Témoignage de Lorrain de Saint-Affrique

(Source : France-Soir, 17/04/97)


"OFFICIELLEMENT, LES ARMES SONT INTERDITES..."

Membre du Front national de 1984 à 1994, Lorrain de Saint-Affrique a exercé le poste de secrétaire départemental cette période, l’ancien conseiller en communication de Jean-Marie Le Pen a céeu le loisir de côtoyer de près le service dans le Gard de 1990 à 1994. Durant d’ordre du mouvement. Souvenirs.

FRANCE-SOIR. - Comment sont recrutés les membres du département protection sécurité ?

LORRAIN DE SAINT-AFFRIQUE. - Au niveau du secteur dont j’avais la charge, le recrutement se faisait parmi des retraités de l’armée ou de la police et aussi, bien sûr, parmi des jeunes. Tous les âges étaient représentés. Il faut savoir que le DPS a une particularité : il rend compte directement à Jean-Marie Le Pen et constitue une sorte de garde prétorienne soigneusement motivée et encouragée par le chef qui la considère comme une élite. Le financement du service d’ordre est assuré par les pourcentages prélevés sur les recettes des manifestations.

F.-S. - Le rôle du DPS se borne-t-il au maintien de l’ordre dans les manifestations ?

L. S.-A. - Non, certains font du renseignement pour le compte de Jean-Marie Le Pen sur les membres du FN. Lorsque j’étais responsable de la section du Gard, un membre local du DPS enregistrait mes conversations avec un magnétophone mal dissimulé et faisait des planques devant mon domicile. C’était vaguement le RG du coin, un RG interne au parti et pas vraiment discret. Durant la même période, cette personne avait aussi posé un micro dans ma permanence. La confiance règne au FN...

E-S. - Avez-vous en mémoire des moments où le service d’ordre du parti a outrepassée ses fonctions ?

L S.-A. - Officiellement, les armes sont interdites au sein du DPS et les gens qui encadrent le service d’ordre sont, de façon générale, expérimentés. Je me souviens toutefois d’un meeting salle Vallier à Marseille. C’était en 1985. Jétais monté dans une voiture du cortège de Jean-Marie Le, Pen et il y avait des grenades qui se baladaient sur la banquette arrière. " En fait, ce qui semble poser de vrais problèmes aujourd’hui, c’est l’existence, depuis deux ans environ, d’une Unité mobile d’intervention (UMI), créée sous l’impulsion de Bruno Mégret et qui compte un staf de 50 à 100 personnes. Cette unité spéciale, inquiétante par certains côtés, n’en est pas moins d’une réelle efficacité. Fin 1992, un incident s’est produit à Nîmes devant l’hôtel Atria au début d’une réunion organisée par le FN. Une contre-manifestation avait été organisée par des casseurs hostiles au mouvement. Apparamment, les CRS avaient pour consigne de ne pas bouger. Ce sont des membres de la DPS des Bouches-du-Rhône dont l’organisation a servi plus tard de modèle pour l’UMI qui ont permis de tout arrêter.

F.-S. - DPS, UMI, cela fait beaucoup de groupes de sécurité pour un parti qui compte 40 000 membres environ.

L S.-A. - Il existe aujourd’hui des dissentions qui se font de plus en plus fortes au sein du FN. Ces querelles sont susceptibles de déclencher une surenchère au sein même des services d’ordre internes au mouvement, sorte de guerre des polices privées à l’image de la guerre des clans : le clan Le Pen contre le clan Mégret. Il faut être réaliste. Il est impossible d’empêcher un mouvement politique d’avoir un service d’ordre. Si tel était le cas, on prendrait le risque de voir les militants venir armés pendant les manifestations pour assurer leur propre protection. Pour éviter d’éventuelles dérives des services d’ordre privés. Il faut que la police ait la possibilité de faire son travail pendant les manifestations.

Recueilli par

Pascal CATUOGNO

Dossier du Réseau Voltaire

"Le DPS : une milice contre le République"