Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution ES-10/10 adoptée le 7 mai 2002 par l’Assemblée générale à sa dixième session extraordinaire d’urgence. Au paragraphe 6 de la résolution, l’Assemblée " priait le Secrétaire général de présenter, à l’aide des ressources et des informations disponibles, un rapport sur les événements récents qui se sont produits à Djénine et dans d’autres villes palestiniennes ".

La résolution 1405 (2002) du Conseil de sécurité

2. Le 19 avril 2002, à l’unanimité, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1405 (2002), par laquelle il accueillait favorablement l’initiative de réunir, au moyen d’une équipe d’établissement des faits, des informations exactes concernant les événements survenus récemment dans le camp de réfugiés de Djénine, et prié le Secrétaire général de l’en tenir informé. Cette résolution avait été proposée par la délégation des États-Unis d’Amérique après des conversations téléphoniques que j’avais eues avec les Ministres israéliens des affaires étrangères et de la défense à leur initiative, et durant lesquelles j’avais reçu l’assurance qu’Israël coopérerait sans réserve avec l’équipe que j’allais désigner.

3. En application de la résolution 1405 (2002), le 22 avril 2002, j’ai constitué une équipe d’établissement des faits composée de Martti Ahtisaari, Sadako Ogata et Cornelio Sommaruga. Dirigée par M. Ahtisaari, cette équipe comprenait également quatre conseillers principaux : le général à la retraite William Nash, en qualité de conseiller militaire ; le commissaire adjoint Peter Fitzgerald, en qualité de conseiller en matière de police ; l’Ambassadeur Tyge Lehmann, en qualité de conseiller juridique ; et Helena Ranta, en qualité de conseillère en médecine légale. En outre, cette équipe avait à sa disposition des spécialistes des questions militaires, de sécurité, et de lutte contre le terrorisme, ainsi que du personnel d’appui général et médico-légal. L’équipe s’est rassemblée à Genève et a commencé à élaborer un plan de travail reposant sur trois éléments : a) les événements survenus à Djénine durant la période précédant immédiatement l’opération militaire israélienne ; b) la bataille qui a eu lieu dans cette ville durant l’opération Bouclier défensif ; et c) les efforts faits par les travailleurs humanitaires pour avoir accès à la population civile de Djénine après la fin des hostilités.

4. Après la désignation des membres de l’équipe, le Gouvernement israélien a soulevé un certain nombre de problèmes concernant le travail de l’équipe, ce qui rendait impossible son déploiement en temps utile et m’a amené à la dissoudre. Le 1er mai 2002, j’ai écrit au Président du Conseil de sécurité (S/2002/504) pour relater les efforts que je faisais pour appliquer la résolution 1405 (2002) et je précisais que :

a) J’ai donné pour instructions que l’équipe se réunisse à Genève le 24 avril et se rende dans la zone le 25 avril. Toutefois, peu après que j’ai annoncé mon intention de déployer l’équipe, le Gouvernement israélien a commencé à exprimer des préoccupations concernant sa composition, la portée de son mandat, la manière dont ce mandat serait exécuté et diverses questions de procédure. À la demande du Gouvernement israélien, j’ai accepté que le Secrétariat s’entretienne avec une délégation venue d’Israël afin d’entendre les préoccupations de ce pays et de lui donner des éclaircissements. J’ai repoussé au 27 avril l’arrivée de l’équipe dans la zone ;

b) Les entretiens avec la délégation israélienne se sont tenus les 25 et 26 avril dans une atmosphère très constructive. Lorsque la délégation israélienne a été en mesure de rendre compte des résultats de ces réunions, le sabbat avait commencé en Israël. Le Ministre des affaires étrangères d’Israël m’a informé que le Cabinet israélien examinerait la question à sa réunion prévue le 28 avril et m’a demandé de repousser d’un autre jour l’arrivée de l’équipe. J’ai accepté cette demande et le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques en a informé le Conseil ;

c) Le 27 avril, je me suis entretenu au téléphone avec le Premier Ministre d’Israël, après quoi j’ai écrit au Représentant permanent d’Israël et à l’Observateur permanent de la Palestine en précisant les paramètres de travail de l’équipe. Ces lettres ont été distribuées le même jour aux membres du Conseil. Le Représentant permanent d’Israël m’a envoyé le 27 avril, en fin de journée, une réponse dans laquelle il énonçait plusieurs points qui préoccupaient son gouvernement. Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a répondu oralement au Représentant permanent d’Israël ;

d) Le 28 avril, le Cabinet israélien n’a pas pris de décision au sujet de l’équipe d’établissement des faits ; j’ai été informé par Israël que la question serait examinée par le Cabinet lors d’une réunion le jour suivant. Le Secrétariat a fait connaître au Conseil de sécurité les informations que j’avais reçues le 28 avril, et le Conseil est convenu que le Président exprimerait l’appui suivi du Conseil à l’égard de mes efforts visant à appliquer la résolution 1405 (2002) ;

e) Le Cabinet israélien ne s’est pas réuni le 29 avril. Le Représentant permanent d’Israël m’a fait savoir que le Cabinet avait prévu de se réunir au début de la journée du 30 avril. Le Secrétariat en a informé le Conseil ;

f) Le Comité ministériel israélien chargé de la sécurité nationale (le Cabinet de sécurité) s’est réuni tôt dans la matinée du 30 avril ; à l’issue de cette réunion, il a publié la déclaration suivante : " Israël a soulevé auprès de l’ONU des questions essentielles pour un examen équitable. Tant que ces questions n’auront pas été résolues, il ne sera pas possible d’engager le processus de clarification ". En l’absence d’indication formelle des conditions auxquelles le Gouvernement israélien coopérerait avec l’équipe d’établissement des faits, cette déclaration a été examinée dans le contexte des diverses déclarations publiques faites récemment et des conversations téléphoniques que j’ai eues avec de hauts responsables israéliens. Je suis parvenu, à regret, à la conclusion que, tout en continuant d’exprimer ses préoccupations à l’ONU essentiellement sous la forme de questions de procédure, Israël avait maintenant des préoccupations au sujet de la résolution 1405 (2002) qui portaient essentiellement sur le fond ;

g) Tout au long de ce processus, l’ONU s’est efforcée dans toute la mesure possible de répondre aux préoccupations du Gouvernement israélien dans le cadre du mandat qui m’a été confié par le Conseil de sécurité. Il a été clairement expliqué que l’équipe avait pour tâche spécifique de recueillir des informations concernant les événements survenus récemment à Djénine et que les faits ainsi établis ne serviraient qu’au rapport qu’elle me ferait. À mon avis, l’équipe se serait acquittée de sa mission sur le terrain de manière professionnelle et équitable et aurait établi un rapport précis, détaillé, équilibré et crédible ;

h) De toute évidence, cette mission exigeait la pleine coopération des deux parties, de même qu’une visite sur le terrain était indispensable pour que l’équipe puisse voir le camp de réfugiés de Djénine par elle-même et collecter des informations. C’est la raison pour laquelle le Secrétariat a engagé un processus de clarification approfondi avec la délégation israélienne ;

i) Compte tenu de l’annonce faite hier par le Gouvernement israélien, il semble évident que l’équipe ne sera pas en mesure de se rendre prochainement dans la région pour commencer sa mission. Je n’ai reçu aucune nouvelle communication écrite du Gouvernement israélien depuis le 27 avril, mais dans mes conversations téléphoniques des deux derniers jours, de hauts responsables israéliens ont abordé des questions nouvelles en plus de celles soulevées par la délégation qui s’était rendue à New York la semaine dernière et, d’après certaines indications, cette liste pouvait ne pas être exhaustive ;

j) Comme le Secrétariat l’a noté dans ses exposés au Conseil, le temps joue également un rôle critique. Étant donné que la situation dans le camp de réfugiés de Djénine évolue de jour en jour, il deviendra de plus en plus difficile d’établir avec confiance ou précision " les événements survenus récemment dans le camp " ;

k) Pour toutes ces raisons, j’ai l’intention de dissoudre demain l’équipe d’établissement des faits. Je regrette de ne pouvoir fournir les informations demandées par le Conseil dans sa résolution 1405 (2002) et crains en particulier que l’ombre jetée par les récents événements survenus dans le camp de réfugiés de Djénine ne puisse être dissipée en l’absence de cette opération d’établissement des faits.

5. Le 3 mai 2002, j’ai donc dissous l’équipe. Dans ma lettre au Président du Conseil de sécurité, pour l’en informer, j’exprimais ma profonde gratitude au Président Ahtisaari, à Mme Ogata et à M. Sommaruga ainsi qu’à tous les membres de l’équipe pour les efforts qu’ils ont faits afin de soutenir les mesures que j’avais prises pour appliquer la résolution 1405 (2002). Je déclarais que j’avais de bonnes raisons d’être convaincu que l’équipe aurait établi le rapport demandé par le Conseil de façon professionnelle et équitable.


Source : Organisation des Nations Unies : http://www.un.org