Le coût des services d’incendie et de secours par habitant et par an au district de Bastia est très supérieur à la moyenne nationale : désormais proche de 400 F par an et par habitant contre 230 francs par an et par habitant en moyenne nationale, cette moyenne nationale étant il est vrai assez faible comparée à celle d’autres pays européens.

C’est la gestion des sapeurs-pompiers du district et les efforts d’investissement réalisés qui expliquent l’écart avec la moyenne nationale plus que la nature des interventions des pompiers du district comme l’indique le tableau ci-dessous. Celui-ci montre en effet une grande stabilité dans la nature des interventions, avec une baisse notable des sorties sans intervention ou des fausses alertes. Plus qu’ailleurs, les sapeurs-pompiers de Bastia sont des " combattants du feu " : l’intervention sur les feux constitue 24 % des interventions ce qui représente plus du double de la moyenne nationale (11 % des interventions).

Répartition par catégories des interventions des sapeurs-pompiers de Bastia

catégories d’intervention 1989 1995 variation

nombre % nombre %

feux de forêts ou de maquis 316 8,8% 323 9,1% 2,2%

feux bâtimentaires 58 1,6% 67 1,9% 15,5%

autres feux 322 9,0% 404 11,4% 25,5%

secours routiers 366 10,2% 358 10,1% -2,2%

secours à victimes ou assimilés 1007 28,1% 1274 35,8% 26,5%

opérations et services divers

(donts sorties sans intervention et fausses alertes) 1518 42,3% 1133 31,8% -25,4%

TOTAL 3587 3559 -0,8%

sources : rapport de l’inspection de la sécurité civile.

1. LA GESTION DU CORPS : UNE MISE EN ŒUVRE INCOMPLETE ET TARDIVE DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE L’INSPECTION DE LA SECURITE CIVILE DE 1997

Les observations de l’inspection de la sécurité civile (ministère de l’Intérieur) sur le CSP (centre de secours principal) de Bastia, à la suite d’une mission d’audit du 18 au 22 octobre 1996, ont été portées à la connaissance du président du district au début de l’année 1997. La mission avait été effectuée à la demande du président du district en raison d’une grève administrative des sapeurs pompiers se prolongeant depuis plusieurs mois. La chambre a considéré utile de fonder son examen sur ce document.

1.1. Le CSP de Bastia se caractérise par des effectifs nombreux

L’effectif du corps n’a cessé de se renforcer : 70 sapeurs pompiers professionnels, 33 sapeurs pompiers volontaires et 2 personnels administratifs constituent en décembre 1999 l’effectif disponible au CSP de Bastia. Cet effectif est plus important que celui observé en 1996 dont le rapport de l’inspection de la sécurité civile avait pu observer que " avec un ratio de 1,246 sapeurs-pompiers professionnels pour 1000 habitants (défendus en 1er appel), le CSP de Bastia se situe dans le haut de la fourchette nationale qui varie de 0.6 à 1,2 ".

De plus, la situation de l’encadrement du corps des sapeurs-pompiers révèle une anomalie coûteuse pour la collectivité. En effet, selon le décret du 6 mai 1988 relatif à l’organisation générale des services d’incendie et de secours, le CSP du district doit être encadré par un capitaine et 5 lieutenants et non par un commandant assisté de 5 lieutenants.

En comparant le coût moyen d’un commandant à celui d’un capitaine, le district a payé, en seul traitement de base, le chef de corps de son CSP : de 1991, date de nomination du commandant, à 1997, ce surcoût est d’au moins 220 000 F.

1.2. Le temps de travail des sapeurs-pompiers du CSP de Bastia : le règlement du corps est désormais conforme mais la réalité semble plus contrastée

Le décret du 6 mai 1988 dispose que, dans un CSP, l’effectif de la garde permanente de sapeurs-pompiers professionnels ou de non professionnels susceptibles de rejoindre le centre sans retard, se compose au moins d’un officier et de seize sous-officiers, gradés et sapeurs, dont un stationnaire. Telle est bien la règle retenue par le règlement intérieur du CSP de mai 1992, élaboré à la suite du précédent contrôle de la collectivité.

La réalité est en fait différente : en 1996, la garde ne s’établit pas en moyenne aux 17 agents réglementaires mais à 15,047 hommes (rapport de l’inspection de la sécurité civile, p.16 sur la base des états fournis par le chef de corps).

Officiellement, les sapeurs-pompiers du district travaillent en 24h/48h : une garde suivie de deux jours de repos. Ils doivent donc effectuer, selon le règlement intérieur, 106 gardes annuelles. En fait, le rapport de l’inspection de la sécurité civile établit que : " le service rendu annuel moyen est, pour le CSP de Bastia, de 2059,5 heures de garde et 93,75 heures de service hors rang (...) très inférieur au ratio annuel moyen de la profession qui est de 2 568 heures de garde et 128 heures en service hors rang ". Cela ramène le temps de travail réel effectué au CSP à 41 heures et 24 minutes hebdomadaires. De plus, selon ce rapport " sur 54 sapeurs pompiers opérationnels étudiés sur 5 ans, 25 ont assuré 85 jours de garde (..), c’est à dire qu’ils ont assuré un service rendu inférieur à la moyenne générale de 1995(..) ". Assurer 85 jours de garde revient à effectuer une semaine de ...39 heures

Cette situation avait conduit le rapport de l’inspection de la sécurité civile à proposer d’affermir la discipline au sein du corps. Cela aurait supposé que les consignes opérationnelles soient fixées et que les règles d’établissement des gardes soient prévues et respectées. Ces préconisations, qui datent de 1996, n’ont reçu un commencement d’exécution qu’à compter de septembre 1999 à la suite de la mise à l’écart du Chef de corps, le commandant C.... Cela paraît bien tardif.

De même, il a fallu attendre l’automne 1999 pour que le poste de médecin du centre (de statut volontaire) soit pourvu. Alors même que l’article 3 de l’arrêté du 25 janvier 1964 fixant les conditions d’aptitude physique des sapeurs pompiers dispose que : " l’examen d’aptitude physique est effectué par le médecin du corps (...) ". S’agissant de vérifier l’aptitude au service des personnels intéressés, il y avait là une question essentielle qu’il aurait fallu régler plus rapidement. L’instruction menée par la chambre n’a pas permis d’établir que le médecin du SDIS était médecin du centre, même si le district, dans sa réponse, l’affirme.

1.3. L’utilisation abusive des sapeurs-pompiers volontaires (SPV)

Initialement, en application d’une convention du 20 mai 1997, les sapeurs-pompiers volontaires auraient dû être recrutés par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Haute-Corse et être mis à la disposition du district. Cette solution, un contrôle de l’utilisation des SPV assuré par le SDIS, aurait sans doute été plus économe des deniers du district. Un prétexte, un différend sur la prise en charge des frais d’habillement, a conduit le district à recruter directement " ses " SPV suite à une réunion du 6 juin 1997 avec les représentants syndicaux. Ces SPV permettent la mise en place de la garde réglementaire de 17 hommes/jour qui se fait avec l’apport des sapeurs pompiers volontaires. La chambre regrette la solution ainsi retenue :

 les décisions de l’assemblée délibérante, traduites dans la convention signée avec le SDIS, sont remises en cause par des intérêts catégoriels .

 l’utilisation accrue de ces SPV est peu conforme à l’esprit et à la lettre des règles d’utilisation de volontaires et elle conduit également à créer un corps d’attente : les SPV ne seraient que l’antichambre des sapeurs pompiers professionnels (SPP). Afin d’éviter l’apparition d’une sourde revendication à l’intégration, le district devrait donc observer la plus grande prudence dans l’utilisation de personnels qui n’ont d’autre vocation que de venir en " renfort ".

 enfin, depuis une délibération exécutoire du 6 juillet 1999, les sapeurs-pompiers professionnels peuvent êtres utilisés comme sapeurs-pompiers volontaires. Une telle initiative est parfaitement incohérente avec le régime de repos après la garde. Soit celle-ci n’est pas nécessaire, et il faut donc revoir le règlement intérieur dans un sens plus conforme aux nécessités opérationnelles, soit elle est réelle et usante, et une mission de volontariat n’est pas possible en sus.

Dans sa réponse, le district n’apporte aucun élément susceptible de remettre en cause l’observation de la chambre.

2.LE CENTRE DE SECOURS PRINCIPAL (LE CSP) A COUTE PLUS CHER QUE PREVU ET N’EST PAS CONFORME AUX NORMES REGLEMENTAIRES

La délibération du 15 juin 1993 a chiffré l’opération de construction du CSP à 7 MF et a décidé d’abandonner les projets précédents de 1991 chiffrés à 11 MF (à l’époque, le district n’avait pas compétence pour la construction d’un CSP). Qu’en est-il au final ? La réalisation de l’opération montre que la sous-estimation des besoins et des coûts afférents à cette opération a conduit à un coût final d’aménagement à peine éloigné des 11 MF que l’on avait écarté (voir le tableau n° 20 en annexe).

La dérive de coûts est imputable à une définition insuffisante du besoin dont témoignent le contenu de l’avenant au marché de construction de la caserne et les commandes supplémentaires au marché, fruits d’une maîtrise d’œuvre confiée et exécutée, ici aussi, dans des conditions précipitées.

1) Le marché de maîtrise d’œuvre a commencé avant d’être notifié en méconnaissance du code des marchés publics.

Le marché est notifié le 26 juillet 1993 aux architectes. Le même jour, ceux-ci envoient à la publication l’avis de publicité pour la réalisation des travaux du CSP prévu par l’article 38 du CMP : cela n’est évidemment possible que si la mission du maître d’œuvre est antérieure au marché.

2) La construction de la caserne se caractérise par un dérapage dans les délais, un avenant révélateur d’une définition insuffisante du besoin et un recours irrégulier à la sous-traitance

Par un marché du 29 octobre 1993, le district confie à la SNC VENDASI le marché de travaux de la construction de la caserne des pompiers pour 6,9 MF. La SNC VENDASI a sous-traité de nombreux lots en faisant une application personnelle de la réglementation relative aux sous-traitants : les sous-traitants sont agréés par le maître d’ouvrage après la réalisation des lots en méconnaissance des dispositions de l’article 186 bis du code des marchés publics. Les explications fournies à la chambre par la SNC VENDASI, qui renvoie aux dispositions du cahier des clauses administratives générales selon lesquelles le silence observé pendant 21 jours par le maître d’ouvrage à la suite d’une demande d’agrément d’un sous-traitant, ne sont pas satisfaisantes : ces demandes d’agrément ont été formulées au plus tôt le 21 avril 1994 alors même que les sous-traitants ont effectué des travaux en mars et avril 1994.

Les délais du marché n’ont pas été tenus. Terminé en décembre 1994, avec six mois de retard, le chantier a été allongé de près de 100 % en délai sans que le district ne puisse aujourd’hui expliquer les raisons de cet allongement des délais. Il est regrettable que le district ait renoncé à sanctionner ce retard par des pénalités qui se seraient élevées à environ 1,26 MF.

Enfin, un avenant qui porte le marché à 7,8 MF est conclu pour tenir compte de :

 l’aménagement du local plongée ;

 la transformation de deux réserves en bureau " amicale " et en " bureau syndical " ;

 le déplacement de la réserve générale pour augmenter la taille du vestiaire ;

 l’intégration d’un atelier de mécanique ;

 l’élargissement de la rampe d’accès d’accueil ;

 la réalisation d’un parking extérieur complémentaire ;

La nature des travaux de l’avenant révèle une insuffisante définition des besoins au départ puisque, dans cette caserne, ces travaux auraient dû être prévus notamment en ce qui concerne le local plongée, l’atelier de mécanique et le vestiaire.

3) Le rapport de l’inspection de la sécurité civile a porté une appréciation sur l’ouvrage et note que, par rapport au projet type élaboré par le ministère de l’intérieur pour un CSP desservant 60 à 80 000 h. en premier appel, il manque :

 1 tour d’exercice et de séchage ;

 1 gymnase ou une salle de musculation ;

 1 salle de réunion pour l’encadrement (20 m ?).

La chambre a bien noté que le district a pris la mesure de ces lacunes.

3. LES RELATIONS AVEC LE SDIS SONT REGLEES PAR UNE CONVENTION DONT LES CLAUSES FINANCIERES NE SONT PAS APPLIQUEES

Le district et le SDIS de Haute-Corse sont liés par une convention du 30 octobre 1990 qui prévoit que les prestations opérationnelles font l’objet d’un remboursement des dépenses occasionnées.

Faute d’une application correcte de la convention, le district a perdu de l’argent. En effet, les prestations doivent faire l’objet d’un remboursement des dépenses calculé à partir des taux fixés par la convention. Celle-ci prévoit une révision annuelle de ces taux. C’est cette clause qui n’est pas respectée puisque les remboursements du département se sont toujours effectués sur la base des taux 1990. Depuis 1991 (voir tableau n° 21 en annexe), en retenant une moyenne de 40 KF, ce sont 240 KF que le district n’a pas encaissés, soit le coût annuel d’un emploi.

Par ailleurs, alors que les états récapitulatifs des interventions sont établis assez rapidement (dans les deux mois environ), les titres ne sont émis et encaissés que dans l’année qui suit. Le district n’a pourtant pas à assurer la trésorerie du SDIS.

La chambre a pris bonne note des mesures correctives que le district s’est engagé à prendre.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc