Tâches et compétences de la Dél CdG

La Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales (Dél CdG) " a pour mandat d’examiner régulièrement en détail les activités dans le domaine de la sécurité de l’Etat et du renseignement " (article 47 quinquies , 2 e alinéa, loi sur les rapports entre les conseils, LREC, RS 171.11).

Afin d’assumer cette tâche, la Dél CdG a le droit " après avoir entendu le Conseil fédéral [...] d’exiger que des autorités fédérales et cantonales et des particuliers lui remettent des documents et elle a le droit d’interroger des fonctionnaires fédéraux et des particuliers à titre de personnes tenues à renseigner ou de témoins sans prendre en considération le secret de fonction ou le secret militaire. De plus, elle peut interroger des fonctionnaires cantonaux à titre de personnes tenues de renseigner " (article 47 quinquies , 4 e alinéa, LREC). Pour les agents de la Confédération, l’obligation de renseigner est réglementée par les " instructions réglant la communication de renseignements, l’autorisation de consulter des documents et la remise de documents, à la demande de membres des conseils législatifs, de commissions parlementaires ou de services du Parlement du 29 octobre 1975 " et les " instructions concernant le respect des dispositions sur le secret de fonction et le secret militaire dans les rapports avec la Délégation des Commissions de gestion du 16 octobre 1996 ". Le Conseil fédéral ne peut protéger que les " données émanant d’autorités étrangères " (article 47 quinquies , 4 e alinéa, LREC).

Enquêtes précédentes de la Dél CdG au sujet des relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud

Echanges de pilotes avec l’Afrique du Sud

A diverses occasions déjà, les relations de la Suisse avec l’ancien régime de l’apartheid en Afrique du Sud ont fait l’objet de couvertures médiatiques et de questions parlementaires critiques. Par le passé, la Dél CdG s’est déjà penchée sur certains aspects de ces relations et, notamment, elle a procédé à une enquête sur les échanges de pilotes avec l’Afrique du Sud. Dans son rapport du 28 septembre 1993 (FF 1994 I 89), la Dél CdG est parvenue à la conclusion que les échanges de pilotes qui ont eu lieu entre la Suisse et l’Afrique du Sud de 1983 à 1988 répondaient à des besoins militaires et que la Suisse n’a pas violé le droit en matière de neutralité, ni aucune autre obligation de droit international. Toutefois, la Dél CdG avait également constaté que ces échanges n’avaient pas respecté la primauté des objectifs politiques sur les objectifs militaires étant donné qu’ils ont été cachés au chef du département concerné en toute connaissance de la sensibilité politique de l’opération. La délégation avait estimé que, fondamentalement, les mesures prises par le Département militaire fédéral (DMF ; aujourd’hui le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, DDPS) entre le moment des faits et la publication de son rapport constituaient un bon point de départ, mais, en même temps, demandait des mesures supplémentaires afin de garantir une direction et un contrôle plus efficaces des opérations du Groupe des renseignements, qui sont délicates sur le plan politique.

Prétendue participation dans le cadre de l’acquisition d’armes chimiques

En 1997, à la suite d’articles de presse parus au sujet d’une soi-disante participation d’un agent du Groupe renseignements et sécurité (GRS ; aujourd’hui groupe des renseignements) dans le cadre de l’acquisition d’armes chimiques par l’Afrique du Sud, la Dél CdG s’est penchée sur les rumeurs de prétendus contacts entre les Services de renseignements suisses et l’Afrique du Sud. Elle a, en particulier, enquêté sur des informations faisant état du rôle actif et passif du Groupe des renseignements dans cette affaire. Le 11 novembre 1997, dans un communiqué de presse, la délégation a rendu compte des résultats de son enquête. Elle constatait que : " des renseignements crédibles ont mis en évidence que ces soupçons étaient non fondés. La délégation ne voit donc aucune nécessité d’agir dans le cadre de la haute surveillance parlementaire. "

Interventions parlementaires et enquêtes internes à l’administration au sujet des relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud

En mars 1997, en liaison avec les discussions autour de la relecture du passé de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, une première question parlementaire a été déposée au sujet des relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud à l’époque du régime de l’apartheid. Dans sa réponse du 29 septembre 1997, le Conseil fédéral précisait qu’il était d’avis que l’ouverture, à la demande la Confédération, d’une étude historique sur les relations de la Suisse avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud ne répond à aucune nécessité. Les faits sont suffisamment avérés. Dans ses réponses à de nombreuses interventions parlementaires, dans le message sur l’adhésion à la Suisse à l’ONU du 21 décembre 1981 ainsi que dans sa déclaration du 22 septembre 1986, le Conseil fédéral a retracé en détail les contours de la politique de la Suisse à l’égard de l’Afrique du Sud". Le Conseil fédéral estime que ces faits méritent d’être assortis d’une appréciation dans la perspective qui prévaut aujourd’hui.

Les contacts des Services de renseignements suisses avec l’Afrique du Sud sont revenus sur l’avant-scène de l’actualité dans le cadre des enquêtes de la commission sud-africaine " Vérité et réconciliation ". Des documents contenant de soi-disants renseignements sur les programmes sud-africains d’armement biologique et chimique ont été présentés au journaliste suisse de télévision Jean-Philippe Ceppi qui procédait à des recherches en profondeur à ce sujet. A ce propos également, la question des rapports entretenus d’un côté par le Groupe des renseignements, en particulier par son chef, le divisionnaire Peter Regli, et d’un autre côté les services étatiques de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, a également été soulevée par les médias.

Par la suite, le 3 mars 1999, le Conseil national a rejeté une initiative parlementaire qui demandait une étude historique des relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud dans les années 1948 à 1994. Parallèlement, la Chambre transmettait un postulat demandant de lancer, dans le cadre des programmes nationaux de recherche du Fonds national suisse, un projet visant à étudier les relations politiques et économiques de la Suisse avec l’Afrique du Sud au cours des années 1948 à 1994.

Le 19 mai 1999, en réponse à diverses interpellations du mois de mars 1999, le Conseil fédéral a annoncé que le chef du DDPS a ordonné une enquête destinée à clarifier les relations générales que les Services de renseignements suisses ont entretenues avec l’Afrique du Sud et d’autres pays. Il a signalé que la Dél CdG serait informée de l’issue de l’enquête. Or les résultats de cette enquête menée à l’intérieur du Département n’étaient pas encore entre les mains de la Dél CdG au moment de la conclusion du présent rapport.

Depuis 1963, le Conseil fédéral a déjà répondu à 150 interventions parlementaires portant sur les relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud. Alors que de nouvelles questions ont été posées à ce sujet, tant par le public que par le Parlement, il a répondu le 23 juin 1999 à une nouvelle question ordinaire et a indiqué que, le 8 mars 1999, il avait institué un groupe de travail interdépartemental " Relations Suisse - Afrique du Sud " chargé de rechercher au sein des départements les informations qui existent encore sur ces relations durant les années critiques et de déterminer le contexte juridique et politique à l’époque des diverses mesures en question. Seuls les résultats de ces recherches révéleront s’il est encore nécessaire de continuer ces recherches et, le cas échéant, dans quels domaines. Ils permettront également de se rendre compte de la nécessité d’aborder d’autres problématiques spécifiques et de déterminer les conséquences qu’il faudra en tirer. Le rapport du groupe de travail a été approuvé par le Conseil fédéral le 1 er octobre 1999 pour publication ; il porte sur les relations générales entre la Suisse et l’Afrique du Sud et exclut délibérément les relations spécifiques du Groupe des renseignements suisse avec des services et des personnes d’Afrique du Sud.

Evénements qui ont déclenché la présente enquête de la délégation

Au début du mois de mars 1999, Jean-Philippe Ceppi a été arrêté et détenu provisoirement au Cap alors qu’il enquêtait pour l’émission de la Télévision suisse romande " Temps présent ". Cet incident a eu un énorme retentissement dans les médias en Suisse et a soulevé de graves soupçons et présomptions au sujet d’une prétendue participation du chef du Groupe des renseignements au programme d’armement biologique et chimique du régime de l’apartheid de l’époque. Sur ces accusations, le divisionnaire Peter Regli a prié la délégation de bien vouloir l’entendre afin de clarifier la situation.

Objet de l’enquête

Là-dessus, la Dél CdG a décidé de soumettre les relations entretenues par les Services de renseignements suisses avec l’ancien régime de l’apartheid en Afrique du Sud à un examen plus approfondi. Ce dernier ne portait que sur les contacts du Groupement de l’armement ou du Groupe des renseignements avec les services secrets sud-africains. Un soin particulier à été consacré à l’examen d’éventuelles contributions des autorités militaires suisses au développement d’un programme d’armement biologique et chimique du régime de l’apartheid sud-africain.

L’étude historique de l’ensemble des relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud ne fait pas partie du domaine des compétences de la délégation. Elle ne saurait donc s’atteler à l’examen, dans une perspective historique, de tous les aspects des relations entre ces deux pays voire à une prise de position exhaustive à ce sujet. Cette tâche incombe à d’autres instances. De plus, étant donné que de tels examens sont de toute manière en cours dans d’autres domaines, c’est à dessein que la délégation a renoncé à se pencher sur toutes les rumeurs colportées ces derniers temps par les médias. Elle a donc concentré ses efforts sur deux groupes de questions :

Quels ont été les contacts des Services de renseignements suisses, et de leur chef en particulier, avec des représentants du régime de l’apartheid en Afrique du Sud ?

Des représentants du Groupement de l’armement ou des services de renseignements ont-ils, de quelque manière que ce soit, participé aux tentatives du régime de l’apartheid sud-africain visant à constituer un arsenal d’armes biologiques ou chimiques ?

Les éventuels contacts ou les participations de personnes ou d’entreprises privées n’ont pas été examinées. De même, l’enquête sur l’échange de pilotes avec l’Afrique du Sud entre 1983 et 1988, qui a déjà fait l’objet d’une enquête de la Dél CdG, n’a pas été réouverte.

Investigations de la Dél CdG

Pendant au total neuf jours d’auditions, la Dél CdG a entendu les personnes suivantes, dont certaines à plusieurs reprises :
 le conseiller fédéral Adolf Ogi, chef du DDPS
 le conseiller fédéral Kaspar Villiger, ancien chef du DDPS
 le commandant de corps Hans-Ulrich Scherrer, chef de l’Etat-major général
 le divisionnaire Peter Regli, sous-chef d’état-major des renseignements
 Jacques Rüdin, rapporteur du DDPS
 Bernhard Brunner, chef de la division spécialisée du Laboratoire AC de Spiez
 Ueli Huber, chef de la section spécialisée des techniques chimiques et biologiques du Laboratoire AC de Spiez
 Urs von Daeniken, chef de la Police fédérale
 Jean-Philippe Ceppi, journaliste, auteur de l’émission de télévision " Sur la piste des chimistes de l’apartheid "
 Bertrand Theubet, producteur de l’émission
 André Jacomet, neveu de feu Jürg Jacomet, officier de renseignements

Le 19 août 1999, la Dél CdG a prié, par voie écrite, le chef du DDPS de bien vouloir répondre à diverses questions encore en suspens. Le chef du DDPS a manifestement transmis cette demande au divisionnaire Peter Regli en le priant de la régler directement. La lettre de réponse rédigée par le divisionnaire Peter Regli est parvenue à la Dél CdG le 8 septembre 1999. Plusieurs questions sont restées sans réponse parce qu’elles portaient sur le domaine de responsabilité du Département et non sur celui qui relevait du Groupe des renseignements : le divisionnaire Peter Regli se trouvait en effet à l’origine dans l’impossibilité de donner des informations à ce sujet. Après que la Dél CdG eut insisté pour recevoir une réponse à toutes les questions, c’est à nouveau un rapport signé par le divisionnaire Regli, portant sur les questions auxquelles il n’avait pas été répondu auparavant, qui a été envoyé le 23 septembre 1999. Le Département n’avait pas éprouvé le besoin de répondre lui-même aux questions qui lui étaient soumises et a préféré à nouveau charger le chef du Groupe des renseignements de cette tâche. La Dél CdG déplore cette démarche car diverses questions se rapportaient non pas à l’activité du service de renseignements mais à celle qui relevait de la responsabilité politique générale du Département et du Conseil fédéral : ces questions sont finalement restées sans réponse. Ce fait consolide précisément la constatation faite par la délégation en d’autres domaines, à savoir qu’une direction politique du Groupe des renseignements a largement fait défaut.

Malgré ces difficultés, la Dél CdG a maintenu le calendrier qu’elle s’était fixé et a conclu le présent rapport avant la fin de la législature actuelle. Le rapport interne que le chef du DDPS a commandé le 12 janvier 1999 sur les relations du service suisse de renseignements avec l’Afrique du Sud et d’autres pays n’avait toujours pas été présenté à la Dél CdG au moment où celle-ci concluait ses travaux, malgré les assurances qui avaient été données, si bien que les résultats de ces investigations ne peuvent pas être utilisés.

Outre ces auditions, la Dél CdG s’est également basée sur des documents qu’elle a obtenus du DDPS, du DFAE et de la Police fédérale. Elle a tout particulièrement examiné les procès-verbaux internes rédigés par les collaborateurs des services de renseignements sur leurs entretiens avec les représentants de l’Afrique du Sud.

En outre, pour l’épauler dans ses recherches, la Dél CdG s’est adjoint les services d’un expert externe en la personne de Niklaus Oberholzer, avocat et chargé de cours à l’Université de St-Gall.

La délégation a examiné les résultats de l’enquête le 18 août 1999, les 14 et 15 octobre puis le 26 octobre 1999. Elle a adopté le texte du projet de rapport le 26 octobre et l’a soumis le 27 octobre 1999 au Conseil fédéral pour avis (art. 47 quinquies, alinéa 7, LREC). Le Conseil fédéral s’est prononcé sur ce rapport dans sa lettre du 3 novembre 1999 ; la délégation a pris connaissance de cet avis le 12 novembre 1999 et a adopté le rapport à l’unanimité.

Les Commissions de gestion des deux Chambres ont pris connaissance du rapport de la délégation le 30 novembre 1999 et ont décidé de le rendre public.


Source : Chambres fédérales suisses http://www.parlement.ch