LA REGION AVANT 1998

Avant les élections régionales de mars 1998, c’est Charles Millon, chiraquien parmi les centristes et fervent catholique, qui assure la présidence de la région. Charles Millon est un des rares UDF, avec Alain Madelin, à rallier pour sa campagne présidentielle Chirac en 1994-95 (95% des UDF sont derrière Balladur), ce qui lui vaut le portefeuille de la Défense dans le gouvernement Juppé. Ancien ministre et maire de Belley, Il peut compter, pendant la mandature précédente, sur une majorité composée de 72 élus (30 UDF, 30 RPR, 12 DVD), la gauche ne comptant que 52 élus (12 PC, 1 MDC, 31 PS, 2 PRG, 6 DVG) et le FN 28 (et un dissident).

LES ELECTIONS REGIONALES DE MARS 1998

La droite et la gauche obtiennent le même nombre de sièges, 60 chacun (12 PC, 1 MDC, 31 PS, 2 PRG, 6 DVG, 8 Verts, 1 ind., 1 CNP), (26 UDF, 27 RPR, 1 MPF, 6 DVD), mais la gauche plurielle devance légèrement les listes RPR/UDF (13.428 voix de plus). Les élus FN sont au nombre de 35.

L’ELECTION DU PRESIDENT DE REGION

Ces résultats n’empêchent pas Millon de soutenir que la droite a conservé la majorité en Rhône-Alpes. La droite n’est en effet majoritaire qu’à condition d’intégrer les voix de l’élu chasseur et surtout frontistes. La droite comptant aussi dans ses rangs le doyen d’âge, Pierre Gascon (alors UDF), elle est assurée de l’emporter au troisième tour en cas d’égalité. Pourtant, Millon s’accroche à son siège et décide de s’allier au FN. Il est ainsi élu au deuxième tour le 20 mars 1998 grâce aux 35 élus lepénistes. Alain Roure, seul élu CPNT, donne, avec son vote, l’égalité des voix entre la droite (et FN) et la gauche, et donc contribue aussi à la victoire à Millon contre le candidat PS Jean-Jack Queyranne. Seuls trois conseillers régionaux de droite refusent de voter pour Millon : Thierry Cornillet et Fabienne Lévy (UDF), et Marie-Thérèse Geoffroy (seule RPR non impliquée). C’est le tollé.

Seule consolation pour Millon, président élu avec le concours du FN après tractations, il reçoit un coup de fil de félicitations de... Alain Madelin. En revanche, François Bayrou lui suggère de démissionner. Voici les élus de droite qui ont participé à l’élection de Millon, et qui ne s’en sont pas désolidarisé : Michel Amoudry, Gérard Armand, Gabriel Banchieri, Jean-François Barnier, Etienne Blanc, Anna Bret, Marie Burkhardt, Jean-Pierre Calvel, Jean-Claude Carle, Dino Cinieri, Dominique Chambon, Matthieu Chamussy, Jean-François Chossy, Gérard Ducarre, Xavier Dullin, Claude Faure, Jean-Loup Fleuret, Jean-Claude Flory, Eric Fournier, Marc Fraysse, Pierre Gascon, Pierre Gimel, Jean-Pierre Girard, Bernard Gloriot, Jacques Gobet, Christophe Guilleteau, Emmanuel Hamelin, Jacques Jond, Florence Kuntz, Patrick Labaune, Philippe Langenieux-Villard, Jean-Claude Léger, Patrick Louis, Philippe Macke, Renée Magnin, Hervé Mariton, Alain Mérieux, Jean Merle, Estelle Mosnier, Amaury Nardone, Charles Personnaz, Nicole Peycelon, Louis Prévond, Guylaine Riondel-Besson, Jacques Remiller, Léone Retord, Christian Rochette, Pascal Ronzières, Marie-Christine Tardy, Michel Thiollière, François Turcas, Michel Vate, Max Vincent, Christian Vulliez.

CHANTAL DELSOL : L’AMANTE RELIGIEUSE

Ultra-catholique - à ce titre férocement anti-IVG et anti-PACS - et pseudo philosophe, c’est l’inspiratrice politico-religieuse majeure de son époux Charles Millon (qui a appellé son parti : la Droite Libérale et Chrétienne). Madame Millon enseigne à l’université de Marne-La-Vallée et a publié à la rentrée 2000 un essai aux Éditions de La Table Ronde, dirigées par le très corrézo-chiraquien Denis Tillinac. Elle fait régulièrement des tribunes dans Le Figaro, Valeurs Actuelles ou La Croix, sans bien sûr jamais rappeler son " appartenance " idéologique ou conjugale...

NEUF MOIS D’ALLIANCE EFFECTIVE

En mars 1998, il s’évertue, malgré la simple arithmétique, à nier toute alliance avec l’extrême droite. Bruno Gollnisch (FN) se charge à sa place de dévoiler l’accord qui les lie : " S’il (Millon) persistait à déclarer, contre l’évidence et la vérité, qu’il ne s’est rien passé entre nous, alors il existe un moyen très simple de sortir de cette ambiguïté : c’est de remettre en jeu son mandat de président en précisant qu’il ne souhaite pas disposer des voix du Front National, car il est clair que ceux qui ne les souhaitent pas ne les obtiendront pas " (Libération, le 25 mars 1998). Une preuve : le mégrétiste Pierre Vial, négationniste convaincu, est chargé par la majorité des affaires culturelles au conseil régional. Entre-temps, Charles Millon, qui reste maire de Belley (Ain), continue ses déclarations douteuses et sa danse du ventre devant les thèses extrémistes. Il déclare ainsi en novembre 1998, alors qu’il réunit son mouvement, que la droite, " la vraie ", n’était pas au pouvoir depuis... 1945 !

En novembre 1998, Millon, n’a pas encore un vrai parti politique, La Droite étant un mouvement associatif : il n’y a pas eu d’élection avec cette étiquette. Faute de pouvoir se rattacher à un parti, il risque de perdre la dotation publique attribuée à chaque parlementaire au titre de la loi sur le financement politique. C’est là que le petit CNI, parti droitier croupion, lui sert de bouée en recueillant en son nom cet argent. Début 1999, une alliance CNI-La Droite est très sérieusement envisagée mais Millon préfére, en 1999, transformer La Droite en parti " neuf " : la Droite Libérale et Chrétienne (DLC). Le congrès fondateur de La Droite, les 7 et 8 novembre 1998 à Paris, est un demi-échec : Il n’a su séduire aucune vraie " pointure ".

Philippe de Villiers (alors vice-Président du RPF de Pasqua) a annoncé dès janvier 2000 qu’il soutiendrait une éventuelle candidature de Charles Millon pour la mairie de Lyon en 2001, en lui proposant aussi de rapprocher son parti du RPF.

LA RESISTANCE S’ORGANISE

Le 7 mai 1998, le Conseil d’administration de l’Université Louis-Lumière (Lyon II) adopte à l’unanimité une motion rappelant les principes de " l’éthique universitaire (...), incompatibles avec les options idéologiques du FN ", et invite tous les établissements à " développer une vigilance accrue quant à toute dérive de la politique culturelle, d’enseignement et de recherche " du conseil régional et à " ne s’engager dans aucune collaboration ou projet qui porterait atteinte aux principes fondamentaux de l’Université " (Le Monde, le 31 mai 1998).

À Izieu, dans l’Ain, Charles Millon est conspué le dimanche 19 juillet, devant la stèle qui symbolise le calvaire de 44 enfants et 7 adultes juifs raflés dans ce village et morts pour la plupart en 1944 à Auschwitz. La présidente régionale de l’Amicale des déportés d’Auschwitz, Simone Lagrange, déportée à treize ans, demande publiquement à M.Millon de quitter les lieux. Celui-ci ne part qu’à la fin de la cérémonie, bafouant ainsi la mémoire des disparus, des survivants et de leurs familles. Fin novembre, il est exclu de l’association du musée-mémorial des enfants d’Izieu.

À Sévrier, en Haute-Savoie, une manifestation réunie plus de 300 personnes contre la venue de Millon, le 10 septembre 1998.

LA STRATEGIE DE L’OPPOSITION SYSTEMATIQUE

Étendue à toutes les régions touchées par les alliances c’est sans doute en Rhône-Alpes qu’elle provoque les conséquences les plus lourdes à supporter pour les élus de gauche. La première réunion de la Commission permanente, le 20 mai 1998, voit 18 dossiers rejetés, dont l’octroi de bourses de formation pour les étudiants partant à l’étranger, d’un montant de 58,7 millions de francs. Symbole de cette stratégie, l’affaire des bourses de la région provoque un fort émoi médiatique, mais réussit à attirer les projecteurs sur Rhône-Alpes. Chaque année, la Région finance le départ de 3500 de ses étudiants vers l’étranger par des bourses d’étude. La gauche fait ici preuve de courage et de pédagogie sur cette question difficile. Devant l’incompéhension, les conseillers régionaux ne ménagent pas leur peine pour expliquer leur position dont le seul but est de mettre un terme à cette alliance régionale. Leur vote démontre ainsi à quel point la position de Millon est précaire pour autant que chacun prenne ses responsabilités." Le plus dur a été de tenir, reconnaît l’élu socialiste Bernard Soulage (Le Point, le 6 février 1999). Il y avait une incompréhension des élus locaux et des acteurs de terrain ".

Le FN entend monnayer son soutien à Millon et pour bien se faire comprendre, vote contre certains projets présentés par le groupe du président, Oui à Rhône-Alpes (ORA). Ainsi des dossiers culturels et sociaux pâtissent du chantage exercé par le FN. À gauche, le Parti socialiste et la plupart de ses alliés s’opposent systématiquement à tous les dossiers pour ne pas cautionner la stratégie d’alliance réversible prônée par Millon. " Résultat : il suffit que le FN soit hostile à un projet pour que celui-ci soit rejeté. On connaît ses bêtes noires : les institutions culturelles, la politique de la ville, le soutien aux associations artistiques ou sportives dans les quartiers difficiles " (Le Monde, le 21 juillet 1998). À ce sujet, les exemples ne manquent pas : dans la banlieue de Grenoble, à Saint-Martin-d’Hères, le Centre des arts du récit qui développe avec succès des ateliers et un festival de contes est directement touché. La subvention destinée aux ateliers pour enfants dans quinze quartiers difficiles de l’Isère et aux conteurs qui interviennent dans les centres sociaux est supprimée. La Biennale de Danse de 1998, sur le thème, forcément déplaisant pour le FN et le MNR, de la " Méditerranée " a vu fondre ses crédits. Les refus sélectifs du FN heurtent aussi de plein fouet les projets des missions locales pour l’emploi des jeunes à Givors et Villeurbanne. Millon remet au FN la politique culturelle et sociale de sa région.

Face au malaise croissant devant la politique d’opposition systématique, le Parti Socialiste reprend l’initiative. Bernard Soulage, porte-parole du groupe PS, affirme que la gauche est prête " à soutenir un nouvel exécutif républicain, mais sans y participer ". Marie-Thérèse Geoffroy (RPR) : " C’est le moment de se décider. On ne peut pas, à la fois, se réclamer du gaullisme et cautionner une alliance avec l’extrême droite ". La stratégie de l’arc républicain est en place, mais ne satisfait pas tout le monde à gauche. Les communistes s’obstinent : " Si nous parvenons à faire capoter l’alliance Millon-Gollnisch, la gauche, qui a recueilli plus de voix que la droite aux élections régionales, a la légitimité de revendiquer la présidence de la région " explique Roland Jacquet, coordinateur des élus PCF en Rhône-Alpes.

L’ANNULATION DE L’ELECTION DE MILLION

Le 9 décembre 1998, l’élection de Charles Millon à la présidence de la région Rhône-Alpes est invalidée par le Conseil d’Etat, assailli de recours. Il a donné raison à Etienne Tête, conseiller régional Vert, qui avait déposé un recours dès mars 1998 contre les conditions d’élection du président de région, jugeant irrégulier le débat qui eut lieu entre le lepéniste Gollnisch et Charles Millon avant le deuxième tour de scrutin.

La gauche qui peut compter sur 60 élus, contre 15 au groupe UDF RPR, est alors tentée de présenter un candidat, le socialiste Jean-Jack Queyranne, aux trois tours de scrutin. Le risque est cependant trop grand de perdre une nouvelle fois la région au profit d’une alliance droite extrême droite. Anne-Marie Comparini est choisie comme candidate des " Républicains de droite " face à Millon, candidat à sa succession avec l’appui des seuls lepénistes et de son groupe. Amaury Nardone (DL et délégué national à la Communication de DLC-Millon), plus rustre que galant, propose plusieurs fois de " mettre des claques " à Marie-Thérèse Geffroy, seule RPR à refuser de mêler ses voix à celles du FN le 20 mars 1998, lorsqu’elle prend la parole en séance...

Dans un premier temps favorable à une " solution Comparini ", le RPR parisien change d’avis au dernier moment. Entre le premier et le deuxième tour de scrutin, Nicolas Sarkozy (N°2 du RPR) convainc assez facilement le président du RPR, Philippe Séguin, de soutenir le candidat madelino-milloniste, Pierre Gascon, contre Anne-Marie Comparini, car Millon, minoritaire, doit se retirer de la course. Un nouveau fax de Séguin tombe dans la nuit, quelques heures avant l’ultime tour. Lâchée par le RPR, Comparini pense alors abandonner. Elle reçoit pourtant vers 2h30, dans la nuit du vendredi au samedi, les 60 voix de la gauche plurielle qui ont fait bloc contre Millon et les lepénistes. À 3h05 elle s’asseoit dans le fauteuil de la présidence, déserté par l’ancien ministre UDF de la Défense de Juppé et Chirac, grâce à 15 voix de droite... Et 60 de gauche !

Avant l’élection du nouveau président de la région Rhône-Alpes, le 6 janvier 1999, c’est le déjeuner des dernières discussions, à Bourgoin-Jallieu (Isère). Huit invités : deux socialistes, deux RPR, deux UDF et deux écologistes. Anne-Marie Comparini - choisie comme candidate UDF à la succession de Charles Millon (et contre lui) au nom des " Républicains de droite " - est à côté de Philippe Langenieux-Villard, (président du groupe RPR), Bernard Soulage (président du groupe PS) y côtoie Etienne Tête (Les Verts). Les socialistes évoquent le maintien de Jean-Jack Queyranne aux trois tours de scrutin, mais l’UDF Anne-Marie Comparini, en accord avec François Bayrou, réaffirme qu’elle postulera elle-même à la présidence de Région, en se présentant aux trois tours du scrutin. Bernard Soulage confirme alors que le PS la soutiendra : " Nous ferons tout pour faire barrage à Millon ". Le RPR Philippe Langenieux-Villard approuve, ayant reçu un appel et le communiqué, tardif autant que lourd d’amertume : Séguin demande aux élus gaullistes de "se conformer aux orientations arrêtées par le chef de file UDF". Mais au moment du vote, la volte-face de Séguin montra que rien n’était joué...

En annonçant au dernier moment que le RPR, malgré son communiqué du 6 janvier 1999 appelant à rallier la candidature d’Anne-Marie Comparini, soutiend Pierre Gascon (DL, pro-Millon) lequel a déjà reçu le soutien des lepénistes, Séguin perd la bataille de l’honneur, lui qui a fait preuve d’une certaine fermeté en mars 1998, tout en ayant gardé au RPR le Maire de Nice, Jacques Peyrat, transfuge du FN. L’attitude de Séguin est indigne à Charbonnière, preuve aussi de l’avancée des idées pro-alliance au sein de la droite dite classique, voire même gaulliste. Refusant les alliances avec l’extrême droite et tout accord avec la gauche, les dirigeants de droite ménagent les " partisans du compromis avec l’inacceptable " (Le Monde).

LE SCRUTIN

1er tour, jeudi 7 janvier 1999, 157 votants

Jean-Jack Queyranne (PS) 60

Charles Millon (ORA) 38

Denis de Bouteiller (Mégret) 22

Anne-Marie Comparini (UDF) 19

Bruno Gollnisch (FN) 13

Patrice Abeille (Savoie) 3

Blancs/nuls 2

2e tour, vendredi 8 janvier 1999, 157 votants

Jean-Jack Queyranne (PS) 60

Pierre Gascon (ORA) 45

Denis de Bouteiller (Mégret) 22

Anne-Marie Comparini (UDF) 17

Bruno Gollnisch (FN) Absent

Patrice Abeille (Savoie) 2

Blancs/nuls 2

3e tour, samedi 9 janvier 1999, 135 votants

Anne-Marie Comparini (UDF) 75

Pierre Gascon (ORA) 56

Patrice Abeille (Savoie) 1

Blancs/nuls 3

Après trois tours de scrutin et 48 heures de négociations occultes entre Charles Millon et l’extrême droite (candidat à sa propre succession, le maire de Belley n’a plus que l’appui des lepénistes et de son groupe), l’UDF Anne-Marie Comparini est élue, samedi 9 janvier 1999, présidente de la deuxième région de France, grâce aux voix des conseillers de gauche. Contre elle se présentait le madeliniste Pierre Gascon, candidat commun de Charles Millon, de Philippe Séguin, président du RPR et du frontiste Bruno Gollnisch. Seule la formation de l’arc républicain permet d’évincer de l’exécutif régional tous les ami(e)s de Millon ainsi que les élus FN (rapporteur du budget, vice-présidence des commissions). Après presque 10 mois de combat courageux des élus de gauche, l’éviction de Charles Millon est enfin réalisée.

LA PRESIDENCE COMPARINI

Charles Personnaz (UDF) est élu premier vice-président le 11 janvier 1999. Anne-Marie Comparini décide que tous les conseillers siégeront à la Commission permanente, seule solution pour faire élire ses vice-présidents. Résistant de la première heure, Thierry Cornillet entre dans l’exécutif tout comme Dominique Chambon qui préside depuis le 20 mars 1998 le groupe UDF et fut partisan d’un " accord républicain " contre l’intrusion du FN. François Hollande (PS) estime alors que la gauche a pris " une décision de circonstance " pour " éviter le pire ". Anne-Marie Comparini récuse la notion " d’arc républicain " et préfère celle de " rassemblement d’élus " opposés à toute " compromission avec un parti extrémiste ". Elle répète : " Je suis l’otage de mes convictions républicaines, qui sont mes guides ".

Les millonistes rejettent par la suite les appels au dialogue de la nouvelle présidente. Etienne Blanc persiste en février 1999 en rejetant le budget au nom des partisans de Millon et dénonce un budget " sans ambition " qui risque d’amener la région à " vivoter " en suivant les idées des " adversaires " socialistes. Certains millonistes se disent prêts à voter pour des candidats FN à la présidence des commissions. Millon, devenu quasi-autiste et en charge d’une " mission ", choisit de voter avec le FN contre certains dossiers qu’il avait pourtant défendu, comme l’insertion des jeunes en difficulté ou les bourses d’études à l’étranger quand il présidait le conseil régional.

La position d’Anne-Marie Comparini reste délicate : elle ne dispose en effet que de 11 voix sûres dans une assemblée de 157 membres. Le 14 mars 1999, son budget primitif est rejeté par 39 voix (PC, FN et MNR) contre 23 (UDF et RPR) et elle doit utiliser le 49-3 régional. 94 élus (PS, Verts et Millon) choisissent l’abstention.

Aujourd’hui, l’ancien groupe FN est divisé en trois groupes : entre lepénistes, mégrétistes et dissidents mégrétistes. Denis de Bouteiller, ancien trésorier national du MNR, a, en effet, rompu avec Bruno Mégret. Il préside dorénavant un groupe divers droite composé de Richard Morati, Alain Breuil, Frédéric Granjon et Georges Ract. La gauche continue à soutenir la présidente UDF tandis que le groupe Millon n’a guère baissé en effectif et compte toujours une trentaine de membres, bien décidés à en découdre, notamment au moment des élections municipales de mars 2001. Les millonistes attendent dans la perspective des municipales : " Les tentations à droite de remplacer la présidente par un candidat bénéficiant des voix des anciens du FN restent vivaces " écrit Vanessa Schneider dans Libération le 31 janvier 2000.

PORTRAITS DE QUELQUES MILLONISTES

Pierre Gascon (DL) : ancien premier adjoint du RPR Alain Carignon à Grenoble, doyen d’âge (77 ans), membre du groupe Millon (ORA) au Conseil, donc caution de l’alliance avec le FN, il est condamné en novembre 1998 pour création d’emplois fictifs.

Etienne Blanc : Vice-président dans l’exécutif invalidé, fils politique de Millon. Maire de Divonne-les-Bains.

Jean-Claude Carle : sénateur DL de Haute-Savoie, vice-président du conseil régional depuis 1992, conseiller général depuis 1994. Pour lui, Comparini est la candidate de " la gauche déguisée ".

Gérard Ducarre : président (RPR, Loire) du groupe ORA à la Région, le groupe milloniste.

Marc Fraysse : exclu du RPR en 1997, il a tenté de s’implanter à Villeurbanne puis à Lyon. Il fut l’active cheville ouvrière de La Droite, avant de partir, écœuré... Pour devenir délégué départemental du RPF de Pasqua. Il est convenu de placer ses amis sur les listes d’un des candidats de droite pour la mairie de Lyon, Michel Mercier (UDF).

Estelle Mosnier : conseillère régionale (Ain), 28 ans, elle dit de Millon qu’"il a gardé ses vraies valeurs".

Anna Bret : tête de liste dans l’Isère choisie par Millon.

Jean Merle : conseiller régional depuis 1986, exclu du RPR pour avoir accepté une vice-présidence à la Région.

Jacques Jond : maire (UDF) de Flumet en Savoie et président de la Fédération autonome générale de l’industrie hôtelière touristique.

Jacques Remiller : vice-président du conseil général de l’Isère et conseiller régional depuis 1998. Il soutient activement Millon et voit dans l’alliance avec l’extrême droite une alternative possible contre la gauche plurielle à l’approche des municipales de 2001.

Gérard Dezempte : exclu du RPR pour liste dissidente, il soutient Millon. Ses propos contre l’islam lui ont valu d’être condamné en décembre pour " incitation à la haine raciale et religieuse ".

Jean-François Chossy : député UDF, il a rendu sa carte 1992 de Force démocrate (UDF) après l’élection de Millon. Pour lui, Millon a eu " le mérite de réveiller la droite ".

Jean-François Barnier : profil bas pour le suppléant de Michel Bouvard, député RPR de Savoie. Il est adjoint au maire de Saint-Rémy-de-Maurienne.

Hervé Mariton (UDF, vice-président de Millon).

Michel Thiollère : maire UDF de St Etienne, a longtemps hésité avant de quitter Millon en octobre 1998 et de rejoindre les non-inscrits puis de nouveau l’UDF.

Pierre-Patrick Kaltenbach : à la manifestation anti-PACS de Christine Boutin du 31 janvier 1999, on croisait les traditionalistes des Associations Familiales Catholiques (AFC), mais aussi les moins célèbres Associations Familiales Protestantes (AFP) présidées par ce membre virulent de La Droite (Charles Millon).

Gérard Pélisson : partisan de Chirac et président richissime du conseil du surveillance du géant français de l’hôtellerie Accor a annoncé en novembre 2000 qu’il soutiendrait la candidature municipale de Millon à Lyon.

Olivier Foll : ancien inspecteur général de la police, s’était déjà illustré pas ses réticences à effectuer la perquisition au domicile des époux Tibéri pour le juge Halphen, il a rejoint à la mi-2000 Millon comme " Monsieur Sécurité ". Dans VSD du 5 octobre 2000, il déclarait : " Dès lors que, dans la famille de droite, les gens vont dans le même sens, ils réalisent mon souhait le plus profond ".

Claude Reichman : vice-président de la Droite Libérale-Chrétienne et leader du Parti Pour la Liberté (PPL), c’est un ultra-libéral convaincu qui anime fréquemment une émission sur la très extrême Radio Courtoisie. Il est le fer de lance des libéraux durs chez Millon, et défend par exemple ardemment la mise en concurrence de la Sécurité Sociale avec les assureurs privés.

UN DROLE DE CLIMAT

Ancien conseiller municipal et ancien conseiller régional RPR (Bourg-en-Bresse, Ain), Christian Diehl, né en 1954, édite anonymement, le 16 janvier 2000, un tract hallucinant de racisme et de haine, torchon que le FN n’aurait pas renié : il attribue sans preuve des incendies de voitures à " une jeune poignée de délinquants bougnoules ", attaque les autorités locales qu’il juge complices et silencieuses sur l’insécurité et conclue par un " tous ensemble nous nettoierons le chancre " ! De la prose du plus bel effet pour ce notable RPR ! Il est condamné en novembre 2000 à 4 mois de prison avec sursis, 10000 francs d’amende et est déclaré inéligible pour trois ans. Il est aussi condamné pour diffamation contre le député-maire PS de Bourg-en-Bresse, André Godin, qui est aussi visé dans ce tract immonde.

Pascal Clément, Président du Conseil général, député DL de la Loire et ancien ministre, à propos du débat sur le projet de loi des étrangers (L’Événement du Jeudi en décembre 1997) : " Alors que nous cherchons l’intérêt général, vous défendez l’intérêt des étrangers ". Il défend depuis début 2000 une stratégie d’alliance avec la droite extrême, comme avec Charles Millon et les siens pour Lyon en 2001. Dans l’édition du Figaro du 25 novembre 2000, il prône la fusion pure et simple des partis, à droite. Avec Pasqua et Millon, sans doute, si on se réfère aux accords locaux qu’il souhaite.

Dans la Drôme, en avril 1999, dans le canton de Bourg-de-Péage, le candidat UDF sortant Henri Durand se désiste en faveur du candidat FN qui est resté seul en lice face au candidat de gauche Didier Guillaume.

EN ATTENDANT MARS 2001

Depuis l’échec de Millon et la scission du FN, le département du Rhône est le théâtre d’une vaste recomposition de la droite. Les exemples d’accords, de relations, de transfuges entre l’extrême droite et la droite pullulent dans l’est lyonnais, particulièrement touché en cette veille de campagne électorale. Les frontières s’estompent, les droites pactisent et fusionnent parfois. Les états-majors de l’UDF, du RPR et bien sûr de DL observent et laissent faire. L’échec des municipales de 1995 est vécu comme un traumatisme : L’UDF et RPR se sont alors retrouvés avec 6 élus à Rillieux, 3 à St Priest, 3 à Vaulx, 5 à Villeurbanne, etc.

À Rillieux-la-Pape justement, l’UDF-Radical Alain Duperré est battu en 1995. Il se fait cependant élire à la Communauté urbaine avec les voix du FN. Puis il fusionne, son groupe " Unir ", devenant " Réunir " avec l’arrivée des anciens FN. " On a affaire à des hommes. L’étiquette Front National, je préfère l’oublier " indique Myrtho Santucci, conseillère sans étiquette et proviseur d’un lycée professionnel. Jean-Pierre Calvel : " Il y a des moments en politique où des fenêtres se présentent, il faut savoir les ouvrir. Rillieux peut être repris à la gauche ". Un journal de campagne vient de sortir à Rillieux-la-Pape : " Rillieux-au-coeur ". " Il rassemble la droite locale. Vraiment toute la droite. L’UDF et le RPR ont participé à sa réalisation mais son rédacteur en chef s’appelle Denis de Bouteiller, ancien trésorier du MNR de Mégret " (Libération, le 30 juin 2000). Jean-Louis Vazette (UDF) accepte avec Alain Duperré d’avoir pour colistier Denis de Bouteiller. " Je ne suis pas un enfant de choeur en politique, ça n’est pas une alliance de circonstance, on y travaille depuis un an et demi " précise Vazette. Rebaptisé "divers droite" au sein du conseil municipal de Rillieux, le groupe des 5 anciens FN emmené par de Bouteiller (MNR) a décidé de rejoindre le groupe UDF-RPR qui ne bronche pas...

Les Européennes et le succès du RPF laissent aussi des traces. À Vaulx-en-Velin, RPR et UDF se retrouvent en huitième et neuvième position, avec moins de 10% des voix à eux deux. Le RPF veut réussir là où Mégret a échoué : la politique de la main tendue. Laurent Clamaron vient également de passer du RPR au RPF.

À Saint-Priest, la droite se rassemble au sein d’une association, le Rassemblement pour Saint-Priest avec, pêle-mêle, le responsable cantonal du RPR, la Droite Libérale-Chrétienne de Millon (DLC), d’anciens FN devenus RPF ou divers droite. Alain Breuil, après douze ans au FN, y joue un rôle central. Celui-ci avoue : " J’ai passé une douzaine d’années au FN et je ne le regrette pas. Ses grands thèmes sont tout à fait justes, je n’ai rien à renier. J’ai seulement quitté ce parti parce qu’il était devenu une machine à faire gagner la gauche ". Dans le même esprit, Serge Voyant, ancien militant du RPR, puis du FN en 1983, passé du MNR au RPF il y a peu, se veut le promoteur du " rassemblement de toute la droite ". Alain Breuil, proche de Mégret, constitue une liste à la rentrée 2000 avec Pierre Favre (DLC-Charles Millon), Michel Collet (ex-RPR), et Pascal Merle (RPF).

À Vénissieux, Richard Morati, ancien FN qui trouve refuge au RPF, sera en tête de liste, avec Joseph Ferrari (ancien du RPR), Laurent Girot (RPF) et Pascal Testa (DLC) comme colistiers.

À Villeurbanne, ancien fief de Charles Hernu, Gilbert Chabroux, l’ancien maire socialiste condamné à un an d’inéligibilité en 1997, souhaite retrouver son fauteuil. A l’occasion de la municipale partielle du 15 mars 1998, organisée suite à la démission de la majorité municipale emmenée par son successeur, Raymond Terracher, le candidat socialiste se retrouve opposé notamment à une liste estampillée Droite unie par les états-majors parisiens conduite par Daniel Rendu (RPR) et une liste FN menée par le paganiste-racialiste Pierre Vial. Au premier tour, la gauche obtient 48,38%, la droite 14,61% et le FN 21,58%. Au second tour la liste de gauche est élu avec 59,19% des suffrages contre 17,71% à la droite et 23,1% au FN. Réunie pour contrer un FN fort sur la quatrième ville du Rhône, la droite se trouve confrontée à un cruel dilemme avant le renouvellemnet de 2001, dans la mesure où les élus RPF, pourtant membres du groupe RPR-RPF, n’hésitent pas à voter régulièrement avec les amis de Pierre Vial aujourd’hui au MNR.

Le journaliste du Journal du Dimanche, Bernard Fromentin, précise que des municipalités de gauche élues en 1995 à la faveur de triangulaires " pourraient être balayées par des alliances à l’autrichienne entre droite et extrême droite. Avec dans le rôle fédérateur, le RPF ".

En octobre 2000, pour la naissance du Parc Naturel Régional des Monts de l’Ardèche - l’aboutissement d’un projet qui a demandé huit années de travail - le président du syndicat mixte chargé de le gérer, le conseiller général (DL) Michel Valla, qui est aussi maire de Saint-Pierreville et candidat à Privas en 2001, bénéficie du vote du FN pour atterrir à cette place. Avant le vote incriminé, le PS, par la voix de Pierre Jouvencel, prie pourtant les deux candidats (l’autre étant le PS Bernard Bonin) de prendre position vis-à-vis des élus FN et MNR : Michel Valla reste flou et ne rejete pas a priori leurs voix. Il niera l’évidence arithmétique du soutien extrémiste en sa faveur en arguant du vote à bulletin secret... La gauche dénonce, depuis lors, à cor et à cri cet accord dans le but de faire démissionner Michel Valla et pour éviter un blocage dans la gestion du Parc naturel régional...

En coulisse et en amont, un discret personnage-clé, Alain Roure (seul élu CPNT à la Région qui

a par ailleurs été condamné en décembre 1999 à

six mois de prison avec sursis et à 15.000F d’amende par le tribunal correctionnel de Privas pour " outrage et provocation à la rébellion " lorsqu’il s’est opposé à des gardes-chasses) mene cette opération en trompe-l’oeil : dans une lettre (dénichée par le PS et publiée par Le Monde le 17 octobre 2000) adressée à Michel Valla par l’élu chasseur, il indique avoir " obtenu le pouvoir " du milloniste Amaury Nardone (DL) et déclare avoir convaincu le MNR et le FN de prendre part au vote, " je t’assure donc 32 voix de la Région ". Valla conteste cette lettre pendant qu’Anne-Marie Comparini dépêche Dominique Chambon (UDF) comme médiateur. Alain Roure qui donne déjà, par son seul vote,

la victoire à Millon - contre le PS Jean-Jack Queyranne en 1998 agit en fait autant par affinités politiques larges que pour son combat pro-chasse : il est opposé de longue date au projet de Parc Naturel Régional, qui limite l’accès au col d’Aubenas où les chasseurs tirent chaque année des pigeons ramiers.

Dans Le Parisien-Aujourd’hui du 11 novembre 2000, on apprend que le sénateur UDF Michel Mercier, qui est aussi président du conseil général du Rhône et sera tête de liste RPR-UDF-DL à Lyon en 2001, a fort discrètement conclu avec Charles Millon un accord de " désistement réciproque ". Cet accord est expliqué devant le bureau national de l’UDF en présence de François Bayrou et Philippe Douste-Blazy où le feu vert aurait été donné. Le pemier adjoint de Raymond Barre, Christian Philip, avalise lui aussi ce principe. En somme, seule la présidente de Région Anne-Marie Comparini reste en conformité avec ses engagements initiaux et hostile à tout arrangement porté et formulé par son camp !

Le député RPR Jean-Michel Dubernard, (ancien adjoint de Michel Noir) déjà adjoint aux finances du maire sortant de Lyon, décide le 14 novembre 2000 de rallier le camp du candidat UDF Michel Mercier (qui détient aussi le poste stratégique de trésorier national de son parti). À l’annonce officielle de sa candidature, Mercier lance une phrase dont chacun, dans le contexte lyonnais et rhonalpin, peut mesurer l’ambiguïté : " Mon choix est politique, c’est celui de l’union la plus large " (Le Figaro, le 22 novembre 2000). Dans Les Échos du 15 novembre 2000 on lisait " à la direction parisienne du mouvement (UDF) on ne cachait pas hier qu’il ne pouvait y avoir d’autres solutions qu’un rapprochement avec l’ancien président du Conseil Régional de Rhône-Alpes (...) qui avait été réélu grâce aux voix du Front National ". Charles Millon répondit à ces avances " Je suis prêt à fusionner mes listes avec d’autres, mais il ne faut pas qu’ils continuent à m’insulter " (Le Figaro, le 22 novembre 2000). Pour la prude UDF aussi, la grande solderie de la repentance et du recyclage nauséabond est bien entamée !

Le 16 novembre 2000, une dépêche Reuters tombe en titrant " Le RPR n’exclut plus de s’allier avec Millon à Lyon ". Le jeune secrétaire départemental RPR du Rhône, Eric Pelet, déclare au cours d’une conférence de presse que la droite pourrait faire alliance avec Charles Millon au second tour des élections municipales de mars 2001 pour faire barrage à la gauche : " Nous n’avons pas envie de voir la gauche, avec Gérard Collomb (PS) et Étienne Tête (Verts), se pavaner à la mairie (...) De toute façon, quel que soit le score de Charles Millon, s’il fait 10, 12, 13 ou 14% au premier tour, il faudra s’allier avec lui pour battre la gauche ". Pour Eric Pelet, le RPR lyonnais doit revenir " au principe de réalité " car " l’art de la politique c’est l’art de la réalité (...) Aujourd’hui, Charles Millon capte les voix de droite. Il faut reprendre cette captation (...) Et nous n’avons plus les moyens comme dans le passé lorsque la droite locale avait 15 ou 20 points d’avance, d’énoncer des principes, la main sur le cœur, la lèvre tremblante, de nous voiler la face et de faire de grandes déclarations sur l’honneur (...) Nous avons un électorat qui attend de voir la gauche battue ". (Libération, Le Monde et dépêches d’agences, novembre 2000). Jusque-là, Charles Millon est officiellement considéré par le RPR et l’UDF comme s’étant placé lui-même hors-jeu de la droite républicaine. Le soir même, Michel Forien, Président départemental du RPR du Rhône, fulmine : " Il n’a jamais été question d’une alliance avec Charles Millon. C’est une erreur d’interprétation ou une erreur de jeunesse de sa part. Il va faire un démenti, je vous le promets ". Il faut redire au RPR qu’il n’en avait pas été non plus question en 1998 !

À peine se fait-il remonter les bretelles par ledit Michel Forien, que le même secrétaire départemental, Eric Pelet, tente de rectifier le tir : les témoins et journalistes présents devaient tous être stupides ou ivres de Beaujolais nouveau car sa pensée aurait été mal comprise... Il déclare donc que les propos rapportés ont donné lieu à une interprétation non conforme à sa " pensée (...) au contraire, nous avons la responsabilité de faire en sorte que notre campagne, par ses réponses aux attentes des Lyonnais, ne permette pas à Monsieur Millon de négocier ". Si on lit bien, plusieurs hypothèses peuvent en découler : en répondant " aux attentes " des électeurs de Lyon il espère capter ses supporters, y compris sans doute en usant des mêmes thèmes et ambiguïtés. Et écrire que le but de la campagne RPR est de ne pas permettre à " Millon de négocier " contient en soi cette possibilité si, au final, au soir du premier tour, il se trouve avec un score probant. Dans la foulée le RPR Henry Chabert s’est senti obligé d’ajouter " J’ai dit très clairement qu’il n’y aurait pas d’alliance avec Charles Millon. Je le redis. S’il devait y en avoir, elle se ferait sans moi " (Libération, le 18 novembre 2000). Finalement, le secrétaire local du RPR est relevé de ses fonctions par Adrien Gouteyron, secrétaire général du parti, le 20 novembre 2000, non pas pour son cafouillage pro-Millon mais au motif qu’il soutient le candidat-député RPR Henry Chabert dans sa volonté de postuler en solo à la mairie de Lyon, contre le candidat UDF investi.

La campagne de M.Mercier a été lancée le 28 novembre, annonçant les 9 têtes de listes des arrondissements lyonnais pour janvier 2001, candidats répartis entre UDF, DL, RPR et sans doute RPF, le parti de Charles Pasqua ayant d’ores et déjà apporté son soutien à ces listes pour la troisième ville de France... À cette occasion, Michel Mercier joue encore de son ambiguïté à propos des listes initiées par Millon et ses amis : " Il appartiendra aux autres listes de choisir de nous faire perdre ou de nous faire gagner " (dépêche AFP du 28 novembre 2000).

Le délégué général du FN, Bruno Gollnisch, dans un communiqué du 9 novembre 2000, approuve les propos de Pascal Clément qui dénonçait le 8 novembre 2000 le "coup de poignard" donné à la droite lyonnaise par Anne-Marie Comparini qui refuse toute alliance de second tour avec Charles Millon et les siens, la jugeant alliée de la gauche et " assise entre deux chaises, elle va bientôt tomber par terre " et ajoute, pour bien clarifier ses intentions, que la droite ne " saurait refuser les voix qui se porteraient au premier tour sur Millon" (Marianne 13 novembre 2000). Gollnisch conclut son communiqué en disant que Pascal Clément " a raison de considérer que l’UDF fait en réalité la politique de la gauche " Pascal Clément annonce le 11 novembre que " la Loire est ainsi le premier département dans lequel l’union de l’opposition sera la règle dans tous les cantons et dans toutes les villes ". Avec sans doute des accords allant loin vers la droite dure et les recyclés, " millonistes " et extrémistes... Une semaine après, le 15 novembre 2000, le même Pascal Clément est reçu comme si de rien n’était à déjeuner avec une poignée d’autres élus, par Jacques Chirac à l’Elysée...

Alors numéro deux de DL, le député de Paris Laurent Dominati, ami proche d’ Alain Madelin, déclare le 13 novembre 2000 au sujet des municipales à Lyon : " à Lyon si Michel Mercier (UDF) ne passe pas un accord avec Charles Millon, Lyon sera perdue ". Preuve s’il en est que DL, au plus haut niveau, est corrompue par ces idées d’alliances noires qu’elle assume et désire...

En attendant, certains jouent sur l’ambiguïté, ou gardent " plusieurs fers au feu ", puisqu’on lit par exemple dans Le Journal du Dimanche du 19 novembre 2000 : " Invité par Raymond Barre à reconquérir son électorat républicain, Millon s’y emploie en parcourant les quartiers ". Il ajoute dès que possible, à la même période, comme gage de sa bonne volonté de fusionner avec ceux qui sont toujours ses amis, RPR, UDF ou DL, qu’il " ne ferait rien qui puisse faire gagner la gauche ! " (France-Soir, le 29 novembre 2000). Enfin, cerise sur le gâteau du recyclage-blanchiment en cours pour Millon, il est accepté - comme une évidence, comme si de rien n’était - en tant que parlementaire (et comme " non inscrit ", n’étant pas encore intégré dans les groupes RPR, UDF ou DL, mais ca ne saurait tarder trop...) signataire de l’appel à l’union de(s) la droite(s) lancé en novembre 2000 dans Le Figaro à l’initiative de Dominique Baudis signé par près de 400 parlementaires de droite, Jean-Pierre Soisson lui aussi y a officiellement apposé son seing, comme élu de DL. Le moins que l’on puisse dire c’est que la droite part confuse à la bataille et que certains sont prêts à tout pour garder la ville à droite, y compris à rejouer mars 1998...

ILS SE SONT EXPRIMES DANS MINUTE

Jean-Marc Chavanne, député RPR de Haute-Savoie, conseiller général et maire de Saint-Jeoire, le 23 août 2000.

Michel Bouvard, député RPR de Savoie, le 30 août 2000.

Henri Chabert, député RPR du Rhône et maire-adjoint de Lyon, le 26 août 2000.

Charles Millon, ex-UDF, fondateur du mouvement La Droite, devenue en octobre 1999 Droite Libérale Chrétienne le 14 juin 2000. Il est candidat à la mairie de Lyon pour mars 2001.

Bernard Accoyer, député RPR de Haute-Savoie, fidèle de Jacques Chirac et secrétaire national aux élections du RPR (donc stratège en chef avec Michèle Alliot-Marie, Présidente du RPR, pour les désignations des candidats), dans Minute du 12 avril 2000 : " aujourd’hui le choix est clair : l’union de la droite doit favoriser l’alternance en 2002 afin d’empêcher le basculement, largement entamé, de la société française vers une société collectivisée ".

Dominique Dord, député DL et vice-président du conseil général de Savoie le 19 avril 2000 " le PACS a manqué sa cible ! ".

ILS SE SONT EXPRIMES DANS L’HEBDO DU QUOTIDIEN

Michel Terrot, député RPR du Rhône : " La délinquance m’apparaît comme de plus en plus violente au fil des mois (...) la machine à intégrer n’intègre plus, et nous trouvons des jeunes issus de l’immigration, en grand nombre, dans ces comportements qui rendent la vie impossible aux honnêtes citoyens ".

Bernard Perrut, député DL du Rhône, adjoint au maire de Villefranche-sur-Saône, le 5 juillet 2000.

Yves Nicolin, député DL de la Loire le 17 mai 2000 : " il suffit d’aller voir dans une banlieue pour savoir que les plus âgés se servent des plus petits pour commettre des délits, parce qu’ils savent bien qu’ils ne seront pas poursuivis ! ".

Charles Millon, le 26 janvier 2000.

Bernard Accoyer, le 3 mai 2000 : " 2002 : Union de la droite ou société collectivisée "


Source : Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) http://www.mjsfrance.org