III/E.1. Du 29 janvier 1988 au 10 février 1988, M. Maltais réside à l’hôtel Métropole. Il y est inscrit sous le nom de M. Pont Henry né le 14 mars 1948 de nationalité française, domicilié à Paris. Mais il se fait appeler Prince de Faucigny.

III/E.2. La sûreté de l’Etat a demandé au gérant de l’hôtel de lui remettre la liste des n os de téléphone avec lesquels M. Pont a été en contact. Ces renseignements, aurait prétendu le membre de la Sûreté qui a fait la demande, sont en relation avec la visite de M. Carlo de Benedetti.

III/E.3. M. Maltais et son fidèle adjoint M. Tujas ont prétendu qu’il convenait de prendre un logement de prestige pour avoir des contacts avec des décideurs, en vue d’empêcher M. de Benedetti de réussir son OPA sur la Société générale.

III/E.4. M. Jean de B. qui est issu du milieu bancaire, a été au courant de cette démarche. Il a demandé et obtenu un rendez-vous avec le " prince ", non pas pour comploter contre M. de Benedetti mais pour lui parler d’un problème financier familial.

Son fils Fabrice, diplomé de l’Ecole d’Hôtellerie, a repris un restaurant à Singapour, en empruntant, en 1984, auprès de banques belges, l’équivalent en francs belges du million de US$ qui lui était nécessaire pour la reprise de ce restaurant. Depuis la dévaluation du dollar, les remboursements en francs bel-ges sont devenus trop coûteux. Il faut contracter un emprunt à plus long terme et à de meilleures conditions pour remplacer le premier. Cet emprunt doit être de 50 millions de francs belges. Comme M. de B. n’a plus la situation professionnelle qu’il avait lors du premier emprunt, les banques hésitent et demandent des garanties très importantes. Il espère que son interlocuteur lui trouvera un organisme de prêts moins exigeant.

III/E.5. On s’est revu 2 fois au Boulevard Poincaré pour mettre au point un montage financier original élaboré, faut-il le dire, par M. Tujas !!

III/E.6. M. de B. n’en a pas compris toutes les subtilités. Il a retenu surtout qu’il ne devrait hypothéquer aucun de ses trois immeubles comme garan-tie du prêt. Il lui suffisait de déposer un paquet important d’actions - environ 20 millions de francs belges - et de compléter ce dépôt par 3 chèques de 20 millions de francs chacun, qui joueraient, en moins sévère, le rôle de traites. Pour ce qui concerne le prêt proprement dit, il était réalisé d’une manière très spéciale par la location de 200 comptes au CCB appelés comptes Aymon. Ces comptes pouvaient être meublés chacun de 250 000 francs. C’était l’opération Ribsey !!

III/E.7. Le contrat de prêt a été signé sur ces bases le 12 février 1988. Le même jour M. de B. a remis à M. Tujas

— 3 chèques de 20 millions de francs belges chacuns datés du 12 février 1988 et un paquet de 442 actions de la SA ABA ainsi que de 500 actions de la SA MAS ;

— et le 15 février un paquet de 1 936 actions de la SA Victor.

M. Tujas lui a remis les deux fois un reçu pour les actions, en précisant qu’il s’agissait d’un dépôt en garantie. Ces reçus étaient signés par M. Tujas et paraphés en outre BFLCPST à savoir Bogaert de Faucigny, de Lucinge et Coligny - Pont Spoerry-Tiam (sur ces initiales : voir le chapitre F).

III/E.8. M. Tujas a remis à M. de B. 600 000 francs le 12 février 1988 et 319 000 francs le 22 février 1988 soit en tout et uniquement 919 000 francs sur les 50 millions de francs espérés.

III/E.9. Plusieurs personnes ont prétendu que les actions avaient toutes été déposées le 15 février à l’agence Flagey du CCB. Cela ne semble pas être totalement exact. Le reçu de cette agence à l’A.S.B.L. Re-Sources daté du 15 février 1988 ne porte que sur 442 ABA et 500 MAS. Il n’y est pas question d’un dépôt de 1 936 Victor.

Il semble donc que celles-ci n’ont jamais été déposées à l’agence. Ce n’est qu’un détail.

III/E.10. Peu après ce dépôt, le CCB a bloqué tous les avoirs de l’A.S.B.L. Re-Sources (voir III/C.5. ci-avant). Lorsque le 20 juillet 1988, elle a accepté, avec l’accord de M. Tujas, de restituer le dépôt à M. de B., il n’existait plus que 50 ABA et 150 MAS.

III/E.11. Entre le 15 février et le 20 juillet 1988, M. Tujas a donc détourné 1936 actions Victor, 392 actions ABA et 350 actions MAS.

III/E.12. Il les a détourné pour les négocier.

III/E.13. On peut considérer comme vraisemblable que la vente des titres déposés par M. de B. a permis à M. Tujas d’alimenter le compte BBL de l’A.S.B.L. Re-Sources qui a été crédité de 8 883 419 francs à la date du 23 mars 1988 (comme dit ci-avant III/C.10). Ce détournement a permis de désintéresser le CCB qui autrement aurait déposé plainte. Un délit pour en cacher un autre en quelque sorte.

III/E.14. Il est bon de noter enfin que la trésorerie générale de Co-eur a reçu des versements en liquide à son compte à la banque du Crédit commercial : - le 4 avril 1988 : 1 800 000 francs ; - le 5 avril 1988 : 2 700 000 francs ; - le 7 avril 1988 : 1 300 000 francs venant tous trois de la BBL (voir III/C.10). Avec retrait le 5 avril 1988 de 2 500 000 francs et le 13 avril 1988 d’un million de francs.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be