Le port d’Ajaccio a été classé le 30 décembre 1983 "port d’intérêt national". A ce titre, il relève de la compétence de l’Etat. Dès lors l’aménagement et l’exploitation d’un port de plaisance ne peuvent être accordés que dans le cadre d’une concession accordée par l’Etat, ce qui a été fait le 30 décembre 1983 pour une période de 50 ans. Dès lors concessionnaire de l’Etat, la ville doit mener l’exploitation du port de plaisance conformément à un cahier des charges fixant les responsabilités du concédant et celles du concessionnaire.

L’irrespect des obligations de ce cahier des charges par la commune, mais aussi par l’Etat, n’a pas contribué à rendre rigoureuse la gestion du port de plaisance, service public à caractère industriel et commercial (SPIC), exploité par la commune d’AJACCIO dans le cadre d’une régie directe.

En outre, sa situation financière s’est considérablement dégradée depuis le lancement, en 1989, d’une importante opération d’aménagement, au point d’obérer les finances de la collectivité dans son ensemble.

On note que, comme pour le stationnement, la ville d’Ajaccio a fait appel, pour la gestion du port de plaisance, et avec le même succès, aux deux sociétés d’économie mixte régionale et locale que sont la CORSAM et la SAEM Ajaccio Développement.

L’analyse financière du budget annexe du port a révélé un certain nombre d’anomalies. Elles résultent, tant de la dérive du plan de financement de l’opération d’aménagement, dont la maîtrise d’œuvre a été à l’origine déléguée par convention du 9 juin 1989 à la CORSAM, que de la gestion approximative du SPIC par la direction municipale.

La dégradation de la situation financière, le caractère approximatif et même l’irrégularité d’un certain nombre d’actes de gestion du port de plaisance ont été portés à la connaissance de la commune dans le cadre de deux audits réalisés depuis 1994 par le conseil financier de la commune.

Aucune mesure corrective significative n’a toutefois été prise par la commune avant l’exercice 1997.

L’exploitation du port fait, par ailleurs, l’objet d’un contentieux abondant et révélateur des défaillances de la commune dont la mauvaise gestion l’expose à la mise en œuvre par l’Etat, concédant, de la clause de déchéance prévue par le traité de concession.

La Chambre relève, enfin, que la commune n’a que très partiellement répondu à ses questions sur la gestion du port de plaisance et plus particulièrement sur l’importante opération d’aménagement, conduite par la CORSAM à compter de 1989. Notamment, la direction municipale n’a pas été en mesure d’établir le bilan financier de l’opération. La Chambre a, en conséquence, été conduite à le reconstituer.

1 - UNE OPERATION D’AMENAGEMENT NON MAITRISEE, INACHEVEE ET COUTEUSE POUR LE BUDGET COMMUNAL.

a- Un aménagement et sa gestion confiés à la CORSAM au moment même où la ville retirait, pour mauvaise gestion, à cette société sa délégation sur le parking Diamant.

OBS. n° 12 - En 1981, la ville confie à la CORSAM les études de faisabilité pour la réalisation du port de l’Amirauté, ancien nom du port Ch. Ornano. Remises en 1987, ces études ont conduit la ville, après délibération du 13 novembre 1987 l’autorisant, à passer une convention le 16 décembre suivant avec la même société pour "déterminer avec précision le montant de l’investissement prévisionnel et d’établir le compte d’exploitation du port".

Par délibération du 28 novembre 1988, le conseil municipal adopte le projet d’aménagement du port de plaisance ; le 12 mai 1989 (délibération n° 89/97), ce même conseil arrête le programme des réalisations et autorise le maire à signer, avec la CORSAM, la convention de délégation de maîtrise d’ouvrage pour réaliser les aménagements choisis.

Cette convention porte sur la réalisation de travaux maritimes pour accroître le nombre de postes d’amarrage, d’une digue de 225 m, d’une darse pour les élévateurs, d’une capitainerie, d’un terre-plein de carrénage, ainsi que les constructions suivantes, l’ensemble étant estimé à 63,591 MF :

un bâtiment commercial de 3150 m2 pour accueillir des commerces liés à la plaisance,

un hôtel 3 étoiles de 80 chambres,

un bâtiment de 1200 m2 destiné, notamment, à l’artisanat naval,

220 places de parking.

Cette convention a été signée le 9 juin 1988.

Or, on se souvient que par délibérations des 23 octobre 1987 et 8 février 1988, la commune résiliait le mandat de réalisation et de gestion de la CORSAM pour le parking Diamant (cf. ci-avant). Cette décision ne laissait aucun doute quant à l’appréciation négative de la direction municipale sur les prestations exécutées par cette société.

Pour ces raisons, on reste étonné que la commune ait, à nouveau et malgré une enveloppe financière nettement supérieure à celle consacrée au parking, contracté avec la CORSAM. En effet, dans ces conditions un risque financier était patent pour elle.

Les leçons du parking n’ont donc pas été tirées.

D’autant plus que la ville, dans ce dossier, avait procédé par étapes et que, avertie de la mauvaise gestion de la CORSAM, elle avait toutes possibilités de ne pas aller, avec elle, jusqu’à la délégation de maîtrise d’ouvrage, étape ultime de la confiance que l’on porte à un aménageur.

De surcroît, cette convention de délégation est intervenue dans des conditions contestables. En effet, si la délibération n° 89/96 a bien autorisé le maire à signer la convention, les termes de celle-ci n’ont pas été approuvés par le conseil municipal, le texte de la délibération ne le précisant pas. Ainsi, le maire ne pouvait signer seul cette convention sans accord de son conseil sur le contenu. L’article L 2122-22 du CGCT, qui fixe le cadre des délégations permanentes accordées au maire pour son mandat, dont se prévaut le maire pour justifier la signature de la convention, ne prévoient pas, en effet, de délégation en la matière.

Cette irrégularité n’a pas été sans conséquence sur l’engagement financier de la commune. En effet, si cette convention, et donc l’article 15 définissant ses modalités financières, avait été approuvé en conseil municipal, une éventuelle modification ultérieure aurait demandé a être arrêtée dans les mêmes formes et la surveillance naturelle du conseil municipal aurait pu s’exercer.

b- Des avantages financiers injustifiés et parfois irréguliers consentis à la CORSAM.

OBS. n° 13 - Or, ces modalités financières ont été modifiées, par avenant n° 1, dans un sens défavorable à la commune, le conseil municipal s’étant prononcé sur ces modifications, mais indirectement au travers d’une délibération sur la réalisation d’un emprunt pour le port et sans connaître la portée des dispositions d’origine qui ne lui avaient pas été soumises.

Originellement, en effet, l’article 15 prévoyait un préfinancement de l’opération par la CORSAM "pour le compte et pour ordre de la collectivité qui en doit le règlement", pour un montant de 23 MF sur 42 mois (fin 1991). Ce préfinancement est obtenu par un emprunt bancaire de 22 MF effectué par la CORSAM, mais garanti à 80 % par la commune et couvert, in fine, par elle qui devra, dans ce but, contracter un emprunt à long terme de même montant.

Non content d’éviter ainsi tout aléa de gestion à la CORSAM, la commune s’engage, en outre, à lui verser 10 % du montant TTC de l’enveloppe prévisionnelle (63,591 MF), soit 6,31 MF, effectivement mandatés en mai 1990.

Au total, quelques mois après le début des travaux, la CORSAM disposait de 28 MF de préfinancement garanti par la ville, soit 45 % du coût total de l’opération.

Or, dès avant l’échéance de l’arrêt du préfinancement par la CORSAM (fin 1991) les modifications apportées à l’article 15 de la convention par l’avenant n° 1 en date du 28 mai 1990 suppriment, dès cette date, l’obligation de la CORSAM d’avoir à pré-financer l’opération d’aménagement. De plus l’emprunt à long terme prévu à la convention, est immédiatement mobilisé par la commune, ses annuités étant prises en charge par le budget du port.

Ces modifications ont été demandées par le maire en arguant, d’une part, "du coût élevé du préfinancement évalué à 5,5 MF" et, d’autre part, de "nouvelles perspectives de recettes". On pouvait comprendre, alors, que ces recettes, meilleures que prévues, pouvaient permettre d’arrêter, de façon anticipée, un préfinancement qui s’avérait être coûteux.

Or, sans précision aussi bien sur l’évaluation du coût du préfinancement que sur la nature et l’importance des nouvelles recettes annoncées (on note, à cet égard, qu’aucune correction du plan de financement initial n’a été pratiquée pour en tenir compte), l’arrêt du préfinancement ne paraît pas fondé et la mobilisation de l’emprunt à long terme, prématurée.

L’allègement, de fait et injustifié, de la charge financière de la CORSAM qui résulte de ces modifications, apparaît véritablement comme une mesure destinée à soutenir financièrement cette société, dont la ville est actionnaire majoritaire, et qui vient d’être évincée du service public du stationnement.

D’ailleurs (voir ci-après), aucune "recettes nouvelles" n’a été au rendez-vous et les recettes prévisionnelles ont été, de surcroît et notoirement, insuffisamment réalisées et recouvrées, ce qui a nécessité un apport du budget de la commune au budget du port.

Comme pour le service public du stationnement, la Chambre s’interroge sur ces mécanismes juridico-financiers mis en place avec cette société, alors qu’une action directe de la commune aurait été plus simple puisqu’elle en supportait déjà l’essentiel du coût.

De surcroît, l’allègement financier au bénéfice de la CORSAM, pratiqué par l’avenant n° 1 à la convention, s’est complété par une majoration de 0,7 % de la rémunération de la société (qui passe ainsi de 4 à 4,7 % du coût de l’ouvrage) par l’avenant n°2 signé le 17 novembre 1992.

Selon son texte, cet avenant n° 2 a été passé en exécution de la délibération n° 92/23 du 22 janvier 1992 qui révise le montant prévisionnel des travaux d’aménagement du port porté, ainsi, de 63,591 MF à 69,131 MF.

Or, la délibération n° 92/23 ne prévoit aucune disposition portant sur la rémunération du délégataire. C’est donc sans autorisation du conseil municipal que le maire a signé l’avenant n° 2.

Dès lors, la rémunération de la CORSAM a été, dans un premier temps, régulièrement augmentée du fait de la révision du coût de l’opération et, dans un deuxième temps, irrégulièrement majorée de 0,7 %. Cette société a donc irrégulièrement perçu un montant de plus de 0,5 MF.

Malgré les divers avantages financiers ainsi octroyés à la CORSAM par la commune, sans justification ou irrégulièrement, cette société n’a pas su mener les travaux à bonne fin. Du fait du délégant ou du fait du délégataire, les coûts ont, en outre, dérivé dans de larges proportions, des recettes ont été perdues, le tout conduisant à l’irrespect des objectifs d’autofinancement de l’opération fixés par la commune en 1988, lors du lancement de l’opération.

c- Une révision financière insincère, des recettes perdues, un budget communal sans cesse sollicité, une résiliation du mandat de la CORSAM remplacée par la SAEM Ajaccio Développement, un projet toujours inachevé, des coûts à la dérive, un déséquilibre financier conséquent...

c1- Un plan de financement révisé de façon insincère et imprudente.

OBS. n° 14 - La révision du plan de financement a été décidée par la délibération n° 92/23 du 22 janvier 1992 qui a servi, par ailleurs, à tort comme on l’a vu, de base à la signature de l’avenant n° 2 à la convention de 1988 passée avec la CORSAM.

Le plan de financement initial des 63,6 MF TTC (dont 5,3 MF de TVA et 0,130 MF de frais financiers, soit 58,1 MF HT) nécessaires à la réalisation des aménagements projetés, prévoyait (en coûts HT déterminés par la délibération du 12 mai 1989) :

22 MF d’emprunts contractés par la CORSAM, financés par l’exploitation du port,

33,8 MF de recettes en provenance des cessions de droits d’usage et d’installation,

2 MF de subvention de la Collectivité territoriale de Corse et du département de la Corse-du-Sud,

0,867 MF de participation de la commune d’Ajaccio prélevée sur son budget.

Aux termes de la délibération de 1989, le budget de la ville d’Ajaccio ne devait donc participer que marginalement au financement du projet, celui-ci devant s’autofinancer par les recettes de cessions ou locations d’installations et par l’exploitation du port permettant "...de faire face aux dépenses (d’exploitation) et d’amortir les charges des nouveaux emprunts."

Le coût total HT du plan d’opération révisé passe alors de 58,1 MF à 60,8 MF, soit 69,1 MF TTC contre 63,6 MF. Le coût des travaux supplémentaires de superstructures est en partie compensé par la réduction des travaux maritimes. S’y ajoutent l’incidence de la TVA sur les modifications ainsi apportées (+0,7 MF) et, surtout, +2,3 MF de frais financiers contre 0,139 MF inscrits au plan initial. La participation de la ville est portée à 1,266 MF.

La délibération propose de financer ce surcoût, essentiellement, par l’augmentation des recettes attendues des cessions de droits qui passent de 33,8 à 38,3 MF. A l’égard de l’équilibre du plan ainsi révisé, le maire précise que " le bilan financier révisé, bien qu’il soit en augmentation de 8 %, est équilibré aux conditions initiales, les participations des collectivités et les emprunts restant aux mêmes valeurs ".

Or cet équilibre n’est qu’apparent, des recettes prévues au plan révisé étant surestimées comme les droits d’entrée dans les locaux. Par ailleurs, des recettes initialement prévues restent inscrites, alors que plus de deux ans après le commencement des travaux et moins d’un an après leur achèvement prévisionnel, les conditions de leur mobilisation ne sont pas encore réunies. Ainsi, aucun arrêté d’attribution des subventions attendues n’était encore pris par les collectivités bailleresses. De même, le maintien de l’inscription des recettes liées à la construction de l’hôtel, alors que celle-ci n’était pas commencée, était largement imprudent. Ainsi, une analyse plus poussée du financement devait être engagée pour faire face à l’éventualité, qui se dessinait, d’une perte de certaines recettes

Cette imprudence doit être relevée, mais l’insincérité caractérisant l’évaluation de l’augmentation des recettes des droits d’entrée dans les locaux (+ 4,5 MF) est nettement moins compréhensible.

En effet, selon la délibération, cette majoration des recettes est obtenue par "...l’agrandissement des surfaces construites, le prix de vente unitaire n’ayant pas varié.". Or, cet agrandissement n’a porté, en fait, que sur les locaux commerciaux dont la superficie à été effectivement portée de 3 150 m ? à 3 277 m ?, soit une augmentation de 127 m ?. Valorisée au prix de vente unitaire, initialement arrêté à 7 000 F/HT/m ?, chiffre qui n’a donc pas été modifié, cette superficie complémentaire ne peut rapporter que 0,889 MF et non les 4,5 MF annoncés.

La recette attendue est donc insincère à hauteur de 3,6 MF.

Mais plus grave, le déséquilibre financier ainsi né des approximations du plan de financement, et jusque là latent, est apparu dans toute sa négative réalité à la fin de 1992.

c2- Un bilan d’étape négatif malgré l’intervention financière continue et massive de la ville.

OBS. n° 15 - A cette date, en effet, alors que les bâtiments commerciaux et artisanaux sont réalisés à l’exception de l’hôtel, la CORSAM a cessé son activité, comme cela a été indiqué dans le chapitre ci-avant, consacré à l’analyse du service public du stationnement.

Ce fût l’occasion de tirer un premier bilan de l’opération, qui a été réalisé, au début de 1993, par le cabinet FININDEV, conseiller financier de la ville.

Les principales conclusions de cet audit son contenues dans le tableau suivant, issu du rapport, qui met en évidence une très importante dégradation financière de l’opération :

En Francs

Nature des financements Montants prévus au plan de financement Montants réalisés Ecarts

Subventions 2 000 000 0 - 2 000 000

Emprunts 22 000 000 22 000 000 0

Droits d’installation 38 346 000 13 464 313 - 24 881 687

Participation de la ville

Initiale 1 266 000 20 204 841 + 18 938 841

Autres recettes nécessaires 0 10 118 143 + 10 118 143

TOTAL 1 266 000 30 324 984 + 29 056 984

TOTAL GENERAL 63 612 000 65 789 297 + 2 177 297

Ce bilan d’étape est accablant pour le gestionnaire de l’opération et, par conséquent, extrêmement lourd pour les finances communales qui sont venues compenser ses pertes :

la commune a versé 29 MF de plus que les 1,266 MF qui avait été mis à sa charge dans le plan de financement initial,

les recettes des droits d’installation présentent un déficit de 24,9 MF, les 2 MF de subvention ne sont toujours pas versés.

Dès lors que les deux plus importantes recettes prévues en compensation des investissements réalisés, la cession des droits réels sur les locaux commerciaux et les recettes d’amodiation du port au regard de la charge d’emprunt, n’étaient pas au rendez-vous, le déséquilibre financier de l’opération ne pouvait que s’accélérer et la commune être d’autant plus sollicitée. L’absence d’une situation financière, qui aurait été établie lors de la délibération du 22 janvier 1992 fixant le plan de financement révisé et l’insincérité de ce dernier, prennent ici toute leur signification.

Dans cette affaire, on note, également, qu’il aura fallu un an à la commune pour constater juridiquement la défaillance de son délégataire. En effet, l’arrêt de fait de la mission de la CORSAM datant de la fin de 1992, la signature de l’avenant n° 3 à la convention de 1989, portant résiliation de la mission confiée à la CORSAM avec effet rétroactif au 31 décembre 1992, n’est intervenue que le 25 janvier 1994 (délibération du 6 décembre 1993).

Par délibérations n° 93/107 bis du 6 décembre 1993 et n° 94/83 du 28 juillet 1994, la commune confie à la SAEM Ajaccio Développement (SAEM AD), par un cheminement identique à celui qui avait prévalu lors de la déchéance de la CORSAM de son mandat de gestion du service du stationnement, la fin de la réalisation des travaux du port et la commercialisation des locaux et postes d’amarrage. Une convention est passée avec cette société le 23 septembre 1994.

Lors de la délibération (n° 93/11 du 26 janvier 1993) ayant conduit au choix ultérieur de la SAEM AD comme successeur de la CORSAM, et au moment même où les premiers éléments du déséquilibre de l’opération, tels que présentés ci-avant, étaient patents, il est étonnant de constater que le décalage budgétaire ainsi mis en évidence n’a eu aucun effet sur le discours du maire devant son conseil municipal. Ce dernier affirmait ainsi que "le service (du port de plaisance) a la capacité financière d’assurer son grand équilibre comptable avec le remboursement de l’emprunt".

Le décalage budgétaire constaté se doublait ainsi d’un décalage entre le discours et le réel.

La SAEM AD s’est acquittée de la mission que lui avait confiée la ville en réalisant les investissement demandés lors de sa désignation et en engageant la commercialisation des locaux et des postes d’amarrage.

Comme cela a été indiqué dans le chapitre précédent, cette société à mis un terme à ses activités à la fin de 1995.

Par la suite, la commune a confié, après appel à la concurrence, par conventions de 1995 et de 1996, la commercialisation des locaux et anneaux du port à une agence immobilière privée d’Ajaccio.

Cette période nouvelle dans la gestion du port, qui va de 1995 à nos jours, n’a été guère différente des précédentes en ce qui concerne le déséquilibre financier, désormais structurel, du port de plaisance.

La commune, qui avait déjà perdu des recettes, a poursuivi dans cette voie, aggravant les déficit, alourdissant la charge du port sur le budget communal, le tout conduisant à un bilan très négatif de l’opération tel qu’il a été déterminé au 31 décembre 1998.

C’est ce bilan qui est maintenant abordé.

c3- Des recettes perdues, une importante dérive des coûts, un projet inachevé obérant gravement les finances communales et un bilan financier, au total, très négatif.

OBS. n° 16 - Le bilan d’une opération de ce type, qui permet de mesurer l’efficacité et l’efficience des décisions prises par la direction municipale, s’apprécie au regard de la réalité des aménagements programmés, de leurs coûts et des recettes attendues pour équilibrer financièrement le projet.

Au plan des réalisations physiques, force est de constater que, au 31 décembre 1998, le programme initial n’a pas été respecté, des ouvrages n’ayant pas été réalisés :

 la digue Nord-Est,

 l’allongement du quai Nord-Est,

 l’hôtel 3 étoiles de 80 chambres,

 le parking de 200 places.

Cette carence a bien sûr fortement pesé sur l’équilibre financier final de l’opération puisqu’une partie non négligeable des recettes qui étaient liées à ces équipements ont été, de fait, totalement perdues.

Tout d’abord, il se confirme que, comme cela apparaissait déjà lors du bilan intermédiaire de la fin de 1992, les subventions des collectivités (2 MF) sont définitivement perdues, la collectivité n’ayant pas engagé l’action nécessaire auprès des bailleurs pour finaliser les intentions du plan de financement. Par ailleurs, l’hôtel n’étant pas construit, les droits d’entrée prévus à ce titre, soit 2,5 MF, n’ont pas été perçus.

Ce sont donc, au total, 4,5 MF de recettes qui ont été perdues, soit 7 % du coût total initial du projet.

Au-delà de cette perte directe, ces abandons d’équipements ainsi que les retards constatés dans la réalisation des autres, vont avoir d’autres conséquences financières, aussi bien en termes de recettes d’investissement que de recettes d’exploitation. L’imbrication de ces conséquences fait que leurs analyses ne peuvent être dissociées, ce qui explique leur présentation dans le présent chapitre.

En effet, les abandons et les retards caractérisant les équipements du port, ont conduit les commerçants et artisans, installés dans les locaux commerciaux réalisés à partir de 1993, à ne plus verser, par décision unilatérale, ni les droits d’entrée, ni les loyers correspondant aux locaux pris à bail. Quel que soit le bien fondé des revendications des commerçants du port, ces derniers n’avaient, toutefois, aucun droit à suspendre unilatéralement le paiement de leurs droits d’entrée et leurs loyers.

Ce contentieux s’est développé au fil du temps et, après de longues et difficiles négociations entre les commerçants et la ville, cette dernière a consenti la signature d’un protocole d’accord en décembre 1996, après que le conseil municipal l’ait adopté par une délibération du 9 décembre 1996.

Cet accord reconnaissait la responsabilité de la ville dans la situation dénoncée par les commerçants et, en contre-partie de l’abandon, par ces derniers, de toute procédure contentieuse et du paiement des sommes retenues, réduisait de 50 % le montant des loyers initialement fixés, cette mesure étant rétroactive au 1er janvier 1992.

Ces loyers passaient ainsi de 500 à 250 F/HT/m ?.

Ce protocole appelle trois observations.

 D’une part, il a été adopté par le conseil municipal sans avoir été préalablement soumis, comme la réglementation l’exige, tant à l’autorisation du concédant, l’Etat, qu’à l’avis du conseil portuaire. Il apparaît que, compte tenu du déséquilibre financier qu’il introduisait dans la gestion du port, le respect de ces obligations aurait, sans nul doute, significativement modifié l’information du conseil dont le sens du vote aurait pu, alors, être différent.

 D’autre part, l’absence de réactivité de la commune qui a laissé se développer un contentieux, pendant de longs mois sans solution, a contribué à aggraver les difficultés de trésorerie du port et, par voie de conséquence, la dérive du coût du projet d’aménagement (voir ci-après).

 Enfin, ce protocole est financièrement coûteux, aussi bien en fonctionnement qu’en investissement.

En effet, en fonctionnement, l’abandon d’une partie des loyers vient directement peser sur le budget du port. La direction municipale n’a pas été en mesure de préciser les conséquences financières de cet accord et notamment de chiffrer le manque à gagner qui en résulte.

Toutefois, selon les informations communiquées par le trésorier de la commune, la perte de recettes s’élèverait à 5,5 MF.

En investissement, ce protocole a également eu un effet négatif indirect sur les recettes des droits d’entrée. A la fin de 1998, le produit des droits d’entrée inscrit dans la comptabilité du port en compte de tiers (créances) est de 31,4 MF, en supposant cependant que les locaux restant à commercialiser le soient effectivement (1,94 MF à ce seul titre). Or, le produit attendu des droits d’entrée par le plan de financement était de 33,19 MF, soit une différence de 1,79 MF avec l’inscription comptable.

Dans sa réponse, le maire justifie cet écart par la révision, à la baisse, de la surface utile des locaux cédés, comme l’article 5 du protocole de 1996 en ouvrait la possibilité, dans la mesure où la surface réelle des lieux serait inférieure à celle indiquée dans le bail initial.

Outre le fait que l’importance de la correction semble montrer qu’une large part des locaux pris à bail l’avaient été sur la base de surfaces erronées, il apparaît que cette correction a été pratiquée sans fondement, l’article 5 du protocole ne mentionnant qu’indirectement les droits d’entrée. Son objet est, essentiellement, la mise en place d’une procédure de régularisation des loyers impayés.

Enfin, le protocole de 1996 est d’autant plus préjudiciable aux intérêts de la commune qu’il autorise un échelonnement de la dette des débiteurs du budget annexe du port de plaisance. Cette stipulation n’est pas en effet de nature à améliorer la trésorerie de la collectivité.

Ainsi les recettes perdues par la commune, pourtant utiles au financement autonome des investissements réalisés sur le port et nécessaire à l’équilibre de son exploitation, peuvent être, au total estimées à près de 12 MF.

Si des recettes ont été perdues d’un côté, le coût des investissements réalisés a connu, de l’autre, une dérive très significative, surtout si l’on tient compte de l’abandon d’un certain nombre d’équipements programmés (voir ci-avant). En effet, cet abandon n’a pas, paradoxalement, contribué à réduire la charge financière totale. De plus, la commune a pris directement en charge des équipements, pourtant programmés dans le plan d’aménagement, comme la réalisation de la panne G (différée du fait de la découverte d’une épave ayant un intérêt archéologique) qui, à elle seule, a coûté 1,65 MF.

En l’absence d’un bilan financier, actualisé, de cette opération d’aménagement, son coût au 31 décembre 1998, a toutefois été reconstitué par la Chambre, tel que présenté par le tableau ci-après :

En MF Source : Documents financiers et rapport d’audit - Présentation : Chambre des comptes

NATURE DES DEPENSES MONTANTS TTC

Travaux facturés à la CORSAM 52,094

Travaux réalisés par la SAEM AD 5,320

Travaux réalisés par le port lui-même 4,212

Travaux pris en charge par la commune (panne G) 1,782

1) SOUS-TOTAL TRAVAUX 68,408

2) SOUS-TOTAL Rémunérations de la CORSAM et de la SAEM AD 4,648

Coût financier du découvert bancaire CDC 1,979

Intérêts échus des emprunts 4,7

Coût des avances de trésorerie consenties par la ville 12,170

Intérêts des emprunts restant à payer au 31/12/98 11,331

3) SOUS-TOTAL FRAIS FINANCIERS 30,18

4) COUT TOTAL 98,236

Ainsi, avec un coût total estimé à 98,236 MF au 31 décembre 1998, la prévision révisée en 1991 égale à 69,1 MF (voir ci-avant), est dépassée de plus de 42 % en francs courants, soit nettement plus que la dérive monétaire (16 % sur la même période).

Comme le service public du stationnement, le service public du port est donc très coûteux pour la commune qui dispose, certes d’un équipement, mais dans des conditions financières très nettement supérieures à celles qui avaient été projetées et à un niveau de réalisation nettement inférieur à la même prospective.

Selon les déclarations du maire lors du lancement des deux opérations d’aménagement, ces deux services devaient s’équilibrer, chacun, en recettes et en dépenses. Or, le déséquilibre financier des équipements est patent et celui de l’exploitation est très préoccupant.

2 - UNE GESTION APPROXIMATIVE, PARFOIS IRREGULIERE, CONDUISANT A UN DESEQUILIBRE FINANCIER CONSEQUENT ET STRUCTUREL.

a- Un suivi de gestion très insuffisant, des dysfonctionnements connus mais tardivement pas ou peu corrigés.

OBS. n° 17 - Le rapport d’audit, déjà évoqué, du conseil FININDEV présenté à la direction municipale en 1994, porte un regard très critique sur la gestion du port de plaisance, souligné par cet extrait : "C’est au stade de la gestion que se situe l’essentiel des problèmes financiers rencontrés. Le suivi de gestion entre les différents acteurs n’est, à aucun moment, facilement recoupable. Nous n’y sommes pas parvenus..."

La Chambre, qui fait le même constat et qui a rencontré les mêmes difficultés de recoupement fait sienne cette analyse et observe, pour avoir porté le regard sur ces dysfonctionnements quelque quatre années après le cabinet conseil, que la situation n’avait guère évolué depuis.

Les charges de personnel continuaient de s’alourdir depuis 1990, la période 1995-1998 présentant même une augmentation (en franc courant) de plus de 63 %.

Il en est de même de l’organisation du plan d’eau qui est largement insuffisant du fait de l’application de procédures, internes au port mais divergentes entre le maître de port, le responsable de l’accueil ou celui de la comptabilité. Ainsi le contrôle des bateaux n’ayant pas payé leur taxe d’amarrage ne présente aucune fiabilité, l’absence d’information sur les propriétaires des unités empêchant, par ailleurs et de surcroît, le contrôle des taxes effectivement payées et le recouvrement forcé des impayés.

Quant au paiement des redevances annuelles, la Chambre, comme le cabinet conseil, a constaté que les titres de recettes des taxes d’amarrage, des droits d’entrée dans les locaux et des loyers n’étaient émis que très tardivement dans l’année. Ainsi, pour 1997, l’émission de ces titres s’est étalée de juillet à décembre et, pour 1998, les mêmes titres n’étaient pas encore émis au mois d’octobre.

Cette situation, défavorable aux finances communales, est de surcroît contraire aux dispositions de l’article 38 de la convention de concession d’exploitation du port, qui prévoit le paiement d’avance des redevances.

Dans sa réponse, le maire indique qu’il a "...dès le mois de janvier 1997, engagé les procédures adéquates pour parvenir à l’expulsion d’ occupants sans titre, récalcitrants, du domaine public maritime". Il précise, par ailleurs, que sa "détermination à faire appliquer le droit pour parvenir à une gestion normalisée de sa concession" se heurte à la lourdeur des services administratifs de l’Etat chargés des poursuites. Il précise, enfin que, depuis 1999, les procédures internes à la gestion du port ont été redéfinies.

La Chambre prend acte de cette volonté de la direction municipale d’orienter ses pratiques vers une gestion normalisée, mais constate que c’est bien tardivement qu’elle y a procédé, alors qu’elle connaissait la nature et les conséquences de ces dysfonctionnements depuis plusieurs années.

Encore une fois, son manque de réactivité provoque les difficultés financières des services publics dont elle a la responsabilité. Cette inactivité est d’ailleurs patente dans le cas du traitement du dossier concernant la station d’avitaillement en produits pétroliers du port, cité ici à titre d’exemple des pratiques de gestion approximatives de la commune.

Le 25 mars 1980, une délibération du conseil municipal attribuait, sur un emplacement de 250 m2 et pour une période de 15 ans (terme : 2 septembre 1995) la sous-concession de la station à Mme Martinetti. Cet emplacement est apparu assez rapidement provisoire.

Le transfert de la station, sur un autre emplacement, a donc été opéré et, par lettre du 14 avril 1987, le maire constatant, de ce fait, une interruption de l’exploitation, décidait en compensation :

d’augmenter la surface de la sous-concession de 250 à 500 m2,

d’autoriser la vente d’autres produits que les seuls produits pétroliers,

de proroger la durée de la concession de 7 ans, avec un nouveau terme au 2 septembre 2002.

Quelque temps après, les travaux d’aménagement du port, évoqués ci-avant, sont entrepris, mais l’avitaillement n’a été véritablement concerné par ces travaux que lors de la construction par la commune, en 1997, de la panne G dans le périmètre de la sous-concession.

L’exploitant considérait alors que la panne G amputait sa sous-concession "d’une quinzaine de mètres de bord de quai" et estimait que "cette nouvelle atteinte aux conditions d’exploitation de la station est de nature à perturber définitivement l’équilibre de la concession dès lors que ces travaux rendent impossible l’accostage des bateaux pour ravitaillement".

En conséquence, il assignait la commune d’Ajaccio en référé le 5 décembre 1997. Le 10 février 1998, une ordonnance du président du tribunal de grande instance d’Ajaccio, confirmée le 16 juin 1998, rendait une décision favorable à l’exploitant et condamnait la ville à une astreinte journalière de 5 000 F. Le Tribunal des conflits a toutefois annulé les procédures engagées par l’exploitant et les ordonnances prises par le président du TGI d’Ajaccio, ainsi que celle de la Cour d’Appel de Bastia du 21 janvier 1999.

Sans s’immiscer dans une procédure judiciaire en cours, la Chambre relève certaines anomalies de gestion dans cette affaire :

la lettre du maire du 14 avril 1987 est irrégulière, car de telles modifications substantielles auraient dû faire l’objet d’un avenant au traité de sous-concession, adopté par le conseil municipal,

avant de projeter, puis d’entreprendre la construction de la panne G, il aurait été de bonne gestion de s’assurer que cette installation ne modifierait en rien l’exploitation de la station d’avitaillement, alors implantée depuis 10 ans,

en tout état de cause, si cette panne ne pouvait être implantée ailleurs, la recherche d’une solution négociée avec l’exploitant aurait été respectueuse des intérêts bien compris des deux partenaires.

Dans sa réponse, le maire reconnaît l’absence de validité de la lettre du 14 avril 1987, mais en invoquant l’adage selon lequel "nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes". Il tend ainsi, par une analyse contraire au sens habituellement donné à cet adage, à contester, à tort, les modifications que la lettre de son prédécesseur introduisait dans le traité de sous-concession et, pourtant, entrées dans les faits. Il conteste aussi la capacité à agir de l’exploitant qui ne le serait plus depuis 1995. L’exploitant devient alors " transparent " pour la commune. Cette transparence, ainsi conférée à l’exploitant, apparaît nettement lorsque la ville accepte un traité de sous-concession, en 1983, avec un distributeur pétrolier concurrent assorti d’une exclusivité, condamnant, par la même, toute autre sous-concession.

Alors que le 2 mai 1994, le responsable du port proposait au maire une solution négociée susceptible de mettre un terme aux difficultés d’exploitation de la sous-concession, à conclure, au plus tard, au moment de l’installation de la panne G, on constate que, 6 ans après, aucune négociation n’est venue mettre un terme à ce contentieux.

La commune s’expose alors au risque d’une réparation financière conséquente par voie judiciaire.

b- Une gestion irrégulière au regard des termes de la concession et du code des ports maritimes.

OBS. n° 18 - Un certain nombre de dispositions, parfois substantielles, de la convention de concession portuaire ne sont pas observées par la commune. De nombreuses irrégularités affectent la gestion de la concession, d’autres obèrent le bon fonctionnement des installations portuaires. La Chambre note à cet égard, que ce sont ses questionnements, adressés, aussi bien à la commune qu’à la DDE de la Corse-du-Sud représentant l’Etat concédant, qui ont provoqué la tenue d’une réunion des deux parties le 19 janvier 1999. Les dysfonctionnements constatés ont alors été validés.

C’est ainsi que la commune ne respecte pas les dispositions de l’article 43 de la concession relatives aux " comptes et budgets " qui prévoient que le concessionnaire et chaque sous-traitant autorisé, doivent adresser à l’autorité concédante les budgets primitifs et les budgets exécutés de la concession et des services sous-traités.

Or, aucun de ces documents comptables, qui doivent comporter le bilan, le compte d’exploitation, le compte de résultats, le compte de financement des opérations en capital et l’état du fonds de réserve, n’ont été remis à l’autorité concédante depuis de nombreuses années.

Le maire précise à cet égard que " la comptabilité M12 ne permet pas à l’ordonnateur de fournir au délégant les états comptables contractuels ". La nomenclature budgétaire M12 des budgets des communes est en effet inappropriée au budget d’un service public à caractère industriel et commercial dont les opérations doivent être décrites par une comptabilité spécifique permettant de répondre aux obligations de la concession.

La commune ne respecte pas, non plus, les dispositions de l’article 2 relatif à la fraction du nombre total des postes d’amarrage (20 %) qui doit être réservée aux usagers de passage et aux usagers en escale. En n’en prévoyant pas, elle se prive ainsi d’une source substantielle de recettes.

Le fonctionnement de la concession portuaire pourrait, dès lors, incontestablement être amélioré, en vue d’offrir un meilleur service aux usagers et/ou d’apporter une plus grande rentabilité économique, par le respect des dispositions du cahier des charges.

Dans sa réponse, le maire indique qu’une comptabilité conforme à la réglementation sera prochainement mise en œuvre, de même que la réservation de places pour les usagers de passage est mise à l’étude.

La Chambre prend acte de cette décision dont l’effectivité de la mise en œuvre sera examinée lors d’un contrôle ultérieur.

OBS. n° 19 - Les dispositions du code des ports maritimes notamment ses articles R 141-1, R 134-1 relatifs au conseil portuaire et aux modalités de la tarification font partie intégrante du cadre juridique de l’exploitation du port de plaisance Ch. ORNANO. Elles ne sont pas, elles non plus, observées par la commune.

Ainsi, aucune réunion du conseil portuaire n’a eu lieu de 1992 à 1998 : or c’est précisément à partir de l’exercice 1992 que la situation financière du port s’est considérablement dégradée. Cette interruption pendant 6 années du fonctionnement du conseil portuaire est contraire aux dispositions de l’art. R 141-3 précité aux termes duquel "le conseil portuaire se réunit au moins deux fois par an". Elle n’a pas permis au concessionnaire de faire valoir son point de vue et présenter ses observations sur une situation qui appelait une attention particulière et des solutions vigoureuses.

Ce n’est que le 20 mars 1998 que le conseil portuaire a été de nouveau réuni, certes à l’initiative de l’ordonnateur, mais bien tardivement compte-tenu de la situation financière dégradée du budget annexe.

Enfin, le conseil portuaire devant être obligatoirement saisi par l’ordonnateur des projets de budget et d’augmentation de la tarification portuaire, il en résulte que les délibérations adoptant les budgets et modifiant la tarification ont été pendant plusieurs années irrégulières.

Dans sa réponse, le maire précise que c’est à son initiative, que le Préfet de la Corse-du-Sud a pris, en 1997, un arrêté complétant la composition des membres du conseil portuaire, ce qui a permis sa réunion en 1998.

La Chambre prend acte de cette information, mais note le caractère tardif de l’initiative, tout en soulignant, pendant la même période, l’absence de réaction des services de l’Etat concédant.

Une fois encore, la Chambre observe que l’ensemble des dysfonctionnements constatés obère plus encore la situation financière du port, déjà dégradée depuis plusieurs années. Ceci n’a pu échapper à la direction municipale, mais est resté sans solution, malgré sa volonté, bien tardive au demeurant, d’y remédier.

Dans ce domaine comme dans d’autres, la Chambre ne manquera pas, lors de contrôles ultérieurs, de vérifier si l’intention a valu action.

c- Un budget présentant un profond déséquilibre financier, exposant la commune à la mise en jeu, par l’Etat, de la clause de déchéance.

OBS. n° 20 - Le budget annexe du port connaît une situation de déséquilibre structurel qui rend notamment nécessaire le remboursement des annuités des emprunts, souscrits massivement du fait de l’absence d’autofinancement de l’opération d’aménagement, par le budget principal de la commune. Aucune véritable amélioration, compte-tenu de l’évolution des annuités de remboursement et à défaut d’une forte augmentation de la tarification portuaire, n’est attendue à cet égard avant 2005.

S’agissant d’un service public industriel et commercial et par delà la question de sa légalité, la nécessité de cette contribution du budget principal constitue une anomalie substantielle de gestion : le conseil municipal accepte, en effet, de faire supporter par le contribuable ajaccien, en lieu et place des usagers du port, la quasi-totalité du coût des investissements réalisés dans le cadre de l’aménagement du port de plaisance C. ORNANO.

De surcroît, dans son avis n° 99/21-22 du 29 juin 1999 la Chambre a constaté que le déséquilibre de la section d’exploitation du budget annexe pour 1999 du port de plaisance s’élevait à 11,6 MF.

Cet important déséquilibre résulte des effets conjugués de l’antériorité et/ou de la fragilité juridique d’un montant important de restes à recouvrer (du fait notamment de l’absence ou de l’imprécision d’un certain nombre de contrats d’amarrage) d’une part, et de la mise en place du protocole transactionnel de décembre 1996 passé avec les occupants des locaux commerciaux, d’autre part. En conséquence, un certain nombre de titres de recettes, pour un montant total de 11,6 MF, ont été admis en non-valeur à hauteur de 6,1 MF et annulés pour un montant de 5,5 MF.

L’absence de recettes additionnelles et l’interdiction de la prise en charge de dépenses de fonctionnement par le budget principal rendent impossible, sur un exercice budgétaire, l’équilibre réel de la section d’exploitation du port.

C’est la raison pour laquelle l’ordonnateur a fait adopter par son conseil municipal, par délibération en date du 28 décembre 1999, un plan pluriannuel de redressement du budget annexe du port.

Cela démontre, certes, la volonté de la commune de rechercher les voies d’un apurement de la situation. Cependant, sans préjuger de la légalité des mesures adoptées par la commune et du sens de l’avis budgétaire que la Chambre pourrait être conduite à rendre sur le budget 2000 du port, il apparaît que la solution retenue conduit à étaler l’apurement sur une durée de 30 ans. Cette période excède très largement la durée de la concession, sans obtenir les ressources nécessaires à l’investissement de maintenance des installations ou aux investissements nouveaux.

En tout état de cause, il est permis de penser que la clause de déchéance prévue par l’art. 43 du traité de concession du port pourrait être mise en jeu par l’Etat, concédant. Elle viendrait sanctionner l’impasse dans laquelle la mauvaise gestion de la commune a mené la régie du port de plaisance Ch. ORNANO.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc