Denis Sassou Nguesso, Idriss Déby et Omar Bongo avaient intenté en 2000 un
procès pour offenses à chefs d’État contre l’auteur et l’éditeur du livre
Noir Silence (François-Xavier Verschave, président de l’association
Survie, et Laurent Beccaria, gérant des éditions des Arènes). En 2001, ils
avaient perdu en première instance. Sur la forme : le Tribunal avait estimé
que le délit invoqué était contraire à la Convention européenne des Droits
de l’homme. Les plaignants et le parquet avaient fait appel.

La 11e Chambre de la Cour d’Appel de Paris s’est prononcée le 3 juillet
2002. Sur le délit d’offense, elle n’a pas admis l’argument du Tribunal -
validé pourtant par un arrêt récent de la Cour européenne des Droits de l’
Homme. Mais elle a relaxé les accusés sur le fond (« la bonne foi ») - un
jugement sans précédent à ce niveau. Une déroute pour les plaignants, qui se
sont pourvus en cassation.

Mesurant finalement l’effet-boomerang de ces procès à répétition, désastreux
pour une "image" si chèrement acquise, ils se sont discrètement désistés de
ce pourvoi auprès de Bruno Cotte, président de la chambre criminelle de la
Cour de Cassation. Le jugement de la Cour d’Appel est donc définitif. Et
aussi la victoire sur le déni, le mensonge, la désinformation, que subissent
quotidiennement les peuples congolais, tchadien et gabonais, les démocrates
de ces pays, les victimes de ces régimes. Les témoignages de ces démocrates
et des parents des victimes ont d’ailleurs été décisifs.

Il est désormais possible de qualifier Denis Sassou Nguesso de « 
dictateur », auteur de « crimes contre l’humanité », et d’évoquer sa « 
complicité » dans l’attentat contre le DC10 d’UTA.
L’on peut dire qu’Idriss Déby « entretient soigneusement sa réputation de
tueur, par des carnages réguliers », signaler son « irrésistible attirance »
vers « le pillage de l’État, la mise à sac des populations adverses et leur
"terrorisation" », écrire qu’il est « goulu de transactions illégales ».
L’on peut qualifier Omar Bongo de « parrain régional », son régime de « 
démocrature prédatrice », perpétuée par la fraude électorale. Sans parler de
toutes les accusations précises que ces trois potentats ont préféré ne pas
relever dans leur assignation initiale.

Rappelons les attendus du jugement déclarant les accusés « non coupables du
délit d’offense à chefs d’Etat étrangers » : « les documents versés et les
témoignages recueillis au cours de la procédure [...] établissent non
seulement l’importance et l’actualité des sujets évoqués mais aussi le
sérieux des investigations effectuées. [...] Si l’ouvrage se veut résolument
militant, il ne trahit cependant pas son objectif de critique des systèmes
politiques des Etats africains évoqués et du fonctionnement des relations
internationales, spécialement avec la France. A ce titre, [...] il n’
apparaît pas que la démarche de François-Xavier Verschave soit
critiquable ».

De nombreux témoins ont, selon l’expression de la Cour, « apporté leur
crédit à l’ouvrage querellé ». Quatre avocats, William Bourdon, Antoine
Comte, Francis N’Thepe et Vincent Toledano, ont apporté leur conviction et
leur talent. Trois mille personnes avaient défilé en février 2000 en faveur
des accusés, qui ont reçu le soutien écrit de quinze mille citoyens français
et étrangers, et de nombreuses associations. La renonciation des plaignants
est aussi leur victoire.

Désormais définitif, le jugement de la Cour d’Appel concourt à démontrer l’
illégitimité de trois régimes claniques, à exposer le large éventail des
méthodes d’oppression et de pillage qu’ils déploient - un condensé de cette
« Françafrique » dont on prétend, à Paris, qu’elle est passée de mode.

Apprenant cette victoire judiciaire, nous pensons tout particulièrement aux
habitants de la région du Pool, près de Brazzaville, victimes depuis quatre
ans d’un « nettoyage ethnique » à répétition, dans un silence médiatique
assourdissant : puisse-t-elle contribuer à discréditer ce projet mortifère !