Il n’est pas moins nécessaire de procéder à une enquête sur les événements liés au 11 septembre que d’examiner les circonstances de la débâcle d’Enron. A l’évidence, si le peuple américain a le droit d’exiger que l’on rende compte de ce qui s’est passé, et pourquoi, dans l’affaire Enron (et il a ce droit), alors nous avons le droit de savoir ce qui s’est passé, et pourquoi, le 11 septembre.

Sommes-nous en train de dilapider notre capital de sympathie à travers le monde, en mettant en œuvre des politiques incohérentes et belliqueuses qui éloignent nos amis et qui nous opposent à nos alliés ? Dans quelle mesure notre dépendance à l’égard des importations de pétrole pèse-t-elle sur les politiques militaires soutenues par l’administration Bush ? La grande proximité entre l’administration Bush et les industries du pétrole et de la défense joue-t-elle, ou non, un rôle dans la poursuite des politiques de cette administration ?

Nous avons le droit de savoir ce qui s’est passé le 11 septembre, et pourquoi. N’instituons-nous pas des commissions d’enquêtes sur les désastres ferroviaires, les accidents d’avion et même les catastrophes naturelles, afin d’en comprendre les causes et d’en prévenir la récurrence -ou d’en réduire les conséquences tragiques lorsque de tels événements se produisent à nouveau. Pourquoi, dans ce cas, l’administration reste-t-elle inébranlable dans son opposition à la conduite d’une enquête sur la plus meurtrière attaque terroriste jamais menée contre notre pays ?

Des reportages publiés tant dans le Spiegel qu’à Londres dans l’Observer, et aussi bien dans le Los Angeles Times que sur MSNBC et sur CNN, il ressort que des avertissements nombreux avaient été reçus par cette administration. On a même raconté que le gouvernement des Etats-Unis avait percé le secret des communications d’Osama bin Laden avant le 11 septembre. Le gouvernement américain, et cela est consternant, fait aujourd’hui l’objet d’actions judiciaires lancées par les survivants des attentats contre les ambassades US en Afrique : d’après les comptes-rendus d’audience, il apparaît clairement que les Etats-Unis avaient reçu des avertissements, mais avaient pris des mesures insuffisantes pour mettre en sécurité et pour protéger le personnel de nos ambassades.

La même chose s’est-elle à nouveau produite ?

Je ne dispose d’aucun élément démontrant que le Président Bush ou des membres de son administration ont personnellement tiré profit des attaques du 11 septembre. Une enquête complète pourrait révéler que cela a été le cas. Par exemple, il est notoire qu’au moment des attaques, le père du Président Bush détenait, par le biais du Carlyle Group, des liens d’affaires avec l’entreprise de construction de la famille bin Laden et de nombreux sociétés de participation liées aux industries de la défense, dont les actions ont progressé substantiellement depuis le 11 septembre.

En revanche, on ne peut nier que des entreprises proches du gouvernement ont bénéficié directement de l’accroissement des dépenses militaires engagées à la suite du 11 septembre. On observe certainement Carlyle Group, DynCorp et Halliburton parmi les entreprises proches du gouvernement. Le Secrétaire à la Défense M. Donald Rumsfeld a soutenu au cours d’une audition devant le Congrès que nous pouvions faire face à ces dépenses nouvelles, même si elles correspondent au plus fort accroissement depuis vingt ans.

Des sacrifices sont réclamés au peuple américain tout entier. Dans les forces armées, de jeunes hommes et femmes sont amenés à risquer leur vie dans une guerre contre le terrorisme -mais le premier décret présidentiel signé par notre Président leur refusait une prime majorée d’heures supplémentaires en période d’opérations.

Au peuple américain, on demande de faire sa part de sacrifices en supportant des coupes sombres dans les budgets sociaux de notre pays, dans le domaine des soins de santé, de la Sécurité Sociale et des libertés individuelles, et ceci pour faire face à la réévaluation des besoins militaires et de sécurité après les événements du 11 septembre. Il est capital que les gens sachent de façon précise le pourquoi des sacrifices demandés. Si le Secrétaire à la Défense nous dit que ses nouveaux objectifs militaires sont l’occupation de capitales étrangères et le renversement de régimes, alors le peuple américain doit savoir pourquoi.

Il sera facile à cette administration d’expliquer au peuple américain, de façon exhaustive et méthodique, pourquoi nous nous voyons demander de tels sacrifices et si effectivement ils nous apporteront davantage de sécurité. Si l’administration n’est pas capable de formuler ces réponses, alors la tâche en revient au Congrès.

Le temps n’est pas au huis-clos et au secret. La crédibilité du pays, tant à l’égard du monde qu’envers sa propre population, repose sur la capacité à obtenir des réponses crédibles à ces questions. Tandis que le monde vacille à l’orée de conflits, les politiques du gouvernement sont vagues, hésitantes, et indéchiffrables.

Des conflits d’intérêt majeurs impliquant le président, l’attorney général, le vice-président et d’autres encore dans l’administration ont été révélés et continuent de l’être.

Le temps est venu que s’exerce un leadership et une capacité d’appréciation qui ne soient compromis d’aucune façon. Le temps est venu de la transparence et d’une enquête approfondie. [1]

[1Cette tribune libre est parue dans la presse américaine. Sa reproduction sur ce site n’engage pas Cynthia Mc Kinney vis à vis du Réseau Voltaire.