« Avant que les États-Unis ne réordonnent le monde, réfléchissons sobrement sur les coûts »

Before US reorders the world, sober thinking on costs
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Thomas P. Thornton est professeur de sciences politiques à la Johns Hopkins University. Il a été membre du département d’État et de l’équipe du National Security Council.

[RESUME] Le dilemme sécuritaire consiste pour une nation qui se sent menacée à renforcer son arsenal, ce à quoi l’adversaire supposé répond par une attitude semblable, provoquant une course aux armements. L’administration Bush croit avoir trouvé une alternative à ce dilemme en acquérant une telle puissance qu’il sera impossible à tout adversaire de pouvoir faire face. Peut-être s’agit-il là d’une bonne solution, peut-être est-ce un bon moyen de créer une ère de paix et de prospérité dans le monde. Toutefois, cette stratégie mérite qu’on y oppose deux remarques :
 Le modèle états-unien est-il universel et est-il désiré par tous ? Après tout, malgré la rhétorique de Bush sur la bonté intrinsèque de notre pays, le monde sera-t-il meilleur si nous le dominons ? N’oublions pas que, quand les États-Unis ont tenté par le passé d’ordonner le monde, ils ont parfois commis de terribles erreurs.
 La société internationale est organisée autour d’États souverains et un empire américain ne promouvrait pas la négociation avec eux mais la confrontation. Or, face à un pays beaucoup plus puissant qu’eux, les pauvres ne disposent que d’une arme : le terrorisme.
Ainsi, les États-Unis en voulant sortir d’un dilemme entrent dans un autre : après la course aux armements, ils devront faire face au terrorisme international qu’ils vont générer. C’est sur ce danger méconnu ou mal estimé que nous devons engager le débat dans notre pays sur la politique de sécurité.

« L’Amérique agit en adulte »

America acts the grown-up
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Max Boot est membre du Council on Foreign Relations. Il a publié The Savage Wars of Peace : Small Wars and the Rise of American Power.

[RESUME] Les fastes du sommet de l’OTAN à Prague ont masqué les doutes qui s’insinuent de chaque côté de l’Atlantique sur l’avenir de l’alliance. Pourtant, l’OTAN a toujours une utilité : sauver l’Europe de sa myopie stratégique et de sa stupidité morale.
L’Union Européenne a été incapable d’accueillir les anciens pays communistes, alors que l’OTAN l’a fait afin de consolider la démocratie dans ces pays et d’empêcher le bain de sang lors de l’éclatement de la Yougoslavie. De plus, l’Union Européenne refuse d’intégrer en son sein la Turquie, le plus modéré des États musulmans, faisant ainsi le jeu des extrémistes dans ce pays. En outre, elle a une longue tradition de soutien aux dictateurs des États voyous, tels Saddam Hussein et Mouhamar Kadhafi.
Les Européens ne se sentent pas menacés car ils ont l’habitude d’être protégés par les États-Unis et dépensent moins pour la sécurité collective que l’Amérique. Washington consent à ces dépenses car il cherche à promouvoir la paix et la démocratie dans cette région. Malheureusement, face à l’attitude américaine, les Européens ont le comportement d’un gamin de 16 ans face à ses parents

« Ce n’est pas un travail de mercenaires »

This Is Not the Job of Soldiers for Hire
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Jonathan D. Tepperman est rédacteur du magazine Foreign Affairs à New York.

[RESUME] Au début du mois, les troupes états-uniennes qui assuraient la protection d’Hamid Karzaï depuis l’été ont été remplacées par des mercenaires de la société DynCorp. Cette décision risque d’être fatale à la confiance internationale vis-à-vis de l’engagement américain à l’étranger. C’est la dernière chose dont nous avons besoin alors que nous essayons de rassembler une large coalition pour désarmer Saddam Hussein.
Depuis la fin de la Guerre froide, le recours à des groupes militaires privés s’est considérablement accru. Le mythe que ces groupes, sans lourdeurs bureaucratiques, sont plus efficaces pour certaines missions que les troupes conventionnelles fait désormais partie de la liturgie des Républicains à Washington. Pourtant, ces groupes ne sont pas moins chers, ni plus efficaces, que l’armée et ils sont très difficiles à contrôler.

[CONTEXTE] Donald Rumsfeld a été le seul responsable américain à donner une explication à ce changement d’effectifs dans la garde rapprochée d’Hamid Karzaï : les troupes américaines doivent partir pour l’Irak. Vu le faible nombre de soldats que cette garde représente, on peut plutôt penser que la privatisation des troupes en Afghanistan est surtout un moyen d’échapper au contrôle du Congrès.

« Des centrales nucléaires non essentielles »

Nonessential Nukes
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Edwin S. Lyman est président du Nuclear Control Institute. Paul L. Leventhal est président d’honneur et fondateur de cet institut et co-rédacteur de Nuclear Power and the Spread of Nuclear Weapons.

[RESUME] On assiste au niveau mondial à une prolifération des armes nucléaires. Cette situation est la conséquence directe des opportunités gâchées par les États-Unis et les autres puissances nucléaires pour stopper la production commerciale et l’utilisation de matériaux nucléaires explosifs.
En effet, bien que ces matériaux aient d’abord un but énergétique, ils peuvent servir à produire des armes. Pourtant l’utilisation d’uranium non enrichi, inutilisable pour l’armement, existe pour la production énergétique. Il est même possible de transformer l’uranium enrichi de têtes nucléaires en matériaux énergétiques ne permettant plus d’être utilisés pour en refaire des armes, comme cela a été réalisé par les États-Unis avec 500 tonnes de surplus russe.
Toutefois, ces possibilités sont bloquées par l’industrie nucléaire et par le manque de prise de conscience du problème par les citoyens moyens. Les États-Unis et la Russie auraient la possibilité de promouvoir ces produits qui ne peuvent être transformés en armes, mais leur bureaucratie conserve une dévotion au plutonium et rechigne à utiliser ou à favoriser les solutions alternatives.

« Soutenir le Bahrain »

Bahrain to uphold
The Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] S. Rob Sobhani est professeur à la Georgetown University et président de Caspian Energy Consulting. D’origine Iranienne, sa famille a émigré en 1979 aux États-Unis, il a été candidat républicain aux élections sénatoriales de 2000 dans le Maryland (le site de soutien à sa candidature).

[RESUME] Depuis le 11 septembre 2001, le Bahrain a emboîté le pas des États-Unis dans la guerre au terrorisme en donnant des informations sur les membres d’Al Qaïda dans le Golfe et en aidant le département du Trésor à retrouver les soutiens financiers du terrorisme. De même, quand les États-Unis se sont engagés à combattre Saddam Hussein, le Bahrain a été à nouveau à ses côtés.
Ce pays abrite la force navale états-unienne dans le Golfe et soutient les initiatives de démocratisation du Golfe par Washington sous l’impulsion de son courageux monarque, Hamad bin Isa Al-Khalifa. C’est pour toutes ces raisons qu’il doit être soutenu par les États-Unis. Il peut devenir un modèle pour le monde arabe, et tout spécialement pour l’Arabie Saoudite À cette fin, un certain nombre de mesure doivent être prises :
 Le président Bush doit demander au Congrès d’accorder une aide de 400 millions de dollars afin que le monarque puisse continuer ses réformes et donner un message clair aux pays du Golfe : les États-Unis aident ceux qui les soutiennent.
 Washington doit envoyer un message clair à l’Iran afin que ce pays ne tente pas d’ingérence dans les affaires intérieures du Bahrain.
 Il faut inciter le Qatar à développer ses liens économiques avec l’île.
 Il faut encourager des entreprises comme British Petroleum à délocaliser certains de leurs centres d’expérimentation des énergies nouvelles dans ce pays.
La meilleure chance pour Washington de gagner la guerre au terrorisme et d’encourager les sociétés ouvertes et démocratiques dans le monde arabe, comme le Bahrain.

« Tchétchénie : qu’on nous explique ! »

Tchétchénie : qu’on nous explique !
Le Monde (France)

[AUTEURS] Ce texte a été signé par 130 personnalités de tous horizons, parmi lesquelles : Giorgio Agamben, Marianne Alphant, Agnès B., Etienne Balibar, Yézékiel Ben-Ari, Ginevra Bompiani, Pierre Boulez, Marcel Bozonnet, Christine Burgos, Hélène Cixous, Vincenzo Consolo, Sophie Delizée, Jacques Derrida, Pascal Dusapin, Gérard Fabbiani, Carlo Ginzburg, Jean-Luc Godard, Romain Goupil, Claude Lanzmann, Jean-Paul Manganaro, André Markowicz, Ariane Mnouchkine, Mathilde Monnier, Toni Negri, Bernard Outtier, Elisabeth Perceval, Olivier Py, Elias Sanbar, Bernard Sobel, Antonio Tabucchi, Emmanuel Wallon.

[RESUME] Il existe un processus d’élimination de la population tchétchène et nous voulons savoir pourquoi, au nom du "pragmatisme", les dirigeants européens n’abordent pas cette question dans leurs relations avec la Russie, légitimant par la même occasion la politique violente menée par le Kremlin. L’OTAN veut créer une coalition contre le terrorisme qui soit la plus large possible mais reste muette face à la terreur d’État qui l’attise et amalgame lutte anti-coloniale et terrorisme, gouvernement légitime et faction islamiste, partisans et kamikazes.
Nous croyons en l’avenir démocratique de la Russie. Nous pensons qu’une maison commune doit se créer entre ce pays et l’Union Européenne, mais nous voulons savoir pourquoi les pays européens ne condamnent pas la politique de Poutine, qui éloigne sa population de cette direction. Pour des questions économiques ou diplomatiques, les dirigeants de l’UE ne poussent pas le Kremlin à reprendre les pourparlers avec le gouvernement d’Aslan Maskhadov.
En attendant les réponses à nos interrogations, nous demandons que les représentants tchétchènes, dirigés par M. Zakaev, puissent se rendre en Europe pour présenter la situation dans leur pays et leurs propositions de paix devant l’opinion publique, la presse et les élus.