Contre-enquête

(source : Les Dossiers du Canard enchaîné)


LA PROTECTION REPROCHEE

Habillés comme des premiers

communiants intégristes,

les membres de la garde personnelle

sont parfois de drôles de paroissiens.

"Dépendre du Président seulement." En trois lettres, DPS. C’est le privilège que revendiquent les membres du service d’ordre du Front national, regroupés dans la "Direction protection et sécurité", la DPS. Et, flattant le Chef, ravi d’avoir sa garde prétorienne comme les grands, ils participent largement d’un pouvoir fondé à l’occasion sur la crainte. Ces intellectuels n’hésitent pas à donner de leur sigle de tout autres significations désopilantes. comme "Dénicher les Poux Socialistes", "Déloger les Personnes Subversives ", "Désirer le Pouvoir Sciemment", ou bien encore "Dur, Pur et Solidaire". Tout un programme.

A la fois service d’ordre et police politique interne, la DPS" peut, au pied levé, remplacer tout échelon du parti en cas de coup grave ", si l’en croit "Monsieur Robert , l’un de ses responsables régionaux. Irnplantés dans une soixantaine de départements, ses membres se rassemblent par "équipes", "dizaines", et "groupes" , à l’écart des instances politiques de l’organisation. Forte de quelque 1 500 membres, cette petite troupe est placée sous le commandement direct de Jean-Marie Le Pen, via un ingénieur chimiste à la retraite qui se fait appeler "colonel Janbart". Mais toute ressemblance avec une organisation gaulliste dissoute en 1982 serait purement fortuite.

Ce corps d’élite se distingue d’ailleurs du SAC, lors de ses apparitions, par une "tenue d’honneur strictement codifiée dans une directive de 1986, que ses membres doivent porter réglementairement . "Chemise bleu clair uni + cravate FN + pantalon gris (ou jupe grise , la DPS n’étant pas plus sexiste que la garde de Mu’ammar al-Kadhafi) + chaussettes et chaussures noires ou foncées, veste blazer bleu marine référence droite, avec insigne- flamme FN à la boutonnière. - Une tenue de premier communiant qui suffit pour donner Mgr Lefebvre sans confession à ceux qui l’arborent. Pour agrémenter l’ensemble, un écusson de poitrine "sur fond vert liséré de bordure et lettres brodées rouge", que décorent deux "rameaux de laurier brodés or ", permet de reconnaître la DPS avec certitude. L’origine géographique du porteur est également indiquée, l’écusson est "personnalisé en sa partie inférieure par : les chiffres brodés or du département (de 01 à 95) pour toute fonction depuis garde jusqu ’à responsable départemental les deux lettres initiales brodées or de la région pour les responsables régionaux ; une étoile d’argent pour les chargés de mission multirégion .- deux étoiles d’argent pour le directeur central adjoint. - Le grade est spécifié par une épingle de fonction en forme de losange (gris pour les chefs d’équipe, jaune pour les chefs de dizaine adjoints, orange pour les chefs de dizaine, etc.) portée "pointe inférieure du losange de couleur à 2 cm exactement au-dessus de la pointe supérieure de l’écusson". Les inspections sont faites au pied à coulisse ?

Ces marques distinctives ont été distribuées, pour la première fois, à tous les responsables DPS régionaux et départementaux au cours d’une "cérémonie officielle" strictement confidentielle, "lors d’un rassemblement national organisé à leur intention par le Président et en sa présence", dans le courant de l’été 1986. Quelques jours plus tard, les DPS faisaient leur première apparition publique à la Fête des BleuBlanc-Rouge.

Auparavant, le FN avait connu bien des déboires pour mettre en place un service d’ordre digne de ce nom. En 1983-1984, la tâche était plus ou moins dévolue au Front national de la jeunesse, sous les ordres de Carl Lang. Quand la question se pose, au printemps 84, lors d’une réunion du comité central à Quarré-les-Tombes (Bourgogne), de mettre sur pied une organisation plus solide, un nommé Daniel Godot est pressenti à ce poste. Il a des titres : ex-lieutenant du 1er REP, adjoint de feu Pierre Sergent à la tête de l’OAS-métro, plus particulièrement chargé de l’Organisation des masses, il n’en a pas moins organisé des actions très dures. Mais, à la demande de Le Pen, c’est finalement à l’ancien chef OAS du maquis Bonaparte, Roger Holeindre, dit Popeye, qu’est confiée la responsabilité de la direction de l’organisation des meetings, la DOM. Avec de modestes moyens, mais de gros bras, une dizaine d’hommes et un petit car, il court la France, de meeting en meeting, s’évertuant à s’entourer d’un SO formé d’hommes à "la tenue impeccable" , de "militants exemplaires", acceptant d’être "aux ordres durant toute la durée du meeting". Sans grand succès.

(Batskin, qui ne fait officiellement pas partie du service d’ordre)

"Je passe ma vie à faire des circulaires ", se plaint-il, le 25 juillet 1985, dans une note adresée aux secrétaires fédéraux et mettant les points sur les "i ". "Je tiens à vous rappeler que le mot "directive" est le mot libéral qui veut dire "ORDRE". " Malgré toute son expérience de la préparation militaire, il faudra un an au "colonel Janbart", nommé responsable national de ce SO à l’été 1985, pour achever la tache et créer la DPS.

De son vrai nom Jean Fort et seulement capitaine de réserve, mais colonel c’est plus coquet, cet ancien de l’OAS-métro, mis sous mandat de dépôt à la Santé avant d’être interné administrativement au camp de Saint-Maurice- l’Ardoise (Gard), avait déja exercé d’importantes fonctions au sein du FNC, le front national des combattants qu’avait présidé Jean-Marie Le Pen. C’est au nom de ce passé commun qu’il est venu proposer ses services à Jean-Marie Le Pen, qui l’a bombardé aussitôt commandant en chef de sa garde prétorienne. Sans aucune consultation. Conune il a nommé l’ancien aide-gestapiste Paul Malaguti, ex-secrétaire général du FNC, à la tète d’EuroparisConseil, la société de financement du FN. Bien proprets du blazer, les petits soldats de la DPS ne sont pourtant pas sans taches. Ils sont peu soigneux avec les affaires et parfois un peu mai élevés et vantards.

Au congrès de Nice, un journaliste de "L’Evénement du jeudi" en a fait la douloureuse expérience. Un DPS lui a salement déchiré son polo et proprement fichu son poing dans le pif après l’avoir menacé de le "sodomiser devant le monde entier". Daniel Falcoz, a longtemps été parallèlement secrétaire général d’un groupuscule Vigilance nationaliste qui fusionna en 1987 avec le Clan, Comité lyonnais d’action nationaliste. Ce groupe, dont l’emblème est la croix celtique, avait une obsession majeure : la chasse aux francs-maçons. "Comme en 1940, écrasons-les !", proclamait son bulletin d’avril 1987. Ce n’est donc pas vraiment un hasard si des membres du Clan étaient présents en 1987 à la Fête des BBR pour épauler la DPS et chasser les intrus.

"Menacé de le sodomiser devant le monde entier"

Il n’est pas rare de croiser Gilbert Lecavelier, coauteur d’un ouvrage intitulé "Aux ordres du SAC", dans les rangs de la DPS. Il ne serait pas le seul de cette espèce. Janbart a "monté la DPS en grande partie avec des mecs du SAC", raconte Jean-François Touzé, ancien adjoint de Stirbois chargé des fédérations, avant de préciser que "la plupart ne sont pas restés longtemps". Un turnover "important" contribue grandement à faire de la DPS un "rassemblement de bras-cassés". Un jugement partagé par Serge Ayoub, plus connu sous le nom de Batskin par ses fans les hooligans du Parc des Princes, et Frédéric Chatillon, dirigeant de fait du Groupe Union-Défense, le GUD. Tous deux ont maintes fois côtoyé le service d’ordre officiel du FN ces derniers mois, particulièrement lors de la campagne des régionales et des cantonales.

"Nombreux quand Le Pen est là, les DPS sont très peu quand il n’est pas là", observe Jean-François Touzé. En période de surchauffe comme lors des campagnes électorales, ce défaut se ressent particulièrement. "A Saint- Ouen-l’Aumône, raconte Batskin, pour le meeting de Carl Lang, il n’y avait que quatre DPS, dont deux femmes. La démocratie était en danger ". S’il est arrivé avec sept des siens et un chien, de sa ,"propre initiative "."précise-t-il, c’était pour "défendre la liberté d’expression ". A-t-il été payé pour ses petits services ? "Je n’ai été payé que pour assurer le SO de SOS-Racisme au Bourget". C’est sûrement en rendant des services bénévoles que la bande à Baiskin a pu s’offrir Saint-Ouen-L’Autnône avec des troupes fraîches : "On savait que ça allait être chaud". Selon lui, la direction du FN n’accorde qu’une confiance limitée aux troupes de la DPS, "une bande de pochetrons", et préfère faire appel, pour des tâches délicates, à des sociétés de protection amies, comme Norrnandy Sécurité de Femand Lousteau. Et parfois, discrètenient, à des groupuscules comme le GUD. "Les DPS, c’est bon pour la parade".

Celle de Le Pen, bien sùr. Quand lui vient l’envie de prendre un bain de foule avant de gagner la scène pour son show, façon "un chef sorti du peuple". ils n’hésitent pas à dresser fièrement leur corps entre ce messie et la lie du peuple, dans une superbe haie d’honneur. Qu’il visite les stands de la Fête des BBR, les DPS bousculent les vieilles dames en se marchant sur les pieds pour lui ménager un peu d’air. Chaque année, rue de Rivoli, face à la statue de Jeanne d’Arc, ils l’entourent de leur chaleur prévenante, guettant au pied de la tribune le moindre perturbateur, la moindre entorse à la discipline. Arnve un photographe ? Le DPS relève le menton et tire les plis de sa veste. Serviable, il saura aussi escorter tel ou tel "fan" venu de nos lointaines campagnes pour immortaliser le descendant de la Pucelle avec son Instamatic Pocket, lui prodiguant quelques conseils à l’occasion. Pour faire une vraie carrière politique, il faut être bien entouré.


Contre- enquête

(source France-Soir, 17-04-97)


FN : DEBRE VEUT PRIVER LE PEN DE SA GARDE NOIRE

La milice du Front national est dans le colimateur du ministre ded l’intérieur. jean- Louis Debré a demandé une enquête précise sur les agissements du Département protection sécurité (DPS) créé en 1986. Cette formation a succédé à la Défens organisation des meetings, dirigée par Roger Holeindre depuis 1984. Cest l’intervention musclée du DPS à Montceau- les- Mines en octobre dernier qui à provoqué l’enquête de l’Inspection générale de la Police nationale. La "milice" de Le Pen était casquée et équipée de bouclier en polycarbonate et de bombes lacrymogènes. Bref, la parfaite tenue des CRS.

Le secrétaire général d’un puissant syndicat de policier, la CUP-SGP, Jean- Louis Arajol, avait dénoncé le 28 mars dernier les agissements du DPS. Pas content, Jean- Marie Le Pen a réagit hier en affirmant que si "cette manoeuvre aboutissait à la dissolution tout à fait injustifiée de notre service d’ordre, il appartiendrait à chacun des citoyens mis en danger d’assurer sa légitime défense... La responsabilité en reposerait bien sur exclusivement sur le ministre de l’intérieur." A gauche, le maire de Strasbourg, Catherine Trautmann, est catégorique : "Le doute n’est plus permis sur le caractère de milice du service d’ordre du FN qui se révèle être un service de désordre national. Sa dissolution est une évidence politique." Réponse du ministre de l’intérieur : probablement dans une quinzaine de jours par décret en conseil des ministres.

1 700 "bénévoles" prêts à faire le coup de feu

Pour la police, Il y en aurait 7 000... Des troupes venues de tous les horizons, notamment du SAC et de l"OAS. Plongée dons l’organisation d’un service d’ordre particulièrement musclé

Le Département Protection Sécurité du FrontNational a-t-il franchi la frontière entre le classique "Service d’Ordre" d’un parti et la milice ? Oui, insistent ses détracteurs pour lesquels tant son organisation et ses moyens que ses actions prouvent sa capacité comme sa volonté à assurer elle-mème sa propre conception du "maintien de l’ordre".

Une analyse que les propos de Jean-Marie Le Pen hier, peuvent confirmer irnplicitement : si son service d’ordre était dissous " il appartiendrait à chaque citoyen mis en danger d’assurer sa légitime défense", a estimé le président du Front National qui ne voit que des " dénonciations calomnieuses " dans les accusations selon lesquelles le FN dispose de " milices armées".

Officiellement, Le DPS a pour fonction classique d’encadrer les manifestations du FN. Ses gros bras portant blazer bleu et cravate tricolore doivent assurer la pro- tection des cadres et "sécuriser" les rassemblements. Première qualité : ils sont disciplinés. Depuis que le DPS a succédé en 1986 à la - Défense Organisation des rneetings " créée par Roger Holendre (lire page 3), il s’est étoffé et rigoureusement structuré sur un modèle militaire.

Effectifs

Son patron, Bernard Courcelle ancien officier para (lire page 3) l’a divisé tout naturellement en 6 zones, comme à l’armée, dirigées par des coordonnateurs lesquels contrôlent 22 responsables régionaux qui commandent 95 responsables départementaux. Officiellement il dispose toujours de 1 700 " militants bénévoles", mais les effectifs du DPS font l’objet d’estirnations des plus variables. Certains, comme Jean Louis Arajol, secrétaire général de la Centrale Unitaire de Police (CLTP-SGT), avancent jusqu’à 7 000 membres (lire page 4), d’autres au contraire, estiment que seul un millier d’hommes est réellement opérationnel.

C’est que le DPS a son "corps d’élite", les "Unité Mobiles d’interventions", calquées sur la gendarmerie mobile. Ceux-là sont sélectionnés pour leurs qualités physiques et leur compétences "techniques", sans cesse entretenues. Les viviers n’ont jamais manqué : des anciens du SAC ou de l’OAS aux spécialistes de la "sécurité". Un domaine que les Courcelle connaissent sur le bout des doigts. Nicolas, frère de Brenard dirige le G 11, SARL "d’enquête et de sécurité", spécialisée dans le "paramilitaire".

Inquiétant

Les "Umistes", interviennent généralement casqués et en civil, mais la règle souffre des exceptions comme à Montceau les Mines. Comme l’ensemble de la DPS, ils disposent du fin du fin en matière d’armes "défensives", (des matraques défensives aux tenues maintien de l’ordre) mais le maniement des armes à feu est aussi au programme de leur formation permanente.

Pour Bernard Teper, président d’ Initiative Républicaine , (à l’origine avec le Réseau Voltaire et la CUP- SGP des demandes de disssolution), les "membres du DPS son tous inscrits dans des clubs de tir lesquels ne font pas l’objet de contrôle sérieux. Ils détiennent des armes, et eu égard à la nature du FN et au contexte politique c’est particulièrement inquiétant". Bref, les armes ne seraient pas sorties, mais elles seraient prêtes.

Cela a créé quelques "dissensions", explique Fiammetta Venner, spécialiste des réseaux d’extrême droite, qui a enquêté au sein de la DPS, pour Charlie-Hebdo. "Dans le sud certains reponsables sont partis car on leur avait imposé des anciens de l’OAS qui refusaient de se séparer de leurs armes. "

Enfin, le DPS remplit également avec une efficacité redoutable une double mission de " renseignement " : interne, et externe, ficher tout adversaire actif du FN. Une activité pour laquelle ils bénificient de l’expérience de noyaux de policiers sympathisants, formés parfois à la bonne école des RG. De quoi susciter, sinon la dissolution, du moins l’inquiétude de beaucoup, et, finalement une enquête du l’Intérieur.

Arnaud LEVY


Contre-enquête

(source : L’Evénement du Jeudi, 01-05-97)


SERVICE D’ORDRE OU GROUPE DE COMBAT ?

L’ETRANGE GARDE PRETORIENNE DE JEAN-MARIE LE PEN

Ils forment ce que l’on appelle la DPS,

direction protection et securité. Ils portent

blazer et cravate, mais ils savent aussi jouer

de la matraque et du bouclier. Ce sont les

gros bras du Front national.

"La violence est touiours unilaréralement exercée par les contremanifestants de gauche. (...) Si cette situation parfaitement anormale devait durer, il est probable qu’un certain nombre de militants du FN voudraient, eu aussi, porter l’insécurité dans les rangs de ceux qui, sans prendre de risques, font peser sur nous les menaces que l’on sait."

C’était jeudi dernier, lors de la présentation des candidats du Front. Pour la première fois, Jean-Marie Le Pen agitait, très clairement, la menace d’une action violente du Front national. Provocation ?

Qui ira ainsi "porter l’insécurités" ? Le service d’ordre du FN, bien sûr ; sa fameuse DPS (direction protection et sécurité) que le ministre de l’intérieur, Jean-Louis Debré, selon certains, voulait récemment dissoudre. Bernard Courcelle, le patron des 1 700 hommes que compte cette structure, confirme sans détour que " la DPS assurera la protection des militants s’il s’agit d’une manifestation rganisée par le Front ".

Rodomontade ou avertissement à prendre au sérieux ? Le parti lepéniste pourrait être tenté par une action d’éclat. Comme le président du Front l’a souligné, les formations représentées à l’Assemblée bénéficieront de trois heures d’antenne contre sept minutes pour le Front... Un réel handicap dans une campagne essentiellement médiatique.

La DPS est un chiffon rouge idéal. Surtout depuis qu’a couru la rumeur de sa dissolution. Le 25 octobre, à Montceau-les-Mines, les militants de la DPS étaient intervenus, casqués et équipés de boucliers, contre des manifestants hostiles au FN. Et cela devant les caméras de la télévision. Une opération qui tombe sous le coup de la loi de 1936 interdisant les milices et les groupes de combat. La DPS - au Front, on dit " le ", DPS, ce qui sonne plus viril - a été créée en 1986. Elle succédait alors à la DOM (défense organisation des meetings), mise sur pied, deux ans plus tôt, par Roger Holeindre, membre du bureau politique et patron du Cercle national des combattants.

Le premier patron de la DPS est un proche de Le Pen, le capitaine Jean Fort, un ancien de l’OAS qui se fait appeler " colonel Janbart ". Il assigne trois missions à la nouvelle structure : la protection des réunions et des manifestations, les actions spéciales et le renseignement. Comme le révélera le Canard enchaîné, cette activité sera grandement facilitée par un inspecteur des Renseignements généraux qui puise dans les archives de son service de quoi alimenter le fichier que le Front constitue sur ses adversaires.

Côté maintien de l’ordre, janbart met en place des unités mobiles d’intervention (UMI) équipées de casques, bouchers et matraques. Matériel que la DPS exposait sur son stand il y a quelques années, au Bourget, lors d’ une traditionnelle Fête des bleu-blanc-rouge. Le ministère de l’intérieur ne s’en était, alors, pas ému.

A cette époque, les effectifs sont encore limités. Pour les grandes occasions, la DPS sollicite des gros bras extérieurs au parti. Lors d’un meeting de Le Pen au Zénith, à Paris, on pourra ainsi voir les militants du GUD et les skins de Serge Ayoub, alias Batskin, jouer les supplétifs du Front. Mais, s’ils sont les bienvenus pour faire le coup de poing, les skins et autres "gudars" sont moins requis pour les défilés du 1- Mai. Trop voyants ! Ils se feront refouler manu militari à plusieurs reprises. En 1994, Le Pen fait appel à Bernard Courcelle pour succéder à Janbart. Cet ancien capitaine du 6’ régiment parachutiste d’infanterie de marine (Rpima) a notamment été responsable de la sécurité de la société d’armement Luchaire et des Musées de France.

Sa mission : faire de la DPS un service plus présentable. Désormais, il faudra posséder sa carte du FN, avoir un casier judiciaire vierge et arborer blazer, cravate et pantalon gris pour intégrer les rangs de la DPS.

Le 1er mai 1995, à proxirmité du traditionnel cortège du Front national, des skinheads poussent dans la Seine un jeune Marocain, Brahim Bouarram, qui périt noyé. L’affaire prend des proportions très importantes : François Mitterrand ira lui-mème jeter un bouquet de muguet dans le fleuve, à l’endroit où le jeune homme a été jeté à l’eau.

Le Front est, bien sûr, montré du doigt et Bernard Courcelle mène une enquête interne : finalement, ce sont des skins de Reims qui ont tué le jeune Marocain. L’un d’entre eux, Christophe Calame, est venu à Paris dans un car du Front national. Le FN n’est donc pas complètement étranger au drame.

Bernard Courcelle accepte de collaborer avec les enquêteurs de la Brigade criminelle. D’autant plus facilement que le patron de la Crime et son adjoint, comme le chef de la DPS, sont officiers de réserve. C’est en somme à des camarades que Courcelle livre le nom d’un des skins rneurtriers. Il est vrai q’il était temps. Quelques heures après sa déposition, les Renseignernents généraux, qui ont mené leur propre enquête, communiqueront le nom des trois crânes rasés à leurs collègues de la Crime. Vengeance des skins ? Dans la nuit du 23 septembre 1995, Bernard Courcelle et l’un de ses collaborateurs essuient deux coups de feu en sortant des locaux du Front à Saint-Cloud : enquête policière n’a toujours pas élucidé ce curieux incident.

La DPS sait cependant être discrète et efficace. En octobre dernier, Bruno Gollnisch, à la tête d’une manifestation improvisée, tente de déposer une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. Deux-policiers s’interposent. Un mot du secrétaire générale et deux membres de la DPS font aussitôt voltiger les képis importuns.

Novembre : en pleine crise de démence, un membre du bureau politique, Michel Collinot, se barricade dans une auberge bourguignonne. Bernard Courcelle et une équipe de la DPS se rendent sur les lieux et dirigent Collinot vers un établissement spécialisé.

Mais les bavures sont aussi au rendez-vous. Il y a un mois, à Strasbourg, lors du congrès du Front, trois militants de la DPS, encadrés par un élu - Claude Jaffres, conseiller régional d’Auvergne -, se font passer pour des policiers auprès de deux manifestants. Interpellation, fouille musclée... Les quatre faux flics écopent d’un an de prison avec sursis. Qu’on se rassure : la DPS compte aussi de vrais policiers que l’inspection générale de la police nationale s’efforce d’identifier. Transmettent-ils à leur parti des informations sur les adversaires du Front ? " Soyons sérieux, répond Bernard Courcelle. Ce n’est pas un gardien de la paix ou un inspecteur qui vont nous renseigner sur les ennemis du Front. Nous n’avons pas de fichier caché. Juste une documentation, essentiellement constituée de coupures de presse, sur les mouvements hostiles au Front. "

Lors du congrès de Strasbourg, on a pourtant observé des membres de la DPS équipés d’appareils photo. " C’était pour faciliter l’identification par la police des perturbateurs, se défend Bernard Courcelle. Vous savez, ce sont nos réseaux politique ou les journalistes amis qui nous communiquent les informations importantes. "

Côté réseau, Bernard Courcelle est bien placé. Son frère Nicolas dirige la société de sécurité Groupe 11, qui, entre autres prestations, a assuré une partie du service d’ordre d’Edouard Balladur lors de la campagne présidentielle de 1995...

Dans le dernier numéro du journal Ras l’front Maurice Rajsfus, le principal responsable de l’association antilepéniste, rapportait avoir reçu à son domicile un appel de Bruno Godnisch. Le secrétaire général du FN le tenait pour responsable de la mise à sac du stand du journal National Hebdo au Salon du livre. Comment Gollnisch est-il arrivé à avoir le numéro de Rajsfus alors que celui-ci est sur liste rouge ? " Ce n’ est pas grand grand mystère, confie Bernard Courcelle. Il suffit d’appeler les permanences de Ras l’front. il y a toujours quelqu’un qui finit par donner le numéro de téléphone des responsables... " Soit. " La sécurité et l’indépendance sont des missions principales et non secondaires, rappelait Le Pen dans son rapport moral à Strasbourg. (... ). La DPS n’est pas la bouée de sauvetage que l’on range et que l’on oublie sous son siège au risque de ne pas la trouver le jour de la tempète. On ne saurait mieux dire...

Serge FAUBERT


Contre-enquête

(Source : AFP, 02-04-97)


02/04/97 16h52 - Général-Politique - FN-CONGRES - Prev

LE DEPARTEMENT-PROTECTION-SECURITE DU FN - UN SERVICE D’ORDRE "PARTICULIEMREMENT STRUCTURE"

PARIS, 2 avr (AFP) - Le service d’ordre du Front national (Département-Protection-Sécurité - DPS), qualifié de milice par certains syndicalistes policiers qui réclament une "enquête" sur ses activités est, selon des sources policières, "particulièrement structuré et imposant".

Quatre militants du FN, dont trois membres du DPS, au nombre d’un millier au Palais des Congrès de Strasbourg pour le congrès du FN, selon les indications du délégué national aux manifestations, Serge Martinez, ont été condamnés mardi à Strasbourg à un an de prison avec sursis après s’être faits passer pour des policiers.

Vendredi dernier, à la veille du congrès, la Centrale unitaire de la police (CUP-SGP) avait accusé le DPS d’être une "milice", entràinée "au tir", disposant d’un "fichier" des anti-FN, de moyens, ainsi que d’un budget "autonomes". Ce syndicat avait demandé l’ouverture d’une enquête et mis en garde contre le "danger de graves troubles à l’ordre public".

Créé en 1986 et placé sous l’autorité directe du président du FN, Jean-Marie Le Pen, le DPS, qui est dirigé par un ancien responsable de la sécurité aux Musées de France, Bernard Courcelle, est fort, selon une brochure diffusée lors du congrès du FN, "de 1.700 militants bénévoles chargés de veiller au bon déroulement des manifestations". Il ont participé l’an dernier, selon le FN, "à 1.200 sollicitations au niveau national".

Le secrétaire général de la CUP-SGP, Jean-Louis A-rajol, avait déclaré lors d’une conférence de presse le 28 mars que le DPS était fort de 3.000 à 7.000 membres.

Vêtus d’une chemise bleue et d’une cravate tricolore sous un blazer bleu marine orné d’un écusson vert et rouge frappé su sigle "DPS", ils sont sélectionnés au sein des fédérations départementales du FN. Ils participent à des "stages réguliers de sécurité, d’incendie, de secourisme et de gestion de foule", selon le FN. Le DPS compte environ 20 % de femmes dans ses rangs.

Des règles "bien établies"

Au fil des années, selon des sources policières, le DPS, qui a succédé à la "Défense Organisation des meetings" créée en 1984 par Roger Holeindre, "s’est étoffé" et peut mobiliser jusqu’à 2.000 militants, "voire plus en cas d’évènement important".

Il fonctionne, a-t-on précisé de même source, selon des règles "bien établies", avec du matériel radio "adéquat et performant".

Le DPS a fait parler de lui pour la première fois durant l’enquête sur la mort de Brahim Bouarram, un Marocain de 29 ans jeté dans la Seine par trois présumés skinheads, en marge de la manifestation du FN pour le ler mai 1995 à Paris. Les "tuyaux" fournis notamment par M. Courcelle, directement aux enquêteurs, avaient permis de donner des indications sur les suspects, ni militants ni sympathisants du FN, selon le parti de M. Le Pen. Cette coopération avec la police avait été jugée inédite.

En octobre 1996, le DPS avait été mis en cause, notamment par le Parti socialiste, à l’occasion d’une manifestation anti-FN à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). De vifs incidents avaient opposé le DPS à des contre-manfestants. Le FN avait alors invoqué la "légitime défense", réfutant les accusations de "milice" portées à l’encontre de son service d’ordre.

RB-JLB/jfb/pl/pfa


Contre-enquête

(Source : in "LE FN, HISTOIRE ET ANALYSE" (pp. 92-93), par Jean-Yves Camus, Ed. Olivier Laurens, 1997)


Comme dans les autres partis politique, l’appareil est ensuite complété par une série de secrétaires nationaux aux attributions fonctionnelles : il en existe 9, qui à une exception près sont des n-filitants éprouvés. D’autre part quatre délégués nationaux rattachés au délégué général, prennent en charge les tâches proprement politiques : la formation (Bernard Antony) ; les études (jean-Yves Le Gallou) ; la propagande (Fernand Le Rachinel, transfuge de l’UDF) ; les grandes manifestations (sous la responsabilité de Serge Martinez). Hors hiérarchie se situe le Département Protection Sécurité, (DPS), qui est le service d’ordre du FN et compterait 1500 membres. Il s’agit d’une structure importante compte tenu des heurts fréquents, tant avec des contre-manifestants qu’avec les forces de l’ordre, qui émaillent les meetings du FN. De 1972 à 1986, le service d’ordre était assuré par Roger Holeindre. A cette date, la DPS est créée, sous la direction de "Jean Jeanbart". Elle comprend un responsable par région et par département et conférait des grades d’apparence militaire à ses cadres ("colonel" ; "capitaine"). Actuellement, ses deux responsables nationaux sont Bernard Courcelle et Marc Bélier (depuis mai 1994)’, Selon la DPS, on compterait au total 80 blessés et 8 morts parmi les membres du FN agressés pendant une action militante. Dans la plupart des cas, les circonstances du décès révèlent une cause accidentelle plutôt qu’une agression délibéréc. Par contre, le non-respect par certains militants frontistes des consignes consistant à ne pas porter d’armes a plusieurs fois conduit au meurtre : ainsi en mars 1995 à Marseille, une équipe de colleurs du FN a tué un jeune Comorien qui ne lui avait manifesté aucune hostilité. Dans ce type de cas, la direction du FN plaide en général la légitime défense en dehors de toute vraisemblance.

Dossier du Réseau Voltaire

"Le DPS : une milice contre le République"