Une disponibilité insuffisante des équipements affecte inéluctablement la capacité des armées à accomplir les missions qui leur sont confiées.

En ce qui concerne l’activité générale de l’armée de terre, cette dernière semble désormais à la limite de ses aptitudes opérationnelles pour remplir le contrat fixé lors de la professionnalisation. Si elle possède les moyens de répondre à une demande d’intervention du niveau des engagements actuels dans les Balkans, qui représentent une à deux brigades interarmes renforcées, un déploiement majeur de 50 000 hommes, décidé dans le cadre d’une action alliée, ne pourrait être accompli instantanément avec les matériels actuels sans une phase de montée en puissance permettant de remettre les équipements à niveau.

La disponibilité des personnels spécialisés dans l’entretien des équipements a elle aussi une incidence directe sur la capacité de mise sur pied d’une force projetée. La multiplication des opérations extérieures sous mandat de l’Organisation des Nations unies (ONU), avec des alliés de l’OTAN ou dans un cadre purement national, mobilise quelque 80 000 soldats chaque année (7), ainsi que leurs matériels majeurs. Le cumul de ces forces en opérations extérieures avec les forces de souveraineté stationnées dans les départements et territoires d’outre mer (DOM-TOM) hypothèque donc la mise à disposition des matériels et des effectifs nécessaires au montage d’une opération de grande envergure dans la durée.

L’armée de l’air se trouve face à une situation dans laquelle les difficultés et les aléas techniques risquent de provoquer une déficience capacitaire partielle et temporaire, qui se traduirait par une diminution de la capacité à durer dans un conflit. Pour l’heure, les missions ont toujours été remplies, même lorsque la situation était difficile, comme lors du déploiement en Asie centrale pour assister les Américains dans leurs opérations anti-terroristes ces derniers mois. La capacité d’adaptation et la volonté des personnels ont permis de répondre aux demandes ponctuelles, quitte à obérer le futur en pratiquant une " cannibalisation " des appareils : à titre d’exemple, le déploiement à Manas de 6 Mirage 2000-D et l’entretien du flux logistique ont effectivement nécessité de nombreux prélèvements de pièces dans les forces et en entrepôts pour constituer un lot de rechanges et un volant de 10 réacteurs, rendant ainsi indisponibles 6 Mirage 2000-D stationnés en métropole. De tels efforts ne sont assurément pas reconductibles indéfiniment.

La marine a elle aussi fait montre de sa capacité à mobiliser une escadre importante en cas de crise majeure ; toutefois, si l’opération Héraclès a été un succès, la priorité donnée au maintien en condition opérationnelle des bâtiments engagés dans l’Océan indien (Task Force 473) l’a été au détriment du reste de la flotte. A titre d’illustration, l’entretien programmé des autres bâtiments accuse sur les douze derniers mois des retards cumulés de 850 jours à Brest et de 800 jours à Toulon.

Les armées se trouvent donc sur le fil d’une rupture capacitaire : si les équipements peuvent être mobilisés en cas de crise et être pleinement opérationnels, c’est d’une part au détriment de la disponibilité des autres matériels et d’autre part pour des opérations d’une durée relativement réduite et d’une ampleur limitée. Une telle situation n’est pas satisfaisante au regard du rôle de nation-cadre que la France entend assumer en matière de défense, notamment dans la perspective de crises de longue durée.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr