23. L’opération Bouclier défensif a commencé le 29 mars, avec une incursion à Ramallah, au cours de laquelle les Forces de défense israéliennes ont saisi la plupart des bâtiments du complexe du siège du Président Arafat. Les opérations se sont poursuivies à Tulkarem et à Qalqiliya le 1er avril, à Bethléem le 2 et à Djénine et Naplouse le 3. À la date du 3 avril, six des plus grandes villes de la Cisjordanie et les petites villes, villages et camps de réfugiés avoisinants, étaient occupés par les militaires israéliens. Les FDI ont annoncé la fin officielle de l’opération le 21 avril, quand elles ont achevé de se retirer de Naplouse et de certaines parties de Ramallah, tout en poursuivant les négociations pour lever le siège à la basilique de la Nativité à Bethléem. De manière générale, lorsque les FDI se sont retirées des villes palestiniennes, elles n’ont pas regagné leurs positions d’avant 29 mars, mais plutôt des positions à partir desquelles elles encerclaient les villes. Depuis lors, les FDI ont fait de nouvelles incursions dans un grand nombre de villes palestiniennes dont elles s’étaient retirées à la fin de l’opération Bouclier défensif et, au moment de l’élaboration du présent rapport, elles étaient rentrées dans de nombreuses villes palestiniennes.

24. Il est possible de faire quelques observations généralement applicables au sujet des incursions des FDI durant l’opération Bouclier défensif. À chaque occasion, les soldats, les chars et les véhicules blindés israéliens ont pénétré dans les villes et les FDI ont imposé un couvre-feu aux populations civiles. À chaque occasion, les FDI sont aussi entrées dans les villages et les camps de réfugiés voisins. Elles ont déclaré les villes dans lesquelles elles avaient pénétré " zones militaires spéciales fermées ", et ont imposé des restrictions aux déplacements du personnel international, y compris le personnel humanitaire et médical ainsi que les observateurs des droits de l’homme et les journalistes, ou les ont entièrement interdits à certains moments. Du fait de ces restrictions, y compris les couvre-feux imposés 24 heures sur 24 tout au long des incursions, à part des levées périodiques, les populations civiles des villes ont dû faire face à d’énormes difficultés aggravées dans certains endroits par les combats violents qui se sont produits au cours de l’opération. Comme au cours de la première vague d’incursions du 27 avril au 14 mars, décrite plus haut, les FDI ont maintes fois eu recours, durant l’opération Bouclier défensif, aux armes lourdes dans des zones civiles palestiniennes.

25. Au cours de chacune de leurs incursions, les FDI ont arrêté des Palestiniens qui, selon elles, étaient impliqués dans des actions armées contre Israël, notamment des attaques-suicide à la bombe et d’autres attaques terroristes dirigées contre des civils israéliens. Au cours de la plupart de ces incursions, les FDI ont également détruit des infrastructures qui, selon elles, faisaient partie de la capacité opérationnelle de groupes militants, ainsi que l’infrastructure des services de sécurité de l’Autorité palestinienne. En outre, la capacité civile de l’Autorité palestinienne et des biens privés ont subi des dommages considérables.

26. Ce ne sont pas seulement les déplacements des Palestiniens qui ont fait l’objet de restrictions au cours de l’opération Bouclier défensif. Dans de nombreux cas, le personnel des organismes humanitaires n’a pas non plus pu atteindre les personnes en détresse pour évaluer la situation et apporter l’assistance nécessaire du fait que les villes, les camps de réfugiés et les villages étaient bouclés. On a également relevé des cas où les forces israéliennes n’ont pas respecté la neutralité du personnel médical et humanitaire et ont attaqué des ambulances.

27. Le Gouvernement israélien a affirmé que ces ambulances étaient utilisées pour transporter des combattants palestiniens et des armes, et que, dans de nombreux cas, les Forces de défense israéliennes étaient intervenues pour empêcher ce genre d’abus. Il a également déclaré que les FDI ont pour politique d’autoriser le passage libre en cas de besoin humanitaire, et qu’elles fournissaient continuellement des vivres et une assistance médicale à la population palestinienne.

28. En raison des fortes restrictions imposées à la liberté de mouvement, les agents des organismes veillant au respect des droits de l’homme et les journalistes n’ont pas été en mesure d’observer le comportement des parties et d’établir des rapports indépendants à ce sujet. Certains journalistes ont indiqué que des membres des Forces de défense israéliennes avaient tiré sur eux.

29. On a signalé de nombreux cas où les Forces de défense israéliennes avaient obligé des civils palestiniens à les accompagner au cours de perquisitions, à examiner des objets suspects, à rester dans la ligne de feu entre elles et les militants et à protéger les soldats du danger par d’autres moyens. Des témoins ont affirmé qu’il en avait été ainsi dans le camp de Djénine et dans d’autres villes palestiniennes. Si, selon des informations parues dans la presse, des soldats des FDI ont reconnu qu’ils avaient forcé des Palestiniens à frapper à la porte de logements où ils allaient faire des perquisitions, ils ont nié avoir délibérément utilisé des civils comme boucliers humains. Le Gouvernement israélien a nié que ses soldats recouraient systématiquement à cette pratique. Suite à une pétition qui lui a été adressée le 5 mai par cinq organisations israéliennes, palestiniennes et internationales s’occupant des droits de l’homme, le Bureau du Procureur général du Gouvernement israélien a informé la Cour suprême d’Israël que, " compte tenu des diverses plaintes qui avaient été reçues ... et pour éviter tout doute, les [Forces de défense israéliennes] avaient décidé de publier immédiatement une ordonnance ... interdisant formellement aux forces sur le terrain d’utiliser des civils comme boucliers humains ".

30. Selon des groupes locaux s’occupant des droits de l’homme, plus de 8 500 Palestiniens ont été arrêtés entre le 27 février et le 20 mai. Selon les informations reçues, la plupart des 2 500 Palestiniens qui avaient été arrêtés au cours de la première vague d’incursions en février et mars auraient été relâchés dans un délai d’une semaine, tandis que, sur les 6 000 Palestiniens et plus arrêtés au cours de l’opération Bouclier défensif après le 29 mars, un grand nombre ont été détenus pour des périodes plus longues, sans aucun contact avec l’extérieur. Le 5 avril, le commandant des Forces de défense israéliennes en Cisjordanie a publié l’ordonnance militaire 1500 qui donnait aux soldats le pouvoir de garder un détenu en prison pendant une période de 18 jours au maximum sans qu’il ait accès à un avocat ou à des membres de sa famille ou puisse demander un examen judiciaire. Ce type de détention peut être prolongé par un juge militaire pour une période de 90 jours au maximum. Cette ordonnance avait effet rétroactif au 29 mars et était valide pendant 60 jours. Au 6 mai, 7 000 Palestiniens auraient été arrêtés dans le cadre de l’opération Bouclier défensif, dont 1 500 sont encore détenus. Au cours de cette opération, les FDI ont maintes fois appelé au haut-parleur les hommes âgés de 15 à 45 ans à se présenter. Selon les rapports d’organismes s’occupant des droits de l’homme, les soldats bandaient alors les yeux et mettaient des menottes à un grand nombre des hommes arrêtés, qui n’avaient pas le droit d’utiliser les toilettes et ne recevaient ni vivres ni couvertures au cours de leur première journée de détention.

31. En plus de l’ordonnance militaire 1500, le Gouvernement israélien a également la possibilité de recourir à une procédure de détention administrative en vertu de laquelle les détenus peuvent être gardés en prison sans chef d’accusation ni procès, et leur détention peut être renouvelée indéfiniment. Les FDI et le Procureur général ont informé Amnesty International que le nombre de personnes en détention administrative depuis mai 2002 se situait entre 450 et 990.

32. Un phénomène particulièrement préoccupant est le recours, par des combattants des deux parties, à des actes de violence qui mettent en danger les civils. Une grande partie des combats qui ont eu lieu au cours de l’opération Bouclier défensif se sont déroulés dans des zones où les civils étaient nombreux, principalement parce que les groupes armés palestiniens recherchés par les Forces de défense israéliennes plaçaient leurs combattants et leurs installations parmi eux. Les groupes palestiniens auraient également piégé de nombreuses résidences civiles, actes dirigés contre les membres des FDI mais qui mettaient également les civils en danger. Les FDI auraient utilisé des bulldozers et des chars et tiré des roquettes, parfois à partir d’hélicoptères, dans des zones peuplées de civils.

33. L’opération Bouclier défensif s’est traduite par la destruction généralisée de biens privés et publics palestiniens. Les dommages ont été particulièrement graves à Naplouse, surtout dans la vieille ville, qui contenait de nombreux bâtiments d’importance culturelle, religieuse et historique. Une grande partie des destructions semble s’être produite au cours des combats, en raison de l’utilisation par les Forces de défense israéliennes de chars, d’hélicoptères de combat et de bulldozers. Quand ils ont été autorisés à entrer à Ramallah et dans d’autres villes palestiniennes, les organismes des Nations Unies et autres organismes internationaux ont réuni des informations sur les importants dommages matériels causés à des biens civils de l’Autorité palestinienne, y compris la destruction de matériel de bureau, tels qu’ordinateurs et photocopieuses, qui ne semblaient pas être liés à des objectifs militaires. Tout en niant que de telles destructions aient été systématiques, les FDI ont reconnu que certains actes de vandalisme avaient été commis par des soldats qui font maintenant l’objet de poursuites.

34. Le Gouvernement israélien a justifié chaque incursion en affirmant qu’elle était indispensable pour détruire l’infrastructure des groupes de militants palestiniens qui avaient lancé des attaques de plus en plus fréquentes contre Israël en février et mars 2002. Dans chaque cas, Israël a publié des informations sur son évaluation de l’infrastructure des groupes en question. On trouvera des informations plus détaillées à ce sujet dans les sections du rapport décrivant les événements qui se sont produits dans diverses villes palestiniennes.

35. Le bouclage des villes, villages et camps de réfugiés et les couvre-feux ont eu des répercussions très lourdes sur le plan humanitaire pour la population civile des zones affectées. Ce fardeau a été exacerbé dans la plupart des villes occupées au cours de l’opération Bouclier défensif par la coupure totale ou la réduction considérable des services publics (électricité, eau et téléphone) durant de longues périodes. Après une période initiale de couvre-feux ininterrompus 24 heures sur 24, les Forces de défense israéliennes ont institué des levées périodiques. Les bouclages et les couvre-feux ont causé des problèmes particuliers aux personnes souffrant de maladies chroniques qui ne pouvaient obtenir ni soins ni médicaments. Une fois les bouclages levés, quand ils ont pu évaluer la situation des populations affectées, les organismes humanitaires ont signalé des pénuries de vivres et d’autres fournitures essentielles chez les Palestiniens touchés par les incursions. En plus des conséquences humanitaires des bouclages et couvre-feux, les restrictions ont eu des effets dévastateurs sur l’économie, qu’elles ont pratiquement étranglé en faisant obstacle aux activités économiques normales et en empêchant les Palestiniens d’aller travailler.

36. Les attaques terroristes contre les civils israéliens se sont poursuivies après l’opération Bouclier défensif, et la plupart des villes palestiniennes ont subi de nouvelles incursions après la fin de l’opération, jusqu’à la fin de la période examinée dans le présent rapport.


Source : Organisation des Nations Unies : http://www.un.org