Les psychothérapies constituent, avec la formation professionnelle, le terrain privilégié investi par de micro groupes sectaires, où sévissent des escrocs et des gourous susceptibles d’une grande capacité de nuisance auprès de personnes vulnérables.

La psychothérapie est fréquemment une activité plurielle. Les circuits de formation, donc de vente et d’achat de formation, en représentent une part non négligeable : un psychothérapeute exerçant en cabinet libéral est souvent également formateur, voire coach. Il peut éventuellement assurer la supervision -qui lui est rémunérée- d’autres psychothérapeutes.

Au travers des dossiers dont elle est saisie, la Mission a toutefois pu observer que des thérapeutes extrêmement nuisibles sont parfois mus par un jeu de pouvoir et de mise sous influence, davantage que par l’attrait de l’argent.

Améliorer les formations, repenser les cursus

La question cruciale est celle de la qualification, de la formation et de l’objectif de ceux qui enseignent ou pratiquent telle ou telle technique. Des observateurs avertis tiennent pour indispensable une réorganisation complète des cursus universitaires en psychologie. Par ailleurs, les formations aux métiers de la santé mentale43 ne semblent pas adaptées aux évolutions sociales et aux pratiques.

Une réorientation des disciplines concernées -psychiatrie, psychologie- en fonction, d’une part, des besoins en santé mentale et, d’autre part, des besoins en formation professionnelle permettrait de mieux contrôler, de garantir et d’améliorer les compétences dans les domaines, en fort développement, de la pratique psychothérapeutique et de la formation.

Protéger le consommateur

Si l’activité des psychothérapeutes concerne, de manière très large la prise en charge de la santé mentale, elle constitue également une offre de prestations. A ce titre, la réglementation applicable à la protection du consommateur pourrait s’appliquer de manière volontariste aux prestations de service offertes par les personnes délivrant des prestations de psychothérapie.

Il est possible de s’inspirer des dispositions en vigueur dans le secteur de la santé, où diverses prestations de services donnent lieu à l’établissement d’un devis, document de nature contractuelle. Les actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique, et les autres prestations à visée esthétique, font l’objet d’une réglementation protectrice du consommateur44. Deux professions de santé, les médecins mais aussi les masseurs-kinésithérapeutes, doivent informer les consommateurs par un devis sur certaines prestations de services qu’ils offrent et sur les tarifs qu’ils pratiquent.
La mise en place de telles dispositions45 serait de nature à protéger les personnes, et spécialement les personnes fragiles, contre divers risques ou dérives potentiels dans le périmètre d’activité des psychothérapeutes. L’exigence de devis indiquant le cursus, la durée de formation, voire l’expérience du praticien, la ou les méthodes mises en œuvre, la durée et la périodicité des séances constituerait une avancée significative.

Les témoignages attestent de la fréquente pratique de paiement en liquidités pour les prestations en cabinet libéral, ce qui fait des psychothérapies un secteur avéré d’économie souterraine46. La possibilité de régler par tout moyen de paiement, et non pas seulement en liquidités, devrait également être explicitée.

L’émiettement des professions concernées, l’absence d’organisations professionnelles représentatives, le défaut de consensus sur la définition même de la ou des psychothérapies, compliquent l’approche de ce sujet. La MILS constate des avancées significatives : L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est chargé de réaliser une expertise collective sur les pratiques de psychothérapies, l’Agence nationale d’évaluation en santé (ANAES) est saisie sur l’évaluation des pratiques de psychothérapies, en vue d’élaborer des recommandations de bonne pratique. Par ailleurs, des dispositions protectrices du consommateur devraient s’élaborer à partir de la piste de réflexion proposée. Les discussions pourraient éventuellement n’associer que les services de l’Etat concernés si, à la lumière des expériences précédemment tentées47, la concertation s’avérait peu praticable. L’adoption de mesures réglementaires a minima pourrait constituer une première étape de régulation.

Quelques exemples de risques sectaire en psychothérapie

La prise en charge des victimes

Des pratiques professionnelles s’inspirant de la Scientologie ou voisinant avec ce mouvement ont été identifiées en matière d’accompagnement psychologique post traumatique destiné notamment aux victimes d’agressions dans l’exercice de leur profession, aux victimes de catastrophes accidentelles, aux victimes de violences sexuelles. Le risque est perceptible dans des services hospitaliers, des cabinets de ville, dans l’offre de soins de structures médico- sociales.

Les convoitises de différents mouvements sectaires, l’influence ou le voisinage de groupes néofascistes dans des disciplines de soins concernant des personnes en situation de faiblesse, ne peuvent qu’inquiéter les observateurs. Sont impliqués non seulement des thérapeutes autoproclamés ou au cursus problématique, mais également des psychiatres, des psychologues. Faut-il ajouter, et peut-on l’admettre, que les promoteurs de pratiques douteuses recherchent activement les financements publics et offrent des formations à la prise en charge de toutes les catégories de victimes, y compris de l’enfance maltraitée ?

Ces manœuvres en vue de mettre la main sur un type de pathologie, peuvent conduire des thérapeutes dûment formés à mésuser de leur autorité institutionnelle. Laquelle autorité leur permet d’organiser, avec le concours de personnes non averties ou insoucieuses de leurs intentions réelles, des formations, des colloques aux enjeux cryptés.

L’analyse transactionnelle

La MILS a pu examiner48 l’organisation d’un groupe français dispensant des formations à l’analyse transactionnelle. Cette organisation met en évidence un système de vente pyramidale. Tout nouveau "membre" a l’autorisation, qui peut constituer de fait une obligation, de prendre des patients en analyse transactionnelle alors qu’il est lui-même encore en formation au métier de psychothérapeute. La prise en charge de patients lui permet de rémunérer sa propre formation. Des taxations sont opérées au profit du maître en psychothérapie, des échelons régional, national, international de l’organisation.

La pyramide a pour base les clients en thérapie, puis les "contrats,[...] population en formation dans les quatre champs", c’est-à-dire la guidance, l’éducation, l’organisation, la psychothérapie. Les "contrats" peuvent espérer devenir "certifiés dans les quatre champs", "enseignants en cours d’habilitation", "enseignants didacticiens".

Appliquée notamment à la vie professionnelle, l’analyse transactionnelle offre des formations comportant l’usage de "timbres psychologiques" : timbres humiliation, timbres colère, timbres anxiété, que l’adepte "colle dans son carnet de timbres psychologiques".

Au-delà de ces exemples qui relèveraient d’un bêtisier, s’ils n’émanaient d’entreprises ou de salariés contestant à juste titre de tels apprentissages dans le cadre de formations professionnelles financées sur des fonds mutualisés, des pratiques attentatoires à la dignité des personnes, émanant de psychothérapeutes ou "praticiens" de l’analyse transactionnelle ont été portées à la connaissance de la MILS.

Il a pu être constaté que jouaient une habileté et une solidarité sans faille entre organismes et groupements professionnels douteux, au détriment des victimes. Des comités d’éthique ou commissions de déontologie autoproclamés discréditent les plaintes, suscitent de faux témoignages et se prononcent en faveur des psychothérapeutes concernés.

La programmation neurolinguistique

La programmation neurolinguistique, couramment dénommée PNL, forme un ensemble disparate de méthodes de communication (apprendre à reformuler un message, à décoder des signaux non verbaux, des mouvements oculaires, etc..), basé sur un ensemble tout aussi disparate de références théoriques. Les fondements scientifiques et les validations empiriques sont faibles : les hypothèses relatives aux mouvements oculaires ont d’ailleurs été infirmées.

Le terme de "programmation neuro-linguistique", est cependant judicieux au plan des techniques commerciales et de la communication. En cela, la PNL ne se distingue pas d’autres offres de "produits" psychologiques : formation aux relations humaines, à l’animation de groupes, groupes de développement personnel, analyse transactionnelle.

Les composants en sont facilement identifiables :
 un sujet qui fascine et répond à des besoins -réflexion et travail sur soi, autrui et les relations humaines- ;
 des stages pratiques et des expériences émotionnelles fortes. Les stages se déroulent souvent sur le mode émotionnel et affectif plutôt qu’intellectuel. Les rôles sociaux et le raisonnement sont mis de côté au profit de l’expression directe des sentiments ;
 des idées simples, proches du sens commun, peu encombrées de références théoriques, de doute critique ou de validation empirique ;
 la délivrance d’un diplôme à l’issue d’un ou de plusieurs stages qui permet de devenir soi même formateur.

L’absence de principes déontologiques orientés vers l’aide et la santé, plutôt que vers l’exploitation et le profit, l’absence de connaissances en psychopathologie et en psychiatrie permettant d’aider ou d’orienter les personnes perturbées, l’absence de formation scientifique permettant de relativiser les connaissances et de ne pas prétendre à la vérité, caractérisent les pratiques qui font question.