 15 d’entre eux ayant été soumis au contrôle de légalité, laissant ainsi les 179 autres agents contractuels dans un état total de non-droit, car recrutés et payés sans titre. Le Préfet précisait que la situation de ces personnels pouvait être régularisée sous l’empire des textes en vigueur (lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984).

Dans sa réponse à la Chambre, en reconnaissant cette situation, le maire précise que depuis, des mesures de régularisation ont été engagées et encore conduites à ce jour. Parmi elles, certaines ont, cependant, été contestées devant le juge administratif. Dans une décision du 17 août 1999, ce dernier a relevé que ces mesures apparaissaient " comme un moyen de faire échec tant au contrôle de légalité qu’à l’exécution des décisions de justice ; qu’au surplus, en prolongeant cette situation de non-droit, la collectivité est susceptible d’éprouver de graves difficultés pour obtenir le remboursement des rémunérations perçues ce qui risque d’entraîner de graves conséquences tant sur la gestion des deniers publics qu’au regard de la responsabilité encourue par l’ordonnateur ... ".

La Chambre ne peut que constater que la direction municipale n’a pas été attentive au respect des règles relatives au recrutement et à la gestion du personnel, ce qui place les personnes concernées dans la précarité juridique et sans perspectives de carrière. Elle a, de plus, attendu les observations du préfet pour se préoccuper de cette situation.

Ces pratiques sont révélatrices d’un manque de rigueur dans la maîtrise des dépenses publiques, dans la gestion des ressources humaines et dans le respect des principes de neutralité et d’objectivité de la fonction publique. L’absence de transparence des décisions publiques, les emplois ayant été créés sans délibération de l’assemblée délibérante, doit être également soulignée.

La juridiction attire l’attention de l’ordonnateur sur la nécessité de mettre fin, très rapidement, à ces situations de non-droit résultant d’une gestion du personnel durablement négligente. La mise en place d’un régime tant conforme aux dispositions légales que favorable aux finances de la commune et aux garanties des intéressés s’avère indispensable.

Au total, il apparaît que l’abondant effectif des personnels municipaux d’Ajaccio ne bénéficie pas d’une gestion rigoureuse. On ne peut être assuré, en outre, que la potentialité d’activité qui en résulte soit totalement mise au service de la population. Le coût de cet effectif, déjà très important en lui-même, ne peut donc apparaître que comme grevant exagérément le budget de la collectivité.

Dans sa réponse, le maire d’Ajaccio justifie, comme le faisait son prédécesseur, cette abondance de l’effectif par la situation économique de la Corse, la collectivité devant "...offrir, en tant que service public, une solution que le monde économique a du mal à produire : l’emploi."

Certes, mais il n’est pas moins vrai que des marges financières, issues d’une maîtrise d’un effectif correspondant aux besoins réels de la collectivité, auraient permis, à la fois, d’abonder des crédits d’investissements demeurés faibles, de diminuer le recours à l’emprunt, d’accroître le volume de la commande publique en direction des entreprises et, au final, de créer, sans doute, des emplois dans le tissu économique local marchand.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc